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 La revue de web de Kat

«Le Pacifique sera toujours là quand l’humanité se sera fait sauter dans un feu d’artifice atomique», Grand Tour avec Jean-Pierre Dupuy sur la Californie  | Le Grand Continent

Thu 7 Aug 2025 - 12:22

Virée californienne avec Jean-Pierre Dupuy par Matheo Malik

Nous allons parler de la Californie. Pourriez-vous nous raconter votre premier rapport avec cet État si important pour vous : se fait-il d’abord par des lectures ?

L’image que je me faisais de la Californie avant de m’y rendre pour la première fois, en 1981, était bien différente de ces cartes postales représentant de hauts palmiers bordant d’interminables plages de sable fin, réchauffées par un soleil toujours présent.

Les noms de Malibu ou de Santa Monica font rêver beaucoup de gens.

Je vais peut-être vous étonner, mais je voyais quant à moi la Californie sur le mode d’un roman ou d’un film noir : tragique, mélancolique, désespérée, marquée par le signe du destin ou de la fatalité.

Jeune, j’étais un lecteur passionné de Raymond Chandler (Le grand sommeil) et de James Cain (Le facteur sonne toujours deux fois). J’écoutais en boucle le jazz « cool » de la Côte ouest : Gerry Mulligan, Chet Baker, Dave Brubeck. Surtout, des films dont le cadre était la Californie me confirmaient qu’il y avait dans ce lieu comme un sortilège, à la fois attirant et malfaisant : d’Orson Welles, Citizen Kane et A Touch of Evil ; d’Hitchcock, Shadow of a Doubt, Vertigo, Les Oiseaux ; plus tard, de Polanski, Chinatown, et le premier film réalisé par Clint Eastwood, Play Misty For Me.

Je pense que nous reviendrons sur Vertigo, mais tous ces films — de purs chefs-d’œuvre — m’envoûtaient.

Pour éviter tout malentendu, je tiens à ajouter deux choses.

Aujourd’hui, après plusieurs décennies de fréquentation assidue de cette région du monde, ma vision n’a pas fondamentalement changé. Ensuite, le tragique et la mélancolie dont j’ai parlé ne sont pas, pour moi, des passions tristes ou négatives, tout au contraire. Ce sentiment a inspiré certaines des plus belles œuvres d’art, en musique, en littérature, en peinture et au cinéma. Mes goûts me portent vers ces œuvres-là. Celles que la Californie a inspirées en font partie.

Je préférais au fond que la Californie restât comme une fiction au-delà du réel. Jean-Pierre Dupuy

Votre première rencontre avec les États-Unis a lieu au cours d’un voyage d’études lorsque vous êtes étudiant à l’École Polytechnique. Quand arrivez-vous pour la première fois en Californie — et pourquoi ?

Je prends votre « pourquoi ? » au sens de « pourquoi si tard ? »…

En effet, entre mon premier voyage aux États-Unis et ma découverte de la Californie, il s’est passé 20 ans. Pendant cette période, mon activité de chercheur en philosophie et sciences humaines m’a conduit régulièrement à me rendre dans les universités de la côte est, comme Harvard à Boston, Johns Hopkins à Baltimore, Princeton et l’Institute of Advanced Studies, et parfois dans le Midwest, à l’université du Wisconsin à Milwaukee. Je ne manquais jamais de rendre visite à New York pour mon plaisir, mais la pensée de me rendre en Californie ne me venait pas à l’esprit.

Pourquoi ? Je ne suis pas sûr de pouvoir répondre à cette question, sauf en revenant à ce que je vous ai dit précédemment. La Californie était pour moi avant tout une image ambivalente, comme le sacré et j’avais sans doute le sentiment vague que je commettrais un sacrilège en y posant le pied. Je préférais au fond qu’elle restât comme une fiction au-delà du réel.

C’est une occasion inespérée qui m’a finalement poussé à franchir le pas.

Je connaissais René Girard pour avoir écrit sur son œuvre un ouvrage critique, en compagnie du philosophe canadien Paul Dumouchel. Au mois de juillet 1981, Paul et moi avions organisé un colloque international au centre culturel de Cerisy-la-Salle, en Normandie, sur le thème « L’auto-organisation, de la physique au politique ». Pour beaucoup de ceux qui y ont participé, ce colloque fut un tournant dans leur vie, intellectuelle mais aussi personnelle. René Girard faisait partie des invités alors même qu’il venait d’être recruté par l’université Stanford, en Californie. Il m’invita à organiser un colloque semblable dans son nouveau milieu, ce que je fis en un temps record. L’auto-organisation, c’est la constitution d’un ordre à partir du désordre sans qu’aucun « designer », ni Dieu ni la nature, n’en ait tracé le plan à l’avance. C’est tout naturellement que le colloque de Stanford, qui eut lieu en septembre de la même année, s’intitula « Disorder and Order ». Ce fut aussi un grand succès.

L’université californienne m’offrit un poste de professeur invité et, un an plus tard, je devins professeur titulaire à temps partiel. C’est ce poste que j’occupe encore aujourd’hui.
Paysage de San Francisco qui sert de décor au film matriciel de la Californie de Dupuy : Vertigo de Hitchcock
Diriez-vous que vous avez un rapport ambivalent avec la Californie, alors même que votre premier contact avec les États-Unis fut comme un « coup de foudre », selon vos propres paroles ?

Par définition, on n’explique pas un coup de foudre. J’avais 21 ans et ne connaissais l’Amérique qu’à travers les représentations dont j’ai parlé. New York m’a ébloui. Comme dirait plus tard Jean Baudrillard, cette ville, la Gotham des comic books, m’apparaissait comme la copie parfaite de ses représentations. Elle était la copie de ses copies, c’est-à-dire un simulacre. De ce choc initial, je ne suis pas encore revenu.

Ma découverte de la Californie fut tout autre. Pour vous faire comprendre ma déception, je dois vous révéler que mon deuxième pays n’est pas la Californie, mais le Brésil, le pays de mes enfants et de mon petit-fils. Les plages infinies de sable fin, c’est là qu’on les trouve, à Salvador da Bahia, à Porto Seguro ou sur l’île de Jaguanum nichée dans la baie d’Angra dos Reis, au sud du pays. Mais l’Océan Pacifique qui borde la Californie sur 1350 km, cette étendue d’eau noire et froide peuplée d’une faune qui est davantage celle des régions arctiques que celle des régions méditerranéennes, d’emblée me repoussa. Il est certes excitant de voir des baleines grises et des orques se prélasser dans la baie de Monterey et des colonies d’otaries et de lions de mer bêler et rugir, perchées sur des rochers au large de Big Sur. Mais ce ne sont pas les Tropiques. On en est si loin que l’eau est glaciale au point que nul ne peut s’y baigner sans porter une combinaison en néoprène.

Ne parlons pas du climat. En été, dans la région de San Francisco, il se forme à la rencontre de l’air frais de l’océan et de la chaleur des terres un brouillard si épais que pendant six mois, d’avril à septembre, la ville grelotte de froid. Le grand poète San-Franciscain Robert Frost a pu dire : « L’hiver le plus froid que j’ai jamais connu, était un été à San Francisco. »

Tel fut mon premier contact. Au fil des ans, j’ai appris à aimer la beauté de la Californie. C’est une beauté qui se mérite. La littérature et la poésie m’ont grandement aidé. Ses côtes fantastiquement escarpées, ses arbres multimillénaires, ses montagnes aux formes admirables, ses villes de fin du monde, font de la Californie un lieu exceptionnel.

La Californie, ce ne sont pas les Tropiques. On en est si loin que l’eau est glaciale. Jean-Pierre Dupuy

Qu’est-ce que la Californie aura représenté pour vous, dans votre vie et votre travail ?

La Californie est très vaste. Sa surface représente les deux tiers de celle de la France. La Californie que j’habite n’est qu’une partie de ce grand ensemble. On la nomme la Bay Area, c’est-à-dire la région de la baie de San Francisco. Un peu moins de 8 millions de personnes y habitent, soit 20 % de la population totale de l’État. Mais c’est une région que le monde entier croit connaître, car s’y trouve ladite Silicon Valley, ce haut lieu des technologies parmi les plus avancées qui se déploie autour de l’université Stanford.

Celle-ci est rattachée à la ville de Palo Alto, dont le nom espagnol signifie le haut arbre, en l’occurrence un séquoia géant. Mais la région de la baie abrite d’autres universités importantes, en particulier plusieurs campus de l’université de l’État de Californie (UC), comme Berkeley, San Francisco et Davis. Les laboratoires Lawrence Livermore, qui ont joué un rôle essentiel dans le développement de l’arme nucléaire américaine, font partie de cet ensemble.

Que dire en quelques mots de ma vie dans ce décor depuis quarante ans ?

En premier lieu, et c’est essentiel, j’y ai trouvé une compagne, une Américaine issue du Midwest profond mais l’ayant quitté jeune pour rejoindre la côte Pacifique. Je ne vais sûrement pas vous parler de choses intimes mais je peux dire ceci, compte tenu des circonstances actuelles. Comme beaucoup de ses compatriotes mais pas assez nombreux, elle souffre atrocement et a honte de son pays, qu’elle ne reconnaît plus. Trop de gens autour d’elle, s’ils ont voté Trump, ne font aucun effort pour sortir de leur ignorance crasse et parmi les autres, beaucoup courbent l’échine parce qu’ils ont peur : peur de perdre leur emploi, peur que leur couverture médicale fédérale (Medicaid) disparaisse, peur de perdre leurs crédits de recherche, etc. Le président de Stanford, récemment nommé, a piteusement refusé de joindre sa signature à la lettre de soutien à Harvard que plusieurs de ses collègues ont concoctée.

J’ai appris une leçon importante en vivant ici : le respect du travail.

Le rapport au travail conjugue deux traits que dans d’autres cultures, on jugerait incompatibles : le très grand sérieux que l’on porte à cette activité et le fait que l’on ne s’identifie pas à sa profession. On sait qu’on pourrait facilement en changer : si la Californie était un État-nation, ce serait la quatrième puissance économique mondiale. Le statut et la peur du « déclassement » sont des notions qui jouent un rôle bien moindre qu’en France. On peut sans humiliation se retrouver garçon de café le temps de retrouver un emploi, en recevant d’ailleurs des pourboires faramineux (plus de 20 ou 25 %). La référence ici est moins le livre de Max Weber sur l’éthique protestante et l’esprit du capitalisme que l’opuscule du philosophe chrétien Jacques Maritain intitulé Réflexions sur l’Amérique, qui date de 1958. Un chapitre savoureux traite du « sourire de la serveuse de restaurant ». Bien sûr, l’esprit cynique des Gaulois ne sait voir dans ce sourire qu’un argument commercial. Mais Maritain va jusqu’à y déceler une promesse de paradis. Il n’a rien à voir en tout cas avec l’attitude grincheuse du garçon de café qui vous fait payer le ressentiment qu’il éprouve à faire un métier qui n’est pas digne de lui.

Le rapport au travail conjugue deux traits que dans d’autres cultures, on jugerait incompatibles : le très grand sérieux que l’on porte à cette activité et le fait que l’on ne s’identifie pas à sa profession. Jean-Pierre Dupuy

Comment le film Vertigo a-t-il influencé votre relation avec San Francisco et la Californie en général ?

Nous voici revenus à mon rapport fantasmé à la Californie. J’ai expliqué ailleurs 1 que ma vie et mon parcours philosophique ont été irrévocablement marqués par le choc que j’ai reçu pendant mon adolescence en voyant ce chef-d’œuvre métaphysique dû au génie d’Alfred Hitchcock.

Je sais que je ne suis pas seul dans ce cas.

Inévitablement, la découverte que cette fiction avait un support matériel, à savoir tous les lieux de San Francisco et de ses environs où Hitchcock planta sa caméra, a eu un impact sur mon rêve. Cet impact aurait été uniquement négatif si je ne m’étais efforcé de maintenir le rêve en vie par divers moyens qui relèvent de ce que la philosophie analytique de l’esprit nomme la self-deception et de ce que Sartre a appelé la mauvaise foi. L’un de mes cours les plus réussis a porté justement sur la confrontation entre ces deux manières de penser le mensonge à soi-même.

Je suis devenu pour l’éternité Scottie Ferguson, l’homme qui ne peut empêcher les femmes de tomber dans l’abîme. Jean-Pierre Dupuy

Ce jeu de l’esprit a connu son climax avec le colloque que j’ai organisé à Stanford pour célébrer le 50ème anniversaire du film, en 2008 donc. La liste des participants avait ceci d’original que les spécialistes du cinéma d’Hitchcock, et même du cinéma américain en général en furent bannis. Seuls ceux et celles qui, comme moi, avaient eu leur vie changée et façonnée par Vertigo avaient droit à la parole. Aucun enregistrement des débats n’a eu lieu. Il ne reste donc rien de cette rencontre autre que le souvenir que chacun en a gardé. Outre la projection du film, que je voyais peut-être pour la cinquantième fois, le clou de ces trois journées a été la visite des lieux où il a été tourné : entre autres, la mission Dolores à San Francisco et le cimetière adjacent, le Golden Gate Bridge, la Coit Tower, Nob Hill, l’intersection des rues Lombard et Jones, la plage Stinson, la mission de San Juan Bautista au sud de la Bay Area et Muir Woods au nord du Golden Gate.

Êtes-vous définitivement devenu un personnage du film de Hitchcock en Californie ?

C’est à l’occasion de ce colloque que j’ai, pour la première fois de ma vie, parlé en public de Vertigo.

Mais, j’ai aussi pu, grâce à une amie, Christine Suppes, donner une seconde conférence dans un lieu très spécial.

Le personnage principal du film est une fiction — comprendre, une fiction dans la fiction que constitue le film. Nommée Madeleine, cette fiction habite fictivement au sommet de l’une des sept collines de San Francisco, Nob Hill, au dernier étage d’un immeuble célèbre, le Brocklebank Apartments. C’est dans un appartement correspondant à cette description que j’ai parlé de cette femme imaginaire et de celui qui tombe éperdument amoureux d’elle, le détective privé Scottie Ferguson. Mon amie avait préparé une très grande affiche représentant une spirale logarithmique avec, en son centre, la silhouette noire de Scottie tourbillonnant dans l’abîme en tentant de retenir un fantôme de femme. C’est l’affiche du film, à ceci près que c’est mon nom, et non celui de l’acteur qui incarne Scottie, Jimmy Stewart, qui se trouve en haut de l’affiche. Je suis donc devenu pour l’éternité Scottie Ferguson, l’homme qui ne peut empêcher les femmes de tomber dans l’abîme. C’est peu flatteur si l’on adopte la lecture « borgésienne » de Vertigo que je propose, qui fait de Scottie un impuissant sexuel.
Vous débutez votre excellent Vertiges. Penser avec Borges justement par une lecture de Vertigo, film auquel il est difficile de penser sans la partition de Bernard Herrmann, laquelle s’inspire de l’opéra de Wagner, Tristan et Isolde. Retrouvez-vous cette musique en Californie ?

Le générique génial que le graphiste Saul Bass a conçu pour Vertigo représente une spirale logarithmique qui s’enroule en s’en rapprochant d’un centre que jamais elle n’atteint, et qui de plus tournoie sur elle-même. Cette dynamique a un point fixe qui reste extérieur à la structure. C’est la figure du suspense. C’est aussi celle de Tristan. L’opéra débute par un accord qui appelle une résolution qui ne vient pas et qui n’adviendra que dans l’accord parfait final, quatre heures et demie plus tard, quand Tristan et Isolde auront enfin trouvé l’accomplissement de leur amour dans la mort. La mission de San Juan Bautista a dans le film d’Hitchcock un clocher du haut duquel la fausse Madeleine est censée se jeter dans le vide — un faux suicide qui est le cœur de l’intrigue. Or la mission actuelle ne possède aucun clocher, car elle l’a perdu dans le tremblement de terre de 1906 qui parcourut la faille de San Andreas, au-dessus de laquelle se trouve la mission.

Le film, la musique et la réalité forment un accord parfait.

J’ai eu pour étudiants plusieurs membres de ce qu’on a appelé plaisamment la PayPal Mafia. En particulier, Peter Thiel épisodiquement, Reid Hoffmann sérieusement, et probablement Elon Musk pour une heure seulement. Jean-Pierre Dupuy

Votre rapport à la Californie a-t-il changé ces derniers mois, depuis l’élection de Trump ?

C’est une question essentielle à laquelle je ne puis répondre en quelques mots.

Je me suis déjà beaucoup exprimé sur le sujet, en français et en anglais, au point même que je ne suis pas sûr que mon visa soit renouvelé. Ou, s’il l’est, je n’écarte pas qu’une fois sur place, des individus cagoulés et de noir vêtus m’interpellent en pleine rue et me poussent dans une camionnette noire sans plaque d’immatriculation pour ensuite m’envoyer sans autre forme de procès vers un camp salvadorien où l’on m’oubliera. Le régime qui se met en place n’est ni une dictature, ni une variété de fascisme, mais, selon le mot du grand historien américain qui s’est exilé au Canada, Timothy Snyder, un terrorisme d’État. En face, que voit-on, y compris à gauche ? Des gens qui ont peur, j’en ai déjà parlé. Ce qui se passe est une tragédie.

Avez-vous côtoyé ou du moins croisé à l’université des personnalités proches de l’actuelle administration américaine, comme Peter Thiel ou Elon Musk par exemple ? Racontez-nous.

À Stanford, à la charnière des années 1980 et 1990, j’ai eu la chance d’avoir eu pour étudiants plusieurs membres de ce qu’on a appelé plaisamment la PayPal Mafia. En particulier, Peter Thiel épisodiquement, Reid Hoffmann sérieusement, et probablement — mais je ne m’en suis pas aperçu — Elon Musk pour une heure seulement. Tous trois sont devenus multimilliardaires, ce qui ne m’a pas enrichi d’un centime de dollar. Ensemble, ils ont créé PayPal, le service de paiement sur Internet, qu’ils ont revendu pour un milliard et demi à Ebay. Chacun a empoché sa part et ils se sont engagés sur des voies différentes. Thiel a financé Mark Zuckerberg créant Facebook, fondé Palantir, la boîte d’espionnage aux techniques sophistiquées et, s’engageant politiquement, a d’abord financé des libertariens puis s’est rangé en 2016 auprès de Trump. De tous les techno-milliardaires, il était le seul à le faire. S’il cherchait le pouvoir, il a eu une prescience remarquable puisque huit ans plus tard, la plupart ont fait le même choix. Reid Hoffman, lui, a créé LinkedIn et a mis sa fortune au service du parti Démocrate.

Je les vois assez régulièrement l’un et l’autre et leur conversation est fascinante d’intelligence. Bien que de bords complètement opposés, ils restent amis. Ils ont été formés à la pensée de René Girard, qu’ils ont interprétée chacun à sa manière. Ai-je besoin de rappeler que Thiel a fait lire Girard à son dauphin, J. D. Vance, que celui-ci s’est converti au catholicisme et qu’il est devenu Vice-Président des États-Unis ? J’ai développé ailleurs la thèse que les maux de l’Amérique trouvent leur origine dans diverses versions corrompues du christianisme 2.

Mais le moment où j’ai été le plus proche du pouvoir, je le dois à mon amitié avec Jerry Brown.

Brown fut gouverneur démocrate de la Californie quatre fois — un record — de 1975 à 1983 puis de 2011 à 2019. C’est Ivan Illich, ce grand critique des sociétés industrielles avec qui j’ai collaboré pendant dix ans, qui nous a réunis au milieu des années 1970. Ma collaboration avec Brown a consisté en de longues conversations chaque fois que je me trouvais en Californie. Un journal de San Francisco a même affirmé en 2016 que j’étais responsable du « catastrophisme » de Brown et de son surnom de « Moonlight Governor », c’est-à-dire de quelqu’un qui a constamment la tête dans les nuages — imputation largement exagérée ! Maintenant qu’il n’est plus aux affaires, Brown vit dans son ranch mais il est toujours très actif dans deux domaines qui sont aussi les miens : la possibilité d’une guerre nucléaire mondiale et le changement climatique.

Le Pacifique sera toujours là quand l’humanité se sera fait sauter dans un feu d’artifice atomique. Jean-Pierre Dupuy

Y a-t-il un livre ou un auteur que vous rattachez assez immédiatement à la Californie ?

Je pourrais bien sûr vous citer des auteurs célèbres dont l’œuvre s’est formée, partiellement ou totalement, en Californie où fut inspirée par elle, et que j’aime lire et relire : John Steinbeck, James Ellroy, Joan Didion, Mark Twain, Raymond Carver, Henry Miller ou Dashiell Hammett.

Mais je préfère évoquer le poète Robert Frost que j’ai cité en commençant notre entretien.

Né à San Francisco en 1874, il y passa les onze premières années de sa vie jusqu’à la mort de son père, après quoi sa mère l’amena dans sa Nouvelle Angleterre natale. L’essentiel de l’œuvre de Frost porte sur les zones rurales de la côte Est, mais j’ai une tendresse toute particulière pour les poèmes qu’il a écrits sur la Californie. Ils m’ont fait voir la beauté sans pareille de cet océan Pacifique, bien mal nommé, qui m’avait tant rebuté au départ.
Quel est votre endroit préféré en Californie ? Une ville, un lieu en particulier, un restaurant, une bibliothèque ou une librairie ?

À la fin du XVIIIᵉ siècle et au début du XIXᵉ, la couronne espagnole établit vingt-et-une missions sur la côte californienne, gérées par des moines franciscains.

Beaucoup sont très belles et ont joué un rôle notable dans l’histoire de la Californie.

Le moine Junípero Serra en fut l’un des artisans principaux, et son patronyme se retrouvait partout dans l’État, à l’université Stanford en particulier, nommant rues, immeubles et amphithéâtres. Ce n’est plus le cas. La communauté amérindienne du campus a réussi à convaincre l’administration que ce nom devait être banni, l’intéressé étant déclaré coupable de prosélytisme excessif. Deux statues le représentant à San Francisco ont été déboulonnées. Les justiciers n’ont toutefois pas osé exiger, pour l’instant, que le nom de la ville, une référence évidente au fondateur de l’ordre franciscain, soit changé.

Le film Vertigo, je l’ai dit en passant, s’articule autour de deux de ces missions, la mission Dolores, à San Francisco, et la mission de San Juan Bautista, au sud de la Bay Area. Mais c’est une autre mission que je veux nommer en réponse à votre question : la mission San Carlos Borromeo qui se trouve dans la petite ville de Carmel-by-the-Sea, au bord du Pacifique, entre la péninsule de Monterey et Big Sur.

La grande beauté de son église et de son site s’accorde à mon histoire personnelle, ce qui justifie ce choix.
Sur le campus de Stanford.

Y avez-vous une promenade sacrée ?

Le mot « sacré » est sans doute trop fort et je parlerai plutôt de communion avec la nature.

Je suis évidemment tenté d’évoquer des balades fabuleuses sur les collines qui surplombent l’océan, à Mendocino au nord de Bodega Bay ou à Point Reyes, un cap vertigineux à 50 kilomètres au nord du Golden Gate Bridge.

Le Pacifique sera toujours là quand l’humanité se sera fait sauter dans un feu d’artifice atomique.

La nature a en revanche produit dans ce coin du monde une créature fantastique et en principe pérenne que l’homme est en train de détruire irrémédiablement : certains des séquoias géants qui peuplent la Californie du Nord ont plus de 3000 ans et atteignent 115 mètres de haut. À l’échelle géologiquement minuscule de quelques siècles, leur survie est aujourd’hui menacée, tant par les incendies de plus en plus fréquents et intenses que par la disparition progressive, année après année, des brouillards matinaux dont s’abreuvent les arbres. Dans l’un et l’autre cas, le changement climatique est en cause.

Dans une scène intense et énigmatique de Vertigo, la fausse Madeleine analyse à destination de Scottie les anneaux de croissance, appelés cernes, d’un séquoia sectionné. Elle montre le point sur l’arbre qui correspond au moment où elle est censée être née. L’intrigue implique que cette scène se passe près de San Francisco, dans la forêt de séquoias sempervirens de Muir Woods, immédiatement à la sortie du Golden Gate. En réalité, Hitchcock l’a filmée dans une forêt encore plus belle, le parc de Big Basin Redwoods, dans la montagne de Santa Cruz au sud de la Bay Area.

C’est là que j’aime me promener, au milieu de ces géants majestueux que je préfère tenir pour immortels — alors que je sais très bien qu’ils sont en train de périr de la bêtise des hommes.

Sources
Jean-Pierre Dupuy, Vertiges. Penser avec Borges, Seuil, Coll. La Librairie du XXIème siècle, 2025.
Jean-Pierre Dupuy, La Marque du sacré, Flammarion, Champs Essais, 2010.

America Californie
https://legrandcontinent.eu/fr/2025/08/07/le-pacifique-sera-toujours-la-quand-lhumanite-se-sera-fait-sauter-dans-un-feu-dartifice-atomique-grand-tour-avec-jean-pierre-dupuy-sur-la-californie/

A trip down the most mysterious road in California - SFGATE

Sun 30 Apr 2023 - 11:56

A trip down the most mysterious road in California, Zzyzx Road
Andrew Chamings, SFGATE, Jan. 24, 2023

(En cours de mise en page : illustrations à ajouter)

The Zzyzx Road sign along Interstate 15 in the Mojave Desert, between Las Vegas and Los Angeles.

The Zzyzx Road sign along Interstate 15 in the Mojave Desert, between Las Vegas and Los Angeles.
Stammberger1973/CC 3.0 via Wikipedia

A crucifix-shaped swimming pool crumbles in the desert sun. Alongside it, five decrepit concrete baths once filled with the promise of cleansing sins. Warm mineral water, tapped from what was said to be a holy underground river, drew desperate salvation searchers to this remote California wasteland. Today, part of the pool sinks into the banks of the ancient lakebed upon which this strange settlement was built.

This place was once the 12,000-acre dream of notorious huckster and “super squatter” Curtis Springer. Springer claimed to be a doctor, a minister, a professor and a miner — but turned out to be none of those things. Eventually, his wrongs caught up with him, forcing him to leave his tiny stolen empire in these desolate reaches of California.

This strange history, the two horror movies shot here and the place’s bizarre name first drew me to the Zzyzx Road turnoff on Interstate 15, around an hour east of Barstow. But notorious fraudster and creepy swimming pool aside, I discovered that the site at the end of the 4-mile track is a natural phenomenon unique unto itself. A true oasis in the desert.
Lake Tuendae in Zzyzx, Calif.

Lake Tuendae in Zzyzx, Calif. Andrew Chamings / SFGATE

Around 3 miles in, the road turns to loose gravel as it bends around a rocky outcrop. Lined with palm trees, the unpaved track finally approaches the fabled cluster of buildings at its terminus.

I made my way down there on a clear winter day. Without a soul in sight, the place felt a world away from the highway that ferries thousands between Los Angeles and Las Vegas every day.

The most striking sight at Zzyzx is Lake Tuendae, a body of water the size of a football field. Beyond, through the palm trees, the vast, ancient, crusty white lakebed reaches to the Devils Playground mountains.

“It’s a special place,” Dr. Terry McGlynn tells me. “There are scorpions at night, foxes, coyotes, rabbits and big-horned sheep wandering around. It’s absolutely stunning.”

McGlynn is the director at the California State University Desert Studies Center, which has occupied the storied settlement of Zzyzx, once named Soda Springs, for nearly 50 years. There, students and research scientists stay for weeks on end at the edge of Soda Dry Lake — a bright-white lakebed that was once Lake Mojave. Evidence shows that Indigenous people began populating the lakeshore around 10,000 years ago.

“It’s the terminal basin for the Mojave River, which runs west to east from the San Bernardino Mountains,” DSC operations manager and herpetologist (lizard expert) Jason Wallace tells me. “Which is kinda backwards for most river systems.”

While dry on the surface, the Mojave River is still active underground, Wallace says. “It’s always a little moist, not too far under the lakebed.”

Dry lake bed in Zzyzx, Calif.

Dry lake bed in Zzyzx, Calif.
trekandshoot/Getty Images/iStockphoto

Visiting students’ work here today includes drilling into the rocks to discover ancient climates, tracking sheep, conducting a reptile census and analyzing the hydrology of the ancient natural springs that have drawn people there for thousands of years.

“Geologists come from all over the world,” McGlynn says. “It offers a really unique window into the history of time.”

Despite the often repeated myth that the site is an abandoned ghost town, Zzyzx is an active field station, affiliated with California State University Fullerton, with around 60 beds for visiting students and research scientists.

“For some students from LA, this is the first place they see the uninterrupted night sky. It’s spectacular,” McGlynn says. “A lot of people haven’t seen the Milky Way before.”

The beautiful centerpiece to Zzyzx, Lake Tuendae, provides a home for mud hens, dragonflies and various migratory birds getting a drink on their long flight over the desert. It’s also one of only three places where the protected and endangered Mohave tui chub fish can be found.

“You never see them. They sit on the bottom of the lake,” McGlynn says. “Once every few years, a group of people monitor them to make sure they're there and OK.”

But something about the rectangular pond, flanked with evenly spaced palm trees, seems uncanny. It’s almost too perfect. That’s because the pristine lake in the desert is, in fact, a human-made pond. And that human is seemingly inescapable in any story about this place.

“There are no photos that show this,” McGlynn says. “But presumably, the lake was dug out by Springer.”
Sign on I-15 at the end of Zzyzx Road, from the Curtis Springer era.

Sign on I-15 at the end of Zzyzx Road, from the Curtis Springer era.
Desert Studies Center

Born in 1896 in Alabama, Curtis Springer first made a name for himself as a lecturer and later as a radio evangelist and fervent promotor of health foods.

As a self-described doctor, Springer took curious students’ cash to attend his lectures and learn his secrets to a healthy, God-fearing life. In 1930, at a YMCA in Scranton, Pennsylvania, Springer taught a course he claimed was associated with the “Extension Department of the National Academy,” a wholly made-up university. Other courses included “How to Banish Disease and Know the Joy of Living” and “Picking a Husband for Keeps.”

One repeated grift of Springer’s — may it be while teaching courses, offering samples of his miracle foods or later inviting visitors to bathe in his desert pool — was to ask for zero cash upfront but bait-and-switch attendees during the proceedings to get their money. Many of his lectures would pause halfway through so Springer could collect “donations” and also offer private sessions later that day for $25 a pop.

A 1935 report titled “Curtis Howe Springer: A Quack and His Nostrums,” published by the Journal of the American Medical Association, alleged that Springer lied his way through numerous East Coast and Midwestern cities in the early 1930s, duping people out of cash payments for courses before leaving town and adorning himself with various fictional titles along the way.

Springer also launched a curiously named magazine, “Symposium Creative Psychologic,” a title the American Medical Association found “as meaningless as some of the titles Springer has annexed.” Archives reveal a second magazine, named “The Elucidator,” was also published in 1935, but a second issue never appeared.
Archival advertisements for the resort and Curtis Springer's radio show.

Archival advertisements for the resort and Curtis Springer's radio show.
Desert Studies Center

At the peak of his radio fame, Springer’s show was syndicated by over 200 stations in the U.S. and another 100 overseas. Springer claimed he had 14 million listeners a week, which may have been not far from the truth. The show was a combination of preaching (Springer claimed to be a Methodist minister but was later revealed to be self-ordained at best), gospel singing, screeds against the sins of alcohol and testimonials from happy users of his miracle medicinal cures.

These dubious products, which would later land Springer in jail, included his famous Antediluvian Tea, a mixture of laxatives named after a biblical flood; a “Hollywood cocktail”; a $25 hemorrhoid kit; and Mo-Hair, a baldness cure that was later revealed to be a mixture of just two ingredients: mud and oil.

In his various ads, lectures and radio shows, Springer followed his name with M.D. and Ph.D. — titles the AMA’s investigation found had no merit whatsoever, as Springer never “graduated from any reputable college, medical or otherwise.” At one point in Pennsylvania, he was charged with practicing medicine without a license but skipped town while on bail, according to the report.

Maybe to escape the AMA or those seeking his tax dollars or refunds for aborted courses, in the early 1940s, Springer moved to Los Angeles.

Old palms stand sentinel against the desert at Zzyzx.

Old palms stand sentinel against the desert at Zzyzx.
R_Litewriter/Getty Images/iStockphoto

While there, he once recalled how he stumbled upon a 25-cent pamphlet in a secondhand Hollywood bookstore about the “mineral springs of the Pacific Coast.” Inside, he saw mention of a place named “Fort Soda Mineral Springs,” in the Mojave Desert. When he was unable to locate the site on a map, Springer headed into the desert, some 200 miles from his Hollywood home, and managed to find the spring that was sourced from the underground Mojave River, on the edge of the ancient Soda Dry Lake. At the time, the site was an uninhabited wilderness with nothing on the land beyond some old baking soda mines and the remnants of Fort Soda, an early Spanish and then U.S. military camp where dozens of Native American people were killed in the 1860s.

Springer and his wife Helen filed a mining claim to an 8-by-5-mile swath of federal land there and proceeded to build the place the preacher would be forever remembered for.

To build his ambitious resort, Springer headed back to Los Angeles and hired homeless men on Skid Row to come to the desert and help him tap the spring and erect the settlement at what was then named Soda Springs. Springer himself admitted to bringing “hundreds” of men from Skid Row to help build the site and paying them in room and board.

He coined the site “Zzyzx” as a gag of sorts — so he would always have “the last word in health.” The name was formally, and controversially, recognized by the San Bernardino County Board of Supervisors in 1965, resulting in the iconic green sign on I-15.

Springer’s hired help built the “hotel” — the same dorms used today by visiting students — on the town’s main esplanade he named “Boulevard of Dreams.”

The first newspaper advertisement for the resort ran in November 1945 in the Los Angeles Times, offering bus trips to Zzyzx from LA hotels and promising mud, sun, mineral baths, homemade ice cream and a “definite Christian atmosphere.” Springer had long been a staunch advocate of prohibition, and the site never served a drop of alcohol.

A view of the old Soda Springs health spa in Zzyzx, Calif.

A view of the old Soda Springs health spa in Zzyzx, Calif.
Andrew Chamings

Zzyzx would prove to be a big success, largely due to the apparent cost. “We accept whatever amount God has made possible for you to pay,” the ad stated.

This also proved to be a falsehood; Springer charged $50 a week to the vast majority of guests, though he would grant a free stay if the visitor provided a letter from their “preacher, priest or rabbi” proving that they were indeed “penniless.”

The site mostly bussed in pensioners from Southern California and could welcome up to 140 guests, all seeking to be cleansed in the desert by Springer’s godly advice, hot mineral water and health cures. And for some of those who visited the site, it seemed to work.

“I had arthritis in my hand so bad I could hardly bend it,” one unnamed 89-year-old guest said in a New York Times story headlined “Zzyzx is a booming health spa.” “Now look,” she added, before “flexing her gnarled hand with ease.”

Through the 1950s, laborers at Zzyzx continued to expand Springer's dream in the desert. At one time, the site boasted a recording studio, a metal-working shop, a printing facility and even Springer’s own private airstrip named Zyport, which ferried the radio star back to Hollywood every week to promote his new attraction.

What remains of the old Soda Springs health spa at Zzyzx, Calif.

What remains of the old Soda Springs health spa at Zzyzx, Calif.
Dylan Liebeck / EyeEm/Getty Images/EyeEm

It was also fitted with a PA system and loudspeaker, from which Springer would bellow a twice-daily sermon while not recording his radio show on-site.

Many of the advertisements for the resort claim the cleansing water that sprung from the underground river into the cross-shaped pool and baths was naturally “warm.”

But as with all of Springer’s claims, all wasn't as it seemed at Zzyzx.

“He used to heat it up and say it was ‘hot springs,’” McGlynn laughs. “He had a diesel generator to heat the water and say ‘ooh it’s hot mineral springs.’”

Springer’s car salesman-like approach to drawing customers to the desert can be heard on an archival recording of his radio show.

“We have this lovely 12,000-acre estate here that belongs to God,” Springer announces. “If you want to come and stay, come and stay for a month. If at the end of that month, you have any results that you think are worthwhile, and you’re able to do so, we’d appreciate anything you have to contribute. If you don’t, you owe us nothing.”

“The idea was that the water came from a 'cleansing spring,'” McGlynn says, and while the water was technically safe, it was largely undrinkable due to the mineral content. “The water would literally cleanse you by giving you diarrhea.”

Things started to go wrong in the late 1960s, when Springer allowed those who made large donations to build houses on the land, which was still technically owned by the Bureau of Land Management. Springer’s 1944 mining claim did not allow occupation or development of the land beyond mining use, and Springer did everything there but mine.

The crucifix-shaped swimming pool seen from above.

The crucifix-shaped swimming pool seen from above.
Google Earth

In 1967, an LA Times writer named Charles Hillinger published several exposes painting Springer as nothing more than a fraud and a huckster, living on stolen land. Springer was described by the paper as a “pudgy, blue-eyed, ruddy-faced, thin-haired promoter.” Hillinger’s reports revealed that the IRS and Bureau of Land Management had been investigating the squatter since the early 1950s for tax evasion and building countless buildings on land he never owned.

In 1968, Springer was arrested at the resort and served 49 days of a 90-day sentence on 65 counts of false advertising and misrepresentation. One of the charges named his $25 hemorrhoid treatment as useless, and another said Springer sold simple foods such as celery and parsnip as pricey “health supplements.” Springer was also charged with falsely claiming his regimen “cured cancer.”

After his sentence, Springer returned to the resort and continued to operate his business there, despite the BLM's serving notices that he owed $34,000 in rent. The news of his charges also shined a spotlight on the Zzyzx and brought more reporters to the remote road.

In 1969, a Chicago Tribune journalist approached Springer at the resort with some tough questions and received a frosty welcome.

“I’ve told you three times I don’t want any snooping around. You newspaper men are just like detectives. ... If you’re looking for trouble, we’ll give it to you,” Springer told the reporter, who described the heated moment somewhat poetically: “During this outburst, his ears reddened to the same color as his bulbous nose, setting off his white hair rather flatteringly in the late afternoon sun.”

Though, as was often the case in the diverging views on the mercurial figure, even that report stated that he “may be a shameless fraud, or he may be a great healer of mankind."

After six years of court proceedings, in 1974, the Bureau of Land Management finally, forcibly evicted Springer from the town he named but never owned.

“Behind the fraudulent acts he has perpetrated stand hundreds, or thousands and possibly tens of thousands of people who have been bilked of their money and possibly their health,” a probation officer wrote, adding that the spa was “portrayed in advertising as an Eden while in comparison is directly the opposite.”

Soda Dry Lake, as seen from a decaying structure at Zzyzx.

Soda Dry Lake, as seen from a decaying structure at Zzyzx.
Kristo/Getty Images

Just two years later, the site was turned into the university research center that still operates today. In a strange TV news moment, on the day of the launch of the site in 1976, as journalists gathered and cameras were rolling, Springer drove up to the site, in violation of his court order.

“The 80-year-old super squatter,” a local news anchor reported, “held court by the lake he built, boasting of the millions of free beds and free meals he had handed out at the site over the years.”

When asked by a reporter where he got the money to fund that charity, Springer curtly replied, “Well, that’s none of your business.”

At that time, the Philadelphia Inquirer estimated that Springer earned between $250,000 and $750,000 a year from donations. Another report said he netted over $1 million a year between 1963 and 1968.

“I believe this property belongs to God,” Springer told the cameras. “I’m going to keep my foot right in the door. I’ll fight until hell freezes over, and the last dog has been hung.”

It would be Springer’s last time at Zzyzx, though the preacher protested the eviction decision until his dying day.

Others also spoke out in defense of Springer and what he achieved in the desert. “He had done a lot of good. He gave retirees a place to vacation,” the owner of a hotel in nearby Baker told reporters. “Now lots of people are left with a vacuum in their hearts.”

“We aided in the rehabilitation of 4,000 destitute men,” Springer said in his twilight years in 1982. “I’d like our children and friends to know, and not forget about the good things we did at Zzyzx.”

Curtis Springer died on Aug. 19, 1985, in Las Vegas, at the age of 88.

Lake Tuendae in Zzyzx, Calif.

Lake Tuendae in Zzyzx, Calif.
Andrew Chamings / SFGATE

“It’s interesting to me that there hasn’t been a biography or movie about his legacy,” McGlynn tells me. “Not many people know about him.”

Two schlocky horror movies — one, a Katherine Heigl vehicle that holds the unenviable title of lowest-grossing movie ever made — have been set on Zzyzx Road. Both were released in 2006, meaning one was forced to misspell the name, “Zzyzyx” Road, to add even more confusion to the name.

Setting a horror movie there makes sense; the cinematic landscape and desolation are ripe for modern Western tales of bloodshed and scares, and in researching this story, I found two forgotten real-life tragic events at the site, both involving Curtis Springer’s then-teenage sons.

The first happened in December 1952, when Springer’s 16-year-old son, Terry Foster Springer, awoke in the middle of the night to a ruckus in a goat pen. Springer said he believed a wild cat was in among the livestock and fired his .22-caliber rifle at the commotion. The shot killed a man named Roberto De La Armendariz. Springer’s son was never held or charged in relation to the incident.

A few months later, in 1953, Springer’s older son, Charles, 19, killed himself in a bizarre accident while out with a party of friends hunting rabbits. According to a short obituary published in the Daily American, Springer jumped out of the truck in which he was riding to kill a wounded rabbit with the butt of his rifle. “The rifle barrel, loosened from the butt, discharged driving the bullet into the lung of the unfortunate young man.” Charles Springer reportedly died shortly after while en route to Barstow Hospital.

Records also show both of Springer’s parents died on-site at Zzyzx in the 1950s.
The remains of the swimming pool and baths at Zzyzx, California.

The remains of the swimming pool and baths at Zzyzx, California.
CC 2.0 via Flickr users el-toro and Don Barrett

Over the 50 years, the crucifix-shaped swimming pool has remained mostly intact. And its presence in the middle of the research center has been what McGlynn calls an “attractive nuisance.”

Wallace, who lives on-site and has worked there since 2007, wants visitors to know that they should stay on the designated path around Tuendae Lake. “You can see everything from the Springer days from there,” he says, adding that the swimming pool has been “wrecked” by gawkers.

Maybe due to its history, or its remoteness, in recent years, the site has sometimes become a draw for those seeking life off the grid.

“We’re a magnet; we’re at the end of a weirdly named road, which piques everyone’s interest. We get vandalized. We get people poking around where they are not supposed to,” Wallace says. “People think it's abandoned. They walk away with stuff and say, ‘Oh, I'm sorry. I didn’t realize anyone was here. I’m just taking this chainsaw.’ It’s crazy.”

Wallace said that during the pandemic, the site became a destination for some. “They didn’t know where to go. ‘I need to get out. I’ll just go to the desert,’ they’d say, and they’d get themselves in trouble.”

“People are out here in the middle of the summer with half a bottle of water, no idea where they’re going or what they’re doing,” Wallace says. “But the desert will always win.”

I ask McGlynn if Zzyzx ever feels a little spooky at night. “I don’t feel that way, but I think some visitors might. It’s incredibly still,” he says. “I find it incredibly peaceful.”

There is an undeniable strangeness to the landscape at the end of Zzyzx Road. As I drive out, lost-looking members of a punk band step out of a Ford Mustang emblazoned with the band’s name. They peer through the palm trees and dusty structures built by Doc Springer, trying to figure out the best spot for a photograph.

“God will provide,” Springer told a reporter a few years before he was evicted from the little city he built. “If you play the game fair, I believe the big boss upstairs will level things out. That’s my religion.”

When visiting the Desert Studies Center, for your own safety, please adhere to the designated public path.

Californie
https://www.sfgate.com/travel/article/the-mysteries-of-zzyzx-road-california-17726000.php

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