Vous avez sans doute vu défiler des annonces du Black Friday vous invitant à acheter des produits de toute sorte. Si vous vous êtes résolu à acheter une (nouvelle) smart TV, le FBI voudrait que vous sachiez un certain nombre de choses.
Les smart TV ressemblent aux téléviseurs ordinaires, mais disposent de la possibilité de se connecter à Internet. Plusieurs vont se tourner vers la télévision connectée pour avoir accès à des services de streaming comme Netflix, Hulu, Amazon Prime Video et d’autres. Mais, comme tout ce qui se connecte à Internet, les vulnérabilités des smart TV sont donc ouvertes aux hackers. De plus, de nombreuses smart TV sont équipées d'une caméra et d'un microphone. Pourtant, comme pour la plupart des autres appareils connectés à Internet, les fabricants ne mettent souvent pas la sécurité en priorité.
C’est l'un des points sur lesquels le bureau du FBI à Portland a publié un avertissement sur son site Web.
« Un certain nombre de téléviseurs récents ont également des caméras intégrées. Dans certains cas, les caméras sont utilisées pour la reconnaissance faciale afin que le téléviseur sache qui est en train de regarder les programmes pour adapter le contenu et réaliser des propositions. Certains de ses appareils permettent également de réaliser des appels vidéo.
« Outre le risque que votre fabricant de télévision et les développeurs d'applications vous écoutent et vous regardent, la télévision peut également être une passerelle pour que les pirates pénètrent dans votre maison. Un cyberacteur malveillant peut ne pas être en mesure d'accéder directement à votre ordinateur verrouillé, mais il est possible que votre téléviseur non sécurisé lui permette d'accéder facilement à la porte dérobée via votre routeur.
« Les pirates peuvent également prendre le contrôle de votre téléviseur non sécurisé. Au bas du spectre des risques, ils peuvent changer de chaîne, jouer avec le volume et montrer à vos enfants des vidéos inappropriées. Dans le pire des cas, ils peuvent allumer la caméra et le microphone de votre téléviseur et vous espionner ».
Les attaques actives et les exploits contre les téléviseurs connectés sont rares, mais pas inconnus. Étant donné que chaque téléviseur intelligent connecté est livré avec le logiciel de son fabricant et est à la merci de son programme de correctifs de sécurité irrégulier et souvent peu fiable, certains appareils sont plus vulnérables que d’autres. Plus tôt cette année, des hackers ont montré qu’il était possible de détourner la Google Chromecast et de diffuser des vidéos au hasard à des milliers de victimes.
En fait, certains des plus grands exploits ciblant les télévisions connectées de ces dernières années ont été développés par la CIA, mais ont été volés. Les fichiers ont ensuite été publiés en ligne par WikiLeaks.
Cependant, même si l’avertissement du FBI répond à de véritables craintes, l’un des problèmes les plus importants qui devraient en susciter autant, sinon davantage, est le nombre de données de suivi collectées sur les propriétaires de téléviseurs intelligents.
Le Washington Post, plus tôt cette année, a constaté que certains des fabricants de téléviseurs intelligents les plus populaires, y compris Samsung et LG, collectent des tonnes d'informations sur ce que les utilisateurs regardent afin d'aider les annonceurs à mieux cibler leurs publicités et à suggérer des contenus à suivre, par exemple. Le problème de la retransmission télévisée est devenu si problématique il y a quelques années que le fabricant de téléviseurs intelligents Vizio a dû payer une amende de 2,2 millions de dollars après avoir été surpris en train de collecter secrètement les données de visionnage. Plus tôt cette année, un recours collectif séparé lié à la poursuite de Vizio a été autorisé malgré la demande de l'entreprise.
Les téléviseurs et la technologie occupent une place importante dans nos vies et ne sont pas près de disparaître. Aussi, le FBI a fait une série de recommandations pour vous aider à mieux protéger votre famille :
Sachez exactement quelles sont les fonctionnalités de votre téléviseur et comment les contrôler. Effectuez une recherche Internet de base avec votre numéro de modèle et les mots « microphone », « caméra » et « confidentialité ».
Ne dépendez pas des paramètres de sécurité par défaut. Modifiez les mots de passe si vous le pouvez. Sachez, si possible, désactiver les microphones, les appareils photo et la collecte des informations personnelles. Si vous ne pouvez pas les désactiver, déterminez si vous êtes prêt à prendre le risque d’acheter ce modèle ou d’utiliser ce service.
Si vous ne pouvez pas éteindre une caméra, mais souhaitez le faire, un simple morceau de ruban noir sur l’œil de la caméra est une option de retour aux sources.
Vérifiez la capacité du fabricant à mettre à jour votre appareil avec des correctifs de sécurité. Peuvent-ils le faire ? L'ont-ils fait dans le passé ?
Vérifiez la politique de confidentialité du fabricant de téléviseurs et les services de streaming que vous utilisez. Confirmez quelles données ils collectent, comment ils les stockent et ce qu’ils en font.
Source : FBI
The FBI says owners of IoT (Internet of Things) devices should isolate this equipment on a separate WiFi network, different from the one they're using for their primary devices, such as laptops, desktops, or smartphones.
"Your fridge and your laptop should not be on the same network," the FBI's Portland office said in a weekly tech advice column. "Keep your most private, sensitive data on a separate system from your other IoT devices," it added.
The same advice -- to keep devices on a separate WiFi network or LAN -- has been shared in the past by multiple IT and security experts [1, 2, 3, 4].
The reasoning behind it is simple. By keeping all the IoT equipment on a separate network, any compromise of a "smart" device will not grant an attacker a direct route to a user's primary devices -- where most of their data is stored. Jumping across the two networks would require considerable effort from the attacker.
However, placing primary devices and IoT devices on separate networks might not sound that easy for non-technical users. The simplest way is to use two routers.
The smarter way is to use "micro-segmentation," a feature found in the firmware of most WiFi routers, which allows router admins to create virtual networks (VLANs). VLANs will behave as different networks; even they effectively run on the same router. A good tutorial on how you can create VLANs on your routers is available here.
While isolating IoT devices on their own network is the best course of action for both home users and companies alike, this wasn't the FBI's only advice on dealing with IoT devices. See below:
Change the device's factory settings from the default password. A simple Internet search should tell you how—and if you can't find the information, consider moving on to another product.
Passwords should be as long as possible and unique for IoT devices.
Many connected devices are supported by mobile apps on your phone. These apps could be running in the background and using default permissions that you never realized you approved. Know what kind of personal information those apps are collecting and say "no" to privilege requests that don't make sense.
Make sure all your devices are updated regularly. If automatic updates are available for software, hardware, and operating systems, turn them on.
Last week, the same FBI branch office in Portland also gave out similarly good advice on dealing with smart TVs by recommending that device owners put a piece of black tape over their smart TV's camera lens.
The FBI claimed that hackers who take over one of today's fully-featured smart television sets would be able to spy on device owners through the built-in cameras.
While this is prudent advice, it is worth mentioning that there have not been any known cases of this happening -- with hackers taking over a smart TV and spying on its owner.
La virgule est une imposteuse de la pire espèce, une intrigante et une capricieuse, une comploteuse et une usurpatrice qui se plaît à embrouiller l'esprit des auteurs.
J’ai beau être l’écrivain le plus doué de ma génération, le blogueur le plus accompli de la place de Paris, une éminence intellectuelle à l’aura incomparable dont les œuvres complètes sont disséquées dans les plus prestigieuses universités de la planète, une sorte de phare au génie intemporel courtisé par les grands de ce monde, quand arrive l’heure de ponctuer mes écrits, au moment où il me faut décider où je dois apposer une virgule parmi le savant embrouillamini de mes phrases, je suis aussi embarrassé qu’un «gilet jaune» interrogé sur la nature exacte de ses revendications.
Je n’ai aucun respect pour la virgule et elle me le rend bien. Parfois je peux aligner une phrase longue comme un discours de Fidel Castro sans jamais avoir recours à ses services, ivre de ma propre prose au point de la laisser prospérer, libre de toute ponctuation. Et d’autres fois, subissant leur charme insidieux, je les distribue à tout-va avec une générosité telle que quiconque me lirait penserait être confronté à un auteur frappé de dyslexie, atteint d’un hoquet incurable.
Je ne ponctue pas, je bégaye des virgules que je dispose au gré de mon humeur, sans aucun respect pour leurs règles d’usage, règles probablement apprises un jour mais aussitôt oubliées, reléguées dans le caniveau de mon esprit, règles si complexes à appliquer que lorsque pris de remords, j’essaye de comprendre leur fonctionnement par l’étude d’un quelconque livre de grammaire, j’abandonne au bout de deux paragraphes, sourd à ces explications dont je ne comprends ni le sens, ni la portée.
Pour moi, une virgule se met quand elle se met, là où mon intuition me dit de la fixer, au milieu d’un attroupement d’adjectifs, au détour d’un adverbe, dans l’anarchie de verbes qui se répondent et s’entrecroisent. Est-ce donc de ma faute si mon intuition, neuf fois sur dix, me trompe et m’abuse, m’obligeant à clore le premier mouvement d’une phrase là où je devrais la laisser respirer et vagabonder toute à son aise tandis qu’elle me condamne à un laxisme coupable au moment où, tout au contraire, je devrais marquer les adjectifs à la culotte et sanctionner un malheureux verbe d’un coup de faux ferme et résolu?
La virgule est une imposteuse de la pire espèce, une intrigante et une capricieuse, une comploteuse et une usurpatrice, une bébé star venue au monde juste pour compliquer à outrance la vie d’un honnête auteur comme moi, obligé de passer des heures à lire à haute voix sa propre prose afin de déterminer l’endroit exact où apposer sa seigneurie, elle qui quand elle se retrouve là où elle ne devrait pas être, se met à brailler si fort que n’importe quel lecteur la remarque et appelle aussitôt le standard de l’Académie française pour me dénoncer.
La virgule est une grand-mère grincheuse qui met son grain de sel là où on ne lui a rien demandé. Quand on l’oublie, elle crie au sacrilège, à l’abandon, au déclassement, et lorsqu’on la sollicite de trop, elle se vexe, se renfrogne et se plaint d’être mal logée. «Sortez-moi de là, bourreau de virgule», s’exclame-t-elle si d’aventure on en abuse de trop, quand pour une raison quelconque, un oubli ou un étourdissement passager, l’envie nous prend de corseter de près un paragraphe particulier. Mais si jamais à ce même paragraphe on donne congé en la laissant vivre sa vie à sa guise, voilà qu’au bout de deux minutes à peine, elle vient frapper au carreau de la grammaire ainsi malmenée et vitupère: «Et moi alors, je compte pour du beurre peut-être?».
Savez-vous que toutes les fois où je donne à ma bien-aimée –professeure de français dans la vie civile, tortionnaire sans scrupules dans le privé– une de mes chroniques à corriger, par sa faute –la faute de la virgule s’entend– je tremble de peur et manque de m’évanouir. Je vois son regard qui se fronce à la première virgule mal employée, et quand elle en rencontre une deuxième puis une troisième… bien vite une dixième, ses soupirs se font si lourds que je me renfonce dans l’épaisseur de mon canapé au point de vouloir disparaître tout à fait.
Peine perdue!
Arrive toujours un moment où ses soupirs deviennent des grommellements, ses grommellements des petits cris d’exaspération, avant d’exploser en un tonitruant: «Non mais dis-moi la vérité, tu as décidé de te foutre de ma gueule ce soir, c’est ça?! Ce n’est pas possible d’être à ce point nul en ponctuation. Tu prends des cours du soir pour t’emmêler autant avec les virgules? Tu sais qu’avec une grammaire pareille, tu pourrais facilement prétendre au poste de porte-parole des “gilets jaunes”?». La vache.
Penaud je file sans demander, mon reste et ma, chronique, pourtant, superbe, demeure vierge de toute correction au point où quand je l’envoie au secrétaire de rédaction lequel n’a pas son pareil pour traquer les fautes de ponctuation surtout quand elles n’existent que dans son imaginaire détraqué à l’image de son aversion pour les erreurs de syntaxe sans oublier les lourdeurs de style il n’y comprend goûte et me, convoque, derechef, pour, me passer un, savon, un drôle de, savon.
Oui un drôle, de savon!
Bérengère Viennot — 5 décembre 2019 à 8h06
[TRIBUNE] Cessez de faire la guerre à la langue, elle ne vous a rien fait.
Attachez vos ceintures, sortez les flingues, affûtez les couteaux: je vais vous parler d'écriture inclusive. Si vous êtes déjà sur le qui-vive rien qu'à l'idée, c'est que vous êtes membre (comme moi) du Landerneau intellectuel qui se déchire sur le point médian et autres accords de proximité et féminisation de noms de métiers.
À Slate, les consignes sont claires: après un essai de double flexion (les traducteurs et les traductrices...) et un consensus toujours d'actualité sur l'accord de proximité (...sont de plus en plus mécontentes...), le point médian a fait une entrée fracassante et non négociable (...de la décision du rédacteur en chef, prise après consultation des éditrices et au grand dam d'un certain nombre de pigistes agacé·es).
À mon sens, la féminisation des noms de métiers ne fait pas partie de l'écriture inclusive. En effet, dans «écriture», il y a (roulement de tambour) «écrit», or la féminisation des noms de métiers dans la langue française est un phénomène avant tout oral. C'est d'ailleurs bien pour cela qu'elle gagne du terrain, et à raison.
Cette évolution de la langue est le reflet d'une évolution sociétale; de plus en plus de métiers autrefois (presque) exclusivement masculins se sont ouverts aux femmes, et on assiste à une normalisation de l'égalité des fonctions dans le monde professionnel. C'est une nouveauté dont la langue se fait l'interprète: d'abord un phénomène se produit, puis naît un vocabulaire qui le désigne.
Il existe de plus en plus de femmes cheffes d'orchestre, magistrates ou, euh, entraîneuses... Quoi de plus logique que la langue suive le mouvement? Et on n'a pas eu besoin d'attendre l'autorisation de l'Académie française dont, il faut bien l'admettre, la plupart des gens se tamponnent le coquillard dans leurs communications verbales quotidiennes. Cette transformation, n'en déplaise aux immortels, est d'abord passée par l'oral, comme tout ce qui touche l'évolution de la langue.
Rappelons qu'avant l'invention de l'imprimerie (et même un bon moment après), la langue écrite (et ses éventuelles règles) était réservée à une minorité (principalement religieuse) et qu'elle concernait à peine la grande majorité de ceux qui la parlaient.
Les règles de grammaire et de syntaxe françaises sont un phénomène extrêmement récent, ce qui rend d'autant plus amusants les individus qui s'y accrochent comme des moules à leur bouchot pour justifier d'un éventuel retour à d'anciennes lois sages et forcément meilleures (c'était mieux avant).
L'être humain a environ quatre millions d'années. Les premières grammaires imprimées remontent au XVIe siècle de notre ère, soit un tantinet plus tardivement. Entre les deux, un bon paquet d'Homo sapiens (ou erectus, ou neanderthalensis, ou autres) ont dû joyeusement écorner les participes passés sans que ça les empêche de dormir ou de chasser le mammouth.
L'accord de proximité fait l'objet de moult débats entre linguistes de toutes chapelles quant à son usage en ancien français et français moderne et quant à sa potentielle légitimité dans le français d'aujourd'hui en fonction de son histoire réelle ou supposée –débats qui concernent les linguistes historiens et que je ne suis pas qualifiée pour trancher.
L'accord de proximité est à mi-chemin entre la féminisation des noms de métiers, avant tout orale, et le point médian, exclusivement écrit: il est réalisable dans le discours (mon père et ma mère sont mortes et enterrées; vous me mettrez un maquereau et une limande, bien grosses!), mais force est de constater que son usage n'est pas encore bien courant dans la vie de tous les jours.
Qu'il soit enraciné ou non dans l'histoire, l'accord de proximité présente le grand avantage d'être assez facilement escamotable quand on ne veut pas le pratiquer, puisqu'il suffit d'inverser les termes pour clore le débat sans trop dénaturer le propos.
Mais le point médian. Aaaah, le point médian.
Signe typographique uniquement réservé à l'écrit (mais si, regardez: lisez à voix haute «les rapports dont les infirmierères sont les auteurices ont été déclamés par des acteurices» devant d'autres francophones et filmez leurs réactions), le point médian est censé rétablir l'égalité entre les hommes et les femmes dans un monde lexical intoxiqué par la domination masculine.
Ce raisonnement, qui confond genre grammatical et sexe, implique que comme les êtres humains, les mots ont un sexe et que celui-ci est un reflet de la domination sociale exercée par les hommes sur les femmes dans notre société: il s'agit d'une anthropomorphisation de la syntaxe.
«Les mots tuent, c'est vrai, au même titre que les armes: s'il n'y a pas un être humain pour appuyer sur la détente, ils ne servent à rien et n'ont aucun effet.»
Les mots ont un sens, une force, un pouvoir: celui de détruire ou de déshumaniser, de créer, de rendre heureux ou malheureux, mais jamais hors de tout contexte. Les mots qui détruisent, que ce soit les insultes d'un mari maltraitant, d'un parent indigne ou d'un gardien de prison sadique, les mots qui construisent, que ce soit les mots d'amour d'une mère, d'un amant, d'une sœur ou les encouragements d'un professeur qui marqueront à vie, les mots qui jugent, dans un tribunal ou pendant le dîner familial à Noël, tous ces mots n'ont que la valeur qu'on leur donne.
Les mots tuent, c'est vrai, au même titre que les armes: s'il n'y a pas un être humain pour appuyer sur la détente, ils ne servent à rien et n'ont aucun effet.
Quant à l'écriture, comme l'explique Yuval Noah Harari dans Sapiens, il s'agit d'«une méthode de stockage de l'information à travers des signes matériels», c'est-à-dire que ce n'est que le moyen de représenter une réalité, un instrument au service du réel.
On m'opposera que certains mots sont sexistes («pute»), racistes («nègre»), homophobes («pédale»). Mais quand c'est un groupe féministe qui l'utilise (Ni putes, ni soumises), un Noir qui le revendique (Nègre je suis, nègre je resterai), un homosexuel qui se l'approprie (Pédale!), alors il en va tout autrement. De mots proscrits, ils deviennent des revendications acceptables, des appropriations positives qui visent à corriger un déséquilibre social en défaveur d'une minorité opprimée.
Parce qu'en réalité, ce ne sont pas les mots qui sont sexistes (ou racistes, ou homophobes), ce sont ceux qui les disent et les contextualisent. Les mots sont des outils et rien d'autre: avec des mots comme avec un marteau, on peut enfoncer un clou et construire quelque chose ou bien détruire quelqu'un en lui défonçant le crâne. Qui, dans ce dernier cas, aurait l'idée saugrenue d'accabler le marteau?
À l'image de l'artisan qui bichonne ses outils de travail, je suis une amoureuse fanatique des mots. J'ai mes préférés, parce qu'ils sont pratiques, qu'ils sonnent bien ou qu'ils m'aident à façonner des textes que je trouve beaux ou bien tournés. Il y en a que je n'aime pas du tout, souvent de façon très subjective, parce que je les trouve laids, mal fichus ou pas pratiques du tout, ou bien parce qu'ils déboulent dans une phrase comme un cheveu sur la soupe.
Mais je ne les accuse de rien: chaque fois que je les utilise, c'est moi qui parle, pas eux. Je m'en sers, je les manipule, je les tords parfois dans tous les sens; ce sont mes jouets, ma glaise, ma chose.
Si je décide d'écrire une phrase raciste ou diffamatoire ou révisionniste ou que sais-je encore, c'est moi qui devrai en assumer les conséquences, pas les auteurs du Grand Robert. Si j'écris une phrase très moche ou mal construite, il m'en sera fait le reproche à moi, pas aux outils dont je me serai servie. Je m'attache à ne jamais confondre le message avec le messager…
Les mots ne sont pas sexistes, ils sont vides tant qu'on ne les remplit pas de sens, et le recours au point médian ne va pas modifier la réalité de ceux qui le prônent et l'utilisent.
Le but du point médian est d'englober une certaine réalité dans un mot, mais si cette réalité existe déjà, il n'est pas besoin de tordre le mot et de défigurer un texte pour la rendre. Comme disait je ne sais qui (Guitry? Le pape?), «quand je dis les hommes, j'embrasse toutes les femmes». Blague à part, dans une société (on l'espère) de moins en moins sexiste, les mots et les structures qui existent déjà désignent la réalité telle qu'elle est.
Pour un Français en 1960, le mot «couple», c'était un homme et une femme, point final. En 2019, le mot couple désigne «deux personnes; un homme et une femme ou deux hommes ou deux femmes qui s'aiment» et personne n'a besoin de le préciser, parce que la part d'implicite est évidente pour tout le monde. La signification a évolué avec la société sans qu'on ait eu besoin de changer le vocabulaire.
De même, si autrefois «les dirigeants du monde occidental» ne faisait référence qu'à des hommes, la même proposition désigne aujourd'hui un groupe composé d'hommes et de femmes, et ce n'est pas nier cette réalité que de ne pas l'expliciter grammaticalement.
L'usage et le débat autour du point médian, phénomène élitiste s'il en est, concernent principalement ceux qui entretiennent un rapport quotidien à l'écrit en tant qu'outil professionnel: profs, journalistes, traducteurs, sociologues et autres intellectuels. Les infirmières, les réparateurs de bicyclette, les charcutières, les masseurs ayurvédiques et les plumassières (je vous avais dit que j'affectionnais certains mots plus que d'autres) peuvent s'y intéresser sans pour autant se sentir concernés dans leur vie quotidienne et sans en faire un cheval de bataille.
Vouloir l'imposer sous prétexte de changer la réalité est un geste politique réservé à un cercle assez fermé qui, s'il me fait parfois sourire malgré mon agacement, car il crée des textes tellement illisibles qu'il en décrédibilise souvent ses auteurs, déclenche souvent un léger frisson d'angoisse.
«Mettre la langue sur le banc des accusés et non les personnes qui agissent de façon discriminatoire, c'est se tromper de combat.»
Comme on l'a vu, c'est la réalité qui influence la langue, pas l'inverse. La normalisation du français par des instances supérieures, qu'elles soient formelles (l'Académie française) ou autoproclamées (les partisans du point médian), ça ne fonctionne pas. Ces instances ne peuvent qu'entériner les changements, pas les imposer, et c'est heureux.
Les seules occurrences où les règles sont mises au point de manière théorique pour être ensuite imposées dans l'usage, au forceps et de manière non organique, c'est dans le cadre (excusez-moi du peu) de régimes autoritaires ou qui ont des velléités de le devenir.
La novlangue de 1984 en est la parfaite illustration et elle a l'avantage d'être notoire, mais ce n'est pas qu'une fiction. Transformer les mots pour transformer la réalité est une démarche dangereuse, une entreprise qui à ma connaissance n'a jamais été sans arrière-pensée politique radicale. Réformer la langue pour transformer la réalité, c'est créer une réalité sémantique alternative virtuelle en souhaitant qu'elle se concrétise. Aïe.
Mais si c'est pour la bonne cause?, m'oppose-t-on. Certes, vouloir plus d'égalité entre les sexes est une bonne cause pour tout un tas de gens, mais d'une part, on n'est jamais sûr de rester du côté du manche quand on impose sa volonté sur une base doctrinaire, le retour de bâton peut être particulièrement violent, et d'autre part, il ne faut pas oublier que tout débat autour de la forme a tendance à éclipser le fond.
Lutter contre les discriminations est une bonne cause; mettre la langue sur le banc des accusés comme si c'était elle la coupable et non les personnes qui agissent de façon discriminatoire, c'est se tromper de combat.
Enfin, le dernier argument que j'opposerai à ce point médian qui m'agace tant (et, comble d'ironie, que l'on me reproche si souvent d'utiliser dans mes articles pour Slate alors qu'il est ajouté après coup à mon corps défendant), c'est celui qui m'est le plus cher, et le plus douloureux, celui que j'oppose à ma rédaction (je crie dans le désert mais il me reste du souffle): c'est une mutilation.
Tous les textes que j'écris et que je traduis –articles, livres, mails, SMS et sommations de vider le lave-vaisselle– sont composés avec un amour des mots que je ne trahis jamais.
Mon style n'est évidemment pas du goût de tout le monde, normal, mais je jure que jamais je n'écris au petit bonheur la chance. Tout est calibré, en fonction du moment, du lecteur, de l'âge de la capitaine, de l'équilibre des phrases, de la vitesse du vent, de la rythmique générale, de la musicalité de l'ensemble. Tantôt j'y mets des mots obscurs, tantôt j'y mets des mots abscons.
Et c'est toujours une œuvre d'art à mon humble niveau d'amatrice, toujours un hommage que je rends à ma langue que j'aime avec passion et qui me procure depuis l'enfance un plaisir infini. «Une bonne phrase de prose doit être comme un bon vers, inchangeable, aussi rythmée, aussi sonore», disait Flaubert.
Un point médian, un seul, et c'est toute la phrase qui se casse la figure. Des doublons en veux-tu en voilà, et c'est tout un paragraphe qui morfle. Le tout mélangé, et le texte perd son âme. C'est une forme de censure de l'esprit, d'atteinte à l'intégrité de l'esthétique de la pensée. En gros: c'est moche. Et ça, c'est tellement dur à avaler.
Oui... à condition de protéger certaines données personnelles, a répondu le ministère de la Culture à la question écrite du sénateur Jean-Louis Masson (NI, Moselle). Décryptage de la réponse de la Rue de Valois.
Le parlementaire de Moselle Jean-Louis Masson s’interroge sur les conséquences de cette passion française pour la généalogie, plusieurs associations de généalogistes amateurs proposant aux communes « de numériser leurs documents d’état civil afin de permettre l’accès du plus grand nombre à ces documents ». Cette numérisation est-elle conforme au droit ? Le ministère de la Culture souligne tout d’abord que les actes de naissance et de mariage sont communicables à tous au terme de 75 ans. Quant aux actes de décès, ils le sont immédiatement, sauf si l’accès est -limité par le procureur de la République. « Les documents librement communicables peuvent être consultés par les généalogistes amateurs dans les institutions qui les conservent : mairies, greffes ou services départementaux d’archives, ajoute la Rue de Valois. La communication s’opère, au choix du demandeur, par consultation gratuite sur place ou par délivrance d’une copie.
Et rien ne s’oppose à ce que l’usager « reproduise lui-même les documents avec son propre matériel. Ces opérations de reproduction ne doivent cependant pas être autorisées si elles présentent un risque pour la conservation des registres originaux », précise le ministère, et « la reproduction doit se faire […] en prenant le plus grand soin des documents ».
La réutilisation des informations publiques obtenues est libre et gratuite. « Néanmoins, lorsque les documents reproduits comportent des données à caractère personnel, c’est-à-dire relatives à des personnes vivantes, leur traitement par les usagers et les associations généalogiques est soumis au réglement européen » de protection des données. Ainsi, « la plus grande vigilance s’impose s’agissant du traitement des actes d’état civil de personnes potentiellement vivantes, prévient le ministère. La Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) a interdit toute mise en ligne, par des opérateurs de généalogie, de fichiers-images et d’indexations nominatives d’actes de moins de 120 ans ou relatifs à des personnes nées depuis moins de 120 ans. »
Références
Réponse à Jean-Louis Masson, n° 7946, JO Sénat du 18 avril 2019
Accablé par les canicules d’un été marqué par des records de chaleur (encore !), je me suis dit que la civilisation humaine allait lentement mais surement disparaitre . Le chef suprême des Nations unies n’en pense pas moins.
« No Future », me suis-je dit en me rappelant la maxime des anarcho-punks des années 1970 et 1980. Nous avions donc raison, me suis-je aussi dit, même si la planète sera finalement détruite par la surconsommation et la surproduction industrielle, et non par un hiver nucléaire.
Ce ne sera pas la première fois que les anarchistes auront eu raison avant (presque) tout le monde. Quiconque s’intéresse sérieusement à leur histoire découvre qu’au XIXe siècle, des anarchistes se mobilisaient contre le service militaire et la peine de mort, contre le travail des enfants et les punitions corporelles dans les écoles, contre la barbarie des corridas, mais aussi pour le végétarisme, pour des bibliothèques publiques et l’école mixte et gratuite pour tout le monde, pour une journée de travail salarié limitée à 8 heures, pour le droit des femmes à disposer de leur corps. L’anarchiste Emma Goldman a connu la prison pour avoir diffusé de l’information au sujet de la contraception, un geste illégal à l’époque.
Bien des États libéraux et républicains ont adopté plusieurs de ces principes, un siècle après avoir emprisonné, exilé et même assassiné tant d’anarchistes qui les défendaient.
Des anarchistes défendaient et pratiquaient « l’amour libre », soit la libre association amoureuse et sexuelle en tout temps résiliable. Cela paraissait scandaleux et pathologique pour les libéraux et les républicains d’alors. Aux États-Unis, l’anarchiste Moses Harman a été condamné aux travaux forcés pour obscénité et immoralité, après avoir dénoncé le viol conjugal, dans son journal Lucifer, The Light-Bearer (Lucifer, Le Porteur de Lumière) alors que la loi imposait le « devoir conjugal ». Notons qu’au Canada, ce n’est qu’en 1983 que la loi condamne un viol dans le cadre d’un mariage, et en 1990 en France. Des anarchistes dénonçaient la criminalisation de la prostitution, mais aussi la pathologisation et la criminalisation de l’homosexualité, considérée alors à la fois comme une maladie et un crime par les libéraux et les républicains.
Évidemment, l’ensemble des anarchistes ne défendaient pas toutes ces causes, qui étaient aussi défendues par quelques personnes qui n’étaient pas anarchistes. Mais bien des libéraux et des républicains modérés considéraient alors l’anarchisme comme une doctrine irrationnelle et immorale, et même contraire à la nature humaine, justement parce que des anarchistes défendaient ces causes. Or la plupart d’entre elles n’apparaissent plus aujourd’hui si scandaleuses. En fait, bien des États libéraux et républicains ont adopté plusieurs de ces principes, un siècle après avoir emprisonné, exilé et même assassiné tant d’anarchistes qui les défendaient.
Des anarchistes proposaient déjà ce qui est maintenant repris par les institutions officielles, entre autres la reconnaissance que nous vivons sur des terres autochtones volées et non cédées, la mise à disposition de toilettes non genrées, ou encore le dumpster diving.
Il est plus difficile de savoir quelles idées ou pratiques des anarchistes d’aujourd’hui seront adoptées dans 50 ou 100 ans par les libéraux et les républicains. Si la civilisation humaine existe encore, évidemment. Au tout début des années 2000, cela dit, des anarchistes proposaient déjà ce qui est maintenant repris par les institutions officielles, entre autres la reconnaissance que nous vivons sur des terres autochtones volées et non cédées, la mise à disposition de toilettes non genrées (qu’on retrouve maintenant dans des universités et des cégeps), ou encore le déchétarisme, la récupération de nourriture encore comestible mais pourtant jetée dans les poubelles (dumpster diving). Les anarchistes étaient contre la criminalisation du cannabis bien avant que le Parti libéral du Canada décide de sa légalisation dans le cadre d’un monopole d’État. Les anarchistes d’aujourd’hui sont aussi pour un logement pour toutes et tous, pour l’abolition des prisons et des frontières, pour la fin du capitalisme...
Ici encore ces idées et ces pratiques sont aussi portées par quelques individus qui ne sont pas anarchistes, et l’ensemble des anarchistes ne les ont pas en partage. Mais elles sont cohérentes avec la philosophie anarchiste, soit de proposer l’autonomie individuelle et collective, ce qui signifie des organisations politiques et sociales libertaires, égalitaires, solidaires et sécuritaires, et donc sans chef et sans hiérarchie.
Des anarchistes ont aussi entendu et pris au sérieux, dès les années 1950 et 1960, les scientifiques qui annonçaient que la surproduction industrielle allait détruire la planète. Ainsi pouvait-on lire dans le journal Anarchy, ces propos de l’anarchiste Murray Bookchin :
Mais l’histoire n’offre aucun précédent comparable, en ampleur et en gravité, aux ravages causés par l’homme — ni aux revanches prises par la nature — depuis le début de la Révolution industrielle […]. Comme l’impérialisme, c’est à l’échelle du globe que s’étend aujourd’hui la destruction de l’environnement. […] Le parasitisme de l’être humain moderne ne se limite pas à perturber l’atmosphère, le climat, les ressources hydriques, le sol et la faune d’une région ; il corrompt pratiquement tous les cycles fondamentaux de la nature et menace la stabilité de l’environnement à l’échelle planétaire .
Il écrivait cela en 1965. Soit 6 ans avant la naissance de Justin Trudeau et 12 ans avant celle d’Emmanuel Macron.
Il précisait aussi que « la quantité de dioxyde de carbone que dégage chaque année l’utilisation des combustibles fossiles (pétrole et charbon) » et qu'elle « va donner naissance à des perturbations atmosphériques de plus en plus dangereuses et risque, à terme, de provoquer la fonte des calottes glaciaires des pôles et la submersion de vastes étendues de terre ».
En 1965… Il n’y a aucune satisfaction à déclarer « On vous l’avait dit! », puisqu’il importe peu d’avoir eu raison avant tout le monde, si le monde va disparaitre.
Il n’en reste pas moins que la civilisation humaine aurait plus de chance de survivre s’il y avait plus de punks et moins d’actionnaires de grandes compagnies, s’il y avait plus d’anarchistes et moins de propriétaires de voitures, s’il y avait plus de squats et moins d’aéroports… Mais peut-être que cette civilisation ne mérite que de s’effondrer, comme le pensent d’ailleurs bien des punks!
Vous connaissez Wikipédia, mais certains articles étonnants sont probablement passés sous vos radars. Numerama vous invite à explorer des pans méconnus de l'encyclopédie en ligne.
C’est à la mi-2018 que la version française de Wikipédia a franchi le cap des 2 millions d’articles, avec Xcacau Corona, une formation géologique sur la planète Vénus. Depuis, l’encyclopédie en ligne a accueilli près de 160 000 nouvelles entrées, selon le compteur visible sur la page d’accueil du site. C’est considérable : d’ailleurs, même en lisant un article par heure, il faudrait environ 250 ans pour venir à bout de tout de tous les sujets proposés… en supposant que ce nombre reste figé.
Le 2 novembre 2019, une mer bleue et blanche prenait possession de George Square, la grande place de l'hôtel de ville, à Glasgow. Ce jour-là, un rassemblement organisé par The National, le seul quotidien écossais ouvertement en faveur de l'indépendance de l'Écosse, a attiré près de 20.000 personnes, brandissant des drapeaux écossais, mais pas seulement: il y avait aussi des drapeaux de l'Union européenne et de pays membres, des drapeaux kurdes, des drapeaux anglais… Autant de gens d'origines diverses, qui se retrouvent dans l'idée que l'Écosse doit avoir un nouveau référendum sur l'indépendance, et vite.
Pour ces militant·es et sympathisant·es, il s'agit de prendre la sortie de secours que représente une Écosse indépendante, pour quitter un Royaume-Uni qui risque de se renfermer sur lui-même et qui voit, avec le Brexit, une explosion des valeurs excluantes. Dans leur esprit, ce n'est pas leur indépendantisme qui menace le Royaume-Uni: c'est le Royaume-Uni –et surtout l'Angleterre– qui a changé de visage et qui pousse l'Écosse vers la sortie.
Un groupe de manifestant·es anti-indépendance, en plus petit nombre, a également répondu à l'appel. Pour répliquer à leurs Union Jacks et aux mégaphones qui livrent Rule Britannia, un chant nationaliste britannique, des membres du groupe English-Scots for Yes, qui rassemble les Écossais d'origine anglaise et militant en faveur de l'indépendance, entonnent Flower of Scotland, l'hymne écossais, notamment chanté au rugby.
Ce face-à-face symbolise l'état du débat sur le futur de l'Écosse: peut-on combattre un nationalisme avec un autre nationalisme? Tous les pro-Brexit et anti-indépendance ne sont pas des nationalistes anglais·es, certes. Mais il est clair que le Brexit est made in England. L'Angleterre représente 84% de la population britannique et a voté à plus de 53% pour quitter l'UE, tandis que 62% des Écossais·es (soit 8% de la population) ont voté contre.
En Écosse, le nationalisme a toutefois un tout autre visage, malgré les déclarations de leaders unionistes comme Jo Swinson, la cheffe du parti libéral-démocrate, elle-même écossaise: il s'agit du nationalisme civique, porté notamment par le Scottish national party (SNP), au pouvoir en Écosse depuis maintenant douze ans. Pour s'en convaincre, rien de tel qu'un tour sur le Twitter indépendantiste, qui se précipite toujours pour souhaiter la bienvenue aux «nouveaux Écossais» et les remercier d'avoir choisi leur pays pour y faire leur vie.
Le Brexit donne au SNP une opportunité parfaite de se présenter, avec son discours pro-européen et ouvertement pro-immigration, comme le seul barrage crédible face à un Brexit orchestré par le parti conservateur à base de nouvelles barrières entre le Royaume-Uni et le reste du continent européen, de nouvelles contraintes pour les citoyen·nes européen·nes qui ont choisi d'y vivre, et de l'idée que l'immigration est avant tout un problème qu'il faut résoudre en la réduisant le plus possible.
Le concept est résumé par la première ministre écossaise Nicola Sturgeon, dans son discours à l'occasion de l'ouverture de la nouvelle session du Parlement écossais en 2016, à quelques jours seulement du référendum sur le Brexit: «Nous sommes les petits-enfants et arrière-petits-enfants des milliers d'Irlandais venus travailler dans nos chantiers navals et nos usines. Nous sommes les 80.000 Polonais, 8.000 Lituaniens, 7.000 Français, Espagnols et Allemands, et ceux venus de tant d'autres de pays plus lointains, que nous sommes si privilégiés d'avoir parmi nous. Nous sommes plus d'un demi-million de personnes nées en Angleterre, au Pays de Galles et en Irlande du Nord, qui ont choisi de vivre en Écosse. Nous sommes les milliers d'Européens qui étudient dans nos universités. Nous sommes les médecins et les infirmiers du monde entier qui travaillent pour notre santé. Que nous soyons d'ici depuis des générations ou que nous soyons de nouveaux Écossais d'Europe, d'Inde, du Pakistan, d'Afrique ou d'ailleurs, nous sommes tout cela et plus encore.»
Si vous avez choisi de venir vivre ici, alors vous êtes autant écossais que moi, qui suis née et ai grandi ici.
Jeane Freeman, ministre écossaise de la Santé
Est écossais qui vit en Écosse: c'est la raison pour laquelle au SNP, on considère que la population d'Écosse doit pouvoir déterminer le futur du pays. D'ailleurs, le livre blanc pour l'indépendance, qui en 2013 détaillait pas à pas ce à quoi devrait ressembler une Écosse indépendante, commence par ces mots: «Nous, le peuple d'Écosse, qui vivons ici.» Et cela ne changera pas lors du prochain référendum, selon la ministre écossaise de la Santé Jeane Freeman, venue assister au rassemblement de Glasgow. «Si vous avez choisi de venir vivre ici, alors vous êtes autant un citoyen écossais que moi, qui suis née et ai grandi ici. Vous avez le droit de vous occuper ce qui se passe en Écosse. Restez, votez, et aidez-nous à obtenir l'indépendance.»
Si ce deuxième référendum a lieu (l'Écosse doit, en principe, attendre le feu vert de Londres pour qu'il soit légal), les ressortissant·es européen·nes auront, comme en 2014, le droit d'y participer, au même titre que les Britanniques qui habitent en Écosse. C'est le cas pour toutes les élections concernant uniquement cette nation de 5 millions d'habitant·es, celles relatives aux municipalités et au Parlement écossais.
Le Parlement écossais, à Édimbourg, est même en train de débattre d'un projet de loi pour donner le droit de vote à toutes les personnes légalement résidentes en Écosse, peu importe leur nationalité. À Westminster, en Angleterre, les opinions sont diamétralement opposées: en juin 2015, l'immense majorité des député·es britanniques avaient refusé d'étendre le droit de vote pour le référendum sur l'appartenance à l'UE aux ressortissant·es européen·nes, en estimant que leurs intérêts divergeraient nécessairement de ceux des Britanniques. Les 56 député·es SNP de l'époque avaient unanimement voté pour.
Cela veut-il dire que la population écossaise est significativement plus ouverte que celle d'Angleterre? Pas tout à fait, selon les autrices et l'auteur de No problem here: understanding racism in Scotland, qui mettent en garde contre ce que les critiques décrivent comme un prétendu exceptionnalisme écossais. En Écosse aussi, une personne non-blanche aura moins de chances de décrocher un travail qu'une personne blanche, et le racisme anti-Irlandais a encore la peau dure.
Selon les chiffres officiels, 1.744 offenses à caractère raciste ont été répertoriées sur la période 2017-2018, contre plus de 4.500 il y a dix ans. À titre de comparaison, en Angleterre, on est passé de 40.000 entre 2009 et 2010 à plus de 103.000 entre 2018 et 2019. Même ramenés à la population de chacune des deux nations (sachant que l'Écosse compte globalement dix fois moins d'habitant·es que l'Angleterre), ces chiffres montrent près de six fois plus d'injures à caractère raciste par habitant·e en Angleterre qu'en Écosse. Et alors que l'Écosse a vu ses chiffres divisés par trois, ceux de l'Angleterre ont plus que doublé.
Est-ce grâce à un discours politique plus apaisé côté écossais? Selon l'universitaire Maureen McBride, co-autrice de No problem here, «il y a beaucoup d'éléments positifs dans la manière dont le gouvernement écossais actuel parle d'immigration. La rhétorique est ici plus accueillante envers les migrants, mais je pense que l'Écosse a, comme ailleurs, des problématiques profondément enracinées qu'elle ne traite pas correctement. Ce n'est pas que nous ne sommes pas une nation progressiste, c'est plutôt que c'est un discours un peu simpliste».
Les arguments en faveur de l'immigration sont solides, puissants et indéniables.
Jackson Carlaw, leader intérimaire du parti conservateur écossais
Les discours du Parlement écossais sur l'immigration, moins électrisés que ceux au Parlement britannique, ne sont pas uniquement du fait du SNP. Même dans les rangs du parti conservateur écossais, l'ouverture à l'immigration fait consensus. Jackson Carlaw, l'actuel leader intérimaire du parti, a ainsi déclaré: «L'idée selon laquelle l'immigration est au cœur des pressions sur nos services publics et notre vie publique est un fantasme, qui plus est malveillant et illusoire. Je veux être très clair, je le dis personnellement et au nom de tous les conservateurs écossais: l'immigration, d'où qu'elle vienne, est nécessaire et désirable. Les arguments en faveur de l'immigration sont solides, puissants et indéniables.» Qui aurait pu s'attendre, à l'heure du populisme triomphant, à entendre cela de la bouche du leader écossais du parti de Boris Johnson?
L'avantage principal de ce discours est qu'il est favorablement accueilli par celles et ceux qui sont directement concerné·es: les immigré·es, en particulier européen·nes. D'après une étude de l'Université Robert Gordon d'Aberdeen, les ressortissant·es européen·nes en Écosse souffrent d'une anxiété liée au Brexit et son lot de frustrations, d'un sentiment d'exclusion et d'incertitude.
Toutefois, la rhétorique de l'ouverture les a rassuré·es et séduit·es, selon Piotr Teodorowski, qui a contribué à l'étude. «Comme toutes les régions d'Écosse ont voté “Remain”, il y a ce sentiment que les Européens et les Écossais sont dans le même bateau. De plus, l'identité écossaise est perçue comme étant plus tolérante: ceux qui ont connu l'Angleterre post-Brexit, avec l'augmentation des crimes à motifs racistes, avant de venir en Écosse, disent se sentir plus à l'aise ici pour parler leur langue maternelle en public, par exemple.»
Si l'identité écossaise a pu se définir de cette manière, c'est aussi parce que contrairement à l'Angleterre, de loin la plus grande nation du Royaume-Uni, l'Écosse dispose d'un endroit pour en débattre depuis maintenant vingt ans: le Parlement écossais, à Édimbourg. En plus d'avoir agi de manière décisive dans des domaines divers comme la santé, l'agriculture, les droits LGBT+ ou l'éducation, il a permis une expression de l'Écosse de manière institutionnelle.
Le travailliste Donald Dewar, le tout premier Premier ministre de l'Écosse subitement décédé en 2000, avait dit, lors de l'ouverture du Parlement écossais en juillet 1999: «Il s'agit de plus que notre politique et nos lois. Il s'agit de notre identité et de comment nous nous comportons.» Au contraire, en Angleterre, il n'y a pas de Parlement concernant la nation, ni de parti grand public, comme le SNP ou Plaid Cymru au Pays de Galles, pour défendre l'anglicité –une notion aujourd'hui souvent liée à l'extrême droite, même si certain·es à gauche essaient de se la réapproprier.
Le nationalisme écossais, qui continue de dominer la politique écossaise même après douze ans au pouvoir, pourrait-il avoir pour effet inattendu de forcer l'Angleterre à se définir? L'identité anglaise n'est plus, dans l'imaginaire collectif, vraiment distincte de l'identité britannique. Alors que les régions anglaises les plus défavorisées réclament que leur voix soit elle aussi entendue, le Royaume-Uni tel qu'on le connait aujourd'hui pourrait changer de forme dans les prochaines années.
L’Association Interhop.org est une initiative de professionnels de santé spécialisés dans l’usage et la gestion des données de santé, ainsi que la recherche en machine learning dans de multiples domaines médicaux. Aujourd’hui, en leur donnant la parole sur ce blog, nous publions à la fois une alerte et une présentation de leur initiative.
En effet, promouvant un usage éthique, solidaire et intelligent des données de santé, Interhop s’interroge au sujet du récent projet Health Data Hub annoncé par le gouvernement français pour le 1er décembre prochain. Devons-nous sacrifier le bon usage des données de santé sur l’autel de la « valorisation » et sous l’œil bienveillant de Microsoft ? Tout comme dans l’Éducation Nationale des milliers d’enseignants tentent chaque jour de ne pas laisser le cerveaux de nos enfants en proie au logiciels fermés et addictifs, il nous appartient à tous de ne pas laisser nos données de santé à la merci de la recherche de la rentabilité au mépris de l’éthique et de la science.
Hold-up sur les données de santé, patients et soignants unissons-nous Par Interhop.org
La plateforme nationale des données de santé ou Health Data Hub, pour les plus américains d’entre nous, doit voir le jour d’ici la fin de l’année. Il s’agit d’un projet qui, selon le Ministère de la Santé, vise à « favoriser l’utilisation et de multiplier les possibilités d’exploitation des données de santé » en créant notamment « une plateforme technologique de mise à disposition des données de santé ».
Or, à la lecture du rapport d’étude qui en détermine les contours, le projet n’est pas sans rappeler de mauvais souvenirs. Vous rappelez-vous, par exemple, du contexte conduisant à la création de la CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés) en 1978 en France ? L’affaire a éclaté en mars 1974, dans les pages du journal Le Monde. Il s’agissait de la tentative plus ou moins contrecarrée du projet SAFARI (Système Automatisé pour les Fichiers Administratifs et le Répertoire des Individus) visant à créer une banque de données de tous les citoyens français en interconnectant les bases de plusieurs institutions grâce à un numéro unique d’identification du citoyen : le numéro de Sécurité Sociale.
Ce scandale n’était pourtant pas inédit, et il ne fut pas le dernier… À travers l’histoire, toutes les tentatives montrent que la centralisation des données correspond à la fois à un besoin de gouvernement et de rentabilité tout en entamant toujours un peu plus le respect de nos vies privées et la liberté. L’histoire de la CNIL est jalonnée d’exemples. Quant aux motifs, ils relèvent toujours d’une très mauvaise habitude, celle de (faire) croire que la centralisation d’un maximum d’informations permet de les valoriser au mieux, par la « magie » de l’informatique, et donc d’être source de « progrès » grâce aux « entreprises innovantes ».
Concernant le « Health Data Hub », il s’agit d’un point d’accès unique à l’ensemble du Système National des Données de Santé (SNDS) issu de la solidarité nationale (cabinets de médecins généralistes, pharmacies, hôpitaux, Dossier Médical Partagé, registres divers et variés…). L’évènement semble si important qu’il a même été annoncé par le Président Macron en mars 2018. Par ailleurs, il est important de pointer que le SNDS avait été épinglé pour l´obsolescence de son système de chiffrement en 2017 par la CNIL.
De plus, l’infrastructure technique du Health Data Hub est dépendante de Microsoft Azure. Et ce point à lui seul soulève de grandes problématiques d’ordre éthique et réglementaire.
Alors que le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) protège les citoyens européens d’un envoi de leurs données en dehors du territoire européen, la loi Américaine (Cloud Act) permet de contraindre tout fournisseur de service américain à transférer aux autorités les données qu’il héberge, que celles-ci soient stockées aux États-Unis ou à l’étranger.
Entre les deux textes, lequel aura le dernier mot ?
Les citoyens et patients français sont donc soumis à un risque fort de rupture du secret professionnel. La symbolique est vertigineuse puisque l’on parle d’un reniement du millénaire serment d’Hippocrate.
Le risque sanitaire d’une telle démarche est énorme. Les patients acceptent de se faire soigner dans les hôpitaux français et ils ont confiance dans ce système. La perte de confiance est difficilement réparable et risque d’être désastreuse en terme de santé publique.
C’est sous couvert de l’expertise et du « progrès » que le pouvoir choisit le Health Data Hub, solution centralisatrice, alors même que des solutions fédérées peuvent d’ores et déjà mutualiser les données de santé des citoyens Français et permettre des recherches de pointe. Bien que les hôpitaux français et leurs chercheurs œuvrent dans les règles de l’art depuis des années, il apparaît subitement que les données de santé ne sauraient être mieux valorisées que sous l’égide d’un système central, rassemblant un maximum de données, surveillant les flux et dont la gestion ne saurait être mieux maîtrisée qu’avec l’aide d’un géant de l’informatique : Microsoft.
Il est à noter que d’une part, il n’a jamais été démontré que le développement d’un bon algorithme (méthode générale pour résoudre un type de problèmes) nécessite une grande quantité de données, et que d’autre part, on attend toujours les essais cliniques qui démontreraient les bénéfices d’une application sur la santé des patients.
Pour aller plus loin, le réseau d’éducation populaire Framasoft, créé en 2001 et consacré principalement au développement de logiciels libres, veut montrer qu’il est possible d’impacter le monde en faisant et en décentralisant. C’est cette voie qu’il faut suivre.
La loi pour une République numérique fournit un cadre légal parfait pour initier des collaborations et du partage. La diffusion libre du savoir s’inscrit totalement dans la mission de service publique des hôpitaux telle qu’imaginée il y a des décennies par le Conseil National de la Résistance, puis par Ambroise Croizat lors de la création de la Sécurité Sociale.
On ne s’étonne pas que le site Médiapart ait alerté le 22 novembre dernier sur les conditions de l’exploitation des données de santé. Il est rappelé à juste titre que si la CNIL s’inquiète ouvertement à ce sujet, c’est surtout quant à la finalité de l’exploitation des données. Or, la récente Loi Santé a fait disparaître le motif d’intérêt scientifique pour ne garder que celui de l’intérêt général…
Quant à la confidentialité des données, confier cette responsabilité à une entreprise américaine semble être une grande erreur tant la ré-identification d’une personne sur la base du recoupement de données médicales anonymisées est en réalité plutôt simple, comme le montre un article récent dans Nature.
Ainsi, aujourd’hui en France se développe toute une stratégie visant à valoriser les données publiques de santé, en permettant à des entreprises (non seulement des start-up du secteur médical, mais aussi des assureurs, par exemple) d’y avoir accès, dans la droite ligne d’une idéologie de la privatisation des communs. En plus, dans le cas de Microsoft, il s’agit de les héberger, et de conditionner les technologies employées. Quant aux promesses scientifiques, elles disparaissent derrière des boîtes noires d’algorithmes plus ou moins fiables ou, disons plutôt, derrière les discours qui sous le « noble » prétexte de guérir le cancer, cherchent en fait à lever des fonds.
Le monde médical et hospitalier est loin de plier entièrement sous le poids des injonctions.
Depuis plusieurs années, les hôpitaux s’organisent avec la création d’Entrepôts de Données de Santé (EDS). Ceux-ci visent à collecter l’ensemble des données des dossiers des patients pour promouvoir une recherche éthique en santé. Par exemple, le projet eHop a réussi à fédérer plusieurs hôpitaux de la Région Grand Ouest (Angers, Brest, Nantes, Poitiers, Rennes, Tours). Le partage en réseau au sein des hôpitaux est au cœur de ce projet.
Par aller plus loin dans le partage, les professionnels dans les hôpitaux français reprennent l’initiative de Framasoft et l’appliquent au domaine de la santé. Ils ont donc créé Interhop.org, association loi 1901 pour promouvoir l’interopérabilité et « le libre » en santé.
L’interopérabilité des systèmes informatisés est le moteur du partage des connaissances et des compétences ainsi que le moyen de lutter contre l’emprisonnement technologique. En santé, l’interopérabilité est gage de la reproductibilité de la recherche, du partage et de la comparaison des pratiques pour une recherche performante et transparente.
L’interopérabilité est effective grâce aux standards ouverts d’échange définis pour la santé (OMOP et FHIR)
Comme dans le cas des logiciels libres, la décentralisation est non seulement une alternative mais aussi un gage d’efficacité dans le machine learning (ou « apprentissage automatique »), l’objectif visé étant de rendre la machine ou l’ordinateur capable d’apporter des solutions à des problèmes compliqués, par le traitement d’une quantité astronomique d’informations.
La décentralisation associée à l’apprentissage fédéré permet de promouvoir la recherche en santé en préservant, d’une part la confidentialité des données, d’autre part la sécurité de leur stockage. Cette technique permet de faire voyager les algorithmes dans chaque centre partenaire sans mobiliser les données. La décentralisation maintient localement les compétences (ingénieurs, soignants) nécessaires à la qualification des données de santé.
La solidarité, le partage et l’entraide entre les différents acteurs d’Interhop.org sont les valeurs centrales de l’association. Au même titre qu’Internet est un bien commun, le savoir en informatique médical doit être disponible et accessible à tous. Interhop.org veut promouvoir la dimension éthique particulière que reflète l’ouverture de l’innovation dans le domaine médical et veut prendre des mesures actives pour empêcher la privatisation de la médecine.
Les membres d’Interhop.org s’engagent à partager librement plateforme technique d’analyse big data, algorithmes et logiciels produits par les membres. Les standards ouverts d’échange sont les moyens exclusifs par lesquels ils travaillent et exposent leurs travaux dans le milieu de la santé. Les centres hospitaliers au sein d’Interhop.org décident de se coordonner pour faciliter et agir en synergie.
L’interconnexion entre le soin et la recherche est de plus en plus forte. Les technologies développées au sein des hôpitaux sont facilement disponibles pour le patient.
L’Association Interhop.org veut prévenir les risques de vassalisation aux géants du numériques en facilitant la recherche pour une santé toujours améliorée. L’expertise des centres hospitaliers sur leurs données, dans la compréhension des modèles et de l’utilisation des nouvelles technologies au chevet des patients, est très importante. Le tissu d’enseignants-chercheurs est majeur. Ainsi en promouvant le Libre, les membres d’Interhop.org s’engagent pour une santé innovante, locale, à faible coût et protectrice de l’intérêt général.
Les données de santé sont tout à la fois le bien accessible et propre à chaque patient et le patrimoine inaliénable et transparent de la collectivité. Il est important de garder la main sur les technologies employées. Cela passe par des solutions qui privilégient l’interopérabilité et le logiciel libre mais aussi le contrôle des contenus par les patients.
Chaque année, le quatrième jeudi de novembre, les États-Unis célèbrent l'histoire réécrite par les vainqueurs.
Je suis arrivé aux États-Unis en 2006.
Julien Suaudeau — 28 novembre 2019 à 7h20
Longtemps, peu au fait des traditions locales, j'ai pris Thanksgiving pour une fête comme les autres –une injonction un peu niaise à exprimer sa gratitude envers les bienfaits que la vie nous adresse avec plus ou moins de générosité.
«What are you thankful for?», demande la formule consacrée.
«Ma famille», répond invariablement le chœur américain.
Avec mon mauvais esprit, ma hantise de la volaille gonflée aux hormones et mes préventions d'immigré athée, je me racontais que Thanksgiving était l'occasion inventée par un peuple superstitieux pour remercier haut et fort je ne sais quelle puissance supérieure au moment où, l'année tirant à sa fin, la puissance en question s'apprête à faire le tri de nos bonnes et mauvaises actions.
En bon Français, jamais content, j'estimais que j'avais été plutôt lésé dans la répartition et inventais toutes sortes d'excuses pour m'exempter de ce festival de bons sentiments.
En vain: il y a toujours, aux États-Unis, une âme compatissante pour vous inviter à partager la dinde familiale quand on apprend que vous n'avez rien de prévu ce jour-là. Seul à Thanksgiving, c'est le dernier degré sur l'échelle américaine de la désocialisation: «Ça doit être si triste d'être loin des siens quand tout le monde est réuni en famille.»
Étaler sa reconnaissance entre la grand-mère du Massachusetts et le cousin de l'Arkansas, ça ne coûte pas plus cher et ça ne peut pas faire de mal. Sauf à l'environnement (l'empreinte carbone de ce chassé-croisé à l'échelle d'un continent est monumentale) et à l'estomac: cette dinde farcie, aux dimensions et au poids faramineux, est de loin la chose la plus indigeste qu'il m'ait été donné de manger de part et d'autre de l'Atlantique.
Si on y ajoute la sauce aux canneberges, la tarte à la citrouille et les litres de bière qu'il convient de s'enfiler devant la parade de Macy's et le match de NFL spécialement programmés à la télé en ce jeudi de tous les dangers, l'immersion culturelle en apnée devient une longue séance de torture à la fois physique et mentale: on ne sait pas si on va mourir d'ennui ou d'occlusion intestinale.
Avec mon œil d'ethnologue à qui on ne la fait pas, j'avoue qu'il m'est arrivé de me dire dans ces moments de détresse que Thanksgiving est une coquille vide de contenu spirituel, un simple prologue à la frénésie consumériste qui s'abat sur le pays quand sonnent les douze coups de minuit, signal de Black Friday.
Coincée entre Halloween et les fêtes de fin d'année, Thanksgiving s'inscrivait pour moi dans la litanie des festivités en toc, mi-religieuses, mi-patriotiques, 100% mercantiles, qui rythment l'année américaine: Saint-Valentin, Saint-Patrick, Pâques, Memorial Weekend, Independence Day, Labor Day.
Je vivais alors dans une petite ville du New Jersey, dans la banlieue de Philadelphie. Intrigué, voire médusé par l'énergie qui s'emparait du patelin à un mois de la date fatidique, je regardais mes voisins installer et défaire leurs décorations saisonnières. La précision d'horloger et le sérieux qu'ils mettaient dans les préparatifs suscitaient en moi un mélange pas très noble d'ironie, d'envie et de honte de ma propre passivité.
Cette distance inaliénable [...] est aussi un bon poste d'observation sur l'un des mythes fondateurs des États-Unis.
L'Amérique suburbaine a horreur du vide: son année est une succession de séquences, scandées à haut débit par le pilonnage publicitaire. À peine remisé le barbecue estival, on se met à penser aux sorcières et aux squelettes qu'on accrochera à la gouttière du porche à la mi-octobre. Le 1er novembre, loups-garous et zombies tout juste remontés au grenier, il est temps de déplier les guirlandes électriques destinées à illuminer les happy holidays.
Pour montrer aux yeux de tous que nous étions des immigrés de bonne volonté, et non des agents dormants du communautarisme français, ma femme et moi déposions trois pauvres citrouilles et une malheureuse courge sur nos marches. Nous accrochions une couronne de fleurs orange à notre porte, en répétant à voix basse le mantra pascalien: «Mets-toi à genoux et tu croiras».
Aujourd'hui, je dois me rendre à l'évidence. La grâce ne m'a jamais touché: mon aversion pour Thanksgiving, aussi profonde que celle que m'inspirent le Superbowl, les sports bars et les salles de gym ouvertes à 4 heures du matin, est intacte.
Treize ans, une carte verte et la citoyenneté américaine pour en arriver à ce constat d'échec: Thanksgiving, c'est le jour où je me rappelle que je suis français, éternel étranger à la vie américaine, spectateur de ses rites.
Je sais que ce sentiment d'extériorité ne me quittera jamais.
Mais cette distance inaliénable, si elle complique le quotidien et hypothèque le bonheur à long terme, est aussi un bon poste d'observation sur l'un des mythes fondateurs des États-Unis.
La fable est connue. Les pèlerins débarquent à Plymouth. Ils rendent grâce à Dieu pour sa bonté, qui leur permet de survivre dans cette contrée hostile avec l'aide des Indiens du coin, les Wampanoag. Ces derniers, après avoir enseigné la culture du maïs aux nouveaux arrivants, se joignent à eux un jour de novembre 1621, dans le cadre d'un festin appelé à devenir un modèle de solidarité interculturelle.
Malgré de récentes initiatives pédagogiques dans le sens d'une plus grande exactitude historique, ce scénario mensonger est celui que les enfants américains apprennent et reconstituent chaque année à l'école dans les jours qui précèdent la brève coupure automnale.
Ma fille devait avoir 4 ou 5 ans lorsque j'ai assisté à son premier Thanksgiving Feast: d'un côté, les pèlerins en chapeau blanc, accessoire ridicule que j'associerai jusque sur mon lit de mort à la coiffe bretonne de Bécassine; de l'autre, les Indiens en plumes et en costumes tout droit sortis de Pocahontas, version Disney.
Et que faisaient ces enfants déguisés? Ils ânonnaient This land is your land, la chanson de Woody Guthrie devenue un hymne populaire. Comme l'écrit Philip Deloria dans The New Yorker, le refrain («This land is your land, this land is my land») repose sur une rhétorique faussement inclusive, qui nécessite en réalité l'effacement historique des peuples indigènes, dans la mesure où ils ne sauraient être ni «toi» ni «moi».
Si les Amérindiens, poursuit Deloria, ont une existence constitutionnelle (notamment dans le quatorzième amendement, où il est question de leur statut non imposable, «Indians not taxed») ce n'est que pour exister en dehors de la constitution des États-Unis: les tribus indigènes constituent des entités politiques distinctes du peuple américain, des nations souveraines qui n'ont pas de poids véritable dans le système politique national.
«Native American», par conséquent, ne saurait être une définition raciale; il s'agit d'une identité politique, et Deloria a raison de rappeler que l'insistance de l'administration Trump à enfermer les peuples indigènes dans leur ethnicité traduit une volonté profonde de détricoter les traités qui gouvernent depuis le XIXe siècle les relations entre l'État fédéral et les nations amérindiennes.
Thanksgiving, de ce point de vue, est un angle mort majuscule, une machine à transmettre et inoculer le négationnisme dès le plus jeune âge. Les festivités à l'école, la dinde, le chocolat chaud devant les vieux films qu'on regarde en famille, la version Friendsgiving pour ceux qui habitent loin de leurs bases, tout cela nimbe le fait de la colonisation des Amériques et du génocide amérindien d'une aura nostalgique, liée au paradis perdu de l'enfance, dans les vapeurs de laquelle le simulacre se substitue à l'histoire.
Dans This Land is Their Land: The Wampanoag Indians, Plymouth Colony, and the Troubled History of Thanksgiving, l'historien David Silverman renverse les perspectives. Il propose une généalogie critique de Thanksgiving, questionnant les tenants et les aboutissants de l'alliance entre le sachem Ousamequin et le gouverneur John Carver, jusqu'à sa dissolution sanglante, en 1675, dans la guerre du roi Philip.
Si le livre de Silverman est si convaincant, c'est d'abord parce qu'il envisage l'histoire du point de vue des vaincus: dans la mythologie américaine, et plus généralement dans l'inconscient occidental, les peuples indigènes n'existaient pas avant leur rencontre avec les colons européens; les Amériques et la Caraïbe n'ont pas été colonisées, elles ont été découvertes, puis évangélisées et civilisées.
Ce travail de démystification et de réappropriation historiques s'inscrit, aux États-Unis, dans la révolution copernicienne que les sciences sociales connaissent depuis plusieurs années: le monde n'est plus envisagé uniquement à travers le regard vainqueur et privilégié de l'homme blanc.
Roxanne Dunbar-Ortiz, dans An Indigenous Peoples' History of the United States, met au jour le lien organique entre idéologie de la découverte, mythe de la destinée manifeste, prédation des terres indiennes, extermination et suprématie blanche. À l'histoire du point de vue colonisateur, il s'agit d'opposer la contre-histoire des colonisés.
S'appuyant sur le jugement de D.H. Lawrence, souvent cité de manière incomplète («The essential American soul is hard, isolate, stoic, and a killer. It has never yet melted»), l'historienne analyse la continuité historique entre l'impérialisme d'hier et l'impérialisme d'aujourd'hui sur la scène internationale, et sur la scène intérieure entre les violences passées et présentes contre les minorités (incarcération de masse, brutalités policières, racisme systémique).
C'est dans le langage que les rémanences de la mentalité colonisatrice sont les plus frappantes. Quand les États-Unis font la guerre sur un théâtre d'opérations en Irak ou en Afghanistan, rappelle Dunbar-Ortiz, la terminologie militaire pour désigner la zone située au-delà des lignes ennemies demeure «Injun territory» [«Injun» est une modification du mot «Indien» en référence aux Amérindiens, ndlr]. Et le nom de code choisi pour Oussama Ben Laden, pendant la préparation de l'opération des Navy SEALs qui allait se solder par sa mort? Geronimo.
Comment vivre ensemble, par-delà tout ce mauvais sang? Comment dire «nous» et parler d'une seule voix, consciente de l'histoire, libérée des mythologies ayant pour fonction de légitimer la version officielle? Indépendamment du problème juridique des réparations, nombreux sont les artistes indigènes à se poser ouvertement la question.
Le grand T.C. Cannon, peintre Kiowa mort à 31 ans en 1978, avait donné corps dans ses tableaux aux conflits intérieurs de l'identité amérindienne, entre tradition et modernité, sacré et profane, espaces urbains et espaces ruraux, être indigène et citoyenneté américaine. Ses tableaux figuratifs (son œuvre a aussi un versant abstrait), portraits frontaux où se fait sentir l'influence de Van Gogh, présentent le corps indigène dans l'espace américain; ils nous regardent en disant: «We are still here.»
Tommy Orange, dans son roman polyphonique There There (Ici n'est plus ici), se demande quant à lui ce qui reste des Amérindiens après le génocide, la colonisation de leurs terres, la destruction de leurs cultures, l'oubli de leurs langues et de leurs traditions. De quelle quantité de sang indigène faut-il justifier pour être considéré comme un vrai Indien?
En même temps qu'il souligne l'absurdité de la question, et l'impossibilité d'y répondre, l'auteur insiste sur la responsabilité qui nous incombe de ne plus ignorer l'histoire:
La blessure qui a été infligée quand les Blancs sont venus et ont tout pris n'a jamais guéri. Une plaie qu'on ne soigne pas s'infecte. Elle devient une nouvelle blessure comme l'histoire de ce qui est arrivé devient une autre histoire. Ces histoires que nous n'avons pas racontées pendant tout ce temps, que nous n'avons pas écoutées, voilà ce que nous devons guérir.
On ne saurait mieux dire l'urgence d'en finir avec l'innocence coupable et l'esprit d'aveuglement qui se cristallisent dans l'éternel retour de Thanksgiving.
Le ministère de l’Éducation nationale vient de lancer une plateforme qui permet de “retrouver” ses diplômes perdus. Explications.
Vous avez égaré un ou plusieurs de vos diplômes ? Pas de panique, le ministère de l’Éducation nationale vient de mettre en ligne une plateforme qui vous permet de récupérer plus rapidement qu’auparavant les attestations pour ces diplômes. Plus rapidement, car, pour le brevet et pour le baccalauréat, vous pouviez déjà retrouver vos diplômes perdus (ou volés) en faisant une demande d’attestation de réussite auprès de la division des examens et concours du rectorat d’académie où votre diplôme a été délivré. Cette attestation fait office de document officiel et donne les mêmes droits que l’original du diplôme.
Pour les diplômes de l’enseignement supérieur (BTS, licence, master, etc.), il fallait en faire la demande auprès de l’établissement qui les délivre (université, écoles, etc.) et qui vous fournit alors un duplicata du diplôme. Des démarches toutefois longues et compliquées. D’autant que, chaque année, ce sont “plus de 80.000 attestations de diplômes de l’Éducation nationale” qui sont demandées par des élèves ou des personnes ayant égaré leur(s) diplôme(s), rapporte le ministère.
Désormais, grâce à la plateforme diplome.gouv.fr, finis les tracas administratifs ! Vous pouvez obtenir, en quelques clics seulement, des attestations de réussite numériques pour les diplômes suivants : le diplôme national du brevet, le certificat d’aptitude professionnelle (CAP), le brevet d’études professionnelles (BEP), le baccalauréat et le brevet de technicien supérieur (BTS). A noter que seuls les diplômes délivrés depuis 2009 sont disponibles actuellement. La base sera enrichie au fur et à mesure avec d’autres diplômes délivrés dans l’enseignement supérieur (licence, master, etc.), mais aussi dans l’enseignement agricole.
Pour retrouver un diplôme que vous auriez perdu, il vous suffit de créer un compte sur la plateforme (ou bien de vous identifier avec FranceConnect). Pour l’inscription, il faut bien évidemment indiquer les mêmes nom et prénom que sur vos diplômes. Une fois inscrit, vous pourrez “ajouter un diplôme” à votre espace personnel en renseignant l’académie d’obtention, le type de diplôme ainsi que l’année d’obtention. La plateforme génère ensuite l’attestation de réussite pour chaque diplôme demandé, que vous pourrez télécharger, exporter par mail ou bien enregistrer dans un coffre-fort en ligne, via Digiposte.
Sur cette attestation de réussite figurent votre nom, votre date et votre lieu de naissance, le type de diplôme obtenu avec la mention, l’année d’obtention du diplôme, l’académie qui le délivre, mais aussi une “clé de contrôle”. Cette dernière permet à l’établissement (entreprise, université, école, etc.) qui vous demande de fournir un ou plusieurs diplôme(s) de vérifier, directement via le site diplome.gouv.fr, si ces documents existent bien. Il vous suffit donc de communiquer la clé de contrôle à l’établissement demandeur, en l’indiquant sur votre CV par exemple. Pour chaque diplôme vous est fournie une attestation de réussite, et donc une clé de contrôle, différente.
diplome.gouv.fr
Plusieurs organisations de presse dont l'AFP ont déposé plainte contre Google auprès de l'Autorité de la concurrence, qu'elles accusent de bafouer le "droit voisin", un nouveau mécanisme censé favoriser un meilleur partage des revenus du numérique.
L'Alliance de la presse d'information générale et le Syndicat des éditeurs de la presse magazine ont déposé plainte vendredi, suivis mardi par l'Agence France-Presse (AFP), ont indiqué mercredi 20 novembre les trois organisations.
Elles avaient annoncé leur volonté de déposer plainte dès fin octobre.
Au cœur de cette querelle: le "droit voisin", un droit similaire au droit d'auteur, créé au bénéfice des éditeurs de presse et agences de presse par une directive européenne votée en début d'année.
Il doit permettre aux éditeurs de journaux et aux agences de presse de négocier avec les géants du numérique - qui captent l'essentiel des recettes publicitaires en ligne - une rémunération, pour la réutilisation de leurs contenus sur la Toile. La France est le premier membre de l'UE à l'appliquer.
RELIRE. On vous explique le principe du "droit voisin" dont vont bénéficier les agences et éditeurs de presse
abus de position dominante?
Google, qui détient un quasi-monopole sur la recherche en ligne, a refusé d'emblée toute négociation et, pour se mettre en conformité avec la loi française, a imposé de nouvelles règles, applicables depuis mi-novembre.
Les sites d'infos doivent accepter que le moteur de recherche utilise gratuitement des extraits de leurs articles dans ses résultats. Sans quoi leurs informations sont bien moins visibles dans le moteur de recherche (un simple titre et un lien), avec pour conséquence quasi-inévitable de voir le trafic vers ces sites chuter.
Un "choix mortifère" entre "la peste et le choléra" selon les termes de Jean-Michel Baylet, patron de la Dépêche du Midi et président de l'Alliance.
Avec leurs plaintes, les organisations de médias, qui dénoncent un abus de position dominante, demandent des mesures conservatoires pour que la loi puisse s'appliquer. L'Autorité de la concurrence s'était déjà saisie elle-même de cette affaire.
Google rejette les arguments des éditeurs de presse. "Google aide les internautes à trouver des contenus d'actualité auprès de nombreuses sources et les résultats sont toujours basés sur la pertinence, non sur des accords commerciaux", a souligné un porte-parole du groupe fin octobre dans une déclaration à l'AFP.
Les organisations de presse ont reçu le soutien de près de 1.500 professionnels des médias, écrivains, éditeurs, réalisateurs, musiciens ou avocats européens, signataires d'une tribune où ils appellent l'UE à "muscler les textes pour que Google ne puisse plus les détourner".
Le président Macron avait également appuyé la presse début octobre en affirmant qu'une entreprise ne peut "pas s'affranchir" de la loi en France.
En 2005, l'AFP avait porté plainte aux Etats-Unis et en France contre Google pour violation des règles de protection du copyright, avant de trouver un accord.
L'été dernier, la secrétaire d'État Brune Poirson a présenté en Conseil des ministres, un projet de loi pour une économie circulaire. Un texte qui prône, entre autres, la réduction des déchets. Par l'amélioration des circuits de recyclage ou par la lutte contre le gaspillage. Mais aussi par la réparation. Et, du côté de la Communauté d'agglomération Var Estérel Méditerranée (Cavem), ce sont les artisans engagés dans l'initiative Répar'Acteur qui portent le concept.
Votre sac à main ne ferme plus ? Votre télé vient de rendre l'âme ? Votre jean est déchiré ? Plutôt que de jeter les objets usés, abimés, en panne ou cassés, pourquoi ne pas plutôt choisir de les faire réparer ? Car, dans une société de plus en plus soucieuse de son empreinte écologique et de ses valeurs sociétales, l'idée redevient à la mode. La réparation s'inscrit en effet pleinement dans le cadre de l'économie circulaire. Et c'est pourquoi la Communauté d'agglomération Var Estérel Méditerranée (Cavem) a choisi de s'engager dans l'initiative Répar'Acteur.
D'abord parce que réparer un objet contribue à prolonger sa durée de vie et limite ainsi la production de déchets souvent difficiles à gérer. Ensuite parce que réparer permet généralement d'économiser des matières premières et des ressources énergétiques. Enfin parce que réparer aide au maintien et au développement des emplois locaux. De quoi faire de la réparation l'une des cibles principales du programme national de prévention des déchets.
Sur le territoire de la Cavem, ils sont déjà quelques artisans à s'être engagés. Parmi eux, Christine Leroy Valentin, de l'Atelier du cuir L'arc-en-ciel (Fréjus - 83). « Je répare des objets depuis 25 ans. C'est donc tout naturellement que je me suis inscrite dans le projet Répar'Acteur et que j'ai suivi la formation proposée par la Chambre des métiers et de l'artisanat. » Une formation qui lui a surtout apporté quelques précisions administratives. Et permis de rencontrer d'autres artisans engagés. Mais elle confie que, dans le secteur de la maroquinerie, l'idée à du mal à germer. « Nous vivons dans une société où les tendances évoluent deux fois par an. Pour rester à la mode, les clients achètent des articles neufs. » Selon elle, une seule chose les encourage à faire réparer : le côté affectif !
Par principe, les métiers de cordonnier, couturier et dépanneur électroménager sont des métiers de réparation. Un peu partout en France, des ateliers de réparation se sont récemment montés afin de prodiguer des conseils gratuits à ceux qui sont en demande. © Gellinger, Pixabay License
Par principe, les métiers de cordonnier, couturier et dépanneur électroménager sont des métiers de réparation. Un peu partout en France, des ateliers de réparation se sont récemment montés afin de prodiguer des conseils gratuits à ceux qui sont en demande. © Gellinger, Pixabay License
Vers un changement de mentalités
Pour Marc Forner, patron de FM Dépannage (Saint-Raphaël - 83), dans le secteur de l'électroménager, les choses sont différentes. « Nous reconditionnons certains appareils de façon à jeter moins. Cela ne se faisait plus. Mais aujourd'hui, lorsque cela en vaut la peine -- économiquement parlant --, nous remettons des appareils usagers en état de fonctionner. »
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Cela fait 25 ans que Marc Forner travaille dans le secteur. Avant, il ne jetait pas moins de dix écrans de télévision par mois. Mais depuis un an et demi, il a modifié ses habitudes. Et s'est engagé dans l'initiative Répar'Acteur. « Même si certains continuent d'acheter du neuf parce qu'ils cherchent des appareils plus modernes, des appareils connectés, d'autres s'orientent vers de l'occasion », raconte-t-il. Par conscience écologique, pour certains.
Mais surtout par soucis d'économie. « Nous vendons ces appareils reconditionnés à petits prix. Environ au tiers de leur valeur à neuf. Pour un jeune couple ou pour équiper une maison de vacances, une télé à 50 euros, c'est intéressant », conclut Marc Forner. Et pour trouver un artisan Répar'Acteur près de chez vous, rien de plus simple désormais puisque la Chambre des métiers et de l'artisanat en propose un annuaire accessible sur son site Internet.
Sans aucun consentement de la part des patients, Google a récupéré en toute discrétion des millions de données médicales aux USA.
C'est un nouveau scandale qui s'annonce : le Wall Street Journal et Forbes évoquent dans leurs colonnes que Google aurait mis la main sur "des données médicales de millions d'Américains à travers 21 États" sans avoir obtenu le consentement des patients.
Car il ne s'agit pas là de données récoltées par l'application Google Fit de la marque, mais de données véritablement sensibles récupérées à travers un partenariat noué avec un assureur privé. Les données sont issues du projet Nightingale et proviennent de laboratoires, de médecins ou d'hôpitaux. Pour certains patients, les données correspondraient à l'historique complet de santé intégrant leur nom, date de naissance...
C'est Ascension, un assureur privé aux États-Unis qui a partagé ces informations avec Google. Le partenariat permet à Google d'accéder aux données des assurés pour développer et proposer un outil permettant à ces derniers de mieux retrouver les données des patients à l'aide d'un moteur de recherche doté d'intelligence artificielle.
Malgré tout, la situation pose un sérieux problème sur la capacité de Google à gérer ces données sensibles et à y avoir accès notamment parce que les médecins et patients n'ont jamais donné leur accord. Par ailleurs, 150 salariés de Google auraient eu accès à ces données pour un traitement manuel.
Pointé du doigt, Google tente de désamorcer la situation en expliquant sur son blog avoir obtenu les autorisations nécessaires et précise que les données en questions sont par ailleurs déjà partagées par l'assureur pour d'autres objectifs. Google assure ne pas stocker les données de son côté... Reste à savoir si l'explication sera suffisante pour les concernés.
Théoriquement, on ne peut transférer les mails de Google que vers une seule adresse. Si on en ajoute une deuxième, elle remplacera la première dans la configuration, même si elle reste dans un menu déroulant, et qu'on y a accès pour la reconfigurer comme adresse de transfert.
Mais Google nous précise qu'avec le système de filtre, on peut envoyer "certains" emails vers une autre adresse.
Donc, on construit un filtre (dans les paramètres de l'onglet Transfert de Gmail, le lien est au bas de la première section) en sélectionnant les mails avec le minimums de contraintes, voir aucune (indiquer seulement que le destinataire est l'adresse email et tous les emails reçus seront dans la sélection) et ... tada, on peut envoyer les mails vers une 2e adresse aussi.
Une proposition de loi qui devrait être avancée par un député de la majorité pourrait modifier profondément la notion de propriété.
C'est un énorme changement que propose Jean-Luc Lagleize, député du Modem. Renforcer le pouvoir des élus locaux pour limiter les prix du logement, moyennant certains affaiblissements du droit de propriété : c'est la philosophie d'ensemble de son rapport, dont plusieurs mesures ont des chances d'être traduites dans la loi. En son cœur, figure une proposition qui modifierait profondément la notion de propriété : elle permettrait, dans certaines zones, de distinguer la possession d'un terrain, qui serait publique, et celle du logement bâti dessus, laissée au propriétaire.
"Nous ne devons plus laisser la seule loi de l'offre et de la demande, conjuguée à la cupidité humaine traditionnelle, créer une bulle d'enrichissement de quelques-uns", a affirmé Jean-Luc Lagleize (Modem), dans ce rapport qu'il a remis mercredi au gouvernement. Il défend un "changement fondamental de paradigme sur le droit de propriété", pilier des droits de l'Homme de 1789 et sujet par essence sensible dans un pays dont plus de la moitié des ménages sont propriétaires.
Jean-Luc Lagleize était chargé par le Premier ministre, Edouard Philippe, d'étudier comment endiguer la hausse des prix du foncier, c'est-à-dire les terrains sur lesquels sont ensuite construits les logements. Cette composante se traduit mécaniquement dans le prix d'ensemble: les promoteurs immobiliers répercutent dans leurs tarifs le montant auquel ils ont acheté le terrain. Quel poids joue le foncier dans la hausse générale des prix de l'immobilier français, qui perdure depuis des années et touche d'abord de grandes villes comme Paris ? Les études existantes n'ont qu'un champ limité. Le député suggère d'ailleurs la création d'observatoires publics pour dresser un diagnostic fiable.
Mais les professionnels, tels les promoteurs, s'accordent à en faire l'un des principaux coupables de la flambée de l'immobilier. Faut-il directement chercher à limiter la hausse des prix des terrains, ou bien partir du principe que cette flambée a des causes de fond, en premier lieu un manque d'offre, auxquelles il faut aussi remédier ? Ces deux approches figurent inégalement parmi la cinquantaine de mesures suggérées par Jean-Luc Lagleize : du côté de l'offre, il propose d'encourager à réhabiliter les terrains vagues, via un fonds dédié.
C'est néanmoins la lutte directe contre la hausse des prix qui concentre les mesures les plus saillantes: le rapport évoque une "surenchère", que les terrains soient vendus par des institutions publiques ou par des propriétaires privés. Une mesure, déjà suggérée par Matignon dans sa lettre de mission, vise ainsi à mettre fin à la vente aux enchères de terrains publics, jugée inflationniste. Mais, pour le reste, le rapport penche plutôt pour renforcer les pouvoirs locaux face aux prérogatives des propriétaires privés.
C'est dans cette démarche que s'inscrit la proposition qui permettrait aux collectivités locales de conserver la propriété de terrains, en ne laissant au propriétaire que celle des murs. Là encore, la piste avait été donnée par Matignon. La disposition, qui vise à sortir le prix des terrains du marché immobilier, passerait par la création d'organismes "fonciers" publics. Ils seraient obligatoires dans les zones dites "tendues", où l'offre de logements est jugée insuffisante par rapport à la demande. Ce principe existe déjà, notamment à Lille où il est expérimenté depuis deux ans, mais il est limité aux dispositifs d'accession sociale à la propriété, c'est-à-dire sous conditions de ressources. Il s'agirait de l'étendre à tous types d'opérations.
Peut-on encore parler de propriété, quand il s'agit de fait d'être locataire d'un terrain public et de détenir un droit d'usage dont le prix serait, de plus, encadré ? Le rapport consacre plusieurs pages à argumenter juridiquement que la mesure n'enfreindrait pas la Constitution si elle se concentre sur les zones tendues, au motif de "l'intérêt général". D'autres mesures sont de nature à faciliter les procédures donnant lieu à des expropriations ou à limiter l'indemnisation que peut demander le propriétaire dans ce cas de figure.
Reste à évaluer l'avenir législatif du rapport. Les principales mesures feront l'objet d'une proposition de loi le 28 novembre par les députés Modem. Son sort dépendra logiquement des élus du parti présidentiel, La République en Marche (LREM), bien plus gros partenaire au sein de la majorité: en orientant ses principales mesures autour de suggestions données par Matignon, son auteur s'est ouvert la voie à un accord bienveillant.
Vous ne le savez peut être pas, mais un événement majeur est en train de se jouer sur les datas santé françaises. À côté les enjeux et risques du DMP, c'est une partie de billes dans une cour de récréation. De quoi s'agit-il ?
"Health Data Hub", c'est le petit nom sympa de ce nouveau monstre issu d'une volonté du sommet de l'état. Et comme avec toute volonté idéologique venant de personnes qui n'y connaissent rien et qui sont sous influences, le risque d'aller à la casse est souvent plus grand que les bénéfices.
De quoi parle-t-on ici ? Ce hub est une grande marmite numérique connectée dans laquelle on va déverser toutes, TOUTES, les datas santé françaises disponibles. Et par le saint miracle de l'IA on pense qu'il va en sortir quelque chose.
Comme toujours dans ce genre de choses, les promesses vont pleuvoir : "n'ayez pas peur, on s'occupe de tout, il n'y aura pas de problème de piratage, d'anonymisation ratée, de surveillance ... Pensez donc aux bénéfices que la santé va tirer de tout ça, l'IA c'est l'avenir !".
Comme toujours on va mettre en avant des bénéfices dont l'existence même reste à prouver et négliger les risques. Comme toujours, pour faire plaisir au roi qui a pointé une date sur un calendrier, on va se précipiter, faire n'importe quoi pour tenir les délais.
Et donc comme trop souvent, on risque de voir le politique signer des ardoises conséquentes aux entreprises techno qui vont lui proposer une solution pré digérée (avec promesse implicite d'embauche pour les signataires et petites mains 3 ans plus tard).
Mais attendez, on a gardé le meilleur pour la fin : devinez chers amis, chers confrères quelle entreprise est présentie pour héberger ce nouveau joujou idéologique ? OVH, boite française ? Perdu. Scaleway, branche de Online (Free) ? Perdu. Cherchez un peu quoi !
Allez, on est sympa on vous le dit : une boite américaine qui a un grand cloud couleur ciel sur lequel l'administration US a TOUS les droits (et on a bien compris après avoir lu Snowden que détenir l'autorisation légale n'était plus vraiment la préoccupation là bas, à plus forte raison quand on parle des datas qui ne concernent pas les citoyens US) . Boite qui s'illustre déjà par sa présence dans l'éducation nationale et la défense française. Oui vous ne rêvez pas : Microsoft.
Source, entre autres : Soignons nos données de santé par Pierre-Alain Raphan, député LREM de l'Essonne.
Les risques actuels du cloud computing par Greg Kroah-Hartman, l’un des principaux développeurs du noyau Linux : Greg Kroah-Hartman : à l’heure de Spectre et Zombieload « vous devez choisir entre la sécurité et les performances »
L'organisation à but non-lucratif The Internet Archive a mis en place des liens directs vers les livres cités sur les pages Wikipédia. L'initiative n'est pas encore valable pour toutes les pages, mais ce n'est que le début.
L’encyclopédie Wikipédia est l’une des plus grandes ressources culturelles du web. Mais parfois, quelques informations fournies sur les pages sont difficiles à vérifier à cause de sources inaccessibles. C’est le cas surtout pour les ouvrages. Une initiative de The Internet Archive, annoncée le 29 octobre 2019, va progressivement changer notre usage de Wikipédia : sur certaines pages, il est désormais possible de prévisualiser les pages de livres dont sont originaires les citations.
Cette initiative est cohérente avec la mission que s’est fixée l’organisation à but non lucratif The Internet Archive. Vous connaissez peut-être la fameuse Wayback Machine, qui offre la possibilité de visiter les anciennes versions d’un même site web. En dehors de cette fonctionnalité phare, Archive.org est une gigantesque bibliothèque virtuelle. Elle référence plus de 7 millions de fichiers musicaux, 5 millions de films et 22 millions de livres.
Retrouver la source bibliographique d’une citation Wikipédia, dans la bonne édition, peut être un vrai parcours du combattant.
Puisque Wikipédia est une encyclopédie, il est bien normal que de nombreuses citations proviennent de livres. Mais quand il s’agit d’utiliser ces informations, les étudiants, les chercheurs, ou même les journalistes, ont besoin d’accéder à la véritable source. Il est mal vu de citer Wikipédia puisque ce n’est qu’un intermédiaire, où une erreur pourrait donc se glisser — malgré un processus de vérification collaboratif assez strict. Or, jusqu’à maintenant, le processus de vérification impliquait un travail de recherche pour retrouver soi-même une copie physique ou numérisée de l’ouvrage. Dégoter la bonne édition d’un livre, ou certaines œuvres rares et anciennes, peut parfois s’avérer être un parcours du combattant.
Cette difficulté pourrait bientôt ne plus être qu’un lointain souvenir. En se basant sur son énorme stock, The Internet Archive vient d’ouvrir une nouvelle ère dans notre utilisation de Wikipédia. « The Internet Archive a transformé 130 000 références à des livres dans Wikipédia en liens directs vers 50 000 livres numérisés par Internet Archive ». Pour l’instant, cette démarche ne concerne que les éditions anglaises, grecques et arabes, mais « nous ne faisons que commencer », précise le communiqué.
Concrètement, le module où la source bibliographique comporte un lien qui vous redirige directement vers un extrait de l’ouvrage — et la bonne édition, celle qui est vraiment citée dans la page. Par exemple, sur la page anglaise de Martin Luther King, l’ouvrage To Redeem the Soul of America sert de référence à partir de sa page 299. En cliquant sur le lien en bas de page, vous êtes automatiquement redirigés vers cette page. Vous ne pourrez voir que la page concernée et quelques autres après : pour le livre complet, il faut l’emprunter.
Communiqué de Wikipédia
« Ce qui a été écrit dans les livres à travers les siècles est essentiel pour informer la nouvelle génération éduquée au numérique », indique un bibliothécaire de The Internet Archive, dans le communiqué. L’objectif est de créer une sorte de « maillage de livres » dans la structure même du web. « Nous pouvons accomplir un accès universel à tout le savoir », ajoute le directeur de la Wayback Machine Mark Graham. Cette démarche coûte à The Internet Archive environ 20 dollars pour chaque livre numérisé, raison pour laquelle l’organisation en profite pour remettre en avant son appel à dons.
Le 26 mars dernier, après deux années de débats houleux (et une grande bataille pour Julia Reda, notre ancienne eurodéputée), le parlement européen adoptait une directive européenne du droit d’auteur.
Quand on dit houleux, on a toujours en tête l’eurodéputé Jean-Marie Cavada accusant les GAFAM de « corruption » et d’être « terroristes Pac-Man » ou Wikipedia de faire campagne « avec l’argent de Google ». [1]
Dans cette directive[0], il y a un article sur la presse (l’article 15, anciennement article 11). Cet article prévoit la création d’un droit voisin pour les éditeurs de presse. Pour simplifier, à chaque fois que les plate-formes en ligne (Google, Facebook) utilisent un contenu issu d’un site de presse, elles doivent verser un droit d’utilisation au site de presse. Une exception cependant, faire un simple lien vers un site est exclu du droit voisin (taxer un lien internet, c’est tuer internet … on n’est pas passé loin du pire).
Pour le moment, quand vous copiez/collez le lien d’un article de presse sur Facebook ou quand vous allez dans Google actualités, vous avez le lien vers l’article, mais aussi le titre de l’article, une illustration et une accroche de l’article. C’est cette technique qui est visée par la directive.La France, toujours à la pointe, est l’État qui a transposé le plus rapidement cette directive dans son droit, elle a été publiée fin juillet. La loi va donc entrer en vigueur dans peu de temps …
Le problème, c’est que Facebook et Google ont décidé d’appliquer la loi. Pour cela, ils ont mis en place un système permettant aux éditeurs de presse d’autoriser ou non les illustrations et courtes citations. Si l’éditeur est d’accord, les illustrations et courts extraits seront là, sinon, un simple lien sera affiché.
Scandale chez les éditeurs de la presse française [2], on dénonce une décision unilatérale, les GAFAM refuseraient de respecter « l’esprit et la lettre » de la loi.Pire encore, les choix proposés par les GAFAM mépriseraient la démocratie, la souveraineté nationale et européenne. C’est la porte ouverte vers les infox et la désinformation.
Oui parce que bon, les GAFAM qui fournissent gratuitement un service à leurs utilisateurs, sans publicité, qui génèrent gratuitement un flux important de visiteurs vers les sites de presse et qui proposent d’ailleurs aux éditeurs de presse des plateformes d’annonces publicitaires, des outils de statistiques précises des visiteurs… Ce n’était pas assez. Il fallait bien, en plus de fournir du trafic gratuitement, que les GAFAM paient pour cela…
Alors naturellement, les GAFAM, moyennement emballés par l’idée de payer un outil qui génère gratuitement des visites sur les sites de presse, ont décidé d’appliquer la loi. Avec une approche simple. Soit vous êtes d’accords pour que l’on génère les liens comme d’habitude, gratuitement, avec un joli petit encadré qui met l’eau à la bouche comme avant, soit vous voulez qu’on paie et on proposera un simple lien.
C’est tellement évident qu’on se demande pourquoi personne n’y avait pensé plus tôt, non ?
Lors de la précédente mandature, Julia Reda, une députée européenne issue du Parti Pirate allemand, a alerté de nombreuses fois sur les failles de cette directive [3] [4] Tim Berners-Lee lui-même s’est inquiété des risques possibles de cet article [5].
En septembre 2018, devant le ministère de la Culture, une phrase est lancée : « Cela fait des années que des pays d’Europe, l’Espagne, l’Allemagne ont essayé d’adopter une rémunération normale pour que Google ou Facebook, qui s’enrichit grâce à la presse, rémunère aussi votre travail.« [6]
Et en effet, Monsieur Tronc, numéro 1 de la SACEM, a raison. L’article 15, l’Allemagne et l’Espagne l’ont tenté.
L’Espagne est un cas intéressant. En 2014, le pays décide de mettre en place une compensation financière aux éditeurs de presse par les sites qui indexent et affichent une partie de leur contenu. Cette taxe, non négociable (l’éditeur ne peut pas autoriser gratuitement la publication de ses articles) à une conséquence simple, la fermeture de Google Actualités en Espagne.
Alors le législateur bruxellois a pris en compte ce problème, et a proposé que les éditeurs de presse puissent ou non réclamer cette compensation, en se disant qu’avec 500 millions d’habitants, on ferait sans doute plus peur que l’Espagne et ses 46 millions d’habitants …
Prenons maintenant le cas de l’Alllemagne. La loi allemande est très proche de la directive européenne. Après quelques semaines d’application, le leader de la presse allemande (l’éditeur Axel Springer) voit le trafic vers ses sites de presse chuter de 40 %. Presque 100 000 € de perte par jour et par site. Après quelques jours, l’éditeur accepte les conditions du moteur de recherche.
Du coup, entre l’Allemagne et l’Espagne, on a un test grandeur nature concernant 25 % de la population Européenne… Il faut croire que ce n’était pas suffisant pour la France…
Les éditeurs de presse ont beau tenter de retourner le problème dans tous les sens, de trouver l’approche des GAFAM méprisante ou déloyale… Ce qui se passe en ce moment était prévisible, avait été annoncé, par beaucoup de monde, par des élus, par des mouvements citoyens, par des lobbies, par les GAFAM eux-mêmes.
Alors, finalement, qu’est-ce qu’on peut dire à une personne qui se plaint d’avoir mal après s’être tiré une balle dans le pied ?
SOURCES
[0] https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:32019L0790&from=FR
[1] https://www.nextinpact.com/brief/directive-droit-d-auteur—les-gafa–des—terroristes-pac-man—selon-cavada-8226.htm
[2] https://www.lalsace.fr/france-monde/2019/10/27/pourquoi-vous-ne-voyez-plus-de-photos-quand-vous-partagez-nos-articles-sur-facebook
[3] https://juliareda.eu/2017/12/detruire-le-web/
[4] https://juliareda.eu/eu-copyright-reform/extra-copyright-for-news-sites/ [EN]
[5] https://www.bbc.com/news/technology-44482381 [EN]
[6] https://www.nextinpact.com/news/107692-directive-droit-dauteur-leurodeputee-julia-reda-accuse-lafp-conflit-dinterets.htm
[7] https://www.01net.com/actualites/un-jour-avant-sa-fermeture-les-media-espagnols-regrettent-deja-google-news-637166.html
[8]https://www.touteleurope.eu/actualite/qu-est-ce-que-la-directive-europeenne-sur-le-droit-d-auteur.htmlDepuis juin 2019, le ministère de l'Intérieur et l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) testent une application mobile baptisée Alicem, pour "Authentification en ligne certifiée sur mobile". Le but de ce service, utilisant la reconnaissance faciale, est double : simplifier les démarches administratives en ligne et créer une identité numérique hautement sécurisée. Sa conception a été confiée à Gemalto, une entreprise détenue par le groupe français Thales. Alicem devrait être lancée d'ici à la fin de l'année ou début 2020.
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L'application fait déjà l'objet de plusieurs critiques, notamment sur le stockage des données personnelles. Mais c'est surtout son système de reconnaissance faciale qui suscite les controverses. La Cnil, le gendarme des données personnelles, s'inquiète qu'aucune alternative à ce processus ne soit proposée aux usagers. L'association La Quadrature du net a, pour sa part, déposé un recours devant le Conseil d'Etat, craignant une "banalisation de cette technologie". L'ANTS réfute toute mise en place d’une "société de surveillance".