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 La revue de web de Kat

Ce que la Catalogne nous dit de la diversité culturelle et de la disruption politique

Mon 23 Oct 2017 - 07:17

Barcelona, plaza Espana. Visual hunt

Le cas de la Catalogne – et d’autres régions européennes aux revendications similaires (Écosse, Flandre, Padanie, Pays basque, Bavière…) – illustre les conséquences logiques et les bouleversements potentiels du « glocal » (combinatoire de global et de local, zappant le national). Les États-nations pouvaient se croire épargnés par la disruption provoquée par la mondialisation combinée au numérique transfrontière, mais le statu quo est désormais contesté. La Catalogne semble aux avant-postes d’autres disruptions à venir dans d’autres régions, au-delà de celles déjà en rupture de ban.

Ces phénomènes se trouvaient déjà en filigrane dans les discussions concernant le traité sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles,adopté en 2005, où les États réclamaient leur souveraineté… mais les régions aussi ! La Catalogne était alors à l’avant-garde de cette diplomatie régionale dont elle fait preuve dans la crise actuelle, en dénonçant la subalternité de certaines régions par rapport aux États dans la nouvelle colonialité globale. Elle a été la première à demander et obtenir le 16 septembre 2005 une extension des domaines de l’adressage Internet pour les régions et communautés linguistiques, le « .cat », ce qui n’a pas été sans hérisser Madrid.
Subalternité vs colonialité : modifier le statu quo

Dans le glocal, la subalternité des régions est désormais un outil de contestation face à une théorie de l’État-nation prénumérique. Pour le moment, face à une Espagne sciemment construite comme hégémonique et réduite à Madrid (pour ne pas s’aliéner les autres régions), la Catalogne met en scène des astuces dramatiques pour exacerber la violence du pouvoir central et mettre la communauté internationale de son côté ou en neutralité. Seule, elle n’a pas la possibilité de changer l’histoire, mais elle se sert de tous les interstices ouverts de manière créative, donc disruptive.

Et Mariano Rajoy se retrouve en père autoritaire à sommer Carles Puigdemont de se prononcer clairement… Rajoy, dont le grand-père a été un des rédacteurs du statut d’autonomie de la Galice en 1932. Pour Puigdemont, il s’agit aussi de créer des images fortes pour son projet d’affiliation à une histoire commune de l’Europe qui n’est pas obligé de passer par la case Madrid.

Les Catalans se vivent en position de subalternité à l’égard d’un Madrid qui se comporte en état colonial, drainant ses ressources vives vers le centre avec peu de contreparties et beaucoup de corruption (ce qu’ils vérifient en se voyant reléguer en quelques décennies de 1re région industrielle à la 3e). Ils ne veulent plus subir l’étiquette de minorité imposée par ce pouvoir colonial alors qu’ils ont connu leur propre forme de pouvoir, républicain de surcroît. Ils dénoncent la colonialité du pouvoir étatique, qui crée des barrières ethniques et des exploitations commerciales.
Barcelona, Montjuic. Visual Hunt
Un contre-récit, en demande de démocratie directe

Les Catalans proposent un contre-récit au récit étatique moderne, en se voyant déjà comme nation au sein de l’Europe. Au discours moderne qui a créé les termes d’ethnicité et de minorité, ils opposent un discours disruptif de solidarité et de démocratie directe, – discours que je qualifie de « cybériste » pour signifier la rupture avec des références prénumériques obsolètes. D’où l’enjeu autour du référendum, une des formes les plus participatives de démocratie.

Leurs références politiques ne sont d’ailleurs plus identifiables selon des axes polarisés extrême droite vs extrême gauche, conservateurs vs progressistes, élite vs peuple. Dans la disruption, ces catégories ne recouvrent plus la complexité des choix non-rationnels et non-linéaires (mais néanmoins légitimes) qui guident les individus et les collectifs.

De fait, considérer la disruption catalane à l’aune du simple nationalisme, c’est nier sa dimension transnationaliste, avec le risque d’y appliquer des remèdes et solutions prénumériques, ce qui ira irrémédiablement plus loin que le clash symbolique…

Les Catalans peuvent s’appuyer sur leurs communautés de la diaspora, les casals, Catalans de l’extérieur. Elles sont ailleurs dans le monde mais reliées au pays par les réseaux transfrontières d’Internet pour comparer leur situation à celle partagée par d’autres cultures subalternisées, ce qui les conforte dans leur différence et leur diversité culturelle à l’égard de Madrid.
Une culture catalane locale et globale à la fois

Le bouillonnement culturel de la région catalane pousse ses habitants à imaginer, inventer, oser et à façonner la région à leur image, avec un regard porté sur le local autant que sur le global. La Catalogne, à travers Barcelone notamment mais pas seulement, s’est depuis longtemps constituée comme une région utilisant la créativité et la diversité culturelle comme levier de développement urbain et de rayonnement économique. Et ce, même avant le mouvement « Barcelona Posat Guapa » (« Barcelone, fais-toi belle ») de 1985.

Des artistes célèbres comme Antoni Gaudi ou Salvadro Dali, ou encore, plus récemment des chanteurs comme Luis Llach avec sa chanson « L’Estaca » (le pieu) en 1976 illustrent cette excentricité ludique et disruptive, loin de la capitale officielle. Cet excentrisme du coup donne de la force à l’authenticité du local, ce qui amène au décrochage à l’égard du national, puis éventuellement à la disruption.
Les quatre T de la Catalogne

Ce bouillonnement disruptif relève du même phénomène que celui des villes et régions créatives dans le monde, autour des trois T de Richard Florida (Routledge, 2014) auquel je rajoute le T de transnationalisme : technologie, talent et tolérance.

En Catalogne, ces quatre T indicateurs sont fortement présents. Le T de technologie se manifeste dans les hubs d’innovation high-tech, le numérique permettant à la région de s’installer dans les industries créatives du XXIe siècle (du design à la gastronomie). Il permet aussi de s’exprimer et de s’organiser et crée de la proximité à distance avec la diaspora.

Le T de talent tient dans sa capacité à créer une atmosphère où les arts de toutes sortes sont un élément de rayonnement socio-économique, qui attire la classe créative, en demande de bien-être culturel et friande d’infrastructures culturelles et sportives pour se maintenir créative.

Le T de tolérance concerne la capacité d’accueil de nouvelles formes de pensée et de différents groupes à l’identité ethnique, sexuelle ou sociale marquée, dont les migrants, les homosexuels et d’autres éléments d’une bohème geek internationale. Nombre d’entre eux sont bi-culturels et bi-lingues, les Catalans en premier (l’édition catalane tend à publier des ouvrages en français et en anglais en plus du catalan et du castillan).
Une disruption qui pointe vers d’autres en cours

Telle est la disruption catalane, quand on la pense hors de la boite. Elle est à suivre au même titre que la montée des réseaux de villes qui s’autonomisent des états comme le C40 des villes monde pour faire face au dérèglement climatique ou du réseau des régions d’Europe pour la culture.

Elle est une manifestation des recherches de réactivité face à des urgences, qu’elles soient numériques ou climatiques, les dérèglements glocaux imposant des solutions rapides, adaptées à des territoires dont l’aune n’est plus perçue comme relevant de l’Etat-nation moderne.

Mais toutes les disruptions ne sont pas égales entre elles. Certaines sont mieux dotées pour ne pas juste subir l’histoire tout en luttant pour elle. D’autres inégalités et déséquilibres vont se créer qui demandent accompagnement et vigilance. En politique, il va falloir aussi se montrer créatif, sinon les démocraties prénumériques vont rappeler aux mauvais souvenirs de bien des peuples leurs racines colonialisantes et subalternalisantes.

Il faut plus que jamais penser la trans-européanité et revoir le pacte de l’Union Européenne en faisant de la place à la diplomatie régionale en lien à la diplomatie transnationale. La demande catalane d’une médiation internationale bienveillante, sans violence, relève de cette démarche. Les Etats-nation européens qui se rallient à Madrid par peur de leurs propres régions et par respect de l’ordre prénumérique feraient mieux d’y repenser à deux fois car ils se coupent de forces créatives importantes et d’une réelle capacité de ré-enchanter l’Union Européenne.
The Conversation

Divina Frau-Meigs est membre de l'Association Internationale des Etudes et Recherches en Information-Communication (AIERI), à statut d'observateur de la société civile à l'UNESCO. A ce titre, elle a participé aux débats concernant le traité sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles à l'UNESCO entre 2001 et 2005.

Catalogne langue région
http://theconversation.com/ce-que-la-catalogne-nous-dit-de-la-diversite-culturelle-et-de-la-disruption-politique-86115

Ecriture inclusive : le langage suivra l'évolution de la société, pas l'inverse - Challenges.fr

Fri 20 Oct 2017 - 10:16

C’est avec l’usage que la langue s’adapte. Le jour où les postes de préfets, chercheurs, ingénieurs et autres métiers seront occupés par autant de femmes que d’hommes, le langage suivra.
Le langage a-t-il besoin d’un manuel pour évoluer?

C’est avec l’usage que la langue s’adapte. Le jour où les postes de préfets, chercheurs, ingénieurs et autres métiers seront occupés par autant de femmes que d’hommes, le langage suivra.
ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP

"Grâce aux agriculteur.rice.s, aux artisan.e.s et aux commerçant.e.s, la Gaule était un pays riche". L’on pourrait croire à une nouvelle expérience d’écriture créative de l’OuLiPo où le "e", disparu sous la plume de Georges Pérec, ferait cette fois une grande apparition. Mais il s’agit plus prosaïquement d’un extrait en écriture inclusive du nouveau manuel scolaire édité par Hatier que les enseignants pourront désormais choisir pour leurs classes de CE2. Un manuel se voulant, comme l’explique son éditeur, "le reflet de la société et de ses évolutions". Mais le langage a-t-il besoin d’un manuel pour évoluer?
Le langage ne se décrète pas

Il est évident que l’égalité entre les femmes et les hommes doit être une priorité. Il est tout aussi évident que la langue française ne doit pas être figée pour être préservée et qu’une langue dite vivante doit justement s’adapter. Mais ce n’est pas en glissant de force des "e" minuscules entre deux points que l’on fera évoluer les usages. Le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes en apporte, sans le vouloir, la démonstration : c’est en constatant l’inapplication de la première circulaire relative à la féminisation des noms de métier que le Premier ministre a réitéré cette obligation en 1998. Vingt ans plus tard, entend-on davantage de femmes se dire "sapeuse-pompières" ou "doctoresses"?

Laissons les mots se transformer à leur rythme. C’est avec l’usage que la langue s’adapte et se transforme. "Ma doctrine est que ce sont les usagers qui décident", confiait récemment le linguiste Alain Rey dans un entretien pour Le 1. Prenons le mot "sénatrice". Dans sa version féminine, ce mot ne figure pas dans le Larousse. Il est pour autant facile de constater que cela ne l’a pas empêché de s’imposer dans le langage courant. Que l’usage précède le langage! Rien n’empêche les auteurs, "autrices" et les plumes en tous genres favorables à l’écriture inclusive de s’en saisir. Tout plaide en faveur d’une féminisation de certaines professions. Le jour où les professions de préfets, chercheurs, ingénieurs et autres activités seront occupées par autant de femmes que d’hommes, le langage suivra.
L’écriture inclusive pour les robots?

Selon étude menée par l’Université de Princeton sur un algorithme utilisé dans toutes sortes d’applications, l’intelligence artificielle associerait majoritairement les mots évoquant la gente féminine (fille, soeur, mère, etc.) aux notions de famille, enfants, foyer et aux arts. A l’inverse, l’algorithme rapprocherait automatiquement les hommes des notions de travail, carrière et les associe aux matières scientifiques et technologiques.

L’algorithme - né d’un concepteur subjectif - serait-il sexiste? Ou n’est-il que le reflet numérique de nos comportements individuels? Dans les deux cas, le big data alimente le risque de voir les comportements majoritaires devenir une norme. Et nous courrons aussi collectivement le risque de nous emprisonner dans nos propres conformismes. Faudra-t-il alors enseigner l’écriture inclusive aux robots? Commençons d’abord par intéresser les petites filles aux robots.

féminisme langue
https://www.challenges.fr/politique/ecriture-inclusive-le-langage-suivra-l-evolution-de-la-societe-pas-l-inverse_507614?google_editors_picks=true

Finalement, Jean-Michel Blanquer est contre l'écriture inclusive dans les manuels scolaires

Mon 16 Oct 2017 - 16:05

Je trouve que ça ajoute une complexité qui n'est pas nécessaire", plaide le ministre de l'Education.
16/10/2017 13:19 CEST | Actualisé il y a 2 heures

Geoffroy Clavel
Chef du service politique du HuffPost

Philippe Wojazer / Reuters
Le ministre de l'Education, Jean-Michel Blanquer.

EDUCATON - Il n'y aura pas de manuels scolaires pour tous et toutes. Le ministre de l'Education, Jean-Michel Blanquer, s'est déclaré lundi contre l'emploi de l'écriture dite "inclusive" à l'école, estimant que cette méthode de promotion de l'égalité entre les femmes et les hommes créait "des polémiques inutiles".

Interrogé sur BFMTV et RMC sur l'opportunité d'utiliser cette écriture dans les manuels scolaires, au moment où le gouvernement en fait la promotion à destination des TPE et des PME, le ministre a jugé que ce n'était "pas une bonne idée". "On doit revenir aux fondamentaux sur le vocabulaire et la grammaire, je trouve que ça ajoute une complexité qui n'est pas nécessaire", a-t-il estimé en redoutant que cela finisse par nuire à une "bonne" cause, l'égalité des sexes.

"Je me considère comme féministe", a-t-il précisé. "Mais je ne pense pas que ce soit le juste combat", a-t-il indiqué en désignant l'écriture inclusive comme "une façon d'abîmer notre langue".

Pour Jean-Michel Blanquer, l'écriture inclusive "ajoute une complexité qui n'est pas nécessaire" pic.twitter.com/YGDGowSr2R
— BFMTV (@BFMTV) 16 octobre 2017

L'écriture inclusive est un outil destiné à lutter contre les stéréotypes liés aux sexes et les inégalités entre les femmes et les hommes. Son caractère le plus visible est l'accord des noms et des adjectifs au féminin et au masculin lorsque c'est possible. L'emploi du point est encouragé pour mettre sur le même plan hommes et femmes lorsque c'est nécessaire. Exemple: "les électeur.trice.s votent".

Un manuel sur la sellette?

Jusqu'ici, le ministre avait plutôt affiché sa prudence vis à vis de cet outil pédagogique, encouragé par le Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes. Interrogé sur le sujet fin septembre, Jean-Michel Blanquer avait jugé "questionnable" l'utilisation de cette écriture dans des manuels : "que cette liberté soit offerte dans la vie démocratique courante, ça me paraît compréhensible. A l'école je suis plus réservé (...) quand je vois les difficultés qu'on a à bien consolider la lecture" chez les élèves.

Jean-Michel Blanquer ne s'est en revanche pas prononcé sur l'éventuelle interdiction d'un manuel scolaire de CE2 ("Découvrir le monde" paru aux éditions Hatier à la rentrée) qui utilise pour la première fois cette écriture inclusive. Le député LR Julien Aubert, qui avait réclamé son interdiction à l'école pour ne pas "transformer, sous couvert d'apprentissage à l'égalité, notre langue à des fins idéologiques", est du coup revenu à la charge.

#Blanquer se prononce sur #BFM c/ l'écriture inclusive, suite à notre lettre commune. Nous attendons qu'il retire le manuel scolaire pilote!
— Julien Aubert (@JulienAubert84) 16 octobre 2017

En 2015, le Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes avait publié un guide incitant les pouvoirs publics à adopter une communication "sans stéréotypes de sexe". Plusieurs ministères, institutions, collectivités et universités se sont depuis engagés à appliquer ces recommandations.

inclusive langue
http://www.huffingtonpost.fr/2017/10/16/finalement-jean-michel-blanquer-est-contre-lecriture-inclusive-dans-les-manuels-scolaires_a_23244490/

Sans le latin, la messe nous emmerde - Libération

Thu 12 Oct 2017 - 23:26

Hommage aux profs que j’ai eus : vieux manuels, vieilles méthodes, bienveillance. Les humanités sont la voie d’accès à notre humanité.

Quand j’étais petit, je voulais être enseignant. Mes instituteurs et mes professeurs me fascinaient par leur science : leur haute stature m’en imposait, à raison. Ils étaient des personnages sacrés, les héritiers, dans un monde en délicatesse avec les religions révélées, des clercs, ou leurs équivalents. Sans le savoir, je réactivais la Trinité des fonctions sociales bien mise en évidence par les historiens et les anthropologues : ceux qui prient, ceux qui combattent, ceux qui produisent - les laboratores, les travailleurs-laboureurs, ceux qui produisent la matière indispensable à la subsistance physique en travaillant (laborare) la terre. Mes parents appartenaient à cette troisième catégorie. Dans une société largement déruralisée depuis les années 60, les laboureurs étaient devenus les travailleurs des secteurs secondaire et tertiaire. Les professeurs, eux, ceux des écoles, des collèges et des lycées, étaient les successeurs des oratores, ceux qui prient, ceux dont le métier est d’être en relation avec une transcendance, celle de Dieu jadis, celle de la science aujourd’hui. Je rêvais de les rejoindre, et d’être un clerc - dont j’arbore fièrement la tonsure, la toge et, me dit-on, l’embonpoint…

J’ai eu la chance d’être scolarisé dans des établissements moyens, voire médiocres, inconnus des palmarès, des classements, pas spécialement courtisés par les bourgeoisies en quête de reproduction sociale, voire soigneusement évités d’icelles. Dans ces établissements, des instituteurs et des professeurs à l’ancienne. Vieux manuels, vieilles méthodes, grande bienveillance, et total investissement pour les élèves. En 5e, notre professeure de lettres, Mme Chauvin, nous faisait lire des extraits de Proust et des poèmes courtois. Elle nous faisait aussi explorer des listes de vocabulaire : chaque semaine, vingt ou quarante mots au programme ! Tous au CDI, le Centre de document et d’information, dans le Larousse ou le Robert et en avant la définition, étymologie comprise : pergélisol, analogie, métaphore, rhétorique… Tout y passait. Affreuse réactionnaire ?

Cette enseignante admirable me semblait plutôt très à gauche. Elle nous faisait comprendre, à grands coups d’anecdotes vécues, que la langue était un marqueur social : employez les bons mots, avec la bonne syntaxe, vous serez respectés. Mieux, elle nous montrait que la langue est le lieu du déploiement de la pensée, donc de la liberté. La langue, c’était aussi le théâtre : elle passait ses mercredis après-midi à nous faire jouer, écrire, répéter. Je sais que Mme Balkany a eu la Légion d’honneur, mais j’ignore si Mme Chauvin l’a obtenue. Elle ne l’a sans doute jamais demandée. En 3e, elle remettait ça : à chaques vacances, un Flaubert ou un Zola à lire, et un dossier de vingt pages à rendre. Le travail de la langue s’accompagnait de l’apprentissage de l’histoire de la littérature, et du travail en profondeur des textes. Ah oui, en 3e, on a lu et étudié Phèdre aussi. La découverte de Racine a été un trésor pour la vie. Son travail était appuyé par celui de Mme Bonnin, professeure de latin. Mme Bonnin nous motivait en nous donnant des points supplémentaires pour toute version ou tout exercice de grammaire que nous ferions en plus. Excellente méthode. Je lui dois de parler et d’écrire le français, qui est du latin simplifié, à peu près correctement.

Je suis de ceux qui ont voté François Hollande en 2012, en prenant au sérieux les déclarations du PS : en dix ans d’opposition, ils avaient fait un travail considérable, leur première année au pouvoir était prête jusqu’au décret d’application. La réforme fiscale allait être mise en œuvre, et l’Education nationale, après la dévastation des années Sarkozy, allait être réparée. Sur les deux fronts, le quinquennat passé fut un échec. Je suis de ceux qui ont pleuré de rage en voyant le latin conspué, les classes bilangues entamées, et la réforme des rythmes scolaires mise en œuvre au grand désarroi des collectivités locales. La justice sociale, brandie par la gauche au pouvoir, était bafouée : les grands lycées de centre-ville n’étaient pas fous au point de sacrifier leur latin et leurs langues. Quant aux grands établissements privés, certains font du latin, et de la grammaire dès l’école primaire, et ils ont raison.

Je ne connais pas M. Blanquer. Je n’aime pas ce qu’il dit sur l’autonomie des établissements. Mais je souscris à tout ce qu’il dit sur la langue, le latin (n’oublions pas le grec), les fondamentaux, la lecture. Les humanités sont la voie d’accès à notre humanité, tout simplement. Ma fille aînée est rentrée en maternelle. Je m’incline devant ses professeurs, devant les animateurs de la garderie, devant leur générosité et leur amour pour ces enfants. Ma gratitude à leur égard est infinie. Je suis heureux qu’elle entre dans une école qui l’exercera à la grammaire, aux mathématiques, qui lui permettra d’habiter sa langue en lui faisant faire du latin. Pour que vive la République, vive son école, ses savoirs, ses maîtres et maîtresses.

langue latin
http://www.liberation.fr/debats/2017/10/11/sans-le-latin-la-messe-nous-emmerde_1602445

How I learned English - Le Hollandais Volant

Thu 28 Sep 2017 - 16:19
langue
https://lehollandaisvolant.net/?d=2012/06/12/16/51/23-how-i-learned-english

Le nom de la « rose » ou l'épineuse question de la prononciation des mots français

Tue 18 Jul 2017 - 07:18
langue
http://theconversation.com/le-nom-de-la-rose-ou-lepineuse-question-de-la-prononciation-des-mots-francais-80914

Atlas sonore des langues régionales de France

Tue 27 Jun 2017 - 22:56
langue
http://www.ballajack.com/carte-sonore-langues-regionales-france

À qui appartient la langue française ?

Thu 15 Jun 2017 - 17:17
langue
http://theconversation.com/a-qui-appartient-la-langue-francaise-79145

Histoire des Acadiens et de l'Acadie - Le français acadien (dialecte) - Partie 2

Sat 30 Jan 2016 - 12:09

CyberAcadie - Un site Web sur l'histoire des Acadiens et de l'Acadie a disparu des écrans quand j'ai vérifié ce 2 juin 2024. Voici le texte de l'article récupéré sur web.archive.org

Introduction

En Acadie, comme dans toutes les cultures, la langue est intimement liée à la question identitaire. Petit îlot francophone dans une mer anglophone qu'est l'Amérique du Nord, l'Acadie de l'Atlantique associe la langue française à un véritable outil de promotion nationale.

L'appellation «français acadien» sert à désigner le dialecte parlé dans les provinces de l'est du Canada. Le français acadien est, avec le français québécois, l'une des deux variétés d'origines du français canadien. Le français acadien se distingue non seulement de la référence que constitue le français parisien, mais il diffère des autres variétés canadiennes de français qui se rattachent surtout au français québécois. Le caractère particulier du français acadien et son statut actuel sont le résultat de nombreux facteurs d'ordre historique, politique et social qui ont marqué la communauté de langue française qui vit aujourd'hui en Acadie et à laquelle a donné naissance un groupe de colons venus de France dans la première moitié du 17e siècle.

Les premières familles qui se sont établies en Acadie sous les auspices du sieur d'Aulnay sont issues de plusieurs régions françaises, mais les efforts de recrutement étant effectué dans certaines régions spécifiques, un grand nombre de ces ménages proviennent de l'ouest de la France, principalement : Poitou, Aunis, Saintonge, Guyenne et Pays Basque. Les recherches de Geneviève Massignon confirment ce fait. Elle a relié les noms de familles acadiennes avec ces mêmes noms retrouvés dans l'ouest de la France. Ainsi, presque la moitié de la descendance acadienne tire ses origines de cette partie de la France située au sud de la Loire. Ce fort pourcentage a forcément eu une incidence sur les caractéristiques culturelles de la communauté acadienne, notamment sur son parler, et permet par ailleurs d'expliquer les différences que l'on observe entre les communautés acadiennes et québécoises sur le plan de la langue, puisque moins du tiers de la descendance québécoise est issue de cette région française.

Une grande partie du vocabulaire des parlers populaires d'Acadie est d'origine poitevine-saintongeaise (émigration du 17e siècle). Au 17e siècle, dans la région centre ouest de la France, on parlais le poitevin et le saintongeais (poitevin-saintongeais), un patois qui a tendance à disparaître. On parlait le poitevine-saintongeaise en Vendée, ancien Bas-Poitou, dans les Deux-sèvres, la Vienne, la Charente-Maritime, la Charente, le nord de la gironde. Les parlers des Mauges (49), du Pays de Retz (44) gardent de nombreux traits poitevins.

Pour ce qui est de la Nouvelle-France (Québec actuel), plus de la moitié des colons proviennent des provinces situées au nord de la Loire (Normandie, Perche, Île-de-France, Anjou, Maine, Touraine, Bretagne, Champagne et Picardie), un tiers d'entre eux étaient originaires de provinces situées dans l'ouest de la France et au sud de la Loire et le reste des pionniers venaient de provinces qui ont fourni assez peu d'immigrants à la colonie.

Les variantes du français acadien

Plusieurs facteurs ont agi sur le développement du français acadien, dont l'éclatement de la communauté acadienne en 1755 par le biais du Grand Dérangement, l'isolement géographique qui s'ensuivit, l'absence de droits linguistiques pendant plus d'un siècle et, bien sûr, le voisinage d'une forte majorité anglophone souvent hostile et peu ouverte au fait français. La langue parlée par les Acadiens (le français acadien) est distincte du français standard et du français québécois. Le français acadien est original dans la mesure où il s'est enrichi des contacts avec les anglophones et les Amérindiens, en plus des mots hérités de la France du centre-ouest du 17e siècle. Faire zire, abrier et hardes sont des archaïsmes dont l'usage est encore courant dans certaines régions acadiennes. Le parler de La Sagouine, ce personnage célèbre de l'écrivaine Antonine Maillet, est devenu un genre d'archétype de la langue acadienne. Or, contrairement à la croyance populaire, le parler de La Sagouine constitue un accent acadien parmi tant d'autres. En réalité, l'accent de La Sagouine est peu représentatif du français acadien moderne.

Après le Grand Dérangement, les Acadiens ont formé des enclaves francophones çà et là sur le territoire des provinces de l'Atlantique. C'est grâce à la formation de ces îlots francophones que la majorité des Acadiens ont échappé à l'anglicisation. Toutefois, la distance séparant ces enclaves et leur situation minoritaire par rapport aux anglophones ont créé plusieurs variantes dans le parler acadien. C'est en parcourant les régions francophones des provinces de l'Atlantique qu'on peut constater ces variantes régionales.

Les variantes linguistiques en Acadie ne correspondent pas aux frontières interprovinciales, ni aux limites communautaires. Comme dans toute culture, le français acadien peut varier selon les individus, les générations et les groupes socio-économiques. Les parlers varient beaucoup à l'intérieur d'une même province, tant au niveau de la phonétique que du lexique. Prenons l'exemple de la Nouvelle-Écosse où le parler de Chéticamp au Cap-Breton ressemble peu à celui de la baie Sainte-Marie, mais se rapproche davantage du parler du sud-est du Nouveau-Brunswick. À Terre-Neuve, la colonisation de la péninsule de Port-au-Port s'est en partie effectuée par des Acadiens du Cap-Breton. Ainsi, le parler franco-terre-neuvien actuel s'apparente beaucoup à celui de la région de Chéticamp.

image de l'Aire géolinguistique du domaine acadien Pour sa part, le français acadien du Nouveau-Brunswick est riche de plusieurs parlers régionaux. Dans le nord-ouest et le nord-est de la province, vu la proximité géographique du Québec, il y a une nette influence québécoise sur la langue. Puisque les Acadiens de ces deux régions sont à forte majorité francophone, leur usage de mots anglais est plutôt rare. La réalité des Acadiens du sud-est de la province est cependant toute autre. Selon la linguiste acadienne Louise Péronnet, le parler traditionnel du sud-est du Nouveau-Brunswick est le plus représentatif du français acadien. On y retrouve deux parlers distincts : le premier est traditionnel, et le second, le chiac, est le parler de la nouvelle génération acadienne du sud-est du N.-B.. Le chiac est le résultat des nombreux contacts avec la communauté anglophone, surtout dans le milieu urbain de Moncton. Langue urbaine, le chiac se caractérise par le mélange du français, de l'anglais et du vieux français. Plus que partout ailleurs en Acadie, l'alternance et l'emprunt à l'anglais sont fréquents, pour ne pas dire naturels, dans les communautés acadiennes du sud-est du Nouveau-Brunswick. De plus en plus d'artistes acadiens (sud-est du N.-B.) écrivent en chiac, autant en littérature qu'en chanson. D'ailleurs, l'écriture en parler régional (non seulement en chiac) est un courant qui se manifeste dans les quatre provinces de l'Atlantique.

Le français en situation minoritaire

La première chose qui saute aux yeux, en observant la distribution actuelle de la population, est que les limites du domaine linguistique acadien ne correspondent pas à des frontières politiques. L’Acadie consiste, comme nous venons de le voir, en un ensemble d'agglomérations francophones réparties dans cinq provinces canadiennes et qui débordent sur le territoire de deux autres pays (les États-Unis et la France). Par ailleurs, les communautés acadiennes sont souvent noyées dans un environnement anglophone, ce qui contraste avec la situation de la communauté québécoise qui occupe un territoire relativement étendu et où ce sont les groupes anglophones qui sont circonscrits par les francophones.

Cette situation a des conséquences sur les plans politique et sociolinguistique. Par exemple, l'Acadie ne peut, contrairement au Québec, pratiquer une véritable gestion de sa langue. Elle est soumise à quatre juridictions différentes, si on se limite aux provinces Atlantiques. La majorité de la population acadienne, soit un quart de million de francophones, se situe à l'intérieur du Nouveau-Brunswick, concentrés dans trois grandes régions : celles de nord-ouest, du nord-est et du sud-est. La population de langue française représente aujourd'hui un peu plus de 20 % de la population totale des provinces Atlantiques, proportion s'élevant à quelque 34 % au Nouveau-Brunswick. On comprendra que, dans ces conditions, le fait français dans les provinces Atlantiques est constamment menacé.

Données géolinguistiques

L'Acadie, de par son histoire, est aujourd'hui une entité constituée de plusieurs communautés acadiennes dispersées sur un large territoire. Ces disparités géographiques ont favorisé les régionalismes linguistiques, d'où le besoin de prendre en compte la répartition géolinguistique de chaque acadianisme.

Cette répartition est très variable selon les cas : certains mots sont en usage un peu partout et peuvent se trouver également au Québec (ex. : mitaine, garrocher, achaler) alors que d'autres, très répandus, se limitent à l'Acadie, laissant supposer une origine très précise dans l'ouest de la France (ex. : bâsir, bouchure, cagouet, chalin, zire) où se trouvent d'ailleurs les principales sources lexicales acadiennes. Les acadianismes qui sont attestés un peu partout sur le territoire linguistique acadien reflètent à peu près 20 % des usages linguistiques.

Les influences linguistiques étrangères, notamment celle du français québécois, ont affecté la vitalité des acadianismes dans certaines régions. Plus l'influence du français québécois est grande, plus la masse démographique acadienne doit être importante pour la contrecarrer. Certaines régions, comme la Basse-Côte-Nord, les îles de la Madeleine et le sud de la Gaspésie, tous peuplés d'Acadiens à l'origine, témoignent davantage aujourd'hui de l'influence linguistique québécoise. Le même phénomène se produit aux îles Saint-Pierre et Miquelon, d'abord habitées par des Acadiens venus de France après la signature du traité de Paris en 1763. L'influence de la France tend aujourd'hui à effacer la couleur acadienne qui a prévalu sur ces îles à ses débuts. Enfin, il est évident que l'influence de la langue anglaise est un facteur décisif dans la vitalité linguistique francophone de certaines régions acadiennes, telles que la côte ouest de Terre-Neuve, la région de Tignish sur l'Île-du-Prince-Édouard et la région de Pomquet en Nouvelle-Écosse.

Ces différentes influences expliquent qu'aujourd'hui, la zone linguistique la plus homogène se trouve dans les régions acadiennes des provinces Maritimes où le nombre élevé de locuteurs francophones favorise sa vitalité linguistique. Le pourcentage d'acadianismes retrouvés un peu partout dans les provinces Maritimes est deux fois plus élevé que celui qui englobe tout le territoire linguistique acadien, évalué précédemment à environ 20 %.

L'isolement des différentes communautés acadiennes a fait en sorte que presque la moitié des usages ne sont attestés que dans certaines régions bien spécifiques : des acadianismes ne sont relevés que dans une seule région (ex. : assaye dans le sud-ouest de la Nouvelle-Écosse, rempart sur l'Île-du-Prince-Édouard), tandis que d'autres sont utilisés un peu plus largement dans deux ou trois régions avoisinantes (ex. : gorziller et baraque au Cap Breton et aux îles de la Madeleine). Les régions avoisinant le golfe du Saint-Laurent ont souvent en commun des termes de pêche inusités ailleurs (ex. : chafaud, saline, nove); cette distribution s'explique par le contact régulier des pêcheurs des différentes régions, alors que la mer agissait autrefois comme principal moyen de déplacement et donc, d'échange. Pour certaines régions insulaires, cette dépendance est toujours actuelle.

Certaines attestations régionales ne correspondent pas à un territoire homogène; cette répartition sporadique peut s'expliquer en partie par le vieillissement de certains termes, entraînant leur absence dans certaines régions (ex : caristeaux, foulerie, perlache). Dans d'autres cas, le mystère demeure quant à leur répartition disparate (ex : rusillon, attesté au sud-est du N.-B., au sud-ouest de la N.-É. et sur la Basse-Côte-Nord).

image aires géolinguistique du domaine Cadien La Louisiane joue un rôle non négligeable dans la vitalité du lexique acadien en Amérique du Nord. Longtemps isolés de leurs racines acadiennes, les Cadiens Louisianais ont conservé des termes qui ont presque disparu des provinces de l’Atlantique aujourd'hui et qu'on peut dénicher dans certaines régions isolées, derniers bastions d'une partie du patrimoine lexical acadien. Nous avons répertorié, par exemple, une trentaine d'acadianismes du sud-ouest de la Nouvelle-Écosse dont on n'a pu retrouver d'autres traces qu'en Louisiane (ex : embaucher, niger, pienque).

Enfin, ce n'est pas parce qu'une région comprend une plus forte population acadienne que nous y trouvons plus d'acadianismes; ce sont plutôt les régions le plus à l’abri des autres influences linguistiques (notamment celle du français québécois) qui renferment le plus grand nombre d'acadianismes. On retrouve, par exemple, un nombre élevé d'acadianismes dans le sud-ouest de la Nouvelle-Écosse, en comparaison avec le nord-ouest du Nouveau-Brunswick qui, pourtant, représente un nombre de francophones beaucoup plus important.

Données historiques

Les acadianismes répertoriés tirent leur origine de trois principales sources : les langues gallo-romanes (comprenant les parlers de France et le parler de l'Île-de-France), la langue anglaise et les langues amérindiennes (notamment le micmac). Sur l'ensemble des emplois traités, 90 % semblent découler des parlers gallo-romans (dont 50 % ont été relevés dans les dictionnaires français ou les parlers régionaux), 6 % à l'anglais et 3 % aux langues amérindiennes. 1 % des mots sont d'origine inconnue ou obscure.

Les acadianismes d'origine française constituent donc la partie la plus importante du lexique acadien étudié. Pour ces mots dont l'origine a pu être bien délimitée, nous pouvons attester que 55 % d'entre eux sont hérités des parlers régionaux de France (dialectalismes) et que 45 % d'entre eux proviennent du français général de l'époque (archaïsmes). Parmi les mots consignés dans les dictionnaires français, quelques-uns présentent des attestations plus anciennes en Acadie qu'en France (ex.: décolleur, piqueur, vigneau). Pour les mots dont les origines françaises sont incertaines, plusieurs d'entre eux semblent pouvoir se rattacher à la langue française en présentant soit une extension de sens d'un mot déjà consigné (acadianisme sémantique) ou encore en étant un dérivé d'un mot français (acadianisme formel).

La consultation de nombreux ouvrages traitant des régionalismes en France nous permet de rapprocher les acadianismes de leurs régions d'origine : l'ouest atteste presque la moitié des acadianismes relevés. Viennent ensuite le nord-ouest qui en compte entre 15 et 20 %, le centre avec moins de 10 %, et le nord et l'est avec moins de 5 %. Ces pourcentages sont éloquents : plus de la moitié des acadianismes hérités des parlers de France peuvent être retrouvés dans l’ouest, d'où sont partis les premiers colons français venus peupler l'Acadie. Ces données viennent en outre appuyer les travaux de Genevève Massignon à ce sujet. Enfin, il est intéressant de noter les nombreux cas d'attestations d'acadianismes dans les parlers de Bourgogne, pourtant une région assez éloignée de l'Ouest.

Quant à ce qu'on appelle traditionnellement des «archaïsmes», ce sont des emplois qui faisaient partie de la langue générale au moment de la colonisation et qui, depuis, ne sont plus en usage en France, alors qu'ils continuent d'être employés en Acadie. On trouve généralement ces emplois sans marque dans les dictionnaires généraux des 17e, 18e ou 19e siècles, mais ils ne sont plus attestés dans les dictionnaires contemporains ou y sont présentés avec les marques «vieux», «vieilli» ou «archaïque». Le faible pourcentage d'archaïsmes relevés dans les emplois d'origine gallo-romane (23 %) remet en cause la croyance populaire qui veut qu'une bonne partie, voire la majorité du lexique acadien, soit issue de l'ancien ou du moyen français. Il est intéressant de constater que beaucoup de ces emplois continuent de vivre non seulement en Acadie, mais dans les parlers régionaux de France (marqué vieux ou régional dans les dictionnaires) (par ex. : haim ou platin ).

Plusieurs des archaïsmes relevés ont eu une longue vie en français et ne sont tombés dans l'oubli qu'au cours du dernier siècle. Nous pensons à des mots comme espérer, au sens d'«attendre», attesté depuis le 12e siècle jusqu'en 1870. Baillarge, relevé au début du 15e siècle et qui n'a reçu le statut régional qu'à partir de 1900. Certains archaïsmes sont tombés après avoir été en concurrence avec un synonyme pendant un certain temps. Ainsi en est-il de bailler qui, relevé au 12e siècle par Godefroy, attesté ensuite au 16e siècle chez Dupuys, a perdu de sa popularité au profit de «donner» dès la fin du 17e siècle. Aviser a subi le même sort : attesté chez Dupuys au 16e siècle, il est considéré d'usage «bas» dès la fin du 17e siècle, pour être finalement remplacé par «apercevoir». Aviser est toutefois demeuré très vivant dans les parlers régionaux. Mitan, relevé au 12e siècle par Godefroy, a perdu ses lettres de noblesse en français dès le 17e siècle devant «milieu», mais demeure également très répandu dans les parlers régionaux. On peut encore citer le verbe hucher qui a cédé le pas devant «crier» depuis le 17e siècle, mais qui est toujours très usité en région.

D'autres acadianismes hérités de France ont été consignés parce qu'ils ont aujourd'hui, en France, la marque «littéraire» alors qu'ils sont d'usage courant en Acadie. C'est le cas par exemple de déconforter, bénaise ou serein.

Dans la catégorie de mots tirés du domaine gallo-roman, certaines recherches linguistiques indiquent en outre des rapports avec le vocabulaire maritime. Nos données semblent confirmer cette hypothèse : certains termes ont gardé le sens maritime, en devenant tout simplement un terme d'usage général (ex.: noroît, fayot), tandis que d'autres termes ont évolué sémantiquement pour représenter davantage une réalité qui n'avait plus nécessairement de rapport avec la vie des marins (ex.: amarre, paré, débarquer, abrier et balise).

Enfin, à partir de mots hérités de France, les Acadiens ont souvent innové. Par exemple, pilot, en référence à la culture du sel dans l'ouest de la France, a été repris dans un sens beaucoup plus large en Acadie. Outre des extensions de sens à partir de termes maritimes, on trouve également de nombreuses innovations sémantiques pour rendre compte des réalités géographiques, naturelles, culturelles et sociales du Nouveau Monde (par ex.: violon ; passe-pierre ; marionnettes et lances).

L'apport d'anglicismes dans le français acadien n'est pas un phénomène nouveau. Ces emprunts ont été repris directement de l'anglais (ex.: feed , berry) ou ont été intégrés au français après une adaptation formelle et phonétique (ex. : buckwheat deviendra bocouite ; to bail deviendra béler). D'autres ont fait l'objet d'une traduction (ex. : trial deviendra assaye).

Quant à l'apport amérindien, malgré l'importance des Amérindiens dans la survie et le développement de la communauté française en Acadie au début de la colonisation, peu d'amérindianismes ont été intégrés au français acadien. En raison du fait que les systèmes linguistiques en présence (français et le plus souvent micmac) n'avaient absolument rien en commun, les emprunts ont fait l'objet de transformations qui rendent parfois difficile la recherche de l'origine amérindienne (par ex. : neskawe deviendra escaouette; kwemoo deviendra couimou) ; l'exemple de maskwe qui a donné de nombreuses variantes (machcoui, maskoui, machecoui, machekoui, mashcoui, mashquoui) montre bien la difficulté pour les Français de comprendre la langue amérindienne.

Enfin, un pourcentage non négligeable d'acadianismes est d'origine vague ou inconnue. Ce purgatoire» comprend quelquefois des termes servant à définir les réalités géographiques, naturelles, culturelles et sociales du Nouveau Monde, et semble constituer des innovations formelles ou sémantiques acadiennes (ex.: bûcherie, passe-pierre).

Dans un dernier temps, il faut signaler l'importance de la répartition géolinguistique dans l'étude historique. Des données, comme l'attestation de certains acadianismes dans les aires des îles Saint-Pierre et Miquelon et en Louisiane, ont souvent apporté un éclairage essentiel à la compréhension de certains faits linguistiques, notamment en permettant de mieux dater ces faits. Ainsi, un exemple intéressant à ce sujet est le mot poutine, que certains auteurs ont rattaché à la forme anglaise pudding; cette hypothèse peut être plausible en considérant qu'il s'agit ici de deux plats de cuisine. La forme poutine est cependant attestée en Louisiane, ce qui suppose qu'elle fut courante durant et peut-être avant le 18e siècle; cette présence à l'époque de la dispersion jette alors un doute sérieux sur ses origines anglaises, puisque les emprunts à l'anglais étaient alors quasi inexistants.

Lexique des acadianismes sur cette page:

- Abrier : Couvrir, mettre à l'abri. S'abrier avec une couverture. Attesté partout en Acadie et au Québec.

- Amarre : Toute corde, ficelle, câble servant à lier, à attacher. Amarre de souliers. Attacher un piquet avec une amarre. En France, amarre signifie «cordage servant à attacher un bateau à un point fixe ou à attacher divers objets dans un bateau».

- Assaye : Procès en cours de justice. Avoir son assaye dans trois semaines.

- Aviser : (1) Apercevoir, regarder attentivement. On a avisé l'ours tout d'un coup. S'aviser dans un miroir. – (2) Se renseigner (attesté en Louisiane)

- Baillarge : Orge, comme dans soupe au baillarge. Au Québec, on dit orge ou encore barley dans la locution soupe au barley.

- Bailler : Donner. Bailler son argent, bailler du travail à quelqu'un. (Note historique : Héritage de France ; attesté en français dès le milieu du 12e siècle. La forme bailler garde en Acadie au 20e siècle le statut qu'elle avait au début du 17e siècle en France, c'est-à- dire qu'elle maintient un usage souvent aussi fréquent que son synonyme donner.

- Balise : Arbuste placé de manière à indiquer le tracé d'une route, d'un chemin en hiver.

- Béler : Écoper, vider, notamment en parlant de l'eau accumulée dans une embarcation. Béler l'eau de sa chaloupe avec un seau.

- Bénaise : Content, heureux. Je suis bénaise de vous voir.

- Berry : Airelle vigne d'Ida (Vaccinium vitis- idaea), plante rampante qui produit de petits fruits rouges, pouvant être employés dans la confection de gelée ou de sauce, tout comme la canneberge.

- Bocouite : Sarrasin. Farine de bocouite, crêpe de bocouite.

- Bûcherie : Travail communautaire organisé pour couper du bois, notamment du bois de chauffage.

- Couimou : Nom commun donné au plongeon, notamment le plongeon huard (Gavia immer) et le plongeon catmarin (Gavia stellata).

- Débarquer : Sortir d'un véhicule. Nous débarquons d'une voiture comme les marins d'un navire, d'une barque.

- Décolleur : Personne qui tranche la tête de la morue et vide le poisson de ses entrailles, après qu'il eut été ouvert par le «piqueur».

- Déconforter : Se décourager. (Note historique : Héritage de France ; attesté en français comme verbe transitif dès 1050 sous la forme desconforter, puis déconforter depuis la fin du 17e siècle. Relever en outre sous la forme pronominale dans les parlers du Nord et du Nord Ouest, et transitif en Anjou).

- Escaouette : Danse exécutée par les quêteurs de la chandeleur. La danse de l'escaouette.

- Espérer : (1) Attendre quelqu'un ou quelque chose. J'espère le courriel. Espérer un enfant : être enceinte. (2) Attendre de faire quelque chose. Espérer à gagner la loterie.

- Fayot : Partie comestible du haricot (Phaseolus vulgaris), comprenant soit les cosses, soit les graines seules (fèves). Fayot blanc, vert ; Cosse de fayots. Soupe aux fayot. Au Québec, fève désigne le haricot, soit le fayot acadien, tandis que fève en Acadie désigne la grosse fève (Vicia Faba), soit la gourgane au Québec.

- Feed : Nourriture, notamment du grain moulu, pour animaux de ferme. Feed de cochon, de cheval. Sac de feed.

- Haim : Hameçon. Jeter son haim à l'eau. Aussi relevé sous la graphie «aim».

- Hucher : Appeler quelqu'un à haute voix. Hucher à son voisin, hucher fort.

- Machcoui : Écorce du bouleau blanc qui servait autrefois d'isolant pour les murs et les toitures.

- Marionnettes (Lances) : Aurore boréale, manifestation lumineuse déclenchée pas l'activité du soleil sur les électrons dans l'atmosphère qui éclairent par certains soirs les régions polaires du ciel de brillants jeux de couleur aux mouvements incessants.

- Mitan : Milieu, centre. Le mitan de la place. Le poêle au mitan de la cuisine.

- Noroît : Vent qui souffle du Nord-ouest.

- Paré : Prêt. Le souper est paré. Es-tu paré pour partir ?

- Passe-pierre : Plantain maritime, herbe comestible affectionnant les sols salés, poussant en touffes de petite taille dans les marais.

- Pilot : Tas, pile. Pilot de bois. Mettre en pilot; mettre (des morues) en tas pour les faire sécher.

- Piqueur (ou piqueux) : Personne qui ouvre la morue (poisson) avec un couteau pointu pour qu'elle soit ensuite vidée de ses entrailles par le «décolleur».

- Platin : Terrain bas et humide au ras de l'eau, qu'on exploite notamment pour la culture du foin, et qui peut être inondée périodiquement par la débâcle du printemps ou par les fortes marées de printemps ou d'automne. En France, le platin s'associe davantage à la partie de la plage ou du haut-fond qui subit l'action quotidienne des marées.

- Poutine : Mot d'un emploi universel en Acadie, pouvant désigner cinq ou six mets différents (Poutine râpée ; Poutine à trou ; Poutine à la râpure …). À ne pas confondre avec la «Poutine» au Québec, qui est un met à basse de pomme de terre frite, fromage et sauce.

- Serein : Humidité ou fraîcheur dans l'air à la tombée du jour.

- Vigneau : Table en treillis construite en bordure de l'eau, sur laquelle on fait sécher la morue au soleil, après que le poisson ait été vidé et salé.

- Violon : Mélèze laricin (Larix laricina), conifère atteignant 19 à 22 mètres de hauteur, qui se dépouille de ses feuilles à l'automne et dont le bois résiste à la pourriture. Bois de cet arbre. Bois et écorce de violon. Au Québec, on dit épinette rouge. 

Liens intéressants ( à rechercher et confirmer)
Dictionnaire français / poitevin-saintongeais en ligne
Dictionnaire acadien-français
Dictionnaire Poitevin-saintongeais
Histoire (ou plutôt "istoere") de la langue poitevine-saintongeais

Source
texte, définitions et images : Dictionnaire du français acadien, Yves Cormier, Éditions Fides, 1999.ISBN 2-7621-2166-3,
Dernière mise à jour : ( 20-08-2008 )

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