/Chaque semaine, Benjamin Daubeuf, enseignant en histoire-géographie au lycée Val-de-Seine du Grand-Quevilly, commente un article de Courrier international en rapport avec les programmes d’histoire-géographie de terminale et de première spécialité histoire-géographie, géopolitique et sciences politiques (HGGSP). Cette semaine : la controverse suscitée par les célébrations du bicentenaire de la mort de Napoléon./
Cette année, la France s’apprête à célébrer le bicentenaire de la mort de Napoléon. L’Empereur – qui régna dix ans, entre 1804 et 1814 – est mort en exil sur l’île de Sainte-Hélène le 5 mai 1821, à l’âge de 51 ans. Personnage historique majeur de l’histoire et de l’identité française, Napoléon Bonaparte suscite des réactions contradictoires en France, mais aussi à l’étranger.
Dans cette controverse publiée par Courrier international, deux points de vue s’opposent, qu’il peut être intéressant d’étudier avec les élèves de terminale dans le cadre du thème 3 en HGGSP “Histoire et mémoires”.
D’un côté, dans le New York Times, Marlene L. Daut met en avant la face sombre de Napoléon, notamment son rôle dans le rétablissement de l’esclavage. De l’autre, dans le Times, Jawad Iqbal préfère insister sur l’héritage qu’il a laissé à la France, qui persiste jusqu’à nos jours, et alerte sur les dangers de la cancel culture.
Un despote raciste
Marlene L. Daut est une enseignante américaine d’origine haïtienne spécialiste du colonialisme français. À ses yeux, les hommages et les expositions qui se préparent cette année en l’honneur de Napoléon sont choquants et s’inscrivent à contre-courant de la tendance historique actuelle.
En effet, dans le sillage du mouvement Black Lives Matter, beaucoup de statues de colonisateurs – et surtout d’esclavagistes – ont été déboulonnées en Amérique et en Europe. Ces actions sont associées au phénomène de la cancel culture, ou culture de l’annulation. Il s’agit, pour une partie de l’opinion publique, de se débarrasser de symboles ou de mémoires considérés comme honteux pour l’histoire du pays.
Ainsi, en juin 2020, en France, la statue de Colbert a été recouverte de peinture rouge. Les militants à l’origine de cette action cherchaient à rappeler que ce ministre de Louis XIV est à l’origine du Code noir qui régissait le statut des esclaves dans les colonies françaises.
Marlene L. Daut ne comprend pas comment, dans ce contexte, la France peut choisir d’honorer Napoléon, qu’elle considère comme “le plus grand despote du pays, véritable symbole de la suprématie blanche”. C’est en effet à l’initiative de l’Empereur que la France a rétabli l’esclavage après l’avoir aboli en 1794. Un cas unique dans l’histoire mondiale.
L’architecte de la société française
En 1804, Napoléon se proclame empereur et met ainsi fin à la Révolution française. Mais, comme le rappelle l’article de Jawad Iqbal, il mène de nombreuses réformes qui vont pérenniser certains acquis de la Révolution :
Sans le règne de Napoléon, la France moderne n’existerait pas. Il est l’architecte des institutions qui ont façonné l’identité du pays et qui sont devenues les piliers de la société.”
Le journaliste précise : “Parmi ses réformes, citons le Code civil, qui a aboli le système féodal et établi le concept d’égalité devant la loi. Il a également introduit le principe de la liberté de culte et a donné à la France son système éducatif.” Cependant, n’oublie pas Jawad Iqbal, dans le même temps, Napoléon “a rabaissé les femmes à un statut d’infériorité” et “a réinstauré l’esclavage dans les colonies françaises”.
Marlene L. Daut rappelle quant à elle la violence de la répression menée à Saint-Domingue contre les anciens esclaves qui s’étaient battus pour leur émancipation. Elle affirme que l’on peut considérer Napoléon comme “l’un des inventeurs du génocide moderne”.
Une responsabilité historique niée
Elle explique que l’ordre avait été donné d’“exécuter toute personne de couleur qui a un jour ‘porté l’épaulette’ dans la colonie. Les soldats français gazent et noient les révolutionnaires, ou les donnent en pâture aux chiens. Les colons français claironneront ensuite qu’il suffira, après l’‘extermination’, de repeupler l’île avec d’autres Africains importés du continent.”
Pour elle, la République française n’accepte toujours pas de regarder en face sa responsabilité dans le colonialisme et l’esclavage.
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Les débats à ce sujet sont en effet nombreux, et certains responsables politiques, comme Nicolas Sarkozy, ont tenté de mettre en avant les “bienfaits” de la colonisation française dans les programmes scolaires, déclenchant une levée de boucliers de la part d’une grande partie des historiens français.
“Le système éducatif français, dont j’ai été partie prenante de 2002 à 2003, veut nous faire croire que la France est un pays sans préjugés raciaux, fort d’une ‘histoire émancipatoire’”, affirme Marlene L. Daut. “La République française est, encore à ce jour, incapable de regarder en face sa part de responsabilité dans l’histoire de l’esclavage et du colonialisme”, conclut l’enseignante américaine.
Un conflit entre histoire et mémoires
On ne peut comprendre l’enjeu de ces débats si l’on ne distingue pas clairement la différence fondamentale qu’il existe entre histoire et mémoires. On peut définir l’histoire comme une science qui vise à comprendre le passé de façon neutre et objective. Les mémoires sont, en revanche, les souvenirs des événements du passé qui contiennent une charge affective, donc subjective.
Les deux notions sont cependant très liées car les mémoires sont l’une des sources avec lesquelles travaillent les historiens, qui s’efforcent de les objectiver en les confrontant à d’autres traces du passé. De même, le travail de l’historien peut faire évoluer les mémoires, en contribuant, par exemple, à élaborer des lois mémorielles mises en place par l’État.
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C’est ce conflit entre histoire et mémoires que l’on retrouve dans cette controverse au sujet de Napoléon. En effet, les célébrations en l’honneur de sa mort dénotent clairement une inflation mémorielle, c’est-à-dire un besoin croissant de mémoire pour nos sociétés.
L’article de Jawad Iqbal montre comment, justement, mémoires et histoire sont liées : “Il est déprimant de constater à quel point il est devenu courant, pour ceux qui, de nos jours, usent de l’injustice comme d’une arme de revendication politique, d’accoler à des personnages historiques des étiquettes simplistes telles que le racisme ou le sexisme, dans une tentative contestable d’imposer des critères moraux contemporains à des événements du passé.”
Or, concernant le cas de Napoléon, le journaliste souligne : “Si nous en savons davantage à ce sujet, c’est grâce aux efforts d’universitaires et d’auteurs qui se sont penchés sur sa vie. Même ceux qui le détestent doivent quand même admettre, espérons-le, qu’il n’y a que dans le cadre d’un débat ouvert, dans le respect de la liberté de penser, que l’on peut faire la lumière sur des torts historiques.”
7 mots ou expressions utilisés en généalogie, parfois de façon erronée :
ANCÊTRE : Un ancêtre est une personne dont on descend. Les ancêtres sont les ascendants directs et non pas l’ensemble des individus de l’arbre généalogique. Les cousins ne sont pas des ancêtres, ce sont des collatéraux.
OBIIT : « Obiit » en marge des baptêmes dans les actes paroissiaux signifie que l’enfant est mort en bas âge (contraction de obivit = il est mort). Pour cet enfant, il n’existe pas d’acte de décès ni de sépulture.
DE DROIT ET DE FAIT : Dans un acte de mariage, qu’un des époux soit « de fait » d’une paroisse signifie qu’il y habite ; « de droit » indique la paroisse dont il dépend juridiquement ou canoniquement (il y est né ou ses parents y habitent ou il y est rattaché). Plusieurs bans doivent alors être publiés.
BREVET : Un acte en brevet est un acte délivré par un notaire directement à l’intéressé, contrairement à une minute que le notaire conserve dans ses archives. Il concerne une procuration, un acte de notoriété, une autorisation pour mariage… Il est difficile à retrouver car c’est un exemplaire unique (par exemple autorisation parentale annexée à l’acte de mariage), la plupart du temps détruit. Parfois, il en existe des traces dans le répertoire du notaire.
RÉPERTOIRE CIVIL : « RC » en marge d’un acte de naissance (suivi d’un numéro ou date) concerne un acte survenu pendant la vie de l’intéressé : changement de régime matrimonial ou mise sous tutelle par exemple. Il est possible de demander une copie de ce répertoire civil.
PUPILLE DE LA NATION : C’est un enfant dont un des parents a été tué ou blessé lors d’une guerre ou d’un attentat et que la nation prend à sa charge pour certains avantages (éducation). Ne pas confondre avec « pupille de l’état » = pupille de l’assistance publique, qui désigne des enfants délaissés par leur famille (abandonnés, nés sous X, orphelins), que l’état prend en charge dans des centres spécialisés.
À LA MODE DE BRETAGNE : Un cousin « à la mode de Bretagne » ou « à la mode de Bourgogne » n’est pas un cousin lointain dont on ne connaît pas précisément la parenté. L’expression a un sens précis en généalogie : désigne le fils d’un cousin germain d’un des parents. Par extension, ma « tante à la mode de Bretagne » est la cousine germaine de mon père ou de ma mère (idem pour l’oncle). NB : On parle aussi de cousin issu de germain.
Nettoyons le Web !
par Aral Balkan
Développeurs, développeuses, c’est le moment de choisir votre camp :
voulez-vous contribuer à débarrasser le Web du pistage hostile à la confidentialité, ou bien allez-vous en être complices ?
Que puis-je faire ?
�️ Supprimer les scripts tiers de Google, Facebook, etc.
À commencer par Google Analytics (un des pisteurs les plus répandus dans le monde), YouTube videos, Facebook login widgets, etc.
Ces scripts permettent à des éleveurs de moutons numériques comme Google et Facebook de pister les utilisatrices d’un site à l’autre sur tout le Web. Si vous les incorporez à votre site, vous êtes complice en permettant ce pistage par des traqueurs.
Et oui, ça inclut aussi ces saloperies de Google AMP.
�️ Envoyer balader Google et son FLoC !
Face à la pression montante des mécontents, Google a annoncé qu’il allait à terme bloquer les traqueurs tiers dans son navigateur Chrome. Ça a l’air bien non ? Et ça l’est, jusqu’à ce que l’on entende que l’alternative proposée est de faire en sorte que Chrome lui-même traque les gens sur tous les sites qu’ils visitent…sauf si les sites lui demandent de ne pas le faire, en incluant le header suivant dans leur réponse :
Permissions-Policy : interest-cohort=()
Bon, maintenant, si vous préférez qu’on vous explique à quel point c’est un coup tordu…
Aucune page web au monde ne devrait avoir à supplier Google : « s’il vous plaît, monsieur, ne violez pas la vie privée de la personne qui visite mon site » mais c’est exactement ce que Google nous oblige à faire avec sa nouvelle initiative d’apprentissage fédéré des cohortes (FLoC).
(Si jamais vous avez du mal à retenir le nom, n’oubliez pas que « flock » veut dire « troupeau » en anglais, comme dans « troupeau de moutons, » parce que c’est clairement l’image qu’ils se font de nous chez Google s’ils pensent qu’on va accepter cette saloperie.
Donc c’est à nous, les développeurs, de coller ce header dans tous les serveurs web (comme nginx, Caddy, etc.), tous les outils web (comme WordPress, Wix, etc.)… bref dans tout ce qui, aujourd’hui, implique une réponse web à une requête, partout dans le monde.
Notre petit serveur web, Site.js, l’a déjà activé par défaut.
Ça a pris cinq minutes à mettre en place.
Vous pouvez le faire.
Pour en savoir plus sur le FLoC de Google vous pouvez lire cet article du Framablog (en français) et cet article de l’EFF (en anglais).
Si jamais il y a des politiciens qui ont les yeux ouverts en ce 21e siècle et qui ne sont pas trop occupés à se frotter les mains ou à saliver à l’idée de fricoter, voire de se faire embaucher par Google et Facebook, c’est peut-être le moment de faire attention et de faire votre putain de taf pour changer.)
�️ Arrêter d’utiliser Chrome et conseiller aux autres d’en faire autant, si ça leur est possible.
Rappelons qui est le méchant ici : c’est Google (Alphabet, Inc.), pas les gens qui pour de multiples raisons pourraient être obligés d’utiliser le navigateur web de Google (par exemple, ils ne savent pas forcément comment télécharger et installer un nouveau navigateur, ou peuvent être obligés de l’utiliser au travail, etc.)
Donc, attention de ne pas vous retrouver à blâmer la victime, mais faites comprendre aux gens quel est le problème avec Google (« c’est une ferme industrielle pour les êtres humains ») et conseillez-leur d’utiliser, s’ils le peuvent, un navigateur différent.
Malheureusement, dans l’état actuel des choses, il n’y a pas de navigateur parfait. Firefox, par exemple, est une option viable mais il ne faut pas oublier que Mozilla n’existe que parce que Google les rémunère à peu près un demi-milliard de dollars par an pour en faire le moteur de recherche par défaut sur leur navigateur. Dans le même ordre d’idées, Safari est une bonne option sur Apple mais n’oublions pas que même Apple laisse Google violer notre vie privée en échange de quelques milliards (à la différence de Mozilla, Apple n’a pas besoin de cet argent pour survivre, mais ce qui est sûr c’est qu’ils veulent en profiter.) Brave pourrait sembler le choix le plus judicieux jusqu’à ce qu’on se rende compte que le business model de Brave repose sur la vente de votre attention. Sous Linux, GNOME Web est un bon choix mais ne perdez pas de vue que Google est un membre rémunéré à part entière du Comité consultatif de GNOME…
C’est décourageant de voir les tentacules de ce foutu monstre marin s’étendre partout et s’il a jamais été temps de créer une organisation indépendante financée par des fonds publics pour mettre au point un navigateur sans cochonnerie, c’est le moment.
�️ Protégez-vous et montrez aux autres comment en faire autant
Même si les bloqueurs de traqueurs sont en train de perdre au jeu du chat et de la souris (cf. par exemple FLoC ci-dessus), ils restent encore utiles pour protéger la vie privée des gens. Nous en proposons un qui s’appelle Better Blocker à la Small Technology Foundation. Nous recommandons également l’excellente extension uBlock Origin. (Et nous proposons une version des règles de blocage de Better que vous pouvez utiliser sur UBlock Origin.)
�️ Découvrir et utiliser des solutions alternatives.
Apprenez à connaître et à utiliser les alternatives. Les sites suivant sont des mines de ressources :
Good Reports
Switching Software
�️ Passez le mot !
Pointez vers cette page avec les hashtags #CleanUpTheWeb et#FlocOffGoogle.
�️ Choisissez un autre business model
En fin de compte, on peut résumer les choses ainsi : si votre business model est fondé sur le pistage et le profilage des gens, vous faites partie du problème.
Les mecs de la tech dans la Silicon Valley vous diront qu’il n’y a pas d’autre façon de faire de la technologie que la leur.
C’est faux.
Ils vous diront que votre « aventure extraordinaire » commence par une startup financée par des business angels et du capital risque et qu’elle se termine soit quand vous êtes racheté par un Google ou un Facebook, soit quand vous en devenez un vous-même. Licornes et compagnie…
Vous pouvez créer de petites entreprises durables. Vous pouvez créer des coopératives. Vous pouvez créer des associations à but non lucratif, comme nous.
Et au sein de ces structures alternatives qui n’ont pas l’obsession de tout savoir sur tout le monde ni de générer de la croissance infinie avec des ressources finies, vous pouvez produire des outils qui font ce qui est dit sur l’étiquette et rien d’autre.
Si vous vous demandez ce qui vous rend heureux, est-ce que ce n’est pas ça, par hasard ?
Est-ce que vous voulez devenir milliardaire ? Est-ce que vous avez envie de traquer, de profiler, de manipuler les gens ? Ou est-ce que vous avec juste envie de faire de belles choses qui améliorent la vie des gens et rendent le monde plus équitable et plus sympa ?
Nous faisons le pari que vous préférez la seconde solution.
Si vous manquez d’inspiration, allez voir ce qui se fait chez Plausible, par exemple, et comment c’est fait, ou chez HEY, Basecamp, elementary OS, Owncast, Pine64, StarLabs, Purism, ou ce à quoi nous travaillons avec Site.js et le Small Web… vous n’êtes pas les seuls à dire non aux conneries de la Silicon Valley
Là où ils voient grand, voyons petit.
Parce que small is beautiful.
Pour transcrire une mélodie, vous le savez, on utilise sept notes : do, ré, mi, fa, sol, la et si. Sept notes qui correspondent à sept tons, que l’on peut écrire à différentes hauteurs, de la plus grave à la plus aiguë. Mais très souvent, ces sept tons ne suffisent pas, à transcrire la mélodie que l’on a en tête. Les compositeurs utilisent alors des demi-tons : les bémols et les dièses.
Le dièse permet donc de hausser une note d’un demi-ton. Et il a la grâce de joindre la forme et le fond car pour le dessiner, il faut tracer un petit parallélogramme ascendant (♯). L’astuce que je donne à mes élèves c’est qu’il ressemble à une minuscule échelle pour monter dans la gamme. Un do dièse est donc un demi-ton plus haut qu’un do, et sur un piano correspond à la touche noire qui suit le do.
Le hashtag, lui, viendrait d’un symbole romain représentant une unité de poids : la libra pondo, qui signifie "livre". Si on ligature le l minuscule pour ne pas le confondre avec le chiffre 1 on obtient plus ou moins un croisillon qui a évolué pour prendre la forme que nous lui connaissons : #. Il est plus "carré" que le dièse.
Ce symbole a d’abord été utilisé sur les téléphones, même si personne ne savait vraiment à quoi il servait, puis par les informaticiens entre eux pour regrouper une conversation autour d’un thème. Il a été utilisé sur Twitter pour la première fois en 2007, puis s’est répandu comme une traînée de poudre pour faire référence à un contenu ou centraliser les publications autour d'un terme bien précis sur l’ensemble des réseaux sociaux.
"Ma vraie gloire n'est pas d'avoir gagné quarante batailles. Waterloo effacera le souvenir de tant de victoires. Ce que rien n'effacera, ce qui vivra éternellement, c'est mon code civil!", confie en 1815 l'empereur déchu Napoléon au fidèle marquis de Montholon sur l'île de Sainte-Hélène.
Promulgué le 21 mars 1804, le code civil, baptisé "code civil des Français" avant de devenir "code Napoléon", demeure la base du droit civil en France.
Il a constitué une révolution juridique en organisant, pour la première fois, les relations entre l’État et les citoyens, des citoyens entre eux et en soulignant "la non-confessionnalité de l’État", premier pas vers la laïcité.
Avec le code de 1804, "l'état civil échappait définitivement à l’Église et le mariage relevait de la seule loi civile", résume l'ancien ministre de la Justice Robert Badinter dans "Le plus grand bien", son livre consacré à l'histoire du code civil.
En mettant fin au règne des coutumes et des traditions (abolition des droits féodaux, fin des privilèges de la noblesse), le code civil a été, malgré ses imperfections, un facteur d'égalité des citoyens devant la loi.
Reste que ses articles (aujourd'hui abrogés) sur les femmes apparaissent d'une misogynie inouïe et qu'il a "cohabité", jusqu'à l'abolition de l'esclavage en 1848, avec le monstrueux "code noir" (rétabli par Bonaparte en 1802 après avoir été aboli par la Convention en 1794).
Le "code civil des Français" fut d'abord celui des hommes "propriétaires, mariés et pères de famille", résume Robert Badinter.
Au nom de la famille et de sa stabilité, le "code Napoléon" a en effet consacré l’infériorité de la femme mariée face à l’homme. L'épouse côtoie les mineurs et les fous au rang d'"incapable", se voit privée de tous ses droits civils du jour de son mariage.
L'article 213 original du "code Napoléon" définit ainsi les relations entre époux: "Le mari doit protection à sa femme, la femme obéissance à son mari".
Il faudra attendre 1970 pour que cet article soit modifié pour désormais prévoir que "les époux assurent ensemble la direction morale et matérielle de la famille, pourvoient à l'éducation des enfants et préparent leur avenir".
"Par certains aspects, le code de 1804 est un code conformiste, qui se veut expressément conforme aux mœurs, et un code minimaliste, qui privilégie l'héritage de la tradition juridique par rapport à la volonté créatrice", analyse l'historien du droit Jean-Louis Halpérin dans son ouvrage de référence, "L'impossible code civil".
"Le bon père de famille"
En 1800, Bonaparte, alors Premier consul, charge quatre juristes (Portalis, Maleville, Tronchet et Bigot de Préameneu, tous formés sous l'Ancien régime) de rédiger un avant-projet.
Dès 1801, le projet est débattu devant le Conseil d’État. Sur 107 séances, 55 sont présidées par Bonaparte qui n'hésite pas à donner son avis et trancher quand il le faut.
Le Premier consul intervient fréquemment, en particulier sur les articles concernant le droit de la famille ou encore l’égalité des enfants en matière d’héritage, insistant pour mettre fin au droit d'aînesse.
Le code a résisté au temps. Près de la moitié des 2.281 articles d'origine ont été conservés.
La reconnaissance du divorce par consentement mutuel en 1975, la suppression de la distinction entre enfants naturels et légitimes en 2005, la légalisation du mariage pour tous en 2013, ont fait évoluer le vieux code Napoléon. En 2014, c'est l'expression désuète "en bon père de famille" qui a disparu du code, remplacée par l'adverbe "raisonnablement".
Les articles du droit des contrats ou de la responsabilité ont été quant à eux peu modifiés mais ne reposent plus seulement sur l'obligation de réparer un dommage, mais sur une logique visant à protéger les victimes.
Le droit de propriété, "pierre angulaire du nouvel ordre social", selon Robert Badinter, a, lui aussi, changé de visage. A la terre se sont ajoutées les valeurs mobilières, la propriété intellectuelle.
Le code Napoléon ne cesse de faire peau neuve. Ainsi, depuis 2015, l'animal est reconnu comme "être vivant doué de sensibilité" et le droit au changement de sexe est codifié depuis 2016.
Documentaires, magazines et autres soirées spéciales: plusieurs chaînes vont mobiliser leurs antennes pour le bicentenaire de la mort de Napoléon, en explorant des facettes parfois méconnues ou ambiguës du personnage.
FRANCE 2: SOIRÉE ÉVÉNEMENT
FRANCE 3: L'EMPEREUR DÉCHU
Stéphane Bern consacrera le 19 avril "Secrets d'histoire" aux dernières années de l'Empereur déchu et exilé. Un crépuscule tragique pour celui qui avait cru pouvoir dominer l'Europe. Et sur France.tv, on pourra revoir un numéro dédié à "Joséphine, l'atout irrésistible de Napoléon".
LA 1ÈRE: BONAPARTE ET LA TRAITE DES NOIRS
ARTE: PSYCHOLOGIE ET EUROPE
La chaîne franco-allemande proposera deux documentaires en première partie de soirée, les 1er et 8 mai, portés par de grandes voix. "Napoléon, la destinée et la mort", raconté par Denis Podalydès, offre un éclairage particulier en s'intéressant à la psychologie d'un homme qui frôla la mort à six reprises.
HISTOIRE: JOURNÉE SPÉCIALE
FRANCE 5: LA CULTURE DANS TOUT ÇA
La chaîne publique se penche sur les relations entre Napoléon et les arts. Dans "Stupéfiant" Léa Salamé évoque son sens de la propagande, qui a favorisé l'éclosion de nombreux artistes et marqué la peinture, la sculpture et les arts décoratifs. Et revient sur la fascination des écrivains et cinéastes pour ce personnage hors du commun.
Napoléon a créé en 1802 les lycées pour former les élites de la Nation, explique Jacques-Olivier Boudon, professeur d'histoire de la Révolution et de l'Empire à la Sorbonne université, auteur de "Napoléon et les lycées" (Nouveau monde éditions)
Quelles étaient les ambitions de Napoléon en matière d'éducation ?
Quand il arrive au pouvoir (en 1799), il y a des écoles primaires, des pensionnats, et le directoire a relancé un enseignement secondaire sous la forme d'écoles centrales. Napoléon estime que l'enseignement qui y est donné est incomplet, il souhaite revenir à un enseignement plus rigide, avec des internats et une discipline plus forte. En 1802, il créé 45 lycées, où l'on enseigne les humanités aux côtés des sciences. Objectif de ces lycées: former les élites de la Nation. A la sortie, les élèves vont soit trouver directement un emploi soit poursuivre dans des écoles spéciales (en médecine, droit, pharmacie ou dans une école militaire). Ces écoles spéciales seront transformées en facultés en 1808.
Cette même année, Napoléon rétablit le baccalauréat, qui existait sous l'ancien régime. Premier diplôme universitaire, il permet l'accès à l'enseignement supérieur.
L'éducation primaire, rendue gratuite et obligatoire par la Convention, est, elle, laissée aux communes. L'Etat s'en désintéresse. Napoléon n'a pas pour ambition de former le peuple mais bien les cadres de la Nation. En effet, à partir du consulat, il a mis en place toute une série de réformes (administrative, judiciaire...) et il a besoin de juristes, de futurs préfets ou de militaires.
La création des lycées va permettre une mainmise sur l'enseignement secondaire: les programmes y sont décidés par l'Etat, le personnel y est contrôlé par l'Etat.
L'autre vocation des lycées est de pouvoir concurrencer les écoles privées qui ont été développées essentiellement par le clergé.
A quoi ressemblaient les lycées sous Napoléon ?
Dans les lycées de l'époque, qui sont ouverts exclusivement aux garçons, on porte un uniforme. Le rythme y est militaire: on fait l'appel au son du tambour. On y dispense un enseignement classique, fondé sur les humanités, comme l'histoire et la littérature. Mais les sciences y sont aussi enseignées. Impossible d'y aller si on ne connaît pas le latin. On peut y entrer vers 11-12 ans et on y reste six à sept ans.
Les études y sont payantes: 400 à 500 francs par an, soit pratiquement le salaire annuel d'un ouvrier. C'est un enseignement réservé aux notables mais les plus méritants des enfants d'officiers ou de fonctionnaires peuvent bénéficier d'une bourse.
Qu'en reste-t-il aujourd'hui ?
Leur structure même a été conservée. Par exemple, à Paris, le lycée Bonaparte est devenu Henri IV, le lycée Napoléon a pris le nom de Louis-le-Grand, le lycée Charlemagne n'a pas changé de nom et le lycée impérial Bonaparte a été rebaptisé Condorcet.
Des dénominations de l'époque sont restées comme le nom de proviseur, ou celui de censeur. De même les académies, créées en 1808 avec à leur tête un recteur, sont un héritage direct de l'époque.
Pour le reste, les lycées ont beaucoup évolué, ne serait-ce que par leurs effectifs. A l'époque, ils ne scolarisaient que 12.000 élèves maximum par an. Et à la fin de l'Empire, on comptait moins de 2.000 bacheliers chaque année.
Ce qui est resté également, c'est l'idée que l'Etat a un rôle particulier à jouer dans notre pays en matière d'éducation.
On prend rarement le temps, au Québec, de rappeler qu’il n’y a pas si longtemps que tous les Français parlent français.
C’est que l’Europe s’est développée au Moyen Âge comme un ensemble de royaumes aux frontières instables, et donc les monarques se mariaient entre eux, évoluant dans un univers culturel et linguistique à part de populations très diversifiées. Et la France ne fait pas exception. L’occitan, le catalan, le breton, le picard, l’alsacien, le basque ne sont que quelques-unes des langues autochtones de la France, parlées comme langues maternelles et souvent comme seules langues de bien des sujets de la France de l’Ancien Régime, dans l’indifférence quasi totale de la monarchie. Ce qui importait au pouvoir politique des rois qui ont administré notamment la Nouvelle-France, c’était surtout que le français soit normé et imposé comme langue de l’État et de l’administration pour supplanter le latin, et donc le pouvoir de l’Église.
C’est principalement avec la Révolution française qu’on s’est mis à s’intéresser à cette diversité linguistique, perçue alors comme un obstacle à la circulation des idées politiques républicaines et laïques. Et après la période de va-et-vient politique qu’a connue la France au XIXe siècle, la Troisième République instaure dans les années 1880 une série de lois sur l’instruction primaire obligatoire — en français — sur l’ensemble du territoire. On veut alors une république, unie et unitaire. Et avec l’industrialisation et la montée du capitalisme, la bourgeoisie dominante a avantage à créer une masse qui suit les mêmes normes, travaille de la même manière, consomme les mêmes produits et les mêmes journaux.
Dans les écoles de France, on déploie un ensemble de châtiments, souvent physiques, pour punir les enfants qui parlent leur langue maternelle. On leur enseigne finalement non seulement le français, mais aussi l’infériorité de leur culture et de leur milieu familial. En occitan, on parle de vergonha pour nommer l’effet des politiques républicaines sur la psyché populaire. La honte. C’est par la honte, et souvent par la violence envers les enfants, que le français est devenu la langue de la République. Le projet linguistique républicain est donc fondamentalement un projet disciplinaire. Il faut parler le français, le bon, le patriotique, le beau, l’exact, le supérieur, le vrai, le pur. Une liste de notions qui, faut-il le spécifier, n’ont d’assises dans aucune science du langage. Les dogmatiques les plus orthodoxes de la langue française n’ont souvent (nécessairement) aucune notion de sociolinguistique.
L’unitarisme républicain a bien sûr été amené dans les colonies françaises au même moment qu’il a été imposé en France même. On a aussi tenté, tant bien que mal, d’enseigner aux fils des potentats « indigènes » non seulement le français, mais aussi la fierté et le sentiment de supériorité qui viennent avec le rapprochement avec la norme, ainsi que la honte et le mépris de sa langue maternelle ou des variants locaux du français. Cette honte, elle laisse des traces, d’une génération à l’autre, tant en France que dans son (ex) empire.
Après des décennies de lavage de cerveau, une France transformée par cet idéal politique « redécouvre » le Québec, et sa langue qui a échappé à cette entreprise de réingénierie sociale républicaine. Et une partie des élites québécoises, à son contact, internalisent aussi cette honte et la transmettent à leur tour aux gens d’ici, au nom, paradoxalement, de la fierté nationale. Frustrés d’être l’objet des moqueries des Hexagonaux, on se moque à son tour des Saguenéens ou des gens d’Hochelaga. Des Parisiens disent aux élites montréalaises qu’elles sonnent comme le Moyen Âge, et elles, à leur tour, traitent les Acadiens, les Cajuns et les Franco-Manitobains comme des vestiges du passé.
Si l’on prend rarement le temps d’expliquer cette histoire de la langue française au Québec, c’est notamment que l’on se préoccupe, avec raison, de la place prépondérante de l’anglais en Amérique du Nord, et surtout de cet autre projet impérialiste qu’est le Régime britannique à l’origine du Canada moderne. On croit que nos insécurités linguistiques nous viennent de cette situation de minoritaires sur le continent. C’est vrai, en bonne partie. Mais il ne faut pas non plus oublier d’examiner cette francophonie, le projet politique qu’elle porte, ses effets insécurisants et sa logique disciplinaire génératrice de honte et de hiérarchie qui pèsent sur les francophones « hors norme » de tous les continents, Européens y compris.
Il faut réfléchir à la langue française en Amérique non seulement face à l’anglais, mais aussi face à elle-même, dans toute sa complexité. Qu’est-ce que cela veut dire de dénoncer les tentatives d’assimilation et de stigmatisation vécues par les enfants francophones des Amériques aux mains des Britanniques et des Américains, tout en ayant participé à des projets missionnaires visant à assimiler les enfants haïtiens, sénégalais ou innus et à stigmatiser leur langue maternelle ? Qu’est-ce que ça signifie de dénoncer le règlement 17 qui a longtemps compliqué l’enseignement du français en Ontario pendant que l’État québécois s’acharne à franciser les jeunes du Nunavik ? Qu’est-ce qui se produit quand des militants de gauche, qui militent pour l’équité et l’inclusion, s’en prennent à l’orthographe des internautes moins scolarisés qu’eux plutôt qu’à leurs idées ? Ou lorsqu’on « se donne un accent » pour faire sérieux à la télévision d’État ou à l’université ?
Dénonce-t-on les effets néfastes de l’impérialisme britannique parce qu’on est anti-impérialiste ou parce qu’on lui aurait préféré un impérialisme différent, où l’on aurait été plus dominant ? Est-on contre le mépris des Franco-Québécois ou contre le mépris tout court ? Se pencher sur ces questions, c’est s’interroger sur ce que l’on veut que notre francophonie signifie à la face du monde, et aussi sur la manière dont les francophones se traitent entre eux, et sur le rapport traversé de contradictions, d’émotions et souvent d’insécurité de chacun envers sa langue et son identité. À nous de voir, avec les francophones de partout dans le monde, ce que signifie parler français, de mettre en question ses normes et de s’approprier (enfin) sa langue.
Twenty years on from its humble beginnings, the online encyclopedia is now an indispensable tool
By Barbara Speed - January 22, 2021 March 2021
There are two stories you could tell about Wikipedia.
One is that 20 years ago a web resource was launched that threatened academia and the media, and displaced established sources of knowledge. It was an encyclopedia anyone could edit—children, opinionated ignoramuses and angry ex-spouses. If I edited the page on particle physics to claim it was “the study of ducks,” the change would be instantly published. If I edited your page to call you a paedophile, that would be published too. Worse, although anyone could edit it, not everyone did: the editors were a self-selecting group of pedants and know-it-alls and overwhelmingly men. All of this led to biases in what soon became the world’s first port of call for finding out about anything. In time the site’s co-founder, Larry Sanger, would concede that “trolls sort of took over. The inmates started running the asylum.”
But there is also another—increasingly plausible—story. Namely, that Wikipedia is the last redoubt of the idealism of the early World Wide Web. From the moment of Tim Berners-Lee’s 1989 paper with its proposal of how information could be connected and made accessible via a hyperlink, visionaries began to imagine a kind of global democracy, where anybody, anywhere, could use a computer to discover the world. Amid a raft of developments known (in a 1999 coinage) as “Web 2.0”—which allowed everybody not merely to consume content but also to create it—some dared to dream that we would all become digital citizens shaking the plutocracy’s hold on established media and other elitist hierarchies.
Bit by bit, most of the web let us down. Yes, we were given a voice—but it didn’t come for free. Websites like Facebook harvest our data in order to attract advertisers; screen addiction, raging tribalism, trolling and misinformation reign. Tech billionaires got far richer than the old press barons ever were, and the rest of us became not empowered e-citizens—but data sold to companies wanting to target us.
But despite being the seventh most-visited site in the world in 2020, Wikipedia still seems different. It is the only not-for-profit in the top 10, with no adverts, no data collection and no billionaire CEO. Hundreds of thousands of volunteers maintain and create pages for free, correcting one another and upholding an impressive veracity. As early as 2005, the science journal Nature found that Wikipedia “comes close” to the accuracy of Encyclopedia Britannica online (to the displeasure of the Britannica’s editors). Back then, the young Wikipedia had four errors per science entry to Britannica’s three. Wikipedia may not have reached the ideal of Jimmy Wales, the site’s more prominent co-founder, of being “a world in which every single person on the planet is given free access to the sum of all human knowledge,” but it isn’t far off. In February 2020, Wired named Wikipedia as “the last best place on the internet.”
As Wikipedia leaves its teenage years, the question is—which of our two stories is more valid?
Wikipedia’s creators might seem like unlikely revolutionaries. Growing up in Huntsville, Alabama, where he was born in 1966, Jimmy Wales had a deep affection for his household encyclopedia. He would sit with his mother sticking in entry-updates sent by the publisher that referred the reader to a more accurate entry in a later edition. Speaking from an attic in his house in the Cotswolds during lockdown, Wales tells me that one entry that needed updating was the moon’s, for the good reason that “people had landed on it for the first time.”
Wales studied finance and went on to work as a trader. His intellectual heroes were the novelist and philosopher of selfishness Ayn Rand (one of his daughters is named after a Rand heroine) and the Austrian free market economist Friedrich Hayek, whose Road to Serfdom was a favourite of Margaret Thatcher’s. He spent much of his free time on the early internet, playing fantasy games and browsing, and became fixated by its potential. He quit his job and with two partners set up Bomis, which started as an information directory but developed into a men’s site (whose “Babe Engine” was basically a way to search for pornography).
Wales decided to create a free, virtual encyclopedia that could be updated in real time and that anyone could access. Like its predecessors, it would be a secondary, not a primary source—it would cite information from the media or academic papers, rather than publish original research—and it would have a strict approvals process. “It was really very formal and very top-down, you had to be approved to write anything, and you were expected to submit a completed essay,” he says. Nupedia launched in October 1999, with Larry Sanger—a philosophy graduate student whom Wales had met online via philosophy mailing lists—as editor-in-chief.
“There are now over 300 Wikipedias in different languages, and over six million entries on the English language site alone”
Thanks to the long submission process, the site had published only 21 articles after a year. Meanwhile, Sanger and Wales had come across the concept of “wikis”—collaborative, freely rewritable web pages that can be used to run group projects, collect notes or run a database (wiki is the Hawaiian word for quick). As an experiment, they launched another encyclopedia on 15th January 2001 that ditched the checks in favour of a wiki-style approach: Wikipedia.
Intended as a sideshow to Nupedia, the new site exploded. “One of the things that was interesting,” Wales remembers, “is that in the early days, people started writing things that were pretty good. They were very short and basic, but there was nothing wrong with them.” There are now over 300 Wikipedias in different languages, and over six million entries on the English language site alone. Over time, three core policies were established: pages should take a neutral point of view; contain no original research; and be verifiable, meaning that other visitors can check the information comes from a reliable source. Interestingly, none of these tenets is “accuracy”: the site effectively outsources this by resting everything on citations.
Two of the site’s servers crashed on Christmas Day 2004, and Wales had to keep the site “limping along” himself. Shortly after, he launched a fundraising campaign. Today, regular energetic campaigns, highly visible when you click on an entry, bring in over $100m a year for Wikipedia and other projects of the superintending Wikimedia Foundation, mostly from small donations—the average is $15.
Despite the incredible number of pages, there are fewer active editors than you might think: on the English-language Wikipedia only 51,000 editors made five or more edits in December 2020. A 2017 study found that in the site’s first decade, 1 per cent of Wikipedia’s editors were responsible for 77 per cent of its edits. An edit can be as small as a tweak to the formatting, or it could be starting a new page.
The site is now vast, with over 55m articles—the English-language Wikipedia alone would fill 90,000 books, giving it comparable volume (if not always quality) to a typical Oxbridge college library, available free to anyone with an internet connection, whether a rice farmer in Bangladesh or a physics student with out-of-date textbooks. Most impressive is its speed: articles are edited 350 times a minute. Wales says one of the first moments he truly saw Wikipedia’s potential was on 9/11. While television news was looping footage of the towers falling, Wikipedia’s network of volunteers were doing something different: “People were writing about the architecture of the World Trade Center, its history.” The site has come into its own during the pandemic, too, moving far more rapidly than established publications: since December 2019, there has been an average of 110 edits per hour on Covid-19 articles by some 97,000 editors.
Edit wars: mention of Wikipedia’s co-founder, Larry Sanger, was famously removed from Jimmy Wales’s entry—by none other than Wales himself.
The passion and dedication of Wikipedia’s editors is clear, but that doesn’t necessarily mean they’re always good at what they do. One sobering recent revelation concerned entries in the Scots language, a close cousin of English that is primarily spoken in the Scottish lowlands (and not to be confused with Scottish Gaelic). Thousands of Wikipedia pages in Scots had been created by someone who didn’t speak the language—a teenage user called AmaryllisGardener from North Carolina. Some words were still in English, others seemed to have been translated into Scots via a poor online dictionary. AmaryllisGardener sincerely thought he was being helpful, saying in a Wikipedia comment that he had started editing the pages when he was 12, and was “devastated” by the outcry (and abuse from other editors). Ryan Dempsey, a Scots language enthusiast from Northern Ireland who first flagged the errors on Reddit, tells me that he believes the errors went uncorrected for so long mostly because Scots is not very widely spoken, still less read, “and those fluent in it are more likely to be older and rural and so have less of an online presence.” After outing AmaryllisGardener, he realised that there were “many other editors who were far worse” on the Scots site.
The story was covered all over the world, but isn’t the best example of Wikipedia’s effectiveness: mistranslations—especially in little-read languages—are far more likely to survive than factual errors, given the requirement to cite facts carefully (you’ve doubtless seen a bright red “citation needed” mark next to an apparently innocuous statement). However, there have been many other controversies about accuracy. Lord Justice Leveson was blasted in 2012 after his report into the culture and ethics—and accuracy—of the British press listed one of the founders of the Independent newspaper as one “Brett Straub,” an unknown figure who erroneously appeared on the paper’s Wikipedia page.
In 2015, the scientists Adam Wilson and Gene Likens looked into the edit histories of several science pages on Wikipedia, finding that within just a few days the page for acid rain was edited to define it as “the deposition of wet poo and cats,” and separately by another user who claimed that “acid rain killed bugs bunny”; a third dismissed the phenomenon as “a load of bullshit.” One repeatedly tried to change the spelling of “rain” to “ran.”
None of the rogue changes lasted long—dedicated editors monitor popular pages for changes, as do the site’s bots—but for Likens in particular, who led the team that discovered acid rain and had devoted time to editing the page himself, this was frustrating. (Of course, anything called “acid” may invite a certain volume of psychedelic gobbledygook.) Wilson says “acid rain went through some very tumultuous edits.” Their study found politically controversial scientific subjects attracted far more edits, which will also mean more quality control. Wilson tells me that he is fairly impressed by the discussion and edits on the climate change page.
The other problem with Wikipedia’s open-door editing policy is that there’s little to stop those with a vested interest influencing entries. Wikipedia’s guidelines caution against editing your own page, or on behalf of family, friends or your employer, but this is tricky to police in a land of anonymous usernames—and the temptation can be strong. Indeed, a farcical controversy unfolded when Wales changed his own entry to remove references to Sanger as co-founder of the site, leaving him as the sole creator. He was called out in 2005, and later aired regret to Wired: “I wish I hadn’t done it. It’s in poor taste.” The Bureau of Investigative Journalism revealed in 2012 that thousands of edits to Wikipedia were being made from within the House of Commons. The former MP Joan Ryan, who left Labour for The Independent Group, admitted to editing her own page, pleading that she had to tackle “misleading or untruthful information.”
But while both criticism and praise often centre on the claim that editing is a free-for-all, that is no longer quite the case. Thomas Leitch, author of Wikipedia U, points out: “Wikipedia’s folklore is that ‘We’re the people’s encyclopedia. We’re a democracy, anybody can edit.’ That’s not true—[to edit] you can’t be someone who has corrected, or in Wikipedia’s view miscorrected, a given page so many times you’re now banned; or someone who has run afoul of an editor. You have to colour within the lines to be able to edit on Wikipedia.”
While anyone can create a Wikipedia account and click “edit” on almost any page, your edit will likely be reversed by another editor unless it meets certain standards. If disputes arise—edits being repeatedly made and reversed, or a discussion turning ugly on the “Talk” discussion pages that accompany every article—users can be banned by administrators, or an article can be “locked” against unsupervised edits.
Even the everyday friction between editors can put off the would-be Wikipedians. I decided to have a go, and added a short, factual line on a recent controversy to the “history of Wikipedia” page (admittedly one that’s likely to be heavily scrutinised). Within seven hours it was removed by another editor, with the curt explanation: “hardly notable or controversial.” The page as a whole is marked as “need[ing] to be updated” as of August 2018—based on my limited experience, perhaps over-precious editors could be to blame.
The stern eyes of experienced editors may be justified in some cases but there are serious consequences. Surveys show that editors on the English language site are overwhelmingly young men—exactly in keeping with so much of Silicon Valley. The Wikimedia Foundation set a goal in 2011 to get to 25 per cent female editors over four years. In 2014, executive director Sue Gardner was forced to admit that “I didn’t solve it. We didn’t solve it.” In 2018, nine out of 10 editors were male.
“Wikipedia’s open-door editing policy means there’s little to stop those with a vested interest from influencing stories”
Wales bemoans “not nearly enough” progress, and says the Foundation “still has a lot to learn.” He had hoped the phasing-in of a visual text editor (meaning the page you’re editing looks like the published version, rather than resembling off-putting code) would attract more diverse editors, but “it hasn’t had the impact that I would like.”
What’s at stake with diversity is, in Wales’s own words, not just “some sort of random political correctness—it impacts the content.” When male contributors predominate, you get certain kinds of entries and edits: in 2013, the New York Times journalist Amanda Filipacchi noticed that someone, or a group of someones, was gradually moving women out of the “American Novelists” category and moving them into one called “American Women Novelists,” meaning that the main list of American authors was becoming exclusively male.
With no application process for being an editor, and potentially anonymous and genderless profiles, this is a problem not easily amenable to the conventional corrective of monitoring. Jessica Wade, a physicist and Wikipedia editor, blames the skew to the male-dominated tech world from which the site was born: “When the community started, it wasn’t diverse, and it didn’t welcome people from underrepresented groups.”
When women or minorities do try to edit, she says, they can face old hands “who don’t encourage people enough to make them want to stay. Not everyone is so determined that they won’t give up when they’re told the page they listed is rubbish, or that they’ve not cited something properly.”
Having dabbled in editing Wikipedia herself, Wade was shocked by the lack of entries for female scientists. She set herself a steep goal: to create a new page for a female or minority scientist every single day—and, starting in early 2018, she’s done it ever since. Her project provoked some grumbles, and one fellow scientist made her doubt herself: “They said that I was diluting Wikipedia and damaging the community by putting these entries on there. It really upset me.” She’s quick to say, though, that the majority of the community is supportive, and the joys of collaborating—waking up after a night of editing to see that contributors on the other side of the world have added useful edits or photos to your entry—outweigh the negatives. Mary Mann, a librarian who was spurred back into editing recently by inaccuracies regarding a type of pepper, tells me that her experience has been positive, “with the caveat that the pages I’ve tended to work on so far are non-controversial pages. Everyone likes Sichuan peppers.”
Another important skew in Wikipedia’s contributions is geographical: Around 68 per cent of contributors are in America and the UK; Wales predicts that the big changes in Wikipedia’s next 20 years will be largely invisible on the English site: “Wikipedias in the languages of the developing world [will be] a really huge part of our future—how do we support whatever technological limitations people might have?”
Wales believes that “the reputation of Wikipedia has improved dramatically over the years.” At the beginning, he found the storms about individual silly edits frustrating, but there are far fewer of them now. “It’s like how there was a whole spate of stories about eBay, about someone selling a gun, or someone selling their babies, or selling their soul. And then everybody realised that yeah, you can post pretty much anything you want on eBay, then someone will flag it and it gets taken down. It’s not that exciting.”
Meanwhile, stories of lecturers warning students not to cite Wikipedia conveniently omit that they would say the same about any encyclopedia, as they’re not primary sources. Several I spoke to regularly recommend Wikipedia as a great place to start researching a subject, as you can reach the primary sources through the links. Ellis Jones, a sociology professor, made editing Wikipedia pages on sociological theorists part of his syllabus: “It’s one of the most exciting things in the course for the students. It allows them to see that even though they’re not experts, they can contribute some small piece of knowledge to the public.”
Leitch, the author of Wikipedia U, argues that the great gift of Wikipedia is the way that it teaches us to question sources of authority. “Yes, of course, we have to be asking questions about Wikipedia. But while we’re on that subject, shouldn’t we be asking those questions about liberal education in all of its avatars?” Take the peer-review process: a 2017 study found that it comes with its own set of biases: women were under-represented, and both men and women tended to favour work by their own genders. Some charge the process with slowing down the publication of disruptive findings; virtually everyone involved with it knows that academics will insist on the addition of references to their own publications, as shameless a form of anonymous self-promotion as attempting to buff up your Wikipedia page.
Rather than Wired’s description of it as the “last best place on the internet,” I prefer the way Tom Forth, another Wikipedia editor, described it to me: as “the least bad place on the internet.” It has many flaws, but many fewer than other huge sites. “Don’t be evil,” Google’s former motto, is a promise Wikipedia could claim to have kept.
“The great gift of Wikipedia is the way that it teaches us to
question sources of authority”
Ironically for those who see Wikipedia as a disruptor, some of its greatest problems stem from the older institutions it relies on for citations. Its “notability criteria” mean that “reputable” sources must recognise a subject’s importance before Wikipedia can. When I ask Jimmy Wales about his concerns about fake news, he highlights a much greater problem: the steep decline in local news outlets, which means the site often cannot cover local topics at all.
However, the relationship between the resource and the world it reflects is not a one-way street. It can seem like if something isn’t on Wikipedia, it may as well not exist. Conversely, newer pages like those created for female and ethnic minority scientists by Wade can, in some small ways, hack away at the biases in the world at large. During 2020, she and another scientist set about creating Wikipedia pages for those researching the pandemic, and says she soon noticed a gradual lessening in the white, male skew of experts quoted in the media.
One of the first pages Wade made was for Gladys West, an African-American scientist and a pioneer of GPS technology. The page started small, as little was known about her life, but over the years more has emerged, and she was recently profiled in the Guardian. For Wade, this encapsulates the joy of editing. “When I see other people I’ve done pages for getting recognition and honours and being celebrated, I’m just like, this is the best day ever. This is the greatest thing ever. The power you have from just sitting up at night with your laptop—it’s extraordinary.”
There is something undeniably romantic about thousands of people pooling their knowledge online—not for money or fame, but because it seems a good thing to do. One of the editors I spoke to sent me a link to “Listen to Wikipedia,” a website that plays musical notes as it shows, in real time, which pages are being updated: bells for additions, strings for subtractions; deeper notes for large edits, higher notes for small. “Kent county Delaware,” “Biondi,” “Upton State Pueblo Pottery,” “Italy National Cricket Team.” “Topher Grace,” and words in languages I don’t understand flash by. The longer I watch, the more it looks like the least bad place on the internet.
After many years of political meltdown on our island, it has been satisfying these past few weeks to regain the one feeling that really puts a spring in every Englishman’s step. Because, while it’s of course important that our vaccine programme has saved thousands of lives so far, the most special thing is that for the first time in many years France’s politics are much worse than ours. Order is restored to the galaxy once again.
France’s president has shredded his reputation more than any other person in the age of Covid (and with some competition). First Emmanuel Macron cast doubt on the effectiveness of the AstraZeneca vaccine, calling it “almost ineffective” for the over-65s, the sort of reckless comment even Trump might have thought a bit excessive. Then, thanks to his lockdown policies, the Economist downgraded France to a “flawed democracy”, along with all the Visegrad bad boys and Modi’s India.
Now the country has, inexplicably, halted AZ vaccinations because of a miniscule number of blood clots, fewer than you would get with the contraceptive pill. But then perhaps it hardly matters, since France leads the world in vaccine scepticism, and conspiracy theories more generally. It is a country maddening in its strangeness, and that at least partly explains English antipathy to the place, which goes back centuries.
When Britain left the EU last year it followed decades of press hostility in which Francophobia was the strongest component, far more than hostility to the Germans. Perhaps the most famous example was the notorious Sun headline from November 1990, Up Yours, Delors. At the time EU commissioner Jacques Delors had become something of a bogey figure to the British Right, and after he had criticised Britain’s increasingly isolated position in Europe, the Sun chimed in by pointing out how “They tried to conquer Europe until we put down Napoleon at Waterloo in 1815” and “They gave in to the Nazis during the Second world War when we stood firm”. It called for all “frog-haters” to shout “up yours, Delors!” and that those on the south coast would be able to smell the garlic from across the Channel.
(Delors was not the only French politician to antagonise the English at the time. The following year, prime minister Edith Cresson stated her belief that one-quarter of “Anglo-Saxon men” were gay, to which Tory MP Tony Marlow replied “Mrs. Cresson has sought to insult the virility of the British male because the last time she was in London she did not get enough admiring glances”. Afterwards, the tabloids pointed out that Frenchmen kiss each other and carry handbags.)
Of course, the Sun might not speak for England, but it was probably speaking for a large section of its readers, because while England’s relationship with France is complicated, it is heavily tied up with our class system; the English middle class obsess over France, while the English working class have traditionally hated everything about it.
As far back as the French Revolution, well-bred radicals were excited and inspired by events in Paris, with Whig politician Charles James Fox crying “How much the greatest event it is that ever happened in the world!” when the Bastille was stormed.
Yet it was not simply that they favoured the revolution’s ideology; it was because it was French. And even as France descended into anarchy and then tyranny, Britain’s intelligentsia still sympathised with it. Fox’s nephew Lord Holland publicly supported Napoleon, while his wife Lady Holland even sent him books when he was sent to St Helena. William Wordsworth lamented of his own country that “Oh grief that Earth’s best hopes rest all with thee!”
In contrast, among working-class Englishmen there was virtually no support for the revolution and when volunteers were called up to fight France, the country managed to enlist 20% of all adult males, three times the French rate and a huge endorsement of opposition to Napoleon. It wasn’t just that they were fighting for English liberty against a revolutionary system. It was because it was against the French.
Men were recruited into local militias, and when in 1804 the authorities organised a mock training battle in Wood Green, Middlesex, they got the Islington Volunteers to be the British and the Hackney and Stoke Newington Volunteers to play the French. However, the Hackney men so objected to having to even pretend to be French that a fight ensued with several people injured, one being stabbed in the leg.
That’s because they were cockneys. A middle-class volunteer militia would have revelled in playing the French, rattling on about the latest pseuds being venerated on the Left Bank and emphasising all the correct pronunciations like they were reporting for Radio 4.
Our relationship with France is, of course, formed by an inferiority complex stretching back to Norman rule, and perhaps a lingering suspicion among the proletariat that the toffs deep down are still French (and English people with Norman-French names are still richer than the rest of the population, even after 950 years).
This complex deepened with the French cultural domination of the 18th century when Versailles court etiquette was imitated by English-speaking elites, and petit-bourgeoise English sensibilities were horrified by French sexual morality. Louis XV had over one hundred mistresses — including five sisters — which made even England’s leading royal philanderer, the half-French Charles II, seem emasculated in comparison.
There is sex, and then there is the food, a French obsession which is endearing and sort of baffling. As far back as the 15th century, when the English ruled much of France, their power began to collapse after they held a coronation of the infant King Henry in Paris and overcooked the chicken; even the poor queuing up for scraps complained how bad it was. Within a few years, the French had rebelled and kicked the English out.
Only in France would football fans protest that a local restaurant had lost a Michelin Star, as happened in Lyon two years ago. Only in France would an expedition to the Himalayas — of huge national importance — fail because it was weighed down by eight tonnes of supplies, including 36 bottles of champagne and “countless” tins of foie gras. And only in France would you get actual wine terrorists, the Comité Régional d’Action Viticole, who have bombed shops, wineries and other things responsible for importing foreign produce. This is a country which only reluctantly in the 1950s stopped giving school children a nutritious drink for their health, by which the French meant not milk but cider.
This is a country where mistresses are so much part of life that they can legally inherit, and where murder doesn’t really count if it’s done for love. One of France’s most famous socialites, Henriette Caillaux, shot dead the editor of Le Figaro just before the First world War and received just four months in jail because it was a crime passionnel. So that’s all right then.
France’s last duel, meanwhile, was in 1967, when Marseille’s mayor Gaston Defferre insulted another politician, parliamentarian René Ribière, calling him “stupid”. The latter was wounded, first emotionally and then literally.
It is all part of that sense of honour, which also manifests itself in its sense of national pride — probably the biggest cause of British frustration within the EU, when many felt we could have managed with the Germans and Dutch. Anti-French animus likely motivated some opposition to the EU, and certainly our otherwise dismal lives were cheered up slightly last year with the possibility of skirmishes between French sailors and the Royal Navy.
But the truth is that France, “that sweet enemy”, has by and large been our closest ally. How many of those fighting at Waterloo could have foreseen that, when the guns fell silent, it would be the last time the two countries ever fought, and the start of 200-and-counting years of friendship, a military alliance far stronger than the supposed “special relationship” with the US? A generation later the British and French fought together in the Crimea, where Lord Raglan continued to refer to them as “the enemy”, and since then we have fought continuously side by side, in two world and many minor wars, from Suez to Libya.
This year we won’t be visiting France, and honestly, I’m really glad about that. I don’t write that in bitterness. I’m really glad I’m going to Bognor, which has got the third lowest rainfall in the UK. Why on earth would I want the Languedoc?
But we’ll be back, if not this year, then next, a line of cars heading down the A26 on that long, endless journey to the middle-class English Valhalla beyond the Loire.
Reçu ce matin ce communiqué de l'A.FR.AV (Association francophonie avenir) et de son président Régis Ravat, que je crois utile de porter à la connaissance des habitués de ce blog :
Madame, Monsieur,
Une forfaiture civique et linguistique, une de plus, est en train de se mettre en place dans notre pays, et cela a été annoncé, qui plus est, le 16 mars 2021, durant la Semaine mondiale de la langue française et de la francophonie :
LA FUTURE CARTE D'IDENTITÉ DES FRANÇAIS VA DEVENIR BILINGUE FRANÇAIS-ANGLAIS !
Nouvelle provocation contre les francophones et les amis de la langue française en France et dans le monde : le gouvernement a choisi la Semaine de la francophonie et de la langue française pour présenter, sans le moindre débat parlementaire préalable, son projet de nouvelle carte d'identité bilingue où les rubriques sont toutes libellées en français et... en anglais.
L'anglicisation en marche !
Ça ne suffisait pas à l'équipe gouvernementale en place de fermer les yeux sur les innombrables entorses des grandes firmes « françaises » privées et publiques (Renault, PSA) qui basculent leur communication technique vers le tout-anglais ou qui nomment leurs produits et enseignes en anglais (« Ma French Bank », « TGV Night », etc.).
Ça ne lui suffisait pas non plus de laisser nombre de grandes écoles et d'universités multiplier les enseignements en anglais destinés... à des francophones dans toutes sortes de disciplines pendant que, illégalement, toutes sortes de collectivités publiques rebaptisent leurs « territoires » en anglais (« Oh my Lot ! », « Only Lyon », « In Annecy Mountains », « Purple Campus », « Lorraine Airport », etc.).
Enfin, ça ne suffisait pas au gouvernement de laisser la Commission de Bruxelles, sans aucune protestation française qui fût à la hauteur de cette forfaiture, installer le fait accompli d'une communication européenne exclusivement délivrée en anglais.
Voilà maintenant que l'État français lui-même décide de passer outre l'article II de la Constitution (« la langue de la République est le français ») et de violer lui-même, et fort grossièrement, la loi Toubon de 1994 (« la langue française est un élément fondamental de la personnalité et du patrimoine de la France » en éditant une carte d'identité dont l'effet réel sera de désétablir le français de son rôle de seule langue officielle du pays, de le reléguer au rang de langue locale en niant sa dimension internationale et d'instituer du même coup l'anglais – et cela en plein Brexit ! – comme seule langue internationale reconnue par la France.
De plus en plus se confirme la volonté, voire l'acharnement des milieux dominants imbus d'idéologie atlantiste et « post-nationale » de désétablir à toute vitesse notre langue nationale, premier service public de France, socle de la République indivisible et ciment de la francophonie internationale.
Cette carte d'identité de la honte est un test de la résistance civique et linguistique des citoyens.
Si nous, citoyens français, laissons passer cette grossière forfaiture linguistique, le pouvoir saura qu'il peut donner son feu vert à l'entreprise visant à faire de l'anglais la seule langue de travail de l'UE, puis à en faire une langue co-officielle en France même : ce qui accélèrera prodigieusement la politique linguistique d'arrachage du français, de substitution systématique de l'anglais à notre langue maternelle commune et de basculement général, en France et dans le reste de l'UE, à la langue unique ardemment désirée par la finance et par les grandes sociétés transnationales, avec tous les énormes dangers que cela représente sur les plans économique, social, culturel et politique.
C'est pourquoi nous, associations de défense du français, adjurons les parlementaires, les intellectuels, les syndicalistes, les journalistes, d'interpeller fortement le président de la République et le gouvernement, qui jusqu'ici n'ont même pas la courtoisie démocratique de répondre à nos adresses citoyennes, pour qu'ils retirent au plus tôt ce projet attentatoire à la loi, à la Constitution, à la personnalité même de la France et à la langue commune du peuple français et des autres peuples de la francophonie internationale.
Albert Salon, ancien ambassadeur, président d’honneur d’Avenir de la Langue française (ALF), président du FFI-France, et secrétaire général du Haut Conseil de la langue française et de la francophonie (HCILFF)
Georges Gastaud, philosophe, président exécutif de CO.U.R.R.I.E.L. (Collectif unitaire républicain pour la résistance, l'initiative et l'émancipation linguistiques)
Catherine Distinguin, présidente d'Avenir de la langue française (A.L.F.)
Ilyes Zouari, président du Centre d'études et de réflexion sur le monde francophone
Thierry Saladin, secrétaire de l'A.FR.AV. (Association francophonie avenir)
Philippe Reynaud, président de Défense de la langue française (D.L.F.) en pays de Savoie, ainsi que M. Lucien Berthet, DLF en pays de Savoie.
Si l'orthographe française est compliquée, c'est historiquement volontaire. En 1694, dans les cahiers préparatoires du tout premier dictionnaire de l’Académie française, il était écrit : « L’orthographe servira à distinguer les gens de lettres des ignorants et des simples femmes ».
L’orthographe a longtemps été décidée par et pour les lettrés, qui connaissaient le latin et souvent le grec. Ses conventions complexes ont rarement été simplifiées, et le français écrit, avec ses lettres et marqueurs muets, demeure une langue difficile à s’approprier.
Le monde de la pensée, le landerneau de la traduction, les réseaux sociaux bruissent d'une polémique sur la traduction du poème d'Amanda Gorman, la jeune poétesse intervenue lors de l'investiture du président Joe Biden et dont l'œuvre est en train d'être traduite dans le monde entier.
par Bérengère Viennot
Selon la journaliste néerlandaise Janice Deul, qui a écrit un article fort médiatisé sur le sujet dans les colonnes du média de Volkskrant, c'est une mauvaise idée de confier la traduction d'un poème écrit par une jeune femme noire à une jeune personne non-binaire blanche. Ce serait mieux qu'une femme noire le fasse. Son article a fait grand bruit; la personne initialement désignée s'est désistée, et la maison d'édition a déclaré réfléchir à la composition d'une équipe de traduction qui serait plus appropriée.
Là-dessus, en Espagne, c'est la version catalane qui est mise sur la sellette. Le traducteur, Victor Obiols, après s'être vu confier la traduction du poème, a finalement été évincé par sa maison d'édition qui lui a affirmé chercher «un profil différent, celui d'une femme, jeune, activiste, et de préférence noire».
On peut en déduire que cette journaliste et que ces maisons d'édition n'ont qu'une vague idée de ce à quoi ressemble un vrai traducteur ou une vraie traductrice. À l'instar de ces enlumineurs du Moyen Âge, qui se faisaient une idée abstraite des animaux exotiques qu'ils n'avaient jamais vus mais qu'ils dessinaient quand même en ne s'aidant que de la description qui leur avait été faite, les grandes lignes leur sont familières, mais le résultat est complètement à côté de la plaque.
Il existe plusieurs sortes de traducteurs. Certains sont spécialisés en traduction qu'on dit pragmatique –qui peut être juridique, technique, financière, médicale ou autre. D'autres le sont en traduction audiovisuelle. D'autre encore en traduction de presse. Et puis il y a la traduction littéraire, au cœur de la polémique actuelle. Et comme l'une des matières premières de la traduction, quelle que soit sa nature, ce sont les mots et leur manipulation rigoureuse, il est très important, avant de lancer un quelconque débat ou une réflexion sur la traduction poétique, de savoir de quoi on parle.
La traduction littéraire est un métier particulier, pour lequel les compétences requises ne sont pas les mêmes que pour, par exemple, la traduction financière. Certes, on peut savoir faire les deux, comme un pâtissier peut savoir faire de la charcuterie, mais cela ne va pas de soi. Les matières premières sont les mêmes: un humain, un texte, deux langues. Les compétences sont différentes, et les techniques aussi. De même que vous ne confierez pas l'élaboration de la pièce montée de votre mariage à votre charcutier, vous ne demanderez pas à un traducteur médical de traduire Toni Morrison.
Un traducteur littéraire, c'est une sorte d'appareil. Un peu comme un hachoir à viande ou une machine à coudre. Grâce à lui, une matière première va changer d'état, se modifier et remplir une fonction différente grâce à cette transformation. Le traducteur va prendre un texte, le passer à la moulinette de son cerveau et produire un autre texte, ressemblant mais pas tout à fait identique, qui sera destiné à un autre public. De l'extérieur, tout est question de langue. Il y a de ça. C'est la toute première condition: un traducteur est un linguiste.
Mais à l'intérieur du traducteur, ou du hachoir à viande, il y a des mécanismes très précis, très délicats, plus ou moins rodés en fonction de l'ancienneté et de la marque des pièces, dont les caractéristiques principales sont les mêmes chez tous et dont les caractéristiques secondaires diffèrent de l'un à l'autre.
Outre son savoir-faire parfois acquis dans une école spécialisée, parfois sur le tas, le traducteur va opérer différemment en fonction de qui il est. La traduction littéraire étant une activité profondément, même uniquement humaine, elle n'est pas exempte de toute influence. Est-ce à dire que vous pouvez avoir plusieurs traductions d'un même texte en fonction des différents traducteurs? C'est exactement ça. Et si les traducteurs sont compétents, toutes seront bonnes. Qu'ils soient noirs ou blancs. Hommes ou femmes. Issus d'un milieu bobo ou prolo. En revanche, faute de savoir-faire, les traductions seront mauvaises –chacune à sa façon.
A priori, rien ne laisse penser qu'Amanda Gorman sera mal traduite par les nouveaux traducteurs choisis par les maisons d'édition néerlandaise ou catalane. Le sujet de la polémique n'est pas de savoir si une jeune femme noire n'est pas capable de traduire une autre jeune femme noire. Le résultat sera peut-être excellent, si elle sait s'y prendre. Le problème réside dans la démarche et dans l'idée que l'on doive confier une traduction à une personne qui sera apte à le faire à cause de ce qu'elle est, et non uniquement pour son aptitude à le faire. Cela n'a rien à voir avec la traduction, et tout avec le communautarisme. Bien des traducteurs ont réagi avec un humour grinçant en apprenant que
la traductrice néerlandaise de Gorman avait été évincée en s'exclamant qu'il fallait donc être aveugle pour traduire Hellen Keller, nazi pour traduire Hitler, voire mort pour traduire du latin.
L'argument de la parfaite similarité ne tient pas car tous les traducteurs sont différents des auteurs qu'ils traduisent, même s'ils ont la même couleur, le même sexe et une histoire comparable. D'abord parce qu'ils ne parlent pas la même langue et n'ont pas grandi dans la même culture: ils ne voient donc pas la vie de la même manière. Même en ayant vécu des expériences similaires, ils n'auront pas éprouvé les mêmes sentiments, ressenti les mêmes joies ou les mêmes douleurs. Et aussi, simplement, parce qu'il n'y a rien de plus dissemblable que deux êtres humains, quelles que soient leurs expériences communes. Or, tout le talent du traducteur, c'est justement de passer outre cette différence et de se mettre dans la peau de l'auteur qu'il traduit, qui devient, l'espace d'une mission «son» auteur. C'est la magie, le talent, le travail et toute la difficulté de la traduction; c'est, avec le bonheur d'écrire, aussi ce qui en fait l'attrait.
Le traducteur entre dans la peau de l'autre, dans sa tête et dans ses mots, et abolit, autant que faire se peut, sa propre identité pour offrir à des lecteurs la pensée de l'Autre. La traduction, c'est l'exaltation, la célébration de l'altérité et de la différence. Dans son geste traductionnel, le traducteur dit au lecteur: regarde, l'autre qui parle et pense différemment de toi partage sa pensée et je suis la passerelle entre lui et toi. Je suis à la fois moi-même, concentré de mes compétences et de mon expérience, lui, car j'entre dans sa tête, et toi car je sais comment te parler pour que tu comprennes.
Par définition, par essence, traduire, c'est exposer la différence et prouver qu'elle n'est pas insurmontable. Or, prétendre qu'une traduction sera meilleure ou plus pertinente parce qu'elle aura été réalisée par une personne qui «ressemble» à l'auteur, c'est d'une part n'y comprendre absolument rien à l'art de la traduction, ce qui est en soi assez grave de la part d'un éditeur, mais d'autre part, surtout, c'est vouloir introduire un communautarisme, un combat, une haine de la différence, dans un domaine qui en était préservé. C'est instrumentaliser une pratique afin promouvoir une idéologie nauséabonde qui vise à diviser au maximum le plus de communautés possible et à tenter de convaincre que si nous sommes différents, nous ne pouvons pas communiquer. C'est moche.
En outre, c'est aussi nier l'individualité tant de l'autrice que de la traductrice, ce qui est clair dans le cas d'Amanda Gorman. Est-ce que toutes les femmes se ressemblent et se comprennent? Est-ce que tous les Noirs sont pareils et ont vécu la même chose? Même alors qu'ils ont vécu dans des pays différents, des cultures différentes, comme s'il existait un groupe homogène «noir» et un autre «femme» dont les éléments seraient interchangeables? Non, évidemment, une telle réduction des individus à leur nature et à rien d'autre est un geste effrayant, au fondement même du racisme.
Que le grand public n'ait pas, par instinct, de mouvement de rejet devant ce soufflet envoyé à la figure de tous les traducteurs, c'est compréhensible: profession invisible par excellence, la traduction est un petit monde relativement fermé qui se contente souvent d'exister sans qu'on n'en connaisse trop les rouages. Les traducteurs, c'est comme les éboueurs: il n'y a que quand quelque chose ne va pas qu'on se rappelle qu'ils existent. En revanche, que des éditeurs cèdent aux sirènes d'un mouvement communautariste pour ne pas déplaire à une minorité de radicaux qui trempent leur plume dans l'encre de la division et de la haine de l'autre pour écrire un avenir où la vie en communauté est condamnée à disparaître, voilà qui doit inquiéter.
Et c'est aux traducteurs, pour une fois, de se défaire de leur cape d'invisibilité et d'interpeller les lecteurs: il faut nous faire confiance. Nous connaissons notre métier et nos limites.
Un bon traducteur n'acceptera jamais de traduire un texte qui lui semble inaccessible, ce qui arrive, bien entendu. N'écoutez pas ceux qui ne se sentent exister qu'en rejetant ceux qui ne leur ressemblent pas et se construisent une identité en divisant pour mieux régner et en alimentant le culte de l'entre-soi. Si nous décidons de jouer notre rôle de passeur, c'est que nous en sommes capables, parce que malgré les différences de sexe, de couleur et d'histoire, nous sommes humains et que rien d'humain ne nous est étranger.
Par Mohamed Arbi Nsiri -
Il est usuel de définir la mémoire comme étant la faculté de conserver des traces du passé et de pouvoir s’y référer activement en fonction des situations présentes. Mais très souvent, les discours identitaires, empêchent une lecture objective des événements historiques. Récemment, le « rapport Stora » a renouvelé le débat ancien, mais toujours renouvelé, autour des liens existants entre la mémoire historique et l’histoire savante. Recenser, rassembler, mettre en ordre étaient les maîtres-mots de son rapport. Mais face à ce vif intérêt pour la mémoire, d’autres voix s’élèvent pour mettre en garde contre l’instrumentalisation de ce qui reste vivant de la « mémoire historique » au service de la politique.
Dans son livre intitulé Douze leçons sur l’histoire (1996), Antoine Prost récapitule les différences fondamentales qui existent à ses yeux entre histoire et mémoire. Selon lui, à l’inverse de l’histoire, la mémoire isole un événement de son contexte ; elle cherche à le tirer de l’oubli pour lui-même et non pour l’insérer dans un récit cohérent créateur de sens ; selon lui, la mémoire est affective, tandis que l’histoire se veut objective. Ainsi, en dépit des apparences, l’injonction incantatoire au « devoir de mémoire », lui semble-t-elle en réalité une négation de la demande d’histoire.
Cet antagonisme entre histoire et mémoire est apparu récemment. Il est la conséquence des profondes mutations qui, depuis plus d’un siècle, ont affecté la définition de l’histoire comme celle de la place revendiquée dans la société par les historiens. Progressivement, ceux-ci ont pris de la distance vis-à-vis de la fabrication d’un roman national, et ont affiché leur méfiance, après les expériences douloureuses du XXe siècle, envers toute tentation de manipulation de la mémoire collective. Les renouvellements introduits par l’École des Annales en faveur d’une histoire globale inscrite dans la longue durée ont aussi contribué à cette rupture des historiens avec l’histoire-mémoire traditionnelle. En contrepartie de cet effacement, on assiste depuis quelques années à la montée des revendications mémorielles, face auxquelles les historiens doivent se positionner.
À l’origine, l’histoire est mémoire. Au Ve siècle av. J.-C., Hérodote d’Halicarnasse justifie d’ailleurs d’emblée son entreprise par la volonté de préserver de l’oubli des événements qu’il juge d’importance. En ce sens, au moment de sa fondation, l’Histoire ne se donnait pas un objectif si différent du mythe : la poésie épique de type homérique, ou bien la tragédie, mettaient également en scène les grands événements du passé sans négliger d’en proposer une explication. D’ailleurs, rappelons que les Grecs considéraient que Mnemosynè, c’est-à-dire la mémoire divinisée, était la mère des neufs Muses, dont Clio la Muse de l’histoire. Déjà à la fin du VIIIe siècle av. J.-C., Hésiode se présente, dans les premiers vers de sa Théogonie, comme celui auquel les Muses ont accordé la connaissance du passé héroïque.
Comme le rappelle Paul Veyne à juste titre, le poète est un possédé de la mémoire, un témoin inspiré du mythe constructeur du passé. L’historien, pour sa part, est témoin d’un temps. Mais le principe est le même : Lucien de Samosate rapporte que les auditeurs des lectures publiques effectuées par Hérodote à Olympie donnèrent aux neuf livres de ses Enquêtes les noms de chacune des Muses.
Authentique ou non, cette anecdote révèle un parallèle établi entre l’historien et le poète, dans leur rapport à la mémoire autant que dans l’agrément de la forme. Durant toute l’Antiquité classique subsiste l’idée que l’historien transmet par son œuvre un souvenir mémorable utile à la postérité. Celui qui l’a formée le plus clairement est sans doute Cicéron, dans ses Dialogues de l’Orateur écrits en 55 av. J.-C., dans lesquels il présente l’Historia comme un témoin des temps.
Ainsi, chez les Romains de la fin de la République et du début du régime impérial, l’histoire se fait véritablement remémoration à vocation exemplaire : la commémoration y est source d’émulation et contribue à construire une mémoire socialement effective, procédé très sensible par exemple chez Tite-Live. Toutefois, si l’histoire est bien mémoire, elle ne constitue pas qu’un aspect de celle-ci, sous une forme particulière et qui peut même être jugée mineure. D’une manière générale, les sociétés méditerranéennes de l’Antiquité disposaient de supports mémoriels puissants et variés qui ne leur rendaient pas indispensable l’écriture de l’histoire.
Tout se passe comme si l’invention de l’histoire s’était produite inexplicablement, sans réelle demande sociale. Et comme l’a bien mis en évidence l’historien italien Arnaldo Momigliano (1908-1987), les Grecs disposaient, sans l’aide des historiens, de tous les savoirs sur le passé dont ils avaient besoin. Ceci explique que l’histoire soit restée dépourvue de véritable statut pendant une bonne partie l’Antiquité et que les historiens n’aient jamais acquis une place reconnue dans la société antique. À ce propos l’historien italien notait la chose suivante :
« Ce ne peut être un hasard si tant d’historiens grecs vécurent en exil et si tant d’historiens romains furent des sénateurs d’un âge mûr : les uns écrivirent l’histoire alors qu’ils se trouvaient empêchés de participer à la vie normale de leur propre cité, et les autres alors que leur vie active approchait de sa fin. » (Arnaldo Momigliano, Problèmes d’historiographie ancienne et moderne, Paris, 1983, p. 55)
Ni enseignée, ni toujours bien distinguée de la littérature dans l’esprit du public de l’agora antique, l’histoire n’était qu’une des modalités de la mémoire collective, et pas nécessairement la plus importante. Mais avec la christianisation du monde antique, l’ancrage historique de la mémoire se déplace vers la liturgie, qu’illustre les Memoriae d’Antiquité tardive et du Moyen Age.
Lorsqu’elle émerge à la Renaissance, l’historiographie moderne cherche les racines des histoires locales jusque dans l’Antiquité qu’on redécouvrait alors avec passion : c’est ainsi qu’à la fin du XVIe siècle Étienne Pasquier (1529-1615) mit à l’honneur, dans ses Recherches de la France, le mythe de « nos ancêtres les Gaulois ».
Non que le souvenir des Anciens n’ait jamais été perdu : au contraire, il suffit de songer à la référence politique constante qu’à représentée l’Empire romain durant tout le Moyen Âge, comme en témoigne par exemple la fameuse Donation de Constantin, dénoncée notamment par Lorenzo Valla (1407–1457) comme une « création » forgée de toutes pièces. Mais désormais, l’humanisme aidant, l’amour de l’Antique caractérise le classisme européen, durant lesquels l’histoire occupe une place privilégiée dans la culture des hommes du temps.
Académies et sociétés savantes entretiennent le rêve des origines, permettant aux élites locales ou régionales de penser leur identité face à une histoire officielle dominée par la centralisation monarchique. La Révolution française et l’Empire porteront à leur comble les emprunts à une Antiquité stéréotypée et atemporelle dans le but de construire une mémoire lavée de l’héritage abhorrée de la monarchie et de l’Ancien Régime. Par la suite, les nationalistes du XIXe siècle puiseront à leur tour abondamment dans l’histoire ancienne (pas seulement gréco-romaine d’ailleurs) pour fonder leurs revendications souvent antagonistes.
En France par exemple, la construction de la mémoire collective a procédé par flux et reflux. La place accordée au Moyen Âge est de ce point de vue significative. Si l’on considère que, pour être opératoire, le travail de mémoire doit succéder à temps d’oubli, alors il a dû être singulièrement efficace s’agissant du Moyen Âge. Plus qu’un oubli, on y verra d’ailleurs plutôt un effort délibéré de distinction et, dans le même temps, de dépréciation peu favorable à une remémoration continue : c’est ainsi que les savants de la période classique et de celle des Lumières ancrèrent dans les esprits une certaine idée du Moyen Âge, obscur et peu digne d’intérêt, que les hommes de la Renaissance avaient lancée.
L’engouement romantique pour la période médiévale apparaît donc, de ce point de vue, comme une grande rupture dont les premiers conservateurs et muséographes des années révolutionnaires furent certainement les éclaireurs. Les musées (Cluny, Petits-Augustins…), donc, mais aussi les arts, romanesque ou pictural, connurent alors un véritable foisonnement médiéval qui ne se démentit pas par la suite : même si leur œuvre était pétrie d’erreurs historiques grossières, Alexandre Lenoir, Victor Hugo ou Alexandre Dumas ont éveillé une passion populaire pour cette période historique. La qualité historique de leurs écrits importe peu ici : rapidement, de vrais historiens prendront le relais, qui n’auraient jamais pu le faire sans cet engouement initial.
C’est à partir de là qu’une dynamique a été impulsée, dont l’enseignement – secondaire et supérieur dès la Restauration, primaire à partir de la IIIe République – a été le principal moteur, entre vulgarisation des apports de l’histoire savante et passion de plus en plus partagée pour le Moyen Âge. Là, le « mythe des origines », pour reprendre l’expression de Marc Bloch, trouvait sa pleine expression : Clovis à Tolbiac, Charles Martel à Poitiers, Charlemagne et sa barbe fleurie à Roncevaux, Louis IX sous son chêne et Jeanne d’Arc sur son bûcher… Les Français des trois derniers quarts du XIXe et de la première moitié du XXe siècle invoquaient les grandes figures que le premier sentiment national, médiéval celui-là, avait déjà honorée, mais en les réactualisant totalement.
Un subtil compromis avec toutes les formes de l’héritage révolutionnaire permettait que, miraculeusement, tous les Français s’y retrouvent, ce en quoi le mythe peut être qualifiée de pleinement opératoire. Sans surprise, il se délita lorsque le sentiment national lui-même qui le sous-tendait s’affaiblit pour différentes raisons politico-culturelles, dont la mondialisation.
Enfin, l’on peut remarquer que les identités dites « de minorités », régionalistes notamment, qui s’affirmèrent en s’opposant à une identité nationale englobante dont elles se disaient victimes, s’agrégèrent selon un mécanisme similaire d’invocation d’une mémoire des origines médiévales : les Bretons retrouvèrent le roi Arthur et Brocéliande, les Languedociens les Cathares et les Corses les pourfendeurs de Maures.
Réfléchissant le lien entre le trio histoire, mémoire et l’oubli, le philosophe Paul Ricœur (1913-2005) établit un utile distinguo entre mémoire « empêchée », « manipulée » et « obligée », et invite en conséquence au « travail de mémoire », une notion jugée moins stérilisante que l’omniprésent « devoir de mémoire », ce passage obligé de nombreuse exhortations issues de la classe politique. C’est d’ailleurs en réaction contre les risques de dérapages antiscientifiques inhérents à ces rappels à l’ordre que, dans la fin des années 1980, s’est développée une histoire de la mémoire, en tant que branche de l’histoire des représentations.
L’histoire de la mémoire collective est ici entendue comme celle de l’usage des passés dans les présents successifs. Caractéristique de cette démarche, l’entreprise de Pierre Nora par exemple, vise à l’établissement d’une cartographie mentale. Dans ce cadre, les lieux de mémoire sont entendus largement, puisqu’à côté des « panthéons » nationaux des emblèmes figurent également des notions telles les spécificités régionales, l’imaginaire, le folklore populaire… (etc.). Ici, « lieu » équivaut à « élément du patrimoine symbolique ». L’étude de Pierre Nora, partie d’une volonté de déconstruction d’un paysage anthropologique familier, aboutit à la mise sur pied d’un ensemble monumental.
L'usage des majuscules en français est un véritable casse-tête. Si tout le monde sait qu’une phrase commence par une majuscule et se termine par un point, il nous arrive à tous d’hésiter devant certains noms, surnoms, fonctions… Examinons ensemble les erreurs les plus courantes afin de ne plus les commettre.
Les titres et sous-titres prennent une majuscule, mais une seule, au début, contrairement à ceux écrits en anglais. On écrit Gone with the Wind mais Autant en emporte le vent. D’autres erreurs communes nous viennent de l’anglais, langue que l’on fréquente tous de plus en plus. Je pense aux noms des mois, que je vois fréquemment affublés d’une majuscule par mes élèves. Or en français, les noms des mois n’en demandent pas. Nous sommes aujourd’hui le dimanche 7 mars. Les jours, les semaines non plus, sauf s’ils représentent une fête. On écrira donc : le Lundi de Pâques est férié.
En français, les noms propres prennent une majuscule : patronymes, prénoms, surnoms, toponymes... On écrit donc Christophe, Alger-la-Blanche, Alexandre le Grand, la Terre, Mars…
Les antonomases font exception. Antonomase ? Vous rappelez-vous cette figure de style par laquelle un nom propre est généralisé, pris comme nom commun car il désigne alors une qualité ou un défaut ? Alors dans ce cas, l’usage de la majuscule se complique : tout dépend du degré de lexicalisation, de la fréquence d’utilisation de ce mot. On écrira donc "j’aime boire un bourgogne avec mon roquefort". Ou encore : "Chéri ! Sors la poubelle !", sans majuscule (alors que ce nom vient du préfet Eugène Poubelle) mais un Harpagon pour désigner un homme avare, faisant référence au fameux personnage de Molière. Le mieux est alors de vérifier dans un dictionnaire.
Vous aurez noté au passage que les deux points, lorsqu’ils introduisent une citation, sont suivis d’une majuscule.
Les noms propres prennent une majuscule, on l’a vu. Cela vaut bien sûr pour les noms d’habitants de villes, de pays. Mais attention : les adjectifs dérivés de ces gentilés n’en prennent pas. On écrirait donc "je suis berlinois" mais "je suis un Berlinois". Les habitants de Besançon sont les Bisontins, mais ils vendent des spécialités bisontines… Les noms de religions s’écrivent en minuscules : les chrétiens, les musulmans, les bouddhistes.
Ou à Madame la Présidente bien sûr! En effet, les titres, les fonctions, les charges civiles s’écrivent sans majuscule. C’est le terme qui caractérise la fonction qui s’en empare. Exemples : le président de la République française, le ministre de l’Intérieur, l’archevêque de Lyon…
NB : les titres honorifiques, eux, prennent une majuscule : Sa Majesté, Votre Sainteté, Son Altesse... Et si vous écrivez au chef d’État ou l’une de ses ministres, commencez par "Monsieur le Président", ou "Madame la Ministre"…
Les sigles s’écrivent en majuscules : HLM, SNCF, CGT, RTL. C'est plus compliqué pour les acronymes, ces successions d'initiales qui se prononcent comme des mots normaux et non lettre par lettre : certains s'écrivent en majuscule (OTAN, INRI), d'autres n’en prennent qu’au début (Medef, Nasa) ou pas du tout s’ils désignent un objet commun : on écrit un radar, un laser.
NB : si vous détaillez un sigle, il suffit d’une majuscule au début. On écrit : Société nationale des chemins de fer.
On tolérait autrefois, lorsque l’accentuation des majuscules impliquait des manipulations savantes sur les machines à écrire, qu’elles ne soient pas accentuées. Mais ça, c’était autrefois. Avec les logiciels et applications actuels, plus d’excuses. À vous de jouer!
"Outre ses défauts fonctionnels, l’écriture inclusive pose des problèmes à ceux qui ont des difficultés d’apprentissage et, en réalité, à tous les francophones soudain privés de règles et livrés à un arbitraire moral." Bien que favorables à la féminisation de la langue, plusieurs linguistes estiment l'écriture inclusive profondément problématique.
Présentée par ses promoteurs comme un progrès social, l’écriture inclusive n’a paradoxalement guère été abordée sur le plan scientifique, la linguistique se tenant en retrait des débats médiatiques. Derrière le souci d'une représentation équitable des femmes et des hommes dans le discours, l’inclusivisme désire cependant imposer des pratiques relevant d’un militantisme ostentatoire sans autre effet social que de produire des clivages inédits. Rappelons une évidence : la langue est à tout le monde.
Les inclusivistes partent du postulat suivant : la langue aurait été "masculinisée" par des grammairiens durant des siècles et il faudrait donc remédier à l’"invisibilisation" de la femme dans la langue. C’est une conception inédite de l’histoire des langues supposant une langue originelle "pure" que la gent masculine aurait pervertie, comme si les langues étaient sciemment élaborées par les locuteurs. Quant à l"invisibilisation", c’est au mieux une métaphore mais certainement pas un fait objectif ni un concept scientifique.
Si la féminisation est bien une évolution légitime et naturelle de la langue, elle n’est pas un principe directeur des langues
Nous relèverons simplement ici quelques défauts constitutifs de l’écriture inclusive et de ses principes.
La langue n’a pu être ni masculinisée, ni féminisée sur décision d’un groupe de grammairiens, car la langue n’est pas une création de grammairiens — ni de grammairiennes. Ce ne sont pas les recommandations institutionnelles qui créent la langue, mais l’usage des locuteurs. L’exemple, unique et tant cité, de la règle d’accord "le masculin l’emporte sur le féminin" ne prétend posséder aucune pertinence sociale. C’est du reste une formulation fort rare, si ce n’est mythique, puisqu’on ne la trouve dans aucun manuel contemporain, ni même chez Bescherelle en 1835. Les mots féminin et masculin n’ont évidemment pas le même sens appliqués au sexe ou à la grammaire : trouver un quelconque privilège social dans l’accord des adjectifs est une simple vue de l’esprit.
Si la féminisation est bien une évolution légitime et naturelle de la langue, elle n’est pas un principe directeur des langues. En effet, la langue française permet toujours de désigner le sexe des personnes et ce n’est pas uniquement une affaire de lexique, mais aussi de déterminants et de pronoms ("Elle est médecin"). Par ailleurs, un nom de genre grammatical masculin peut désigner un être de sexe biologique féminin ("Ma fille est un vrai génie des maths") et inversement ("C’est Jules, la vraie victime de l’accident"). On peut même dire "un aigle femelle" ou "une grenouille mâle"...
La langue n’est pas une liste de mots dénués de contexte et d’intentions, renvoyant à des essences. Il n’y a aucune langue qui soit fondée sur une correspondance sexuelle stricte. Autrement, le sens des mots serait déterminé par la nature de ce qu’ils désignent, ce qui est faux. Si c’était le cas, toutes les langues du monde auraient le même système lexical pour désigner les humains. Or, la langue n’a pas pour principe de fonctionnement de désigner le sexe des êtres : dire à une enfant "Tu es un vrai tyran" ne réfère pas à son sexe, mais à son comportement, indépendant du genre du mot.
Les formes masculines du français prolongent à la fois le masculin (librum) et le neutre (templum) du latin et font donc fonction de genre "neutre", c’est-à-dire par défaut, ce qui explique qu’il intervienne dans l’accord par résolution (la fille et le garçon sont partis), comme indéfini (ils ont encore augmenté les impôts), impersonnel (il pleut), ou neutre (c’est beau). Il n’y a là aucune domination symbolique ou socialement interprétable. Quand on commande un lapin aux pruneaux, on ne dit pas un.e lapin.e aux pruneaux...
La langue a ses fonctionnements propres qui ne dépendent pas de revendications identitaires individuelles. La langue ne détermine pas la pensée — sinon tous les francophones auraient les mêmes pensées, croyances et représentations. Si la langue exerçait un pouvoir "sexiste", on se demande comment Simone de Beauvoir a pu être féministe en écrivant en français "patriarcal". L’évidence montre que l’on peut exprimer toutes les pensées et les idéologies les plus antithétiques dans la même langue.
Ces formes fabriquées ne relèvent d’aucune logique étymologique et posent des problèmes considérables de découpages et d’accords
En français, l’orthographe est d’une grande complexité, avec ses digraphes (eu, ain, an), ses homophones (eau, au, o), ses lettres muettes, etc. Mais des normes permettent l’apprentissage en combinant phonétique et morphologie. Or, les pratiques inclusives ne tiennent pas compte de la construction des mots : tou.t.e.s travailleu.r.se.s créent des racines qui n’existent pas (tou-, travailleu-).Ces formes fabriquées ne relèvent d’aucune logique étymologique et posent des problèmes considérables de découpages et d’accords.
En effet, les réformes orthographiques ont normalement des objectifs d’harmonisation et de simplification. L’écriture inclusive va à l’encontre de cette logique pratique et communicationnelle en opacifiant l’écriture. En réservant la maîtrise de cette écriture à une caste de spécialistes, la complexification de l’orthographe a des effets d’exclusion sociale.Tous ceux qui apprennent différemment, l’écriture inclusive les exclut : qu’ils souffrent de cécité, dysphasie, dyslexie, dyspraxie, dysgraphie, ou d’autres troubles, ils seront d’autant plus fragilisés par une graphie aux normes aléatoires.
Tous les systèmes d’écriture connus ont pour vocation d’être oralisés. Or, il est impossible de lire l’écriture inclusive : cher.e.s ne se prononce pas. Le décalage graphie / phonie ne repose plus sur des conventions d’écriture, mais sur des règles morales que les programmes de synthèse vocale ne peuvent traiter et qui rendent les textes inaccessibles aux malvoyants.
L’écriture inclusive pose des problèmes à tous ceux qui ont des difficultés d’apprentissage
On constate chez ceux qui la pratiquent des emplois chaotiques qui ne permettent pas de produire une norme cohérente. Outre la prolifération de formes anarchiques ("Chere.s collègu.e.s", "Cher.e.s collègue.s", etc.), l’écriture inclusive est rarement systématique : après de premières lignes "inclusives", la suite est souvent en français commun... Si des universitaires militants ne sont pas capables d’appliquer leurs propres préceptes, qui peut le faire ?
L’écriture inclusive, à rebours de la logique grammaticale, remet aussi radicalement en question l’usage du pluriel, qui est véritablement inclusif puisqu’il regroupe. Si au lieu de "Les candidats sont convoqués à 9h00" on écrit "Les candidats et les candidates sont convoqué.e.s à 9h00", cela signifie qu’il existe potentiellement une différence de traitement selon le sexe. En introduisant la spécification du sexe, on consacre une dissociation, ce qui est le contraire de l’inclusion. En prétendant annuler l’opposition de genre, on ne fait que la systématiser : l’écriture nouvelle aurait nécessairement un effet renforcé d’opposition des filles et des garçons, créant une exclusion réciproque et aggravant les difficultés d’apprentissage dans les petites classes.
Outre ses défauts fonctionnels, l’écriture inclusive pose des problèmes à tous ceux qui ont des difficultés d’apprentissage et, en réalité, à tous les francophones soudain privés de règles et livrés à un arbitraire moral. La circulaire ministérielle de novembre 2017 était pourtant claire et, tout en valorisant fort justement la féminisation quand elle était justifiée, demandait "ne pas faire usage de l'écriture dite inclusive" : des administrations universitaires et municipales la bafouent dans un coup de force administratif permanent. L’usage est certes roi, mais que signifie un usage militant qui déconstruit les savoirs, complexifie les pratiques, s’affranchit des faits scientifiques, s’impose par la propagande et exclut les locuteurs en difficulté au nom de l’idéologie ?
Faut-il commémorer Napoléon ? En France on aime vraiment beaucoup les polémiques. Après la guerre du steak à Lyon, on se lance dans une autre polémique et celle là, est de taille : Napoléon. Car il ne manquait plus que cela, nous n'avons pas assez des querelles sur le confinement ou le couvre-feu.
Valérie Trierweiler 24 février 2021
Le 5 mai prochain, ce sera les 200 ans de la mort de Napoléon à Saint Hélène, et aujourd’hui il y a autant de voix favorables à cette commémoration que de voix contre. Il y a d’ores et déjà un certain nombre d’évènements prévus, comme une grande exposition à la Villette et un biopic en même temps, il n’y avait que 1.000 films. On ne parle même pas des ouvrages qui vont inonder les librairies. Une centaine sont prévus.
Mais le problème c'est que la difficulté se situe au niveau de l’Etat et du Président de la République en particulier. Napoléon est le personnage historique préféré des français, c’est un symbole français mais il est aujourd’hui celui qui divise le plus.
C’était un chef de guerre, Général, consul, empereur qui a gagné près de quarante batailles aux noms célèbres. Mais les historiens craignent que ces noms ne viennent qu’illustrer le plan de Paris sans que les nouvelles générations ne sachent ce qu’ils signifient : Austerlitz, Iéna, Wagram et Waterloo et bien d’autres.
Cela coince, car c’est surtout sa misogynie qui fait débat. Dans son Code civil, il faisait de la femme une éternelle mineure, alors imaginez les mouvements féministes si Emmanuel Macron décidait de le célébrer en grande pompe. Il y a aussi le rétablissement de l’esclavage 8 ans après son abolition notamment en Guadeloupe et à Saint Domingue en 1802. Il va aussi laisser mourir Toussaint Louverture emprisonné dans le Jura.
Faut-il pour passer sous silence les 200 ans de la mort de Napoléon ? C’est la question. Entre les deux tours, Emmanuel Macron avait annoncé qu’il célébrerait le bi-centenaire de sa mort notamment en présence de Poutine devant le tombeau de Napoléon aux Invalides. Aujourd’hui c’est un peu moins d’actualité.
Mais revenons à ce qui pose vraiment problème : le rétablissement de l’esclavage. En France, les mouvements indigènistes et anticolonialistes sont totalement opposés à cette célébration et on craint des débordements.
Pour les élus d’Outre-mer, c’est une commémoration impossible, ce serait faire l’apologie d’un crime. Chirac lui avait renoncé pour cela au bicentenaire d’Austerlitz en 2005.
Mais toujours est-il qu’on ne peut pas balayer l’héritage Napoléonien, il a fait entrer la France dans la modernité. Et puis il y a le souvenir de la gloire, de ses victoires. Il appartient au roman national, c’est un héros universel et du côté du ministère de la Culture, on explique que ce serait un comble qu’il soit célébré à l’étranger et pas en France.
Tout dépendra de la situation liée au Covid. Mais Macron, qui s’était comparé lui-même à Napoléon réfléchit à réunir deux causes, à faire du "en même temps" la commémoration de la mort de Napoléon le 5 mai et celle de l’abolition de l’esclavage le 10 mai. Il veut unifier la nation. Et puis comme on dit "commémorer n’est pas célébrer".
Dans le cadre de notre dossier sur la mémoire, l'historien Gilles Havard retrace dans un entretien au HuffPost l'histoire méconnue de la Nouvelle-France, qui fut en réalité une "Amérique franco-indienne".
Par Pierre Tremblay
Signature du Traité de Grande Paix à Montréal en 1701
DOSSIER MÉMOIRE - Il suffit d’entrer dans une librairie française pour cerner l’angle mort. Dirigez-vous vers le rayon “histoire”, puis auscultez la section “Amériques”, si elle existe. À coup sûr, vous découvrirez maints ouvrages sur l’histoire contemporaine des États-Unis. La vie de Barack Obama, la crise des missiles de Cuba ou le 11 septembre 2001, jusque dans leurs moindres détails.
Mais difficile d’élargir ce spectre états-unien. Le Canada, le Québec? La section “guides de voyages” risque d’être plus fournie. Et la Nouvelle-France? Presque un trou noir. Dans l’Hexagone, l’histoire française de l’Amérique du Nord, qui s’est pourtant écrite sur un territoire colossal s’étendant de la Louisiane au Labrador, aux 17e et 18e siècles, est aujourd’hui presque oubliée.
Cet article fait partie de notre dossier “La mémoire en mouvement”. Alors qu’Emmanuel Macron appelle à la création d’une liste de personnalités pour mieux représenter “la diversité de notre identité nationale”, Le HuffPost se plonge dans l’histoire de France et dans l’actualité pour interroger notre mémoire collective.
La “Nouvelle-Orléans” et son “frenchquarter”, l’accent des “cousins québécois”... “Notre mémoire collective semble se résigner à n’entrevoir l’histoire des colonies françaises d’Amérique du Nord qu’à travers ces images fugaces et évanescentes”, explique l’historien Gilles Havard, en introduction de son “Histoire de l’Amérique française” (Flammarion) co-écrite avec Cécile Vidal, directrice d’études à l’EHESS.
“Par comparaison avec celle des îles à sucre, cette histoire occupe une faible place dans les programmes scolaires et elle reste peu enseignée à l’université”, rappelle-t-il.
Dans un long entretien au HuffPost, ce spécialiste de la Nouvelle-France et directeur de recherche au CNRS retrace ce pan méconnu de l’histoire française, en accordant une attention particulière aux relations franco-amérindiennes, fil rouge de ses recherches depuis une vingtaine d’années. Plongée dans une histoire complexe faite d’alliances, de guerres, de commerce et de métissages.
Ces derniers mois, les Français ont abondamment discuté de leur mémoire collective, mais l’histoire et les figures de l’Amérique du Nord française sont absentes de ces débats. Pourquoi ?
Le principal facteur, c’est que cette portion de l’empire français a disparu lors de la Guerre de Sept ans, en 1763, et donc avant la Révolution française, événement fondateur de notre histoire et identité nationale. Tout cela apparaît donc très lointain. C’est aussi l’histoire d’un échec. Les Français ont été battus par les Britanniques et on pourrait dire, même si c’est un peu simpliste, que l’amour propre national a pu freiner l’intérêt pour cette période.
Et puis c’est une histoire éclipsée par celle des États-Unis, première puissance mondiale. Côté américain, l’idéologie de la “Destinée manifeste” postule que l’histoire du continent commence avec l’arrivée des anglo-américains. Ce qui a précédé est considéré comme inférieur d’un point de vue civilisationnel. Le passé français et celui des autochtones sont donc perçus comme un prologue anecdotique.
Carte de la Nouvelle-France (en bleu) vers 1755
Vous écrivez que l’étude de l’Amérique française nécessite d’abord de “redéfinir les concepts souvent galvaudés de colonisation et d’impérialisme”. C’est-à-dire ?
Cette histoire nous amène à mieux réfléchir au phénomène colonial dans sa diversité et sa complexité. Par exemple, la colonisation de la Nouvelle-France, ça ne signifie pas immédiatement la soumission des Autochtones, ni nécessairement la confrontation.
La Nouvelle-France était peu peuplée (3000 colons en 1663, autour de 80.000 en 1760). Elle a donc existé grâce aux liens noués avec les Amérindiens. Ces derniers trouvaient aussi un intérêt dans ces alliances, pour mieux faire la guerre aux autres peuples autochtones ou résister à l’expansion des Britanniques, plus avides de leurs terres.
C’est pour cela que vous dites que l’Amérique française fut en fait une “Amérique franco-indienne” ?
Oui. Il y a bien un empire qui se construit, mais il repose sur des formes d’adaptation aux Autochtones, plus que d’imposition des normes coloniales. Le projet consiste à franciser et évangéliser les Amérindiens, mais c’est parfois le contraire qui se produit.
Il faut donc éviter l’histoire téléologique et anachronique en considérant que les autochtones sont immédiatement des victimes de l’histoire coloniale. Ce serait leur enlever leur marge de manœuvre, leur capacité à être des acteurs historiques. En revanche, à la longue, surtout au 19e siècle (époque britannique puis canadienne ou américaine), les Autochtones ont bien été soumis et refoulés dans des territoires exigus, devenant en quelque sorte des étrangers sur leurs terres.
L’arrivée des Français, et plus largement des Européens, va même provoquer une “tempête démographique” chez les Amérindiens...
En effet. C’est la plus grande tragédie de l’histoire des Amériques. Les Autochtones ont subi de plein fouet le choc microbien : ils n’étaient pas immunisés contre la grippe ou la variole. C’est, de loin, la principale cause de mortalité liée à la colonisation. Des groupes pouvaient perdre jusqu’à 90 % de leur population.
Si Jacques Cartier est passé avant lui, c’est Samuel de Champlain qui démarre l’entreprise coloniale en 1603. Quel est le projet au départ ?
Au 16e siècle, les pêcheurs normands, bretons et basques viennent pêcher la morue dans le golfe du Saint-Laurent. Mais bientôt, c’est un autre produit qui intéresse les Français : la peau de castor, qui sert à fabriquer des chapeaux en Europe. La monarchie va alors accorder des monopoles de traite à des entrepreneurs en échange de l’obligation de s’établir sur place et d’installer des colons.
Lors de ce voyage, une première alliance naît d’une rencontre fortuite avec des Amérindiens à Tadoussac (Québec), alors que des guerriers algonquins, montagnais et malécites célèbrent une victoire contre leurs ennemis, les Iroquois. Comment en arrive-t-on à ce rapprochement?
Les Français connaissaient déjà ces Autochtones. Mais cette rencontre est l’occasion de fonder une alliance durable. L’amitié des Autochtones est indispensable aux Français s’ils veulent circuler et s’implanter en Amérique du Nord. Leur alliance avec ces peuples est fondée sur le commerce et la guerre contre un ennemi commun. En s’alliant avec les Montagnais, les Hurons-Wendat et les Algonquins, les Français sont ainsi conduits à combattre les Iroquois.
Les Amérindiens trouvent aussi leur intérêt dans la traite des fourrures, car ils reçoivent en échange, par exemple, des textiles et des objets en fer (haches, marmites).
En 1701, cette politique d’alliance atteint son paroxysme avec la Grande Paix de Montréal, un traité hors normes entre les Français et une quarantaine de nations amérindiennes, dont les Iroquois. Peut-on parler alors d’un rapport de nation à nation?
Oui, ce sont des rapports diplomatiques tels qu’ils peuvent exister au même moment entre États européens. Mais les Français s’adaptent aux Autochtones : les discours de leurs chefs sont traduits par des interprètes français, on brandit des colliers de wampum – faits de perles de coquillages – pour appuyer sa parole, on fume le calumet… Les ambassadeurs autochtones s’adaptent eux aussi aux Français, qui leur demandent d’inscrire leur marque sur le traité de paix. Ils y dessinent alors des animaux totémiques.
Extrait du traité de 1701 avec les pictogrammes des nations
Dans “L’Amérique fantôme” (Flammarion) et “Empire et métissages” (Septentrion), vous sortez de l’ombre les “coureurs de bois”, peut-être les acteurs les plus aboutis de cette Amérique franco-indienne. Qui étaient-ils?
Ce sont des colons français, tous des hommes, qui circulaient dans l’intérieur du continent nord-américain pour collecter des fourrures auprès des Amérindiens. Sur place, certains épousent des Amérindiennes à la mode autochtone. Les enfants qui naissent de ces unions deviennent, pour la plupart, de petits Autochtones, élevés par leur mère. Les patronymes français que l’on trouve aujourd’hui dans les réserves indiennes du Dakota ou du Montana témoignent de ces interactions.
C’est ainsi que le “rêve de Champlain”, pour reprendre les mots de l’historien David Hackett Fischer, prend forme? Lui qui disait aux Hurons en 1633 : “Nos jeunes hommes marieront vos filles, et nous ne formerons plus qu’un peuple”?
Le “rêve” de Champlain n’est pas un rêve de métissage, mais plutôt de francisation des Autochtones. Si des femmes amérindiennes se marient à des colons, leurs enfants, espère Champlain, deviendront de petits Français. Mais ce projet, relancé à l’époque de Colbert, va échouer. Au 18e siècle, cette politique officielle d’intermariage est abandonnée. Un discours mixophobe se développe alors.
Cela ne veut pas dire non plus que les tensions et les conflits étaient inexistants en Nouvelle-France...
Non, en plus des guerres contre les Iroquois, les Français, toujours avec des alliés autochtones, sont engagés autour de 1730 dans une politique de destruction des Renards (peuple des Grands Lacs) et des Natchez (en Basse-Louisiane), parce que ces groupes se montrent belliqueux. Des Natchez sont d’ailleurs déportés comme esclaves à Saint-Domingue, et leur société est en bonne partie détruite.
Même si c’était dans une moindre mesure que les Antilles, la Nouvelle-France a aussi connu l’esclavage. À ce sujet, vous faites la distinction entre la Basse-Louisiane et le reste de la colonie...
Oui, la Louisiane, comme Saint-Domingue (Haïti), constituait à partir des années 1720 une “société esclavagiste”, c’est-à-dire que son économie reposait sur le travail des esclaves africains, exploités dans des plantations de tabac ou d’indigo. En revanche, dans la vallée du Saint-Laurent (Canada), les esclaves représentaient environ 5 % de la population. Ils étaient pour la plupart des domestiques, en ville. Il s’agissait en grande majorité d’Autochtones, et
secondairement d’Africains.
La Nouvelle-France fut l’un des “laboratoires” où se sont développées la culture et l’identité françaises.Gilles Havard, historien
L’histoire de l’Amérique française semble s’écrire beaucoup à partir des archives coloniales et plus difficilement à partir de sources autochtones, qui ne maîtrisaient pas l’écriture. Comment, en tant qu’historien des relations franco-amérindiennes, se prémunir de ce biais?
C’est la grande difficulté : faire ressortir le point de vue et les logiques des Amérindiens, avec des sources qui, pour la plupart, sont coloniales. Il faut donc les croiser avec des ethnographies produites plus tardivement par des anthropologues, qui ont enquêté auprès d’Autochtones ayant connu les modes de vie traditionnels, ainsi qu’avec les traditions orales autochtones.
Trouvez-vous dommage l’absence de toute cette histoire dans les débats sur la mémoire ?
Oui, car la Nouvelle-France fut l’un des “laboratoires” où se sont développées la culture et l’identité françaises. Dans les écrits de missionnaires ou d’autres colons tel le baron de Lahontan, on trouve, à travers le portrait (en partie fantasmé) du “Bon Sauvage”, une critique de l’absolutisme, du dogmatisme religieux et de la propriété, et la valorisation des valeurs d’égalité, de liberté et de félicité. Tout cela a nourri la philosophie des Lumières.
A contrario, à travers d’autres descriptions moins favorables dudit “Sauvage” (il serait “débauché”, “oisif”, “païen”, “insubordonné”, “polygame”), on essentialise l’identité française en traçant un portrait normatif et prescriptif du Français idéal. Il doit être chrétien, obéissant, laborieux, vivre au sein d’une famille restreinte, être alphabétisé, etc. On prépare ainsi un modèle d’unification culturelle qui verra finalement le jour sous la Révolution française.
Dans cette histoire, auriez-vous des exemples de personnages historiques pour mieux représenter “la diversité” dans notre espace public, comme le veut Emmanuel Macron ?
Il faudrait, je crois, se tourner du côté des Amérindiens. Le chef Huron-Wendat Kondiaronk, par exemple, fut le grand artisan de la Grande paix de Montréal de 1701. Chicagou, un chef Illinois, est venu faire valoir les revendications des siens jusqu’à la Cour de France, en 1725. Les femmes, individuellement, sont moins présentes dans les sources, sauf s’il s’agit d’Amérindiennes converties au catholicisme, la plus connue étant l’Iroquoise Kateri Tekakwitha, canonisée en 2012. Côté africain, je pense à Samba, un esclave bambara qui se révolte à La Nouvelle-Orléans en 1731.
Mais je ne crois pas qu’on retiendra ces individus pour nommer des rues ou pour des statues. L’enjeu politique en France semble faible. Les Autochtones et les descendants d’esclaves noirs en Louisiane sont devenus des citoyens américains ou canadiens. L’histoire de l’Amérique française semble trop déconnectée de la France contemporaine pour que cela intéresse vraiment le gouvernement. Mais j’espère me tromper.
Note : Courrier International a repris cet article en le titrant "La regrettable américanisation de la France" et en ajoutant cette introduction :
En France, la critique grandit contre l’importation excessive de certaines théories de sciences sociales américaines dans l’Hexagone. Le néopuritanisme répandu dans les universités outre-Atlantique est effectivement en train d’imposer des limites au droit de critiquer, qui est pourtant fondamental, déplore ce chroniqueur québécois.
En France, 2021 sera l’année du bicentenaire de la mort de Napoléon. C’est en effet le 5 mai 1821 que ce génie politique et militaire qui transforma la face du monde rendit son dernier souffle à Sainte-Hélène. La série de commémorations prévues, dont la publication d’une centaine de livres, a pourtant mal commencé. La conférence prévue cet automne à Nantes avec l’historien Thierry Lentz a été annulée. Dans un texte sibyllin, l’école de commerce de Nantes se contente de dire qu’elle ne voulait pas « promouvoir l’héritage napoléonien en cette période »...
Le lecteur averti devinera que celui qui a rétabli l’esclavage dans les colonies en 1802, alors qu’il était Premier consul, n’est pas en odeur de sainteté dans la ville qui abrite un mémorial consacré à son abolition. Comme si ce personnage plus grand que nature pouvait être ainsi réduit à cette seule décision. Une décision qui mériterait justement d’être étudiée sous l’angle historique plutôt que sous le seul éclairage de la morale.
La révolution néopuritaine qui fait rage dans les universités américaines serait-elle en train de gagner la France ? On peut le craindre. Déjà, les annulations et les tentatives d’annulation de conférences sont légion. On pense à la spécialiste de l’esthétique Carole Talon-Hugon, chahutée à Nice et qui est l’auteure d’un ouvrage fort à propos intitulé L’art sous contrôle (PUF). L’an dernier, l’enseignante de la Sorbonne Yana Grinshpun s’est fait refuser la publication d’un texte sous prétexte qu’il ne respectait pas les règles de l’« écriture inclusive », ce code impraticable devenu le nouveau drapeau rouge des militantes féministes les plus radicales.
Ce que Grinshpun nomme la « radicalisation progressive de l’espace universitaire » a déjà atteint aux États-Unis des sommets stratosphériques. En 2018, les chercheurs américains Helen Pluckrose, James Lindsay et Peter Boghossian en avaient fait la démonstration par l’absurde. Ils rédigèrent une vingtaine d’articles truffés d’enquêtes bidon et de statistiques bidouillées flattant tous dans le sens du poil les nouvelles idéologies radicales à la mode. L’un d’eux affirmait démontrer qu’une « rampante culture du viol » sévissait chez les chiens, dont certaines races souffraient d’une « oppression systémique ». Un autre dénonçait l’astrologie comme une pratique masculiniste et sexiste afin de lui opposer « une astrologie féministe, queer et indigéniste ». Au moment où le canular fut révélé, sept de ces articles avaient été acceptés, sept autres étaient à l’étape du comité de lecture et six seulement avaient été refusés.
Un dernier, mais non le moindre, reproduisait un extrait de Mein Kampf où l’on avait simplement remplacé les Juifs par les Blancs. Il fut refusé, mais reçut les éloges de plusieurs universitaires chevronnés. Les auteurs de ce coup fumant entendaient ainsi démontrer à quel point ce qu’ils nomment les « grievance studies » — que l’on pourrait traduire par « facultés de la récrimination » ou des « doléances » — a substitué l’idéologie à l’étude des faits.
Pluckrose et Lindsay viennent d’ailleurs de publier le best-seller Cynical Theories qui s’est vu décerner le titre de « Meilleur livre politique de l’année » par le Times. Son sous-titre est déjà tout un programme : « Comment les militants universitaires ont fait n’importe quoi sur la race, le sexe et l’identité — et pourquoi cela nuit à tout le monde ».
Les « gender », « ethnic » ou « post-colonial studies » fonctionnent en effet souvent comme si les femmes, les homosexuels ou les Noirs étaient seuls habilités à parler de ces sujets. Comme si leur parole était par essence sacrée et incontestable. Comme si elle échappait aux règles normales de la critique.
Or, la critique n’est-elle pas fondatrice de l’université au moins depuis Montaigne ? Elle est inhérente et constitutive de tout travail universitaire, peu importe le sexe, la race ou l’orientation sexuelle de celui qui parle. Quant aux discours militants, qui sont respectables tant qu’ils ne se cachent pas sous de mauvais prétextes, ils ne sont pas plus solubles dans la recherche universitaire que dans le journalisme.
Comme l’écrit Thierry Lentz : « Les groupes militants ont toujours existé. Ils ont toujours été agissants. […] Cela étant, les choses changent désormais rapidement en raison de la mollesse générale de la société et des administrations. Dire qu’un étudiant est là pour étudier est presque un scandale, empêcher les interventions extérieures d’historiens ou de philosophes entre presque dans les mœurs. Sur ce point, l’avenir est sombre, n’en doutons pas. »
Alors que les digues sautent les unes après les autres, en France comme au Québec, certains réclament une loi afin de protéger la liberté de parole dans une institution qui devrait pourtant en être le sanctuaire. Nul doute que pour défendre cette liberté, il faudra des recteurs autrement plus hardis que celui de l’Université d’Ottawa qui a refusé de soutenir la professeure Lieutenant-Duval à qui l’on avait reproché l’automne dernier d’avoir osé prononcer le mot « nègre ».
« On ne peut pas faire semblant d’être courageux », disait un personnage qui en connaissait un bout sur le sujet. Un certain… Napoléon Bonaparte.
Les « conditions juridiques nécessaires » ne « semblent pas réunies » pour confier le mégafichier des données de santé françaises « à une entreprise non soumise exclusivement au droit européen », a estimé vendredi l’Assurance maladie, désignant ainsi implicitement Microsoft. La pilule ne passe toujours pas : saisi une nouvelle fois pour avis, sur le projet de décret devant graver dans le marbre les « modalités de mise en oeuvre » du gigantesque « système national des données de santé », le conseil d’administration de la Caisse nationale d’Assurance maladie (CNAM) ne s’est pas privé d’exprimer ses désaccords.
« Les conditions juridiques nécessaires à la protection de ces données ne semblent pas réunies pour que l’ensemble de la base principale soit mise à disposition d’une entreprise non soumise exclusivement au droit européen (…) indépendamment de garanties contractuelles qui auraient pu être apportées », écrit cette instance dans une délibération adoptée à l’unanimité des membres qui ont pris position. La charge vise évidemment le géant américain Microsoft, choisi sans appel d’offres début 2019 pour héberger le Health Data Hub, gestionnaire désigné de ce fichier agrégeant les données de la Sécu, des hôpitaux ou des soignants libéraux, entre autres.
« Seul un dispositif souverain et uniquement soumis au RGPD (le règlement européen qui garantit aux usagers certains droits sur leurs données, ndlr) permettra de gagner la confiance des assurés », ajoute le conseil d’administration. L’instance juge qu’en attendant cette solution, les données « ne seraient mises à disposition du Health Data Hub qu’au cas par cas », uniquement pour « des recherches nécessaires à la prévention, au traitement et à la prise en charge de la Covid-19 ».