Nous avons tous et toutes une mère et un père biologiques. Eux, à leur tour, ont eu les leurs, de sorte que nous avons deux grands-pères et deux grands-mères. Si l'on revient en arrière: huit arrière-grands-parents, seize arrière-arrière-grands-parents, etc. Si trente ans séparent chaque génération de la précédente, nous aurions pu arriver à avoir environ 16.000 ascendant·es au début du XVIIe siècle, environ 16 millions au début du XIVe siècle et environ 16 milliards à l'aube du XIe siècle, il y a environ 1.000 ans.
Vous aurez compris qu'à ce stade, c'est tout simplement impossible: il n'y a jamais eu autant d'êtres humains vivant au même moment.
Sans revenir trop en arrière, le nombre réel de nos ascendant·es est très inférieur à celui qui est calculé à travers ces opérations. La raison est simple: beaucoup de nos ancêtres appartiennent à plusieurs lignées généalogiques. Plus les ascendant·es se rapprochent dans le temps, plus cela devient improbable, mais plus nous reculons, plus la probabilité augmente.
Au début du XIVe siècle, on comptait 450 millions de personnes dans le monde (environ 70 millions en Europe). Il est donc possible de retomber sur les chiffres théoriques calculés au début de l'article: nos 16 millions d'ancêtres auraient pu vivre à cette époque en même temps.
Mais si l'on retourne au XIe siècle, on estime que seulement 400 millions vivaient sur Terre, environ 50 millions en Europe. Le calcul théorique des 16 milliards d'ancêtres devient donc faux.
Doit-on vraiment utiliser l'image d'un «arbre» généalogique?
Nous parlons, en général, d'arbre généalogique, car nous visualisons notre lignée comme un arbre qui se ramifie progressivement vers l'arrière. Mais la réalité est très différente. Quelques branches se rejoignent à partir de générations peu lointaines, et si nous remontons à une époque plus éloignée, il est inutile de parler de branches. Les lignées généalogiques structurent une espèce d'enchevêtrement ou, si vous préférez, un filet aux multiples nœuds.
D'autre part, de nombreuses lignées ne laissent aucune descendance. Au fur et à mesure que nous remontons dans le temps, le filet devient de plus en plus étroit: on calcule qu'à l'aube du Néolithique, il y a environ 12.000 ans, moins de 4 millions de personnes vivaient dans le monde, environ 60 millions à l'époque homérique, et un milliard au début du XIXe siècle.
Adam Rutherford affirme, dans son livre ADN: quand les gènes racontent l'histoire de notre espèce, que tous les individus qui ont une ascendance européenne viennent, d'une manière ou d'une autre, de Charlemagne. Par conséquent, nous appartenons tous à une lignée royale! Ce n'est pas une blague, même si cela est complètement hors-sujet. Les personnes ayant un ancêtre européen descendent non seulement de Charlemagne, mais proviennent également de tous les Européens de son époque –autour de l'an 800– qui ont laissé une descendance et sont arrivés jusqu'au XXIe siècle.
Il est inutile de remonter si loin pour déterminer le moment où se rejoignent nos descendances généalogiques. Les Européens partagent un ou une ancêtre commun qui aurait vécu il y a environ 600 ans. Et si les mêmes calculs qui ont permis d'obtenir ces chiffres se font pour toute l'humanité, on estime que tous les êtres humains partagent un ancêtre commun qui a vécu il y a 3.400 ans. Car, même si c'est difficile à croire, on ne connaît aucune population qui serait restée entièrement isolée pendant ces derniers siècles.
Ce genre de choses est assez déconcertant. Pensez-y, si vous avez déposé un échantillon de salive dans un tube pour le faire analyser par une entreprise de généalogie génétique et que l'on vous a annoncé que votre lignée rejoignait des ascendant·es de tribus guerrières de steppes russes, de braves Vikings qui semèrent le chaos et la destruction en Europe, et d'Égyptiens qui construisirent les pyramides. Il est très probable que vous ayez cette ascendance.
Comme moi.
Devinez qui a eu cette idée folle, un jour d'inventer les minuscules.
Quand on regarde notre alphabet, une particularité saute instantanément aux yeux. Chacune des vingt-six lettres qui le composent a une version minuscule et une version capitale (appelée majuscule quand elle est située au début d'une phrase ou pour les noms propres par exemple). Pour l'instant, on ne vous apprend rien.
Si l'on s'arrête un instant sur cette caractéristique, il y a malgré tout de quoi se poser une question: pourquoi? Pourquoi se barder de deux types de lettres, quand une seule aurait a priori pu suffire? Bon, d'accord, l'écriture aurait sûrement été légèrement moins esthétique, peut-être un chouïa plus rustique, mais tout de même. Pourquoi s'être autant compliqué la vie, alors qu'à elles seules, les lettres capitales auraient pu suffire?
Si l'on devait réécrire le paragraphe précédent TOUT EN CAPITALES, rien, ou presque, ne vous empêcherait en effet de le lire et de le comprendre. Complexification inutile? Esthétisation calligraphique un tantinet snob? Que nenni. Pour comprendre, il faut retourner près de treize siècles en arrière.
Aux prémices de l'histoire de l'écriture, on ne se prenait pas vraiment la tête avec cette histoire de minuscules et de capitales. Les premiers alphabets, apparus vers 3.500 avant J.-C, reposaient sur des pictogrammes et des idéogrammes, avant d'évoluer vers des alphabets plus abstraits, comme celui des Phéniciens, ancêtres de notre alphabet latin.
Vient ensuite l'Antiquité. L'écriture se faisait essentiellement en capitales, notamment en gravant des inscriptions dans la pierre ou le bois avec un burin. Cela ne nécessitait pas, là encore, d'alphabet à deux niveaux graphiques. Et l'usage des capitales s'est imposé comme standard à cette époque.
Pourquoi ne pas s'être arrêté ici, quand il était encore temps? Allez le demander à notre bon vieux Charlemagne! Eh oui, l'ancien roi des Francs et empereur carolingien a toujours eu le don de mettre un sacré coup de pied dans la fourmilière et marquer l'histoire. La façon dont il bouleversa l'usage de l'écriture le montre encore une fois. Un changement qui n'est pas amorcé par pur snobisme ou facétie, mais plutôt par nécessité… économique!
Sous le règne de Charlemagne, entre 768 et 814, les moines bénédictins, chargés de recopier les textes sacrés et administratifs, cherchaient une manière plus efficace d'écrire. Une manière moins coûteuse, aussi: les parchemins sur lesquels ils écrivaient étaient fabriqués à partir de vélin, la peau de veau mort-né plus fine que le parchemin ordinaire, et coûtaient une fortune.
Problème, l'utilisation des lettres capitales, qui était d'usage à l'époque, prenait beaucoup de place. Vraiment beaucoup de place. Les parchemins étaient remplis en deux coups de plume à cause de ces lettres imposantes.
Afin de maximiser l'espace disponible et d'écrire davantage de texte sur chaque feuille, les moines ont mis au point une écriture plus compacte: les minuscules. Cette innovation, inspirée des capitales romaines et de l'onciale, une écriture aux formes arrondies utilisée au Moyen Âge, permettait de réduire la taille des lettres tout en maintenant une bonne lisibilité. C'est ainsi qu'est née l'écriture caroline, qui servira de base à nos lettres minuscules actuelles. Le summum de l'optimisation.
Avec le temps, l'utilisation des capitales et des minuscules va prendre racine, jusqu'à l'invention de l'imprimerie en 1450, qui va définitivement en fixer l'usage. Pourquoi un tel engouement, alors que le papier est désormais moins cher et que les moines ont été remplacés par tout un chacun?
La réponse est simple, l'utilisation de ces deux graphies, notamment minuscule, a des atouts incontestables, qui peuvent séduire tout auteur. Que vous soyez moine ou non, du moment que vous écrivez à la main, vous avez déjà pu vous en rendre compte: les minuscules, plus arrondies et plus rapprochées, rendent l'écriture manuscrite bien plus rapide et moins fatigante.
C'est aussi sans compter une autre qualité indéniable à leur emploi: les majuscules donnent une meilleure lisibilité aux textes, notamment imprimés. Mise en évidence des noms propres et des débuts de phrase, fluidité de lecture, multiplication des options de design graphique… Oui, l'utilisation des minuscules et des capitales est, aujourd'hui, aussi incontournable qu'irremplaçable.
Les moyens de communication moderne ont beau se développer, il vous faut toujours peaufiner à la main ce signe distinctif
L’été dernier, le musée Guggenheim a consacré une exposition à l’artiste polonaise Agnieszka Kurant. Y figurait «The End of Signature» [«La fin des signatures»]: un stylo mécanique automatique réalisant des signatures identiques toutes les trente secondes. Cette installation avait été inspirée par «le déclin de l’écriture manuscrite et la domination des claviers et de la communication numérique». De fait, nous passons désormais bien plus de temps à tapoter sur nos claviers qu’à écrire à la main. Pour autant, la signature manuscrite ne semble pas avoir dit son dernier mot –loin de là…
Pas un jour ne passe sans que je doive signer des documents de ma propre main: achats par carte de crédit, chèques, contrats, baux, déclarations de revenus, registres d’hôtels, reçus de colis postaux... J’effectue certes certaines de ses signatures, tant bien que mal, du bout de mon index ou à l’aide d’un stylet en plastique peu maniable, et non à l’aide du traditionnel duo papier-stylo. Mais le procédé en lui-même (signer mon nom de ma propre main) demeure bien, pour l’essentiel, le même.
Vous vous êtes sans doute déjà mis en quatre pour trouver une imprimante et un scanner afin d’expédier d’importants documents ici ou là –et vous avez sans doute imploré les dieux de l’informatique pour leur demander, entre deux sanglots, s’il n’existait pas une situation plus pratique. Mais rien n’y a fait. Et si certaines pratiques ont disparu depuis longtemps (déplacement à la banque pour chaque transaction; paiement des factures par courrier), la tyrannie de la signature manuscrite perdure.
La technologie, source de mille bienfaits, n’est jamais parvenue à simplifier ce domaine a priori bien peu complexe. Pire –elle a transformé un acte simple et direct en un processus multi-technologique en trois temps: impression, signature, passage au scanner (sans parler du broyeur à papier, s’il s’agit d’un formulaire ou d’un contrat de nature confidentielle).
«Il y a une vingtaine d’années, on pensait que les signatures numériques finiraient par remplacer la signature manuscrite, explique Ronald Mann, professeur à la Columbia Law School. Technologiquement parlant, les signatures numériques sont très intéressantes, mais le processus de transition s’est avéré particulièrement complexe.»
La plupart des complications en question proviennent des conventions sociales –notre incapacité à comprendre ce que sont réellement les signatures numériques, et comment les apposer sur des documents ou sur des fichiers. Mann explique que, de nos jours, il n’existe plus guère de transactions qui requièrent des signatures manuscrites physiques – à l’exception des ventes de terrains et de biens immobiliers.
C’est toujours ainsi que nous avons formellement signalé notre volonté de créer une obligation juridiquement contraignante, et nous ne disposons pas vraiment d’une alternative
Aux États-Unis, si vous oubliez de signer le bordereau d’un paiement par carte de crédit, cela ne signifie pas que vous avez refusé de payer –le simple fait de donner votre carte indique que vous avez donné votre accord. Les Américains perdent donc leur temps lorsqu’ils signent pour acheter de la nourriture, des plantes en pot, et le reste des (rares) produits de consommation échappant encore au commerce électronique (qui, lui, ne requiert aucune signature).
Certes, une signature manuscrite ne demande que quelques secondes; la perte de temps n’est donc pas significative. (Néanmoins, l’impression, la signature et le passage au scanner peuvent être plus chronophages). Autre point, peut-être plus problématique –ces signatures véhiculent une idée fausse; elles nous donnent l’impression que ce geste est important, qu’il représente un accord, une autorisation officielle. En réalité, dans la plupart des cas, cet acte physique définitif est complètement inutile et, de fait, entièrement superflu.
«La signature était importante par le passé, mais son rôle est presque inexistant aujourd’hui. Si elle demeure monnaie courante, c’est par pure tradition, explique Mann au sujet des signatures validant un achat. C’est toujours ainsi que nous avons formellement signalé notre volonté de créer une obligation juridiquement contraignante, et nous ne disposons pas vraiment d’une alternative ou d’une méthode de remplacement efficace.»
En apparence, la signature numérique serait la candidate idéale pour le remplacement –mais son nom est quelque peu trompeur, car il suggère une transition simple. Or, elle n’est pas l’exact équivalent de la signature manuscrite; pas une simple signature physique adaptée à l’âge de l’informatique. Il ne s’agit pas non plus de notre nom en toutes lettres, parfois rédigé à l’aide d’une police en italique cursive (utilisée pour signer certains contrats en ligne). Il s’agit là d’un étrange héritage numérique du phénomène des signatures manuscrites difficiles à déchiffrer –et ce d’autant plus que mon écriture n’a jamais ressemblé à la police Lucida Handwriting.
Une signature numérique implique l’encodage des données via une méthode ne pouvant être réalisée que par la personne concernée –ou par quelqu’un possédant sa clé de cryptage. En recevant un e-mail (par exemple) comportant la signature numérique vérifiée de l’expéditeur, vous sauriez que seul ce dernier a pu envoyer ce message (à moins que sa clé de cryptage n’ait été volée). Cette signature est propre au message qu’elle accompagne, et ne peut être facilement copiée dans (ou jointe à) un autre message. Il est donc plus beaucoup plus difficile d’usurper l’identité des personnes qui authentifient leurs e-mails à l’aide de la signature numérique (mais elles ne courent pas les rues).
Le passage annoncé à la signature numérique s’est heurté à un obstacle de taille: définir ce qui constitue réellement une signature –et déterminer quelles méthodes donnent aux utilisateurs l’impression de signer réellement.
«Il est plus simple de déterminer l’intention de signer dans le domaine des signatures physiques, indique Mann. Affirmez qu’un document signé engage une personne juridiquement, et tout le monde comprendra de quoi vous parlez. En revanche, si vous dite qu’un document signé numériquement peut être considéré comme valide, personne ne saisira vraiment ce que cela signifie.»
La confusion entourant les signatures numériques ne semble toutefois pas insurmontable; et si nous parvenions enfin à surmonter cet obstacle, les bienfaits de cette méthode pourraient être considérables. D’une, le rituel de l’imprimante et du scanner passerait aux oubliettes; de deux, les signatures numériques sont bien supérieures aux manuscrites. Le fait qu’il soit nécessaire de voler la clé de cryptage d’une personne pour falsifier sa signature leur donne un bel avantage: n’importe qui pourrait imiter ma signature physique de manière relativement convaincante, surtout en ayant eu l’occasion de l’observer auparavant. En réalité, la signature physique s’avère être un outil d’authentification de plus en plus inutile: si elle demeure manuscrite, nous la réalisons de plus en plus du bout du doigt, sur des écrans, et le résultat final est souvent très éloigné de l’original.
Il est sans doute inutile de donner une seconde vie numérique à une grande partie des signatures physiques devenues presque entièrement symboliques
Des remplaçants potentiels semblent poindre à l’horizon (du moins aux États-Unis) dans le domaine de la validation d’achats par carte de crédit. Les cartes à puce avec code, très utilisée en Europe et en Australie, ne progressent que lentement sur le territoire américain. Les codes confidentiels ne sont certes pas des signatures numériques telles que nous avons tendance à les imaginer, mais l’authentification codée partage quelques points communs avec les signatures numériques: ces dernières demeurent en substance un chiffre secret connu de vous seul permettant de prouver votre identité.
Les signatures numériques se sont avérées d’une importance capitale pour sécuriser internet, et de nombreux sites que vous fréquentez disposent d’une signature cryptée: cette dernière permet de vérifier qu’ils n’ont pas usurpé l’identité d’un autre site (du moins, je l’espère!). Mais la création et l’utilisation des signatures numériques individuelles (destinées aux personnes) progressent de manière beaucoup plus lente. Et ce, en partie, parce que la configuration d’une signature numérique peut être complexe et onéreuse: si vous voulez l’adjoindre à vos e-mails, par exemple, il vous faut vous renseigner sur la marche à suivre correspondant à votre programme de messagerie –et vous pourriez vite vous prendre à regretter la douce époque du duo imprimante-scanner.
Il est facile de s’embrouiller en comparant signatures numérique et physique, et de perdre de vue le fait que ces deux méthodes sont –de bien des manières– profondément différentes. Certaines signatures manuscrites ne méritent pas d’être remplacées par un équivalent électronique. Il est sans doute inutile de donner une seconde vie numérique à une grande partie des signatures physiques devenues presque entièrement symboliques, sans réelle valeur juridique, qui subsistent dans notre vie moderne. Nous pourrions nous contenter de taper notre nom sur un clavier (en utilisant une police de caractère imitant l’écriture manuscrite, si vous tenez vraiment). Et nous pourrions tirer un trait sur ce rituel, tout simplement.
De fait, voilà bien longtemps que les signatures ont perdu une bonne de leur valeur symbolique, qu’il s’agisse de prouver son identité ou de conserver un souvenir d’une rencontre avec une célébrité. (Si j’en crois mes vagues souvenirs de lycéenne, dans la série télévisée Newport Beach, on entend la guest star Paris Hilton affirmer que «les photophones sont les autographes du XXIe siècle»; la double mention de Paris Hilton et des «photophones» fait sans doute de cette citation la référence la plus datée qui soit à l’innovation technologique du XXIe siècle).
Nous accordons peu d’importance à la signature des autres. Et peut-être encore moins d’importance à la nôtre: nous la gribouillons jour après jour, en sachant que tout le monde se contrefiche de savoir à quoi elle ressemble –et même si c’est réellement la nôtre. Tout bien considéré, la signature est déjà morte et enterrée depuis un bout de temps; nous refusons simplement de voir la réalité en face.
Nos façons d'écrire évoluent avec le temps: elles sont conditionnées par les outils que nous utilisons.
L'entreprise Bic en fait régulièrement un argument de vente: les stylos aident à préserver l'écriture manuscrite, évidence bonne à rappeler. Le stylo à bille pourtant, derrière ses allures démocratiques et traditionnelles, pourrait bien être à l'origine du déclin de l'écriture cursive.
Son usage généralisé est relativement récent dans l'histoire de l'écriture manuscrite. En 1888, un tanneur américain, John Loud, brevète la première version du stylo à bille. Lacunaire, elle devient vite caduque, et d'autres brevets se succèdent à sa suite. Il faudra attendre 1938 pour que le journaliste hongrois László Bíró, aujourd'hui considéré comme l'inventeur du stylo-bille que nous connaissons, dépose son propre brevet.
La réussite de László Bíró tient au type d'encre que lui et son frère Georg élaborent: une encre épaisse à séchage rapide, inspirée de celle utilisée pour les impressions de journaux dans les presses de l'époque. À terme, ils modifient également le design du stylo, afin que celui-ci ne fuie pas –ou moins.
Les hommes d'affaires ne tardent pas à flairer le marché. En France, l'industriel Marcel Bich rachète les droits du brevet, et bâtit sa fortune en commercialisant le produit à bas coût.
«Quand il arrive sur le marché en 1946, un stylo à bille se vend autour de 10$, ce qui correspond environ à 100$ aujourd'hui. La concurrence a fait baisser le prix de façon constante, mais la stratégie de Bich l'a tiré à ras du sol. Quand le Bic Cristal s'attaque aux marchés américains en 1959, le prix était tombé à 19 centimes le stylo. ujourd'hui, le Cristal se vend à peu près au même prix, en dépit de l'inflation», écrit Josh Giesbrecht dans The Atlantic.
C'est un succès mondial. Le stylo à bille offre dès lors un outil de longue durée, à bas coût, et qui permet de remédier aux inconvénients du stylo à plume: plus de bavures importunes causées par une main maladroite, moins de fuites, moins fragile... la seule contrepartie, ce sera une pression supplémentaire de la main, pour appuyer la bille sur le papier. Peu à peu, l'apparition du stylo-bille allait modifier l'expérience physique de l'écriture.
Dans son livre Apprenez à mieux écrire, Rosemary Sassoon relevait pour sa part que si le stylo-plume a naturellement tendance à produire une écriture attachée par la fluidité de l'encre, le stylo-bille, qui nécessite une pression plus forte et un angle de tenue plus haut et plus douloureux à long terme, pousse davantage aux lettres séparées.
L'idée la plus souvent convoquée pour expliquer le déclin de l'écriture cursive est pourtant l'arrivée des ordinateurs: ayant pris l'habitude du clavier et de son écriture tapuscrite, nous serions amenés à écrire de moins en moins, et l'écriture détachée aurait progressivement pris le pas sur l'attachée.
Cependant, comme le remarque Giesbrecht, «la technologie numérique n'a véritablement décollé que lorsque le stylo à plume avait déjà entamé son déclin, et le style à bille sa montée en puissance. Le style à bille est devenu populaire à peu près au même moment que les ordinateurs centraux. Les articles sur le déclin de l'écriture manuscrite remontent au moins aux années 1960 –bien après la machine à écrire, mais une décennie entière avant l'avènement de l'ordinateur à la maison».
Si l'on souhaite préserver l'écriture cursive, il s'agit moins de faire appel à une nostalgie de la lettrine face aux évolutions de la modernité, que de considérer les outils mêmes que nous employons, auxquels nos corps s'adaptent et qui sont susceptibles de modifier les formes de notre expression.
Pour The Atlantic, une professeure d'histoire d'une fac américaine s'interroge sur les conséquences potentielles de l'arrêt de l'apprentissage de l'écriture cursive (un type d'écriture manuscrite, lorsque les lettres sont liées entre elles). Son questionnement sur le sujet a démarré après qu'un de ses étudiants d'un niveau similaire à celui de nos licences lui a confié n'avoir pu tirer beaucoup d'informations du livre sur la guerre de Sécession que l'enseignante lui avait prêté, car il avait été incapable de déchiffrer les reproductions de manuscrits qui y figuraient.
Drew Gilpin Faust, la prof, a alors procédé à un sondage, et s'est rendue compte que les deux tiers des étudiants de cette promotion ne savaient pas lire les cursives, et qu'un nombre encore plus grand ne savait pas les écrire. D'où le début d'une réflexion, menée conjointement avec ses élèves, sur la place –et surtout l'absence– de l'écriture manuscrite dans leur existence.
Au début des années 2010, rappelle Drew Gilpin Faust, l'écriture cursive a été rayée des enseignements imposés au sein du système américain K-12, sigle désignant le cursus scolaire allant de la maternelle au secondaire. Les étudiants d'aujourd'hui étaient alors à l'école primaire, où on leur a appris à utiliser des tablettes, des ordinateurs et des tableaux numériques. La plupart d'entre eux affirment n'avoir reçu que les bases de l'écriture cursive, pendant une année maximum.
Étonnée par sa propre époque mais bien décidée à ne pas sombrer dans une observation amère de celle-ci, Drew Gilpin Faust fait preuve d'un certain fatalisme. «Le déclin de l'écriture cursive semble inévitable», écrit-elle. «Après tout, l'écriture est une technologie, et la plupart des technologies sont tôt ou tard dépassées et remplacées.» Une affirmation frappée du sceau du bon sens, même si pour la plupart d'entre nous, qui avons grandi dans un système éducatif où l'écriture cursive était au centre de tout, il semble improbable que celle-ci puisse disparaître un jour.
Il reste particulièrement difficile d'envisager que des étudiants en histoire ne sachent ni lire ni écrire en lettres cursives, étant donné qu'ils ne pourront alors déchiffrer aucun manuscrit, et qu'ils devront se contenter de lire les travaux de recherche produits par d'autres. Cela ne signifie pas pour autant qu'il leur soit impossible de mener de brillantes études d'histoire: c'est ainsi que l'un des étudiants de Faust est allé au bout de sa thèse, dont il a simplement remodelé le sujet afin de ne pas rencontrer d'obstacles liés à sa méconnaissance de cette écriture.
Pour autant, n'est-il pas regrettable de devoir limiter son champ de recherche à cause de cette compétence manquante? L'enseignante cite aussi le cas d'une étudiante passionnée par Virginia Woolf, mais qui a décidé d'abandonner ses recherches sur l'autrice car elle n'était pas capable de lire ses nombreuses correspondances, écrites à la plume.
Autre préoccupation de l'enseignante: comment font les étudiants et étudiantes pour déchiffrer les annotations laissées sur leurs copies? La réponse est simple: certains n'hésitent pas à demander à leurs professeurs, et d'autres ont purement et simplement décidé de les ignorer... ce qui est évidemment problématique. Si les uns continuent à utiliser l'écriture cursive et que les autres décident de ne même pas essayer de la lire, alors le dialogue de sourds est total.
Quid des listes de courses? Des cartes de vœux? Nous, les adeptes de l'écriture cursive, voyons mal comment nous pourrions nous en passer. La réponse est similaire à ce que Faust écrit plus haut: ce n'est qu'une technologie, elle est donc remplaçable. Tout ceci peut être fait de façon numérique, sur un smartphone ou un ordinateur –et, si besoin, à l'aide d'une imprimante.
Abandonner l'écriture cursive, c'est sans doute dire au revoir à une certaine façon de considérer la société. Cela ne signifie pas pour autant que l'on perde au change. Sauf dans des situations comme celles de ces étudiants en histoire, qui se retrouvent perdus devant une simple écriture manuscrite comme nous le serions devant des hiéroglyphes égyptiens.
L’inauguration du jardin de Dardennes, la poursuite de la réfection des grands axes routiers ou encore l’avenir de l’ancienne carrière, Ange Musso dévoile l’avenir de sa commune en 2025.
*Que retenez-vous de l’année écoulée?
On a vraiment mis la période Covid derrière nous. On a pu reprendre les activités autour du lien social notamment. Côté réalisations, je suis fier d’avoir ouvert une antenne de la protection civile sur le territoire et que l’atelier d’artistes soit enfin une réalité. Un travail important a été fait au cœur du village. Reste une dernière étape pour que l’aménagement soit complet: l’espace derrière l’église. Les bâtiments vont être détruits, on va faire un parking désimperméabilisé, la vue sur la colline sera dégagée.
*Le grand projet qui va aboutir en 2025, c’est également le jardin de Dardennes…
5.000m2 d’espaces verts vont devenir un parc public intergénérationnel. Nous sommes dans les délais et j’espère une inauguration pour la rentrée. Ce sera l’accomplissement d’un long travail. Ce projet, on l’évoquait déjà lors de mon premier mandat. Dans sa réalisation, nous avons été très soutenus, notamment financièrement, par la Région et le Département.
*Où en est-on des réfections de voiries?
L’ensemble des axes structurants seront refaits à neuf. On va également terminer le passage de l’ensemble de l’éclairage public en Leds. Nous développons le photovoltaïque sur les bâtiments municipaux... Au final, 95% de notre programme sera réalisé d’ici la fin du mandat. C’est exceptionnel, d’habitude, on est plus sur 80 ou 85%.
*Que vous reste-t-il à accomplir en tant que maire?
Beaucoup de choses! Je pense notamment à notre moulin à huile municipal. Le projet est compliqué à mettre en place. Ce n’est pas une question financière mais plutôt de fonctionnement. Nous voulions le faire marcher sur un mode associatif mais avec les normes à respecter, c’est difficile. Mais on va trouver une solution...
Autre projet que je voudrais voir se réaliser, c’est celui de l’ancienne carrière, sous le barrage. On a enfin, après une très longue bataille judiciaire, racheté le terrain. L’idée serait de démolir les bâtiments, remettre un hectare à plat... Pour en faire quoi? L’idée n’est pas encore arrêtée mais pourquoi pas du photovoltaïque. Dans la colline, l’idée serait de faire des pistes pour rejoindre le domaine de la Ripelle.
*Allez-vous vous représenter en 2026?
Je vais y réfléchir en septembre. Cela ne sert à rien d’y penser plus tôt. On a encore une grosse année de boulot avant l’échéance des municipales. Après, je n’ai aucune envie d’arrêter. Il reste plein de choses à faire ou à développer et à continuer sur la commune. Et puis je n’ai pas l’âge de la retraite !
Ville pilote "défense incendie"
"La Métropole nous a choisis comme ville pilote DECI, défense extérieure contre les incendies », entame Ange Musso. Avant de poursuivre : « l’idée est de mettre aux normes toutes nos bornes incendies. Qu’elles aient toutes une capacité de 60 m3, au lieu de 30. » La commune s’engage également à les multiplier pour pouvoir lutter efficacement contre le feu. « Et l’actualité nous montre bien, avec ce qui se passe en ce moment aux États-Unis, qu’il faut savoir se protéger."
Par Romain Gubert
Ils sont autorisés à porter l'uniforme bleu marine. Peuvent embarquer sur les bâtiments de la Marine nationale. Ils ont même un grade, celui de capitaine de frégate de la réserve citoyenne, à titre honorifique. Et peuvent signer leurs livres en accolant leur nom à une petite ancre de marine.
C'est une étrange confrérie qui compte vingt écrivains (pas un de plus) qui se choisissent par cooptation après un examen d'entrée impitoyable : il faut manier la drisse et la plume avec passion, aimer la mer et avoir suffisamment de talent pour savoir partager avec ses lecteurs la magie de l'océan.
L'idée d'une corporation des écrivains de marine est née il y a vingt ans dans la tête de l'Amiral Bellec, alors directeur du musée de la Marine et auteur d'une trentaine d'ouvrages, et de deux académiciens aujourd'hui disparus, Jean-François Deniau et Bertrand Poirot-Delpech, deux amoureux de la mer, qui ont réussi à convaincre la Royale que la littérature pouvait faire prendre conscience au grand public de la vocation maritime de la France. Avec un but : créer l'équivalent des « peintres officiels de la marine », un corps créé il y a près de deux siècles et qui a autrefois compté dans ses rangs Paul Signac et, plus récemment, Yann Arthus-Bertrand.
Les écrivains de marine ne sont pas vraiment des auteurs de salon. Ainsi, Philibert Humm, prix Interallié 2022 pour Roman Fleuve (Les Équateurs), nouvellement élu, devrait ainsi passer quelques jours au fond des mers sur l'un des sous-marins d'attaque français pour raconter ensuite son expérience. Par convention, signée avec la Marine nationale (le chef d'état-major valide les nominations), ils s'engagent à « collectivement servir la Marine, favoriser la propagation et la préservation de la culture et de l'héritage de la mer, et plus généralement la promotion de la dimension maritime de la France ». Et Royale considère ces hommes de plume comme les leurs. Aux obsèques de Bernard Giraudeau, en 2010, un béret rouge et une casquette blanche d'officier reposaient sur son cercueil.
On imagine les retrouvailles, plusieurs fois par an, de Yann Queffélec, Jean-Christophe Ruffin, Daniel Rondeau, Sylvain Tesson, Isabelle Autissier, Titouan Lamazou, Olivier Frébourg autour de quelques Amiraux sous la houlette de Patrice Franceschi qui préside l'association. Sans doute y parle-t-on davantage de voyages au long cours que de littérature. Quoi que. Il y a quelques jours, la confrérie vient ainsi de décerner son premier prix littéraire à Antoine Sénanque (Croix de cendre, Grasset) dans lequel il raconte le parcours de deux jeunes moines dominicains au XIVe siècle avec pour théâtre la peste noire qui s'abat sur le continent à cette époque (deux Européens sur trois en furent les victimes).
par Mathieu Dalaine
La dernière fois que des coups de feu ont été échangés à la poudrière des Moulins, c’était en août 1944. Des combats avaient fait rage autour du "verrou" de Toulon, dans la vallée du Las. Bilan officiel: 250 morts côté allemand, ainsi que 23 chez les libérateurs. Et un mystère en sus. Combien d’hommes (et de munitions non explosées) avaient aussi été engloutis par l’effondrement soudain de la galerie P4, aux premières heures de la bataille?
L’arrivée d’un nouveau propriétaire sur ce site situé au 245 avenue des Meuniers, sur la route qui mène au Revest, va peut-être permettre d’apporter une réponse à cette énigme historique. Le Club de tir police varois (CTPV) vient en effet d’acquérir l’endroit, jadis appelé "Établissement de Saint-Pierre", pour la modique somme d’un demi-million d’euros. Avec la ferme intention d’y tirer quelques cartouches, mais également de s’intéresser de près aux éboulis les plus intrigants de la ville.
"On était installé depuis trente ans à Lagoubran (1), sur un terrain militaire qui a longtemps abrité une usine de torpilles", explique Gilbert Tort, l’ex-commandant de police qui préside désormais aux destinées de cette structure prisée des forces de l’ordre. "Mais en début d’année, le ministère des Armées nous a informés qu’il comptait résilier notre bail."
La raison invoquée par la Défense – le besoin de récupérer de l’espace en vue du chantier préparatoire à l’accueil du futur porte-avions sur la base navale de Toulon – ne souffrait guère la contestation. Le CTPV s’est mis en quête d’un nouvel écrin pour son millier d’adhérents, civils ou assermentés.
L’entrée de l’ex-établissement Saint-Pierre, dans le quartier des Moulins, va devenir celle du Club de tir police varois dès l’an prochain. (Photo doc. F. M.).
Avec ses trois longs tunnels bétonnés, son terrain vaste (mais inconstructible), sa capacité d’accueil et son accès sécurisé, la poudrière des Moulins cochait pas mal de cases. Le décès du propriétaire de cette friche de sept hectares en fin d’année dernière, et la volonté de ses héritiers de s’en séparer, a permis la transaction.
Si tout se passe bien, après quelques travaux d’aménagement, les fines gâchettes du coin devraient pouvoir dégainer leurs armes au pied du Faron dès l’an prochain. Mais le club a une autre cible en tête.
"On connaît l’histoire de la poudrière, insiste Gilbert Tort. On sait qu’il y a un mystère autour de la galerie effondrée et on aimerait contribuer à le résoudre." L’ancien patron de la Bac nord de Marseille entend ainsi prendre attache avec le consul d’Allemagne et des associations mémorielles outre-Rhin, afin de voir sous quelle mesure une dépollution du site en profondeur, jamais vraiment réalisée jusque-là, serait susceptible d’être entreprise.
"Imaginons que le terrain puisse enfin être dépollué, poursuit Gilbert Tort. Imaginons aussi qu’on retrouve du matériel militaire. On pourrait alors transformer cette poudrière en un lieu de mémoire avec l’installation d’un petit musée, pourquoi pas, en partenariat avec le ministère des Ancien combattants. Mais bon, tout ça, c’est un sujet à long terme…" Et pas franchement la cible la plus facile à atteindre.
Généa50 est une association qui s’adresse à tous les passionnés d’histoire et de généalogie dans la Manche. En 2024, nous avons organisé plusieurs événements sur Fermanville (3 expos, 3 conférences, 1 grande vente de livres). A partir du 14 décembre commence une nouvelle exposition avec une présentation très spéciale de quelques Fermanvillais que vous reconnaîtrez peut être. D’autres manifestations se dérouleront en 2025, venez nous y revoir ou nous découvrir à ces occasions !
Après 5 ans d’existence, l’association continue son développement. Une 15aine de bénévoles, au service de nos presque 300 adhérents et des visiteurs de Fermanville et d’ailleurs, occupent divers missions : gérer notre bibliothèque (2800 ouvrages), relever des chartriers & transcrire des vieux actes, donner des cours de paléographie, développer notre arbre généalogique de la Manche de 1,7 million de personnes liées à la Manche et leurs ancêtres nobles, tenir un forum, un blog et une chaine Youtube… En plus de la publication d’une revue semestrielle, nous lançons une nouvelle activité d’édition inaugurée par « la Rue du Faubourg à Cherbourg ». D’autres livres locaux sont en préparation pour 2025.
À l’heure où l’intelligence artificielle accélère la propagation de fausses images et de photos sorties de leur contexte, apprendre aux élèves à sourcer leurs informations est plus important que jamais. Et les cours d’histoire se doivent d’intégrer aujourd’hui une formation à l’histoire numérique que peuvent faciliter des outils comme le projet VIRAPIC qui aide à repérer des photos virales.
Chaque jour, des images en lien avec des évènements historiques sont mises en ligne sans être référencées – avec leur auteur, leur date, leur localisation, leur lieu de conservation – et encore moins contextualisées par un commentaire historique. C’est le cas, par exemple, de cette photographie, la plus souvent publiée pour représenter les exactions des « mains coupées » dans le Congo de Léopold II, au tournant du XIXe au XXe siècle. En 2024, on la retrouve sur des milliers de pages web sans que l’auteur de cette photographie soit toujours mentionné et sans faire l’objet d’un commentaire historique approprié.
Cette photographie semble illustrer de manière saisissante les exactions commises par les compagnies de caoutchouc au Congo. Mais que peut-on voir de cette photographie sans connaître son histoire ? Le spectateur est ici contraint d’interpréter le message photographique au filtre de ses propres représentations, saisi par le contraste entre les victimes et les Européens habillés de blanc jusqu’au casque colonial, lesquels semblent justifier les châtiments corporels par leur pose hiératique.
En réalité, cette photographie a été prise en 1904 par une missionnaire protestante, Alice Seeley Harris, pour dénoncer ces violences et les deux hommes sur la photographie participent à cet acte de résistance photographique qui contribuera à mobiliser l’opinion publique européenne contre les crimes commis dans l’État indépendant du Congo. L’identité et les intentions du photographe ne sont pas ici un détail : ils rendent compte d’une réalité historique plus complexe, celle d’une « polyphonie morale » des sociétés européennes à la fin du XIXe siècle, divisées sur le bien-fondé et les dérives de la colonisation.
Des exemples comme celui-ci, il en existe des milliers sur le web, les publications et partages d’images générant un brouillard de photographies décontextualisées, rendues virales par les algorithmes des moteurs de recherche et des réseaux sociaux numériques.
Prenons l’exemple de ce tweet d’Eric Ciotti posté le 16 juillet 2024 en commémoration de la rafle du Vel d’Hiv :
Capture d’écran.
La photographie postée n’a pas grand-chose à voir avec les rafles des 16 et 17 juillet 1942 : il s’agit en réalité d’un cliché montrant des Français soupçonnés de collaboration enfermés au Vel d’Hiv après le Libération. Ce compte Twitter n’est pas le seul à reproduire cette erreur ; il faut noter que les algorithmes de Google images ont longtemps placé cette photographie dans les premiers résultats de recherche à la suite des mots clefs « Rafle du Vel d’Hiv ».
La rectification de cette erreur est-elle seulement l’affaire des historiens préoccupés par l’identification des sources ? En réalité, cette erreur participe à la méconnaissance historique de la rafle du Vel d’Hiv. Comme le montre l’historien Laurent Joly, il existe une seule photographie de la rafle, prise le 16 juillet 1942 à des fins de propagande et pourtant jamais publiée dans la presse. Ce détail n’est pas anodin, il révèle que les autorités allemandes ont interdit la publication des photographies de la rafle, alertées par la désapprobation de la population parisienne.
Ces quelques exemples doivent nous alerter sur l’usage illustratif de la photographie encore trop présent dans l’édition scolaire. Faute de place, les manuels se contentent, le plus souvent, d’une simple légende sans commentaire pour éclairer ou confirmer le cours de l’enseignant.
L’usage des photographies par les historiens a pourtant évolué ces dernières années, considérant désormais celle-ci comme de véritables archives auxquelles doivent s’appliquer les règles élémentaires de la critique des sources. Un tel usage gagnerait certainement à être généralisé dans l’enseignement de l’histoire pour sensibiliser les élèves à la critique documentaire – le plus souvent résumée par la méthode SANDI (Source, Auteur, Nature, Date, Intention). Car, si cette méthode est parfois jugée artificielle par les élèves, elle trouve une justification, pour ainsi dire immédiate, dans la critique de l’archive photographique.
En effet, le regard porté par les élèves sur l’image photographique change radicalement une fois connue son histoire.
Cette approche documentaire est d’autant plus nécessaire que les élèves et les étudiants s’informent aujourd’hui de plus en plus sur les réseaux sociaux, des réseaux où les photographies sont relayées par des armées de comptes sans scrupules méthodologiques et parfois orientées par des lectures complotistes du passé.
Il faut encore ajouter une autre donnée pour comprendre l’enjeu pédagogique qui attend les enseignants d’histoire dans les années à venir : d’ici 2026, selon un rapport d’Europol, la majorité du contenu disponible sur le web sera généré par l’IA. Cela impliquera probablement la publication de fausses photographies de plus en plus crédibles et sophistiquées, lesquelles tiendront lieu de preuve à des fictions déguisées en histoire.
La prolifération des IA génératives, l’accélération des échanges de photographies inventées, détournées ou décontextualisées constituent un véritable défi pédagogique. Comment enseigner l’histoire aux élèves sans leur transmettre les outils pour affronter la désinformation historique en ligne ? Comment expliquer aux élèves l’environnement numérique dans lequel ils sont immergés (IA, algorithmes, vitalités des images) sans proposer un cours d’histoire qui soit aussi un cours d’histoire numérique ?
Pour répondre à ces défis, l’Encyclopédie d’histoire numérique de l’Europe (EHNE-Sorbonne Université) et les équipes d’informaticiens du CERES-Sorbonne Université élaborent un nouvel outil qui vise autant un public d’enseignants que d’éditeurs et les journalistes : le projet VIRAPIC, une plate-forme numérique dont l’objectif est de repérer les photographies virales (reproduites en ligne à une très grande échelle et/ou sur un laps de temps réduit) lorsque celles-ci sont inventées, détournées ou décontextualisées des évènements historiques qu’elles prétendent illustrer.
L’objectif est double. Il s’agit d’injecter du contenu historique autour des photographies virales (source, légende, commentaire historiques) et d’analyser les viralités numériques des photographiques (Qui les publie ? Sur quels supports ? Avec quelle temporalité ?). Le projet VIRAPIC aborde surtout le problème de la désinformation historique par une approche pragmatique : lutter contre la viralité de la désinformation par le référencement du travail historien sur les moteurs de recherche.
L’originalité de cet outil tient en effet à la possibilité d’agir directement sur les pratiques des internautes grâce au référencement de l’Encyclopédie EHNE dont les pages web apparaissent dans les premiers résultats des moteurs de recherche. Ainsi, les internautes recherchant des photographies pour illustrer les évènements historiques verront apparaître les pages web EHNE/VIRAPIC dans les premiers résultats de recherche comme Google Images.
En constituant une base de référencement des photographies virales, détournées, décontextualisées ou inventées autour d’évènement historiques, le projet VIRAPIC permettra d’accéder rapidement à un contenu historique solide et critique sur les images que les élèves, enseignants ou éditeurs souhaitent publier en ligne ou utiliser en cours.
Science et Société se nourrissent mutuellement et gagnent à converser. La recherche peut s’appuyer sur la participation des citoyens, améliorer leur quotidien ou bien encore éclairer la décision publique. C’est ce que montrent les articles publiés dans notre série « Science et société, un nouveau dialogue », publiée avec le soutien du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.
La popularité de la généalogie n’est pas un vain mot. Le bâtiment des archives municipales toulonnaises qui disposent de 4,5km linéaires de documents anciens est fréquenté depuis l’an dernier chaque premier mardi du mois par des curieux ou passionnés en quête de leurs origines.
"Cet engouement n’est pas nouveau, mais entre les outils en ligne qui permettent la consultation des registres paroissiaux et d’état civil et les sites spécialisés, de plus en plus de gens se lancent dans ces recherches", constate Anne-Flore Viallet, cheffe de service conservation et valorisation de Toulon.
La numérisation varoise ne remontant pas au-delà de 1920, rien ne vaut toutefois de se frotter aux originaux bien plus anciens.
C’est ainsi que dès 2022 sa directrice, Magali Béranger, initie des ateliers généalogiques. Chaque jeudi entre janvier et avril, une dizaine d’inscrits se retrouvent pour apprendre les méthodes généalogiques et remonter le temps sur la trace de leurs ancêtres.
"La formation limitée à dix personnes est étalée sur une douzaine de séances gratuites. La prochaine en 2025 est déjà complète", note Anne-Flore Viallet. D’où la création des ateliers du mardi pour offrir des portes d’entrées supplémentaires dans les couloirs du temps avec l’archiviste chevronné Frédéric Giraldi. Compter le 7 janvier 2025 pour les prochaines places libres.
"Les gens viennent pour construire leur propre arbre ou aller plus loin s’ils l’ont débuté. Nous avons des habitués. Ils remontent sur trois-quatre générations, voire davantage! Nous leur fournissons aussi des pistes vers d’autres services comme les archives départementales qui ont aussi leurs ateliers thématiques (1), les archives nationales d’Outre-mer si un parent éloigné est passé par le bagne, le Service hstorique de la Défense, etc.", liste Anne-Flore dont les registres de baptêmes, mariages et sépultures peuvent remonter jusqu’au XVIe siècle.
"Il est également intéressant du point de vue de la culture générale de voir comment les histoires personnelles se croisent avec la grande Histoire", poursuit la cheffe de service qui vibre au rythme des découvertes d’autrui parfois bien insolites
"Mon ancêtre est le colonel Arthur Du Ferron, commandeur de la Légion d’honneur. Un Breton originaire de Saint-Malo venu passer sa retraite à Toulon. Tout ce qu’on savait, c’est qu’il était décédé quartier du Temple, le 24 avril 1888", raconte Claudine, son unique descendante venue du Vaucluse. Grâce au service des archives, elle a retrouvé sa tombe, envahie par la végétation, au cimetière central de Toulon. Il lui reste désormais à percer l’ultime mystère. Pourquoi son arrière-arrière-grand-père, héros de la campagne du Mexique (1864-1867) a choisi comme dernière demeure la capitale varoise?
La quête généalogique n’est plus l’apanage des aristocrates, elle est désormais une pratique de classe moyenne. Et serait le 3e passe-temps des Français, qui cherchent à découvrir ou retrouver leurs racines, et à transmettre l’histoire familiale.
Publié le 17/11/2024
Une vieille photo jaunie sortie d’un carton du grenier. Une histoire entre la poire et le fromage captée lors d’un repas de famille. L’envie de trouver des cousins éloignés ou la maîtresse de notre enfant qui lui demande de faire son arbre généalogique. La généalogie fait presque partie de notre vie quotidienne. Selon les dernières études, elle serait le 3e passe-temps des Français, après le bricolage et le jardinage. Et nous serions 10 millions à nous y intéresser.
"Se reconnecter aux fils de son histoire est une volonté profonde, intime, que beaucoup d’entre nous manifestent au cours de notre vie, révèle Patrick Cavallo, le président de l’Association de généalogique des Alpes-Maritimes. La quête généalogique n’est plus l’apanage des aristocrates. Aujourd’hui, c’est une pratique de classe moyenne. On pourrait aussi penser que c’est plutôt un passe-temps pour les retraités, mais ce n’est pas tout à fait juste. Il y a 70% des Français qui se disent intéressés par leurs origines, même si tous ne passent pas le pas des recherches. Cette activité a explosé pendant le confinement où on a pris un peu plus le temps de se recentrer sur nos familles. Et l’âge moyen de ces nouveaux enquêteurs est passé de 70 ans à 48 ans."
Découvrir son arbre généalogique, le visage de ses ancêtres, l’origine de son nom de famille, trouver des cousins éloignés, savoir si nous sommes apparentés à des gens célèbres ou encore déceler des secrets de famille qui peuvent peser lourd, voilà autant de – bonnes – raisons qui poussent à faire des recherches.
Pour nous y aider, il existe de nombreux sites. Filae, Geneanet, MyHeritage, Ancestry proposent gratuitement un premier pas encourageant qui conduit ensuite vers un abonnement payant. "Ils proposent aux généalogistes une expérience-client bien plus qualitative que les formules gratuites, poursuit Patrick Cavallo. Ils simplifient les recherches et fournissent aisément des premiers résultats. Ensuite il y a aussi les associations. La nôtre, l’AGAM, existe sur Nice depuis 1983 et nous aidons nos adhérents dans leur recherche, notamment grâce à notre base de données. Depuis la naissance de l’association, nous avons dépouillé 1,6 million d’actes de l’état civil et de l’Eglise."
Ces dernières années, les tests ADN sont venus chambouler la généalogie traditionnelle.
Ces prélèvements salivaires – qui coûtent entre 80 et 100 euros – sont interdits en France (ils restent accessibles via des laboratoires américains), les contrevenants risquent une amende de 3.750 euros. "Ils déterminent les origines d’une personne en comparant son ADN à celui de populations de référence, décrypte le président de l’AGAM. Ces tests attirent un nouveau public, souvent très jeune, vers une généalogie qui ne se veut plus historique, mais biologique. Mais attention, prévient Patrick Cavallo, cette pratique peut réserver de mauvaises surprises. Apprendre que votre voisin est aussi votre demi-frère a toutes les chances de donner une autre saveur aux dîners de famille!"
A la 3e journée de généalogie, ce samedi, à Castagniers, les bénévoles de l’AGAM révèlent leurs motivations pour enquêter sur le passé filial des gens, dévoiler des secrets, nouer des liens.
Publié le 17/11/2024
Certains prétendent que l’Homme descend du singe. Avec l’Association généalogique des Alpes-Maritimes, il descend plutôt de l’arbre pour puiser dans ses racines profondes et déterrer, parfois, des histoires enfouies, des secrets.
Ce samedi, à Castagniers, l’AGAM animait la 3e Journée portes ouvertes de généalogie, organisée dans la salle polyvalente par l’association Gourmands de Culture à Castagniers avec le soutien du Département.
Que des bénévoles. Qui sont, qui furent ingénieurs, banquiers, enseignants... Passionnés, donc passionnants. Pourquoi il a démarré l’aventure généalogique? Patrick Cavallo, président de l’AGAM, niçois, lève un coin de sa saga familiale: "Tous mes ancêtres avaient un nom finissant soit par « o", soit par "i", sauf une, dénommée Larousse et qui venait du Béarn. Que faisait-elle ici? Je suis allé aux archives départementales de Pau et je l’ai identifiée. Elle s’appelait Larousse Victor et c’est comme cela, que j’ai reconstitué l’histoire de mon arrière-grand-mère, qui travaillait chez un médecin, à Pau, lequel soignait une clientèle d’hivernants anglais. Avec la mode de la French Riviera, le médecin est venu à Nice et mon arrière-grand-mère l’a suivi. Et à Nice, elle a épousé un Suisse italien.... En allant sur le terrain, on fait des rencontres de personnes qui ont connu les anciens, qui montrent des habitations où ils ont vécu, parfois on se crée des amis. La généalogie, c’est aussi des relations humaines. Cette quête m’a plu...»
Quête. Enquête. Assise devant leur écran où défilent actes d’état civil, vieux écrits pas évidents à déchiffrer... Michèle et Annie expliquent comment elles aident les gens à composer leur arbre: "On ne recherche pas n’importe comment. Il faut déjà avoir un maximum de renseignements sur soi-même et ses proches - actes de naissances, de mariages, de décès, testaments, etc. -, tout noter, maîtriser les numérotations spéciales pour faire les arbres. On mène une enquête. Pouvant aboutir à la découverte d’enfants cachés, de non-dits, de secrets de famille. Parfois, on est en panne, alors on reprend des actes, on les scrute et cela peut dessiner d’autres pistes concluantes. C’est comme un puzzle."
De fins limiers. Attirés par les origines lointaines, les authenticités profondes, les rencontres directes, les contrées quelquefois inattendues, que ne facilite pas forcément la société actuelle désincarnée. Des ressentis qui font également vibrer Marc Duchassin. Étonnant personnage. Imprégné de généalogie depuis l’âge de 12 ans grâce à sa grand-mère paternelle obnubilée par son histoire. Avec son projet Augusta06 (2), Marc veut construire et partager un arbre commun pour les Alpes-Maritimes. Un travail de titan commencé il y a une dizaine d’années et comportant à ce jour plus de 500.000 personnes nées, mariées ou décédées dans le 06. Méthodique, calme, Marc est un altruiste: "Ma motivation c’est comment partager cette initiative, comment former un groupe pour que ce projet me survive."
(1) AGAM: agam.06@gmail.com ou www.agam-06.com
Le gouvernement a confirmé dans un décret publié ce vendredi15 novembre, la date butoir pour l'obligation d'équiper les parkings existants d'ombrières à énergie solaire, ranimant la colère de la grande distribution, concernée au premier chef.
Publié le 15/11/2024
La loi sur les énergies renouvelables de 2023 impose aux parkings extérieurs (neufs comme existants) d'installer sur la moitié de leur surface des ombrières photovoltaïques, des infrastructures recouvertes de panneaux solaires permettant à la fois de faire de l'ombre et de produire de l'énergie.
Les gestionnaires ont jusqu'à juillet 2026 pour les plus grands parkings (plus de 10.000 mètres carrés) et juillet 2028 pour ceux de plus petite taille (plus de 1.500 mètres carrés).
Si de nombreuses entreprises et collectivités ont commencé à s'équiper, le secteur de la grande distribution, premier concerné avec ses 21.000 magasins et centres commerciaux, et ses 70 millions de mètres carrés de parkings, avait demandé en avril un report de l'échéance "de deux ans au minimum".
Ce délai n'a pas été accordé, mais le décret publié vendredi au Journal officiel précise que les espaces verts, les zones de stockage ou les espaces logistiques ne sont pas pris en compte dans le calcul de la superficie du parking.
Les allées de circulation rentrent, elles, dans le calcul, contrairement à ce que demandaient les acteurs de la distribution.
Pour la fédération technique de la distribution (Perifem), ce décret sur les parkings existants "réitère les erreurs du précédent décret sur les parkings neufs avec une définition extensive des surfaces concernées", a déclaré à l'AFP son délégué général Franck Charton.
"Ces décisions vont avoir des conséquences importantes en figeant notamment le foncier pour des décennies. Les délais de mise en oeuvre de l'obligation n'ont même pas tenu compte des 18 mois d'attente de parution de ce décret, ni de la création d'une filière française des panneaux photovoltaïques!", a souligné M. Charton. "C'est invraisemblable et cela ne peut rester sans conséquence".
Les parkings sont exemptés s'ils bénéficient de l'ombre d'arbres sur la moitié de leur surface, à raison d'un arbre pour trois emplacements de stationnement.
Le décret exempte aussi les parkings "pour lesquels il est démontré que l'installation de ces dispositifs est impossible en raison du caractère excessif du coût total hors taxe des travaux nécessaires".
La loi prévoit des sanctions allant jusqu'à 40.000 euros par an pour les gestionnaires de parking, jusqu'à la mise en conformité.
"Dur dur de ne pas être écoutés à ce point par les pouvoirs publics!", a protesté sur X Dominique Schelcher, patron de la Coopérative U, quatrième distributeur alimentaire français. "Vivement des mesures de simplification massives en France, comme les pratiquent de nombreux autres pays dans le monde actuellement. Il en va de notre compétitivité et de la force de l'économie française", a-t-il plaidé.
Le prix du Museum of the Year est le plus largement doté du secteur, ce qui en fait depuis 1973 l'un des plus convoités par les institutions culturelles. En juillet 2024, il était décerné au Young V&A (qui reçut un joli chèque de 140.000 euros), un an à peine après sa réouverture. Douze mois qui ont suffi au premier musée de l'histoire à avoir été développé en collaboration avec des enfants pour s'imposer comme un exemple à suivre.
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Tout a commencé il y a une poignée d'années par une question: «Que pensez-vous des musées?» L'agence de conseil britannique Beano Brain a recueilli l'avis un grand nombre d'enfants nés après 2015, à la demande du Victoria and Albert Museum, incontournable institution fondée en 1852 par la reine Victoria. Le verdict est tombé: 44% d'entre eux les jugeaient ennuyeux. Et le vénérable V&A Museum of Childhood, rejeton né en 1872, n'échappait pas à la sévère sentence.
Ce musée de l'enfance, finalement, tombait dans le même écueil que beaucoup d'autres: celui d'«aborder les enfants sous l'angle du déficit», selon la professeure Monica Eileen Patterson, directrice du département d'études curatoriales de l'université Carleton, à Ottawa (Canada). En d'autres termes, nous en avions déjà parlé, les enfants sont pris pour les idiots qu'ils ne sont pas. «Ils sont traités comme des fardeaux qu'il faudrait contrôler, des apprenants qu'il faudrait éduquer, des êtres pleins d'énergie, dotés d'une faible capacité d'attention, qu'il faudrait distraire.»
Sans compter que les activités proposées aux enfants sont rarement développées de leur point de vue, mais selon celui des adultes qui «fixent les règles et le cadre, […] demandent aux enfants d'imiter le travail d'artistes adultes, ou leur parlent […] d'œuvres créées par des adultes». En bref, force est de constater que jusqu'à la naissance du Young V&A, les musées avaient tout faux.
L'heure était grave. Que faire des 5.000 mètres carrés d'exposition du musée, de ses 2.000 œuvres illustrant le monde de l'enfance au fil de sept millénaires? Les cabinets d'architecture choisis pour mener à bien la mission se sont donc installés en résidence dans les murs du V&A Museum of Childhood. Puis ont imaginé un grand laboratoire participatif au sein duquel, dix mois durant, 22.000 enfants sont venus brainstormer avec eux à tour de rôle.
Toutes les propositions des muséographes en herbe ont été considérées avec sérieux. Le «Forum pour enfants» a imposé la nécessité de créer un lieu inclusif (entrée gratuite, ateliers et expositions aménagés pour un accès en fauteuil roulant), plein d'optimisme et de positivité, «tout en tenant compte des complexités des jeunes vies d'aujourd'hui», résume la directrice du Young V&A, Helen Charman.
Les pratiques de cocréation et de co-conception ont permis de «débloquer et exprimer le potentiel créatif» du jeune public, tout en offrant un réétalonnage «du rôle du musée à une époque d'énormes défis mondiaux».
Le musée devait être ludique («le plus joyeux du monde», avaient conclu les jeunes consultants), mais également instructif et responsable. Pour Helen Charman, c'est le rôle des institutions de répondre aux questions que ces changements soulèvent: «Le dynamisme est le sine qua non de la survie –ou de l'insignifiance du risque.»
Le Young V&A affiche fièrement les résultats de sa politique zéro déchet: gravats du chantier, pots de yaourts ou meubles fatigués ont été recyclés puis transformés en tables d'atelier ou en plans de travail. Environ 17 millions d'euros ont été consacrés à la réinvention du musée, qui a duré trois ans.
Le musée dans son jus d'origine s'avérait plutôt austère: enfants et architectes ont donc planché sur les moyens de faire entrer la lumière et la couleur dans le bâtiment historique. Trois nouvelles galeries d'exposition, baptisées Play, Imagine et Design, donnent sur l'atrium central, désormais baigné de lumière naturelle, qui fait office d'immense espace de jeux. Un grand escalier en colimaçon ponctue son extrémité, surmonté d'un énorme globe réfléchissant inspiré des jeux d'illusion d'optique de la collection du V&A.
Le nom de chaque galerie s'affiche en immenses lettres capitales de couleurs vives (choisies par les enfants), chacune s'adressant à une tranche d'âge. Même les tout-petits ont droit à leur espace. Dans la galerie Play, le Mini Museum présente toutes sortes d'objets issus des collections, mais exposés de façon à stimuler les plus jeunes. Vitrines tactiles, objets réfléchissants et à hauteur des regards de visiteurs pas encore en âge de marcher, cadres et structures couverts de textiles doux, etc.
«S'il y a un objet étincelant à l'intérieur de la vitrine, il sera exposé dans un cadre étincelant», explique Helen Charman. «S'il est fait de marbre, alors les enfants pourront sentir la texture du marbre. Il y a aussi un arbre sonore qui donne vie aux objets», diffusant par exemple un bruit de pluie pour animer la reproduction d'une œuvre de David Hockney.
Plutôt qu'une scénographie statique, chaque espace opte pour une approche immersive et interactive, détaillant non seulement l'histoire des objets mais montrant aussi la façon dont ils ont été fabriqués. On trouve en outre trois espaces dédiés aux ateliers, une salle de lecture, une boutique dans le hall et un café.
À l'étage, la galerie Design met en lumière des objets innovants et des études de cas. Une cabane-atelier accueille designers ou artistes en résidence, tandis que l'Open Studio propose des défis de conception aux 11-14 ans: ceux-ci y développent notamment des objets qui sont ensuite fabriqués et vendus au sein de la boutique du musée.
Le «musée le plus joyeux du monde» ne se contente pas d'apporter de la joie à ses visiteurs: il invente de nouvelles façons de les faire participer et de pérenniser leur relation aux lieux et à sa mission. Plus d'exposition ennuyeuse ou de thème mal choisi: les enfants partagent leurs idées, décident des angles, expriment leurs souhaits et craintes.
Enfin écoutés et entendus, ils approuvent le résultat de cette entreprise pas comme les autres: depuis que les oripeaux du Museum of Childhood ont été remisés, le visitorat du Young V&A a triplé.
Le téléphone sonne dans mon bureau. C'est une des réceptionnistes de l'école qui m'explique qu'il y a un visiteur en bas qui a besoin d'accéder au réseau WiFi de l'école. iPad en main, je me rends à l'accueil où je trouve une femme d'une vingtaine d'années, assise avec son MacBook sur les genoux.
Je souris et me présente en m'asseyant à côté d'elle. Elle me tend son MacBook silencieusement et son regard veut tout dire. Répare mon ordi, le geek, et dépêche toi. On me prend assez souvent pour un technicien pour que je reconnaisse l'expression.
Je lui dis : "Je dois faire ça vite, je donne un cours dans 5 minutes."
"Vous enseignez ?"
"C'est mon boulot, oui, je m'occupe du réseau de l'école en plus."
Elle me réévalue instantanément. Au lieu d'être un geek-puceau-tapoteur-de-clavier-associal anonyme, elle me voit maintenant comme un collègue. Pour les gens comme elle, les techniciens sont un mal nécessaire. Elle se contenterait bien de les ignorer et de se foutre d'eux dans leur dos, mais elle sait que quand elle aura un problème avec sa présentation PowerPoint, elle aura besoin d'un technicien, donc elle maintient le niveau de politesse minimal, quand bien même elle considère qu'ils sont trop geek pour interagir avec.
Je regarde le MacBook. À l'époque, je n'avais aucune expérience avec OSX. Comme Jobs n'est pas complètement stupide, le symbole WiFi habituel est bien visible dans le coin supérieur droit de l'écran. Ça m'a pris quelques secondes pour connecter l'ordinateur au réseau.
Je rends le MacBook à la femme qui lance Safari. "l'Internet ne marche pas." dit-elle dédaigneusement.
J'ai entendu cette phrase tellement souvent, par des étudiants ou des profs, que j'ai une réaction toute prête. Normalement, je sors mon téléphone, fais semblant de taper quelques chiffres, et, en le portant à mon oreille, je dis "Oui, passez moi le bureau du président des États-Unis... NON NE ME METTEZ PAS EN ATTENTE, c'est une urgence... Allô, monsieur le président ? J'ai de bien mauvaises nouvelles, j'en ai peur. On vient de m'apprendre que l'Internet ne marche pas."
Je ne pense pas que la jeune femme apprécie le sarcasme, donc j'attrape le MacBook pour paramétrer le proxy. Je n'ai aucune idée de comment ça se règle sous OSX. Le proxy est là pour s'assurer que les étudiants et les enseignants ne puissent pas accéder à du porno sur le réseau de l'école. Ça permet aussi de filtrer la violence, l'extrémisme, les jurons, les réseaux sociaux, l'alcool, la drogue, le hacking, les jeux et le streaming vidéo. Ironiquement, si vous deviez chercher sur Google "paramètres proxy OSX", les premiers résultats seraient tous bloqués parce que "proxy" est un mot filtré.
Je lui demande avec espoir si elle sait où on peut paramétrer le proxy.
Je n'obtiens pas de réponse. J'aurai aussi bien pu lui demander "Pouvez-vous me dire comment réticuler des splines en utilisant un système de décodage hexagonal pour construire un GUI en VisualBasic et traquer une adresse IP ?"
Ça me prend environ 10 secondes de trouver et remplir les paramètres du proxy. Je lui rends son MacBook, et elle ferme puis rouvre Safari au lieu de juste rafraîchir la page. "Merci". Tant de gratitude, ça fait chaud au cœur.
Je suis sur le point de partir quand elle m'arrête. "PowerPoint ne marche pas."
Bon, ça ne vaut sûrement pas un appel au président des États-Unis. Je suis sûr qu'il s'intéresse aux affaires technologiques, mais la disparition du leader mondial de la présentation assistée par ordinateur serait certainement un soulagement pour lui. Au moins, la NSA arrêterait de pondre des diapositives mal foutues.
Je me rassieds et reprends possession du MacBook. Les slides qu'elle regardait contenaient une vidéo Youtube embarquée, et comme je l'ai mentionné, le streaming vidéo est bloqué. J'essaye de lui expliquer, ce à quoi elle rétorque que ça n'a aucune importance, vu que la vidéo est dans son PowerPoint, et qu'elle tourne depuis sa clé USB. Je n'essaye pas d'argumenter, j'ai mieux à faire de mon temps. À la place, je fais comme d'habitude quand j'aide des gens : je fais en sorte que ça marche. Grâce à la connexion 3G de mon iPad, je mets en place un hot-spot et je télécharge la vidéo Youtube en utilisant un site de téléchargement de vidéos populaire, puis j'intègre la vidéo, maintenant présente sur l'ordinateur, dans sa présentation.
Pendant que je travaille sur sa présentation, la femme me demande "Qu'est-ce que vous enseignez ?"
"L'informatique"
"Ah... Je suppose que la plupart des gamins s'y connaissent mieux en informatique que les profs, de nos jours..."
Si vous enseignez l'informatique, c'est une phrase que vous avez entendue un million, un milliard, epsilon zéro fois, aleph fois. Ok, j'exagère un peu, mais vous l'avez sûrement beaucoup entendue. Il y a des variantes de cette phrase, qui vantent toutes les grandes capacités technologiques des gamins d'aujourd'hui. Ma préférée vient des parents : "Oh Kevin aura sûrement de très bonnes notes en informatique, il passe son temps sur l'ordinateur à la maison". On dirait que les parents s'imaginent qu'en passant des heures sur Facebook et Youtube tous les soirs, on peut acquérir, via une sorte d'osmose cybernétique, des connaissances en PHP, HTML, JavaScript et Haskell.
Normalement, quand quelqu'un sort ce genre d'énormité, je me contente d'acquiescer et de sourire. Mais là, impossible de laisser passer. "Non, les gamins ne savent pas utiliser les ordinateurs." (et vous non plus j'aurai pu rajouter).
Elle a l'air surpris par mon démenti de ce qui est généralement considéré comme un truisme. Après tout, les ados ne sont-ils pas des "digital natives" ? Ils ont des ordinateurs portables, et des tablettes, et des consoles, et des smartphones... Ils sont forcément la partie de la population la plus à l'aise avec la technologie ! La cloche sonne et j'ai vraiment un cours à donner, donc je n'ai pas le temps de lui expliquer ma théorie sur le pourquoi de l'incapacité des gamins à utiliser les ordinateurs. Elle lira peut-être mon blog.
En vérité, les gamins ne savent pas utiliser les ordinateurs de manière générale, et il en est de même pour la majorité des adultes que je connais. Il y a très peu d'individus que je considère comme experts en technologie à l'école. Il s'agit en gros des gens qui ont entre 30 et 55 ans et qui ont possédé un ordinateur durant la majeure partie de leur vie d'adultes. Bien sûr, il y a des exceptions parmi les profs et les étudiants. Il y a toujours quelques gamins dans la masse qui se sont frottés à la programmation ou au développement web, ou qui savent démonter un ordinateur, remplacer la carte mère et réinstaller leur système d'exploitation. Il y a souvent quelques profs, souvent de maths ou de sciences, en dehors de la tranche d'âge que j'ai cité qui sont férus d'informatique et qui ne sont battus par leurs ordinateurs portables que parce qu'ils n'ont pas d'accès administrateur, mais ce sont des cas isolés.
Avant de rentrer dans le vif du sujet, je suppose que je devrais définir ce que j’entends par "ne savent pas utiliser un ordinateur". En étant administrateur réseau et prof, je suis souvent en première ligne quand un enseignant ou un élève a des problèmes avec un ordinateur ou autre équipement. Comme mon technicien en chef aime à dire : "Le problème se situe généralement au niveau de l'interface chaise-clavier". Voici quelques exemples des problèmes que je rencontre assez régulièrement.
Un lycéen m'apporte son ordinateur portable et m'explique qu'il est très lent et n'arrête pas de s'éteindre. Le portable crie littéralement, les ventilateurs tournent à fond et il est brûlant. Je lance le gestionnaire de tâches, et je vois que le processeur tourne à 100% alors que le seul programme lancé est µTorrent (qui, au passage, est en train de partager environ 200 fichiers). Je regarde la liste des processus en train de tourner, et j'en trouve plein, qui monopolisent le processeur et la RAM. Je ne peux pas en couper un seul. Je demande "Quel antivirus tu utilises ?" et me fait répondre qu'il n'aime pas utiliser un antivirus parce qu'il a entendu que ça ralentirait son ordinateur. Je lui rend son portable et lui dit qu'il est vérolé. Il me demande quoi faire, je suggère de réinstaller Windows. Il me regarde sans comprendre. Il ne sait pas utiliser un ordinateur
Une gamine lève la main pendant une leçon. "Mon ordinateur ne veut pas démarrer", dit-elle avec l'air désespéré de celle qui a tout tenté. Je m'approche et allume le moniteur, qui laisse apparaître l'écran de connexion de Windows. Elle ne sait pas utiliser un ordinateur.
Une enseignante m'apporte son ordinateur portable de l'école. "Cette saleté ne veut pas se connecter à Internet !" rage-t-elle, comme si c'était ma faute. "J'avais des tonnes de boulot à faire hier soir, et impossible de me connecter. Même mon mari a essayé, et il est doué avec les ordinateurs." Je lui prends l'ordinateur coupable des mains, enclenche le bouton poussoir sur le côté de l'ordinateur qui contrôle le WiFi, et lui rends le portable. Ni elle ni son mari ne savent utiliser un ordinateur.
Un gamin frappe à mon bureau pour se plaindre qu'il ne peut pas se connecter. "Tu as oublié ton mot de passe ?" Il affirme que non. "Tu as quoi comme message d'erreur ?" Il hausse les épaules. Je le regarde taper son nom d'utilisateur et son mot de passe. Un message apparaît, mais le gamin clique sur OK tellement vite que je n'ai rien le temps de lire. Il recommence 3 fois, comme si l'ordinateur allait soudainement changer d'avis et le laisser se connecter. Au 3ème essai j'ai le temps de saisir une partie du message. Je me penche derrière l'ordinateur et rebranche le câble réseau. Il ne sait pas utiliser un ordinateur.
Une prof m'apporte son tout nouvel iPhone, qui remplace le précédent, cassé. Elle a perdu tous ses contacts, ce qui l'ennuie beaucoup. Je lui demande s'il lui est déjà arrivé de connecter son iPhone à son ordinateur, mais elle n'en a aucune idée. Je lui demande d'apporter son ordinateur en plus de l'iPhone. Quand elle s'exécute le lendemain, je restaure son téléphone depuis la sauvegarde qui se trouve sur son ordinateur. Elle retrouve ses contacts et ses photos. Elle est contente. Elle ne sait pas utiliser un ordinateur.
Un prof appelle mon bureau pour se plaindre que son ordinateur "n'a pas d'internet". Je me rend dans sa classe. Il me dit que l'internet était là hier, mais qu'aujourd'hui il a disparu. Son bureau est une magnifique mosaïque d'icônes Microsoft Office en vrac. J'essaye rapidement de lui expliquer qu'il ne faut pas stocker ses fichiers sur le bureau parce qu'ils ne sont pas sauvegardés par le serveur, mais il s'en moque, il veut juste qu'on lui rende son internet. J'ouvre le menu démarrer, je clique sur Internet Explorer, qui se lance avec sa page d'accueil. Il m'explique que l'Internet était sur son bureau, mais que maintenant il n'y est plus. Je ferme IE, survole le bureau et fini par trouver le petit 'e' bleu perdu au milieu des icônes Excel et PowerPoint. Je lui montre. Il me désigne un autre endroit sur l'écran, m'indiquant que c'est là qu'il se trouvait. Je remets l'icône à son ancien emplacement. Il est content. Il ne sait pas utiliser un ordinateur.
Un gamin lève la main. Il me dit qu'il a un virus sur son ordinateur. Je regarde son écran. Dans son navigateur, on peut voir une fenêtre de dialogue de Windows XP l'avertissant que son PC est infecté et lui offrant un assortiment d'outils anti-malware. Sa machine tourne sous Windows 7. Je ferme l'onglet. Il ne sait pas utiliser un ordinateur.
Ne pas savoir utiliser un ordinateur est acceptable si vous avez plus de 25 ans. Certaines personnes en sont même bizarrement fières. Par contre, la croyance populaire comme quoi toute personne de moins de 18 est un magicien de l'informatique est tout simplement fausse. Ils savent utiliser certains logiciels, particulièrement des applications web. Ils savent utiliser Facebook et Twitter. Ils peuvent utiliser YouTube et Pinterest. Ils savent même utiliser Word et PowerPoint et Excel. Par contre, demandez-leur de réinstaller un système d'exploitation et ils sont perdus. Demandez-leur de changer leur disque dur ou leur mémoire vive et ils font une crise d'angoisse. Demandez-leur ce que veut dire https et pourquoi c'est important, et ils vous regarderont comme si vous leur aviez parlé Klingon.
Ils cliquent sur "OK" sans lire les messages des boîtes de dialogue. Ils choisissent des mots de passe comme "azerty1234". Ils éteignent l'ordinateur en appuyant sur le bouton power jusqu'à ce que l'écran devienne noir. Ils quittent une pièce en laissant leurs comptes connectés. Si un programme met du temps à réagir, ils cliquent sur le même bouton jusqu'à le faire crasher.
Comment a-t-on pu en arriver là ? Comment une génération peut-elle avoir accès à autant de technologie et savoir aussi mal s'en servir ?
Les Parents
Je me suis planté, et je suis sûr que c'est également le cas de beaucoup d'entre vous. Quand nous avons acheté une XBox, ça a été Techno-Papa à la rescousse. J'ai joyeusement dépatouillé la jungle de câbles et créé des profils pour tout le monde. Quand le MacBook de mon fils a été infecté par le virus FlashBack, TechnoPapa est venu à sa rescousse. J'ai regardé quelques guides en ligne, puis j'ai maltraité le terminal jusqu'à m'être débarrassé des indésirables. Quand nous avons acheté un Raspberry Pi familial, TechnoPapa est venu à la rescousse. J'ai tout mis en place, paramétré, installé, puis j'ai attendu fièrement, me demandant pourquoi personne ne voulait s'en servir à part moi. Durant toute leur vie, j'ai fait les choses pour eux. J'ai monté le nouveau matériel, installé les nouveaux logiciels, et servi de réparateur à chaque problème. Résultat ? J'ai une famille d’illettrés technologiques.
L'école
Quand il est devenu évident que les ordinateurs allaient avoir de l'importance, le gouvernement du Royaume-Uni a reconnu qu'il pourrait être intéressant d'enseigner l'informatique à l'école. Étant une bande d’illettrés technologiques, les politiciens et leurs conseillers se sont tournés vers l'industrie pour demander ce qu'il fallait inclure à ce nouveau programme. A cette époque, la seule industrie, c'était Microsoft et son monopole. <sarcasme> Microsoft a énormément réfléchi à ce qui devrait être inclus dans le programme, et après mûre réflexion, ils ont indiqué que les étudiants devraient apprendre à utiliser les suites bureautiques. </sarcasme> C'est ainsi que le programme est né. <sarcasme> Naturellement, les écoles ont longtemps cherché quelle suite bureautique utiliser pour l'enseignement, et ont fini par se décider pour Microsoft Office. </sarcasme>. C'est pourquoi, depuis 2000, les écoles offrent des compétences Microsoft à leurs étudiants. (des compétences Adobe ont été introduites un peu plus tard).
Mais le programme n'est pas notre seule erreur. L'infrastructure réseau des écoles du Royaume-Uni est tout autant à blâmer. Nous avons imité les réseaux d'entreprises, empêchant les étudiants et les professeurs d'accéder aux paramètres système, à la ligne de commande, et en réclamant des droits d'administration pour faire à peu près n'importe quoi. Ils sont assis devant un ordinateur à usage général et n'ont pas la possibilité de faire de l'informatique générale. On les laisse accéder à quelques applications, et c'est tout. Les ordinateurs ont accès à Internet à travers des serveurs proxy qui filtrent à peu près tout ce qui est moins mièvre que Wikipédia, et la plupart des écoles ajoutent une couche de filtrage supplémentaire, pour finir avec uniquement une liste de "sites acceptables".
Windows et OSX
Mon premier ordinateur était un ESCOM P100 avec Windows 3.1. Mon deuxième était un Packard Bell avec Windows 95. Mon troisième était un "sur mesure" avec Windows XP. Mon quatrième était un portable Acer avec Windows 7. Maintenant, j'utilise un MacBook Pro avec OSX (ou Ubuntu parfois, en fonction de mon humeur et de mon niveau de paranoïa). Windows 7 a tout changé pour moi. Pour la première fois, j'ai installé un système d'exploitation et je n'ai absolument rien eu à configurer. Même un prof de sport aurait pu y arriver.
Windows 7 (je déteste Windows 8, mais c'est une autre histoire) et Mac OSX sont de très bons systèmes d'exploitation. Ils sont faciles à utiliser, ne demandent presque pas de configuration, incluent ou fournissent un accès facile à tous les pilotes dont on pourrait avoir besoin... en résumé, "ils fonctionnent". C'est fantastique que tout le monde, du plus petit des enfants au plus vieux des grand-parents, puisse maintenant utiliser un ordinateur avec absolument aucune connaissance technique, mais c'est aussi une catastrophe. Avant, ça n'était pas comme ça. Utiliser un système d'exploitation était dur. Quand il y avait un problème, il fallait se remonter les manches et mettre les mains dans le cambouis pour tout réparer. Vous appreniez à gérer les systèmes de fichiers, les clés de registres et les pilotes pour votre matériel. Ça n'est plus le cas.
Je suppose qu'un jour on dira la même chose pour la conduite. Il y aura toujours des geeks des voitures qui construiront des voitures en kit et passeront leurs journées à mesurer leurs compétences de conducteur pendant que nous, nous nous laisserions tranquillement balader par Google dans des petites bulles.
Les téléphones portables
Le mobile a tué la compétence technique. Nous transportons tous des ordinateurs qui prétendent qu'ils sont des téléphones portables ou des tablettes. La majorité des gens ne pensent même par à leur smartphone comme à un ordinateur. C'est un appareil qui permet d'aller rapidement sur Google. C'est un appareil qui nous permet de prendre des photos et de les poster sur Facebook. C'est un appareil qui nous permet de jouer à des jeux et de poster nos scores sur Twitter. C'est un appareil qui bloque complètement ses fichiers système (ou nous les cache). C'est un appareil sur lequel on peut uniquement installer des applications via un store régulé. C'est un appareil dont on ne peut pas modifier ou remplacer le matériel, et qui sera obsolète d'ici un an ou deux. C'est un appareil qui est à peu près aussi proche de l'ordinateur généraliste que ce jouet Fisher Price que j'avais à 3 ans.
Voilà où on en est. Illustrons mon propos avec quelques statistiques. S'il y a 20 ans, 5% d'entre nous avaient un ordinateur chez eux, on pouvait garantir que 95% de ces possesseurs d'ordinateurs étaient des "lettrés informatiques". Maintenant, admettons qu'actuellement 95% d'entre nous possèdent un ordinateur, je suppose que 5% des possesseurs sont des "lettrés informatiques".
C'est effrayant, et je suis sûr que les vraies statistiques sont plus effrayantes encore. C'est quelque chose dont nous devrions tous nous soucier.
Pourquoi ?
La technologie affecte beaucoup plus nos vies qu'auparavant. Nos ordinateurs nous donnent accès à la nourriture que nous mangeons et aux vêtements que nous portons. Nos ordinateurs nous permettent de travailler, de nous sociabiliser et de nous divertir. Nos ordinateurs nous donnent accès à nos banques, nos services. Nos ordinateurs permettent à des criminels de nous atteindre, de nous voler nos données, notre argent, nos identités. Nos ordinateurs sont maintenant utilisés par nos gouvernements pour surveiller nos communications, nos comportements, nos secrets. Cory Doctorow le formule mieux que moi quand il dit :
Il n'y a pas d'avions, juste des ordinateurs qui volent. Il n'y a pas de voitures, juste des ordinateurs dans lesquels on s'assied. Il n'y a pas d'aides auditives, juste des ordinateurs que nous mettons dans nos oreilles.
Le "Summer of Surveillance" m'inquiète.
Le lundi après qu'on ait commencé à parler des révélations de Snowden, je suis allé à l'école et la plupart de mes collègues et étudiants n'avaient pas entendu parler du scandale ou s'ils étaient au courant s'en moquaient. Alors que je m'occupais de supprimer mes comptes en ligne et de sécuriser mes machines, mes amis m'ont traité de paranoïaque, et ont enchaîné les blagues sur les chapeaux en aluminium. Ma famille a haussé les épaules et cité le célèbre "si t'as rien à cacher, t'as rien à craindre". Et là, sorti de nulle part, voilà que Cameron annonce que les FAI vont commencer à filtrer Internet. Ce qui est présenté comme un "filtre à porno" filtrera en réalité bien plus que du porno, selon les recherches de l'Open Rights Group. Comme si ça ne suffisait pas, la conseillère en chef de Cameron sur ce sujet s'est fait hacker son site et a prouvé l'étendue de son illettrisme technique.
C'est aujourd'hui que se créent les politiciens, les fonctionnaires, les officiers de police, les profs, les journalistes et les patrons de demain. Ces gens ne savent pas utiliser les ordinateurs, et pourtant ils vont créer des lois concernant les ordinateurs, faire appliquer des lois concernant les ordinateurs, apprendre aux jeunes à utiliser les ordinateurs, parler des ordinateurs dans les médias et faire du lobbying à propos des ordinateurs. Pensez-vous que cette situation soit acceptable ? David Cameron me dit que le filtrage d'Internet est une bonne chose. William Hague me dit que je n'ai rien à craindre du GCHQ (service de renseignements électronique du gouvernement britannique). J'ai une question pour ces gens :
Sans consulter Wikipédia, sauriez-vous me dire la différence entre Internet, le World Wide Web, un navigateur et un moteur de recherche ?
Si vous n'en êtes pas capable, alors vous n'avez aucun droit de prendre des décisions qui affectent ces technologies. Essayez. Vos amis connaissent la différence ? Et vous ?
Tout arranger
Les parents
Arrêtez de mâcher le travail de vos enfants. Vous passez des heures et des heures à leur apprendre à aller au pot quand ils sont enfants parce que savoir utiliser des toilettes est une compétente indispensable dans la société moderne. Vous devez faire la même chose avec la technologie. Achetez-leur un ordinateur, mais si les choses tournent mal, laissez-les le réparer. Achetez-leur un smartphone, donnez leur 10€ de budget sur la logithèque et laissez-les découvrir pourquoi le système de logithèque fermée est une mauvaise chose. Quand nous apprenons à nos enfants à faire du vélo, à un moment il faut enlever les roulettes. Une idée : quand ils atteignent onze ans, donnez leur un fichier texte avec 10.000 clés WPA2 et dites leur que la vraie est cachée dans le lot. Vous allez voir qu'il ne leur faudra pas longtemps pour découvrir Python ou Bash.
Les écoles
Au Royaume-Uni, on s'approche d'une solution. J'ai une relation amour/haine avec le gouvernement, mais j'aime sincèrement ce qu'il est en train de faire avec l'enseignement de l'informatique. Il faut juste s'assurer que les académies jouent le jeu et ne profitent pas des réformes pour économiser de l'argent.
On pourrait faire plus. On ferait mieux d'apprendre aux gamins à ne pas installer de malware que de bloquer les machines pour que ça soit physiquement impossible. On ferait mieux d'apprendre aux gamins à naviguer de façon sécurisée que de filtrer leur internet. Google et Facebook donnent aux gamins qui trouvent des failles de sécurité dans leurs systèmes de l'argent. Les gamins qui font de même avec les systèmes de leur école sont exclus. Normal ?
Windows et OSX
UTILISEZ LINUX. Ok, c'est pas toujours pratique, mais la plupart des distributions Linux vous apprennent à utiliser un ordinateur. Tout le monde devrait s'y frotter au moins une fois dans sa vie. Si vous n'avez pas l'intention d'utiliser Linux et que vous êtes sous OSX faites un tour dans le terminal, c'est vraiment amusant et vous aurez l'impression d'être un hacker, tout comme avec la ligne de commande ou le PowerShell de Windows.
Les téléphones portables
Question piège. iOS est une cause perdue, à moins de jailbreaker, et Android n'est pas tellement mieux. J'utilise Ubuntu-Touch, et ça a ses avantages. Au moins, vous avez l'impression que votre téléphone vous appartient. Ok, je ne peux pas utiliser la 3G, ça plante quand j'essaye d'appeler et mon téléphone est tellement chaud dans la poche de ma veste qu'il me sert de radiateur d'appoint, mais il y a du potentiel !
Conclusion
Ce n'est pas un nouveau phénomène, c'est déjà arrivé auparavant. Il y a une centaine d'années, si vous étiez assez chanceux pour posséder une voiture, vous saviez probablement comment la réparer. Les gens savaient au moins comment vérifier les niveaux d'huile, changer les pneus ou vérifier le moteur. Pendant la majeure partie de ma vie d'adulte, j'ai possédé une voiture, et elles sont un vrai mystère pour moi. Ce qui fait que je dépends des vendeurs pour me dire quelle voiture acheter, des mécaniciens pour me dire ce qui ne va pas et réparer, et avec les progrès de la technologie, je deviens même dépendant de la navigation par satellite. Je doute que mon fils de 5 ans ait besoin d'apprendre à conduire un jour. Sa voiture le fera pour lui. Quand il aura besoin de la faire réparer, il sera redirigé vers le mécanicien qui aura le plus investi dans la pub en ligne. Quand il aura envie de faire une pause repas, il sera redirigé vers le fast-food qui aura le plus investi dans la pub en ligne. Quand il aura besoin de faire le plein de cristaux de Dilithium, il sera redirigé vers la station service qui aura le plus investi dans la pub en ligne.
Je veux que les gens qui aideront à façonner notre société dans le futur comprennent les technologies qui aideront à façonner notre société dans le futur. Pour que ça arrive, nous devons inverser la tendance qui voit l'augmentation de l’illettrisme technologique. Nous devons agir ensemble, en tant que parents, en tant que profs, en tant que responsables. Construisons une génération de hackers. Qui est avec moi ?
Pascal Grué, président de l’Écomusée de la Vallée du Gapeau, est formel: "Bien sûr, il existe une dépression géologique longue de près de 40 km, tantôt étroite, tantôt évasée, formée par un fleuve côtier appelé Gapeau. Cependant, ce territoire n’a pas d’unité administrative, économique, humaine, historique, culturelle, géologique... Il est donc illusoire d’appréhender cet espace de manière globale: il n’y a pas une vallée du Gapeau, mais des entités, traversées en partie ou en totalité par ce fleuve".
Gapel, Gapellus
Il garde une part de mystère: que signifie son nom? Depuis quand est-il appelé ainsi? Dans son ouvrage La chartreuse de Montrieux, Raymond Boyer évoque les noms médiévaux de Gabellus, Gapel ou Gapellus. Des textes du XVIe siècle parlent de Gapeau. "Une autre interrogation demeure: d’où vient l’eau de sa source officielle? Il s’agit d’une résurgence située sur la commune de Signes, à 315 m d’altitude, en bordure de la D2 et un kilomètre en amont de la source Beaupré."
La Source bleue
"Il naît à Signes au lieu-dit la Source bleue et c’est jusqu’à Belgentier que sa pente est la plus forte, son cours est jalonné de rapides et de chutes. Sa profondeur moyenne est de 30 cm. Puis de Belgentier à la Castille, la pente s’adoucit et la profondeur oscille entre 50 cm et 130 cm, enfin jusqu’à son embouchure, la pente diminue nettement". Cela explique la présence d’eaux saumâtres dans l’estuaire du Gapeau. La largeur moyenne du lit est de 6 m. La région qu’il traverse est marquée par la pauvreté du réseau hydrographique : quelques sources et cours d’eau alimentent ce fleuve, mais leur apport est inégal en raison de l’aridité estivale et de l’irrégularité des pluies.
Modeleur de l’espace
Entre sa source à Signes et son embouchure à Hyères, ce cours d’eau a plus marqué l’histoire des communes qu’il traverse. "Pendant longtemps, il a été au cœur de l’économie locale, employé pour l’irrigation ou comme force motrice. Aujourd’hui, il est surveillé, car il est à l’origine de dramatiques débordements et son débit capricieux engendre méfiance et crainte dès que les précipitations s’accentuent plus que d’ordinaire".
Le Gapeau a vu son environnement changer ces dernières décennies: le caractère rural des espaces qu’il traverse et des populations qui vivent sur ses rives s’estompe au profit de l’agglomération toulonnaise. La population de toutes les communes qu’il traverse croît fortement "Elle a sextuplé par endroits en un siècle. Ce bouleversement s’est accompagné de l’abandon de nombreuses activités agricoles et industrielles, au profit de zones d’activités commerciales situées le long des grands axes de transport".
De telles transformations poussent les spécialistes à s’interroger sur l’avenir et à souhaiter préserver la mémoire du passé ainsi que le patrimoine qui s’y rattache.
Mathieu Dalaine 19 octobre 2024
Au volant de son vieux 4x4 de l’US Army, Denis Le Priol a la banane. "Je suis content, tu peux pas savoir. C’est la première fois que je fais le tour du site avec ma Jeep!"
À 62 ans, cet habitant de Draguignan est le tout nouveau propriétaire du fort du Grand Saint-Antoine, un édifice militaire de 1845 planté dans la pinède, en retrait des premières rampes du mont Faron.
C’est lors d’une vente aux enchères, au printemps dernier, que cet "ancien para", comme il se présente, a sorti le chéquier. Ou plutôt celui de la banque luxembourgeoise qui a accepté de l’aider à régler la somme de 990.000 euros, "sans les frais de notaire", au précédent maître des lieux.
Ce dernier – le milliardaire Christian Latouche – souhaitait se débarrasser rapidement du bien qu’il avait acheté à la Défense en 2015. Le patron de Sud Radio était déçu, dit-on, de ne pas avoir obtenu l’autorisation d’y poser une antenne pour diffuser ses bonnes ondes à Toulon.
"Moi, rien à voir: je suis collectionneur de véhicules militaires", explique Denis Le Priol, longtemps à la tête d’une entreprise florissante de restauration et de distribution de pièces de Jeep.
"Depuis que je suis à la retraite, je cherchais un endroit pour entreposer mes “jouets". J’ai eu un coup de cœur pour ce fort." Le Malouin d’origine possède environ 160 véhicules des armées du siècle dernier, dont il fait régulièrement profiter associations et collectivités avides de reconstitutions historiques.
Mais loin de lui l’idée de vouloir transformer cet ensemble classé de fortifications en entrepôt pour sa panoplie de véhicules d’appui, blindés ou amphibies.
"Je souhaite ouvrir ici un grand musée du matériel militaire, pose Denis Le Priol. Ça devait se faire au Muy, mais ça n’avance pas. Là, c’est parfait: on parle d’un fort construit par les Toulonnais, occupé par les Toulonnais et même libéré par les Toulonnais en 1944".
Des véhicules militaires, des casques… et une piscine
Le Breton connaît déjà son Grand Saint-Antoine sur le bout des doigts, relatant, comme s’il l’avait vécue, la prise du fort aux Allemands en août 1944 par les FFI. "Regardez ces impacts de balle sur les murs! Et ces trous d’obus! Cet endroit est incroyable."
Ici, on retrouve la tourelle d’un radar; là, le socle d’un canon antiaérien. "Je veux le remettre dans l’état exact dans lequel il se trouvait en 1944. Y compris avec sa piscine! Les Allemands l’avaient construite pour apprendre aux soldats à nager."
À ses côtés, Albert Meuvret acquiesce, glisse une précision patrimoniale à l’occasion. L’ancien pompier et historien local, qui militait pour que la Ville se porte acquéreur de ces 7 hectares au-dessus de la rade, a peut-être trouvé en Denis Le Priol l’homme providentiel pour réaliser son rêve de musée du casque à Toulon.
"Il faut juste qu’on se répartisse les lieux…" Et que le duo trouve quelques bonnes âmes pour nettoyer, retaper et faire fonctionner l’endroit (fortdugrandsaintantoine@hotmail.com). Une paille, quoi.
"Je ne suis absolument pas pressé", sourit Denis Le Priol. "Je veux faire les choses bien: expliquer mon projet aux élus, former une équipe de bénévoles, remettre tout ça en état… Mais avant tout, mon objectif est d’ouvrir ce fort le plus rapidement possible aux Toulonnais".
Et, si tout roule, un jour prochain, l’homme sera aux commandes d’un engin un peu particulier pour franchir le vieux pont-levis du Grand Saint-Antoine: un char M4 Sherman de la 2e DB.
Dans la famille Le Priol, la notoriété du fils dépasse aujourd’hui largement celle de son père. Ex-militaire de 30 ans, Loïk Le Priol est mis en cause comme coauteur dans l’assassinat du rugbyman argentin Federico Martín Aramburú, en mars 2022 à Paris.
Si les liens de l’accusé avec l’extrême-droite radicale ne sont plus à démontrer, ceux de Denis Le Priol, aussi évoqués par plusieurs médias, ne sont pas avérés, jure l’intéressé.
"Ce sont des mensonges. Je suis totalement apolitique", balaye-t-il. "Quant à l’histoire de mon fils, ma famille est détruite… Mais je ne suis pas comptable de ses actes."
À noter que Denis Le Priol est par ailleurs gérant du domaine de l’Octopus, à Draguignan, qui a fait parler de lui pour l’accueil de fêtes bruyantes… y compris pendant le confinement de 2020.
Toutefois, c’est surtout pour son rôle à la tête de Jeep Village, la référence commerciale en France de tout ce qui touche au fameux 4x4 américain et à ses équipements, que Denis Le Priol s'est jusqu'alors fait connaître.
À l'occasion de la 16e édition de l'opération nationale de sensibilisation à la pollution lumineuse, le médecin Jean-Louis Dufier appelle à suivre le rythme naturel du soleil pour déterminer les heures de lever et coucher et éviter des maladies graves.
Publié le 12/10/2024
Le samedi 12 octobre a lieu la 16e édition du "Jour de la Nuit", opération nationale de sensibilisation à la pollution lumineuseLa lumière artificielle "peut se révéler une redoutable pollueuse" et provoquer des maladies graves, comme le cancer, particulièrement chez ceux qui ont "un travail de nuit", alerte samedi 12 octobre sur franceinfo Jean-Louis Dufier, ophtalmologue et membre de l’Académie nationale de médecine, coauteur du rapport(Nouvelle fenêtre) "Pollution lumineuse et santé publique", publié par l'Académie de médecine. À l’occasion de la 16e édition de l'opération nationale de sensibilisation à la pollution lumineuse ce samedi, l’ophtalmologue appelle à "vivre exactement selon le rythme veille-sommeil". Selon lui, pour vivre en bonne santé, "il faut rester calé sur le rythme naturel du soleil".
franceinfo : Pourquoi les lumières artificielles sont-elles nocives pour la santé ?
Jean-Louis Duffer : Contrairement aux autres sources de pollution, la lumière est rarement dénoncée, sans doute parce qu'elle est particulièrement insidieuse. Pourtant, cette bienfaisante lumière, qui a d'ailleurs été divinisée par des Égyptiens, peut se révéler une redoutable pollueuse. Quels sont ses méfaits ? La fatigue, des troubles de l'humeur, une diminution de l'attention, de la vigilance qui peut être source d'ailleurs d'accidents de la voie publique, de la somnolence par manque de sommeil, des perturbations du sommeil…
Pourquoi ces lumières dérèglent-elles notre organisme ?
Tout ça vient du fait que, par de mauvais usages, notre exposition à une lumière artificielle jour et nuit, fait qu’en définitive, nos concitoyens manquent de sommeil, et pas seulement les adultes. La lumière a une interaction avec notre rétine. C’est évidemment par la rétine que se fait le phénomène de la vision. On a dans les cellules rétiniennes des moyens de capter la lumière pour justement entraîner la transformation des photons lumineux en électrons qui vont aller tout le long des voies visuelles jusqu'au cortex occipital pour faire ce phénomène de la vision. Non seulement la lumière permet le phénomène de la vision, mais donne au cerveau l'information du jour et de la nuit. Donc un déficit de sommeil va entraîner une dérégulation du cycle veille-sommeil qui est si important.
Ce dérèglement peut entraîner de graves maladies ?
Dans une étude sur 115 000 infirmières américaines qui ont été suivies pendant dix ans, on a montré une augmentation significative de près de 80% de risque relatif de cancer du sein, lorsqu'il existait au moins trois nuits travaillées par semaine pendant 20 ans. Évidemment, les personnes qui ont un travail de nuit sont particulièrement exposées.
Quel conseil donnez-vous aux Français pour se protéger de la lumière artificielle ?
"Nature est un doux guide", disait Ronsard. Il faut vivre exactement selon le rythme veille-sommeil, c'est-à-dire 9 h de sommeil. En gros, suivre l'arrivée de la nuit vers les 20h-21h et se réveiller vers 7h. Il faut rester calé sur le rythme naturel du soleil.
Dans ce nouvel épisode de Complorama, Tristan Mendès France et Rudy Reichstadt explorent la fascination de la complosphère pour les mythes historiques, examinant comment ces récits sont déformés et instrumentalisés à des fins idéologiques.
Publié le 11/10/2024
Pourquoi les grands mythes de notre Histoire passionnent tant les complotistes ? La série À l'aube de notre histoire, qui défend l'existence d'une civilisation technologiquement avancée disparue à la fin de l'ère glaciaire, fait son grand retour sur Netflix pour une deuxième saison, après une première saison critiquée par les archéologues.
"En réalité, les livres et les films de Hancock sont considérés par les scientifiques comme relevant de la pseudoscience", souligne Rudy Reichstadt. La série documentaire alimente un discours anti-science en présentant Hancock comme un lanceur d'alerte face à un establishment scientifique qui cacherait la vérité. "Une partie du succès de sa série, c'est de se positionner comme une sorte de résistant à la pensée unique scientifique", analyse Tristan Mendès France.
Dans la première saison, un épisode était consacré au mythe de l'Atlantide. Graham Hancock, le narrateur de la série, n'affirme pas que l'Atlantide se trouve aux Bahamas, mais il utilise ce mythe pour appuyer sa théorie d'une civilisation avancée disparue lors de la dernière période glaciaire. "L’Atlantide c’est la preuve qu’on peut écrire, produire, rêver de quelque chose qui n’existe pas pendant des siècles littéralement parce que ça hante l’imaginaire occidental à partir de quelque chose qui est une pure une pure fiction", estime Rudy Reichstadt pour qui la complosphère instrumentalise ce mythe pour promouvoir ses propres idées.
La théorie des arbres géants, bien que moins répandue que d'autres mythes, est un exemple intéressant de la façon dont la complosphère s'empare d'observations et les déforme pour les faire correspondre à ses récits. L'idée d'arbres géants ayant existé dans un passé lointain est un phénomène réel sur TikTok et YouTube. Les tenants de cette théorie s'appuient sur des reliefs géologiques, tels que des plateaux ou des montagnes tabulaires, pour affirmer qu'il s'agirait en réalité des souches d'arbres géants. Pour Rudy Reichstadt, la croyance en l'existence d'arbres géants repose sur la paréidolie, une illusion mentale qui nous pousse à percevoir des formes familières dans des éléments aléatoires. En l'occurrence, les personnes qui adhèrent à cette théorie "projettent" l'image d'une souche d'arbre sur des formations géologiques naturelles. Cette théorie, bien que marginale, est révélatrice des mécanismes de la pensée complotiste, qui se nourrit de la fascination pour les mystères, les civilisations perdues et la défiance envers la science établie.
Les pyramides occupent une place prépondérante dans l'univers complotiste, comme le démontre l'analyse des propos de Jacques Grimault et du rappeur Gims. "On ne mesure peut-être pas bien la centralité des pyramides dans l'imaginaire complotiste international. C'est absolument dingue de voir à quel point on retrouve ces narratifs dans à peu près toute la complosphère internationale", souligne Tristan Mendès France. Le rappeur Gims, reprenant des thèses afrocentristes, affirmait que les pyramides étaient des centrales électriques(Nouvelle fenêtre) construites par une civilisation africaine avancée, dont l'existence serait cachée par les historiens.
L'influence de figures comme Maître Gims, qui diffusent ces théories à des millions d'abonnés, est préoccupante. En effet, "tout ça pourrait sembler assez anodin. (...) En fait, si on tire le fil de ce que ça implique, ça veut dire qu’on nous aurait menti sur l'origine des pyramides, que les livres scolaires ont relayé ce mensonge, que le ministre de l'éducation nationale a couvert ce mensonge et donc les gouvernements, le gouvernement couvre ce mensonge et tous les gouvernements du monde", explique Tristan Mendès France.
"Le problème, c'est que ça alimente ou ça contribue à alimenter une confusion entre la réalité et la fiction, qui pour conséquence très concrète d'abaisser le seuil d'acceptation de n'importe quelle nouvelle théorie du complot. Et puis ça nourrit au passage une défiance à l'égard des scientifiques, des institutions, une remise en cause de la parole des experts", conclut Rudy Reichstadt.