Au Brésil, votre nom usuel n’est pas forcément celui qui est inscrit sur votre carte d’identité. En la matière, on adore raccourcir, simplifier, inventer, choisir.
“Quel est ton nom ?” C’est toujours la première question que l’on vous pose au Brésil lors d’un premier contact.
Attention au piège : au Brésil, le nom c’est le prénom, le plus utilisé dans la vie courante et même professionnelle. Peu de formalisme. Mais c’est plus subtil : parfois, en cas de prénom commun comme Antonio ou Maria ou pour d’autres raisons, on utilisera le sobrenome, le nom de famille. Il n’y a pas vraiment de règle, juste de l’habitude et de la praticité. Une autre pratique courante au Brésil est l’utilisation d’un surnom ou apelido. Qui s’intéresse un tant soit peu au futebol le sait bien : beaucoup de joueurs brésiliens sont connus par leur surnom, comme le “roi Pelé”. Mais cela peut aussi s’appliquer à un président de la République : Luiz Inácio da Silva est devenu Lula pour tous et quasi officiellement ! On aime bien aussi abréger les prénoms trop longs : un diminutif est plus chaleureux, plus intime. Fernando devient Nando ; Rosangela, Rô ; José, Zé ; Francesca, Chica ; Raimundo, Rai ; Juliana, Ju…
Des noms de famille au choix
Par contre, pour les noms de famille, c’est une histoire plus compliquée. En fait, on a l’impression que chacun fait un peu ce qu’il veut : tout commence par le choix du ou des parents à la naissance de l’enfant. Lequel peut recevoir un seul nom de famille… ou alors beaucoup plus ! Un exemple : pour l’état civil brésilien, il s’appelle Oscar Ribeiro de Almeida Niemeyer Soares Filho ; pour le monde entier, son nom est célèbre et se résume simplement à Oscar Niemeyer. Mais le nom de Niemeyer est celui de sa grand-mère maternelle d’ascendance allemande, pas celui de ses parents ! Au Brésil, on choisit son nom.
On connaît rarement le nom officiel et complet des gens hors d’un contexte administratif. Chaque fois que j’en ai l’occasion, comme avec mes étudiants, c’est une invitation à un véritable voyage dans l’immigration brésilienne des siècles derniers. Bien sûr les noms d’origine portugaise prédominent mais, en particulier dans le sud du pays, ils cohabitent avec plein d’autres origines. Vous pourriez bien tomber sur un Gilberto Soares Manzini Neuman Yamazaki ! Mais un de ces noms pourrait tout aussi bien être espagnol, polonais ou… français ! Le grand brassage.
Il y a d’autres cas de figure. À un collègue dont le nom de famille est Amado, je demande si sa famille est d’ascendance portugaise, espagnole ou italienne. Il s’en amuse : “Non, aucune des trois ! Mon grand-père est originaire du Liban. Il s’appelait Habib mais arrivé ici au Brésil, il a absolument voulu “portuguiser” son nom : Habib est logiquement devenu Amado !” On peut comprendre ce grand-père : les Brésiliens ont souvent bien du mal avec tous ces noms étrangers difficilement prononçables. C’est ce qui m’est arrivé lors de mon premier voyage au Brésil. J’ai dû donner mon nom à une agence de voyages pour l’émission d’un billet de bus. Bêtement j’ai donné mon nom de famille. Erreur fatale : Pouillaude est tout simplement incompréhensible et imprononçable pour un Brésilien. L’employée bahianaise l’écrivit difficilement après que je l’avais épelé bien lentement. Puis elle me regarda avec un grand sourire et me dit : “Oh, mon amour ! Si tu veux vivre dans ce pays, je te donne un bon conseil : change de nom ! ”
À première vue, on ne comprend rien. C’est illisible. Une écriture cursive, des graphies particulières et des termes de l’époque. Bienvenue dans les manuscrits de la Nouvelle-France! Tous les historiens et les généalogistes vous le diront : plonger dans les documents de cette période est une grande source de frustration parce que déchiffrer et transcrire le contenu de ces écrits est exigeant et demande un temps fou.
On estime qu’il y a environ 1,5 million de pages relatives aux archives de la Nouvelle-France dans le seul réseau de Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BANQ), souligne Rénald Lessard, spécialiste de la Nouvelle-France et archiviste coordonnateur au sein de la vénérable institution québécoise.
C'est le bloc d'archives le plus important sur le premier empire colonial français en dehors de la France.
Une partie de ces documents originaux a été numérisée et mise en ligne par BANQ. Bien qu’un court texte résume le contenu de ces documents, on est encore loin d’une transcription complète et détaillée de chacune de ces pages. En conséquence, une grande partie des archives de la Nouvelle-France ont été vues, mais elles n’ont pas nécessairement été lues.
Maxime Gohier codirige avec son collègue Léon Robichaud le projet Nouvelle-France numérique. Tous deux professeurs d’histoire, l’un à l’Université du Québec à Rimouski (UQAR), l’autre à l’Université de Sherbrooke, ils rêvaient depuis longtemps d’un outil qui permettrait de mettre en parallèle des documents d’archives et leur transcription, tout en ayant la possibilité de les partager.
"Je fouillais sur Internet, puis à un moment donné, je tombe sur le site web de Transkribus", se rappelle Maxime Gohier. Transkribus est un nouveau logiciel développé en Autriche par la coopérative Read. Le système met à profit des techniques d’apprentissage profond et d’intelligence artificielle pour transcrire des séries de documents anciens.
Je venais de découvrir un peu le Saint-Graal que les historiens cherchent.
Le logiciel permet d’accéder à des modèles génériques de reconnaissance et de transcription de manuscrits, mais il permet aussi de développer des modèles plus spécifiques pour la transcription de textes particuliers, comme ceux de la Nouvelle-France.
Des historiens, des professeurs, des étudiants et des généalogistes spécialisés en paléographie ont graduellement corrigé les épreuves du logiciel pour lui apprendre à reconnaître des graphies particulières, des lettres, des nombres, des abréviations ou des termes de l’époque.
Au projet Nouvelle-France numérique se greffe un projet de science participative. Pierre Dubois a cofondé avec André Morel les Gardenotes, un regroupement de paléographes fascinés par les documents anciens.
Ce sont, pour la plupart, des généalogistes qui ont développé une grande aptitude à lire des documents manuscrits de l’époque. Grâce à leur expertise et à leur participation bénévole à l’entraînement des modèles, la performance de lecture du logiciel de transcription s’améliore.
On arrive avec un taux d’erreur de 5 % environ. C'est spectaculaire! Même nous, on n'y croyait pas au départ.
Une fois que la capacité de transcription du modèle est optimisée, à l’aide d’environ 200 pages d’entraînement, on peut lui soumettre des milliers de pages du même auteur avant que la transcription complète ne s'effectue en un clin d'œil.
"C’est là qu'on tombe dans la haute performance. Un notaire a pu laisser un greffe de 15 000 à 20 000 pages qu'on peut transcrire à 5 % d'erreurs. C'est extraordinaire!", s’exclame le professeur Maxime Gohier.
Des personnages oubliés
Avec la transcription de milliers de pages vient la capacité de réaliser des recherches dans les textes et de redécouvrir des morceaux de la grande et de la petite histoire de la Nouvelle-France, de voir surgir des personnages oubliés de l’histoire.
"Ça change tout. La vieille méthode de travail est complètement révolutionnée", s’enthousiasme Dominique Deslandres, professeure d’histoire à l’Université de Montréal.
Elle s’intéresse aux documents du premier tribunal de Montréal. Elle est à la recherche de femmes et d’esclaves dans les procès civils et criminels. À sa grande surprise, elle a découvert, dans le premier registre d’audience, une certaine Marie Pournin, étroite collaboratrice de Jeanne Mance à l’Hôtel-Dieu.
"En Nouvelle-France, il n'y avait pas d'avocat, les gens se représentaient eux-mêmes. La personne est interrogée, elle explique toutes sortes de choses. Donc, on voit et on entend des personnes qui n'ont laissé aucune autre trace que celle-là dans les archives", ajoute Dominique Deslandres.
Accéder à cette masse de documents manuscrits ouvre aussi la voie à de nouvelles recherches, plus pointues, qui seraient impossibles à réaliser à moins de lire ces documents, page par page.
"Ça va nous permettre de travailler plus en profondeur sur des individus, des lieux, des sujets, parfois plus terre à terre, comme la présence de chiens en Nouvelle-France, des choses qui passent sous le radar en temps normal. Les possibilités sont énormes", renchérit Rénald Lessard de BANQ.
Le grand public aura-t-il bientôt accès à ces transcriptions des archives de la Nouvelle-France? Le projet reste à venir. D'abord, il y a un coût lié à l'utilisation de la technologie, rappelle Maxime Gohier, mais c'est également une question de propriété d'images. Certaines sont publiques, d’autres sont privées et, bien que plusieurs soient prêts à les transmettre, il reste encore du travail à faire de ce côté-là.
Le canton inhabité d’Entremont, de forme rectangulaire, se situe dans la réserve faunique La Vérendrye, en Abitibi-Témiscamingue, un peu au nord du lac Cocôwan, une des composantes du réservoir Dozoi, et à environ 20 km à l’est de la baie Kawastaguta du Grand lac Victoria. Son territoire, au relief plutôt accidenté, contient bon nombre de petits plans d’eau, dont le lac Tesserie. Il est également irrigué par deux rivières importantes, la Canimiti et la Chochoucouane, qui créent un confluent au centre du territoire. Depuis le 20 décembre 1955, il porte le nom d’un gentilhomme normand, Philippe Moius d’Entremont, dont les origines se trouveraient toutefois en Savoie. Les titres de noblesse de la famille d’Entremont, ayant émigré en Normandie au XVIe siècle, remonteraient, selon certains, au XIe siècle. D’autres affirment cependant que c’est Louis XIV (1638-1715) qui fit de Philippe Mius le sieur d’Entremont. Quoi qu’il en soit, il existe aujourd’hui en France deux communes appelées Entremont, et toutes deux se trouvent dans l’ancienne province de Savoie, définitivement incorporée à la France en 1860 ; les deux tiennent leur nom de leur situation géographique entre de hautes montagnes. L’une d’entre elles, à 791 m d’altitude au cœur des Alpe françaises, s’étend sur le Borne, dans le département de la Haute-Savoie, à quelque 25 km au nord-est d’Annecy, et à environ 40 km au sud-est de Genève, en Suisse. Les touristes y découvriront notamment les ruines d’un monastère du XIIe siècle, érigé en Abbaye en 1154 mais supprimé en 1772, ainsi qu’une église, construite également au XIIe siècle, mais profondément modifiée jusqu’au XIXe siècle.
L’autre commune, Entremont-le-Vieux, sise à 840 mètres d’altitude, se situe sur le Cozon, dans la partie ouest de la Savoie, à une quinzaine de kilomètres au sud de Chambéry, préfecture de département. Là, on peut y voir les ruines d’un château. Le sieur d’Entremont naquit vers 1609, probablement à Cherbourg, en Normandie. En 1650 ou 1651, il fut amené en Acadie par son ami, le nouveau gouverneur Charles de Saint-Étienne de La Tour, comme lieutenant-major et commandant des troupes du roi. Deux ou trois ans plus tard, Entremont reçut, en récompense pour ses services, le fief Pobomcoup (aujourd’hui Pubnico, en Nouvelle-Écosse) à titre de baronnie.
Il assuma plusieurs fonctions dans la colonie, devenant même, vers 1670, procureur du roi, puis il s’occupa du développement des terres qui lui avaient été attribuées. Il mourut en Acadie au début du XVIIIe siècle. Sa descendance demeure nombreuse en Nouvelle-Écosse, et tout particulièrement, à Pubnico.
Au Québec, en plus d’un canton, le toponyme Entremont désigne un lac, situé précisément dans le canton d’Entremont, sur le cours de la rivière Canimiti, et des voies de circulation, à Sainte-Foy, Saint-Marc-des-Carrières et Amos.
Proclamé en 1966, le canton d’Entremont est situé au nord du réservoir Dozois, dans la réserve faunique La Vérendrye. Ce canton de présente comme un ensemble hydrographique compliqué où l’on distingue à peine la rivière Chochoucouane et la rivière Canimiti, au sein de très nombreuses étendues d’eau. Son relief, accidenté et brisé, varie entre 350 et 537 mètres d’altitude. En dénommant ainsi cette unité géographique en 1955, on a voulu honorer la mémoire du Normand Philippe Mius ou Muis (né vers 1609 et mort vers 1700). En 1650 ou 1651, il est amené en Acadie par le nouveau gouverneur Charles de Saint-Étienne de La Tour comme lieutenant-major et commandant des troupes du roi. Deux ou trois ans plus tard, il reçoit en récompense le fief Pobomcoup (Pubnico, Nouvelle-Écosse), à titre de baronnie, et y construit son château. Cette baronnie est demeurée un bien familial jusqu’à la dispersion des Acadiens, en 1755. Les descendants qui portent ce nom d’Entremont sont encore nombreux.
Noms et lieux du Québec, ouvrage de la Commission de toponymie paru en 1994 et 1996 sous la forme d’un dictionnaire illustré imprimé, et sous celle d’un cédérom réalisé par la société Micro-Intel, en 1997, à partir de ce dictionnaire.
(Source : La France et le Québec. Des noms de lieux en partage. Commission de toponymie du Québec, les Publications du Québec, l’Association française pour l’information géographique, 1999).
À l'origine, la tradition du parrainage trouve sa source dans la religion catholique. Lors du baptême, l'enfant se voyait désigner un parrain et une marraine chargés de lui assurer une présence spirituelle et le guider vers la foi. Ces figures intronisées devaient alors assister à tous les événements religieux ponctuant la vie de leur filleul, une pratique encore d'actualité.
«C'est par tradition religieuse et par tradition familiale qu'on a automatiquement pris un parrain et une marraine pour notre enfant, raconte Capucine, 30 ans, catholique et croyante, dont le bébé sera bientôt baptisé. Selon nous, c'est important qu'il soit guidé spirituellement sans que ce soit forcément par le regard de ses parents.»
Peu à peu, le parrainage s'est pourtant décorrélé de la religion. Les personnes non croyantes peuvent désormais organiser un baptême civil au cours duquel un parrain et une marraine sont désignés, ou même choisir de nommer ces figures en dehors de tout cadre officiel.
«Il y a une diversification du parrainage qui correspond à la perte d'importance de la religion chrétienne, analyse le sociologue Gérard Neyrand, spécialisé dans les questions de parentalité et de mutations familiales, et auteur de Le Dialogue familial – Un idéal précaire. Aujourd'hui, les gens sont moins pratiquants, il y a donc une baisse de l'importance du parrainage religieux, qui reste toujours présent quant à sa valeur symbolique mais qui peut désormais être déplacé sur d'autres personnes que sur les membres de la famille.»
Plus besoin d'être catholique, soi-même baptisé ou avec un lien de parenté pour être le mentor de l'enfant. Les critères du parrainage sont devenus plus souples et adaptés à la société actuelle.
Beaucoup pensent toujours que le parrainage implique la garde de son ou sa filleule en cas de décès des parents. Les parrains et marraines ne sont pourtant pas automatiquement tuteurs légaux en cas de problème, sauf si le testament le mentionne explicitement.
«Jusqu'à un temps relativement récent, la mortalité précoce était beaucoup plus importante qu'aujourd'hui, donc les parents avaient effectivement besoin d'être remplacés par le parrain ou la marraine, c'était un réel engagement, retrace Gérard Neyrand. Aujourd'hui, on sait que les enfants élevés dans une famille vont vraisemblablement le rester jusqu'à leur majorité, donc cette fonction a disparu mais sa valeur symbolique demeure.»
«Bien souvent, les parrains et marraines font des cadeaux aux enfants, sont une présence supplémentaire valorisée mais pas beaucoup plus.» Gérard Neyrand, sociologue spécialisé dans les questions de parentalité et de mutations familiales
Si le rôle des parrains et marraines n'est plus (exclusivement) d'accompagner l'enfant dans son éducation religieuse, leur fonction spirituelle traditionnelle reste enracinée. Il s'agit ainsi d'être un guide pour l'enfant, une figure de confiance sur laquelle il peut compter. «Le rôle d'une marraine, selon moi, c'est un accompagnement, un renfort des parents, détaille Maria, 62 ans, que la fille d'une de ses amies a choisie comme marraine après s'être fait baptiser à 16 ans. Je suis là pour elle, on s'appelle, on garde un lien. Je me sens engagée non pas dans un rôle parental mais dans un rôle de conseillère, un référent adulte de confiance.»
Au-delà de ce rôle symbolique, la fonction de parrain et de marraine se double d'une fonction plus concrète dans la vie de l'enfant. Passer du temps avec lui, lui offrir des présents ou se substituer parfois aux parents en cas de défaillance. «On attend d'eux qu'ils rendent aussi bien de menus services pour “remplacer les parents” (garde de leur filleul pendant les vacances, aide scolaire, aide financière) que de grands services si le besoin s'en fait sentir», analyse l'anthropologue et historienne Agnès Fine, l'une des seules à travailler sur le sujet du parrainage, dans un article paru dans la revue Lien social et politiques.
Une mission pratique à remettre en cause selon Gérard Neyrand, qui souligne un rôle dont les contours restent flous. «Bien souvent, les parrains et marraines font des cadeaux aux enfants, sont une présence supplémentaire valorisée mais pas beaucoup plus, précise le professeur émérite à l'Université de Toulouse et responsable du Cimerss (Centre interdisciplinaire méditerranéen d'études et de recherches en sciences sociales). Ils ont rarement une fonction directement concrète, même s'ils peuvent éventuellement apporter un bénéfice à l'enfant par la suite.»
Un constat partagé par Charline, 28 ans, qui n'observe pas une influence tangible de ses mentors: «Plus jeune, c'était le petit plus. Mais aujourd'hui, je ne les vois pas souvent et je suis un peu indifférente au fait d'en avoir.» Ce détachement est notamment induit par le fait que la fonction est occupée par son oncle et sa tante.
Ce choix familial, effectué dans le cadre d'un baptême républicain, est là encore hérité de la religion. «Pendant longtemps, les parrains et les marraines étaient choisis dans le cercle familial, souvent pour faire honneur à un membre de la famille», confirme la psychanalyste Nicole Fabre, interrogée par La Croix.
Si la tradition persiste, de nombreux baptêmes civils sont aujourd'hui célébrés et les parrainages puisés dans un cercle moins restreint. Le choix se porte alors souvent sur quelqu'un de proche géographiquement et affectueusement. «C'est désormais une question de proximité affective, décrypte Gérard Neyrand. On constitue une famille qui serait choisie plutôt que subie, puisque les parrains et les marraines peuvent être des proches, des amis, des personnes de confiance. Cela diverge très nettement du parrainage religieux dont les critères étaient très stricts.»
«Le fait d'estampiller le mot “marraine” a officialisé quelque chose, c'est comme si je faisais partie de la famille désormais.» Maria, 62 ans
D'après le sociologue, le parrainage contemporain implique surtout un suivi bienveillant de la part de personnes avec lesquelles les parents entretiennent un lien positif. «Désigner un parrain ou une marraine est une occasion privilégiée offerte aux parents pour signifier un sentiment d'affection ou d'amitié à l'égard de tel ou tel membre de la parenté. Mais affirmer la prérogative des parents ne veut pas dire pour autant que leur choix se fait sans principes, nuance Agnès Fine. On doit choisir un parent proche en équilibrant les branches paternelle et maternelle.» C'est d'ailleurs le cas de Capucine et son mari, qui ont sélectionné des proches de leurs familles respectives pour assumer cette responsabilité.
La vitalité actuelle du parrainage invite à s'interroger sur ses fonctions dans les relations familiales. Choisir un parrain et une marraine intensifie les liens avec différents cercles de proches. La sociologue Claire Bidart évoque ainsi la thèse d'un mélange entre compérage intensif, c'est-à-dire un choix au sein de la famille permettant de renforcer les relations de parenté, et un compérage extensif, qui quant à lui permettrait d'élargir la parenté aux amis.
«Parce que l'enfant est important, le parrainage occupe une place stratégique dans le jeu des relations que les parents tissent autour de lui, détaille Agnès Fine. Pas de cadeau plus valorisé à leurs yeux que celui de donner symboliquement leur enfant à quelqu'un, de lui proposer de partager un peu leur fonction parentale.»
Cette marque d'honneur constitue historiquement un lien solide. L'objectif était notamment de rapprocher des lignées qui autrement s'éloigneraient. L'anthropologue rappelle par exemple que dans l'Europe médiévale comme dans une grande partie de l'Europe du Sud jusqu'à nos jours, le parrainage permettait d'entériner un lien d'amitié sacrée, «une sorte de fraternité jurée spécifique de la culture chrétienne». Refuser un parrainage pouvait alors porter malheur ou même être considéré comme un péché.
Aujourd'hui, être choisi comme parrain ou marraine permet surtout de valoriser un lien d'amitié et d'intégrer un lien du sang là où il n'y en a pas. Cette dimension a été fortement ressentie par Maria au moment de sa désignation comme marraine il y a cinq ans. «J'ai été honorée, flattée, raconte la sexagénaire. Le fait d'estampiller le mot “marraine” a officialisé quelque chose, c'est comme si je faisais partie de la famille désormais.»
Agnès Fines résume la double efficacité du parrainage ainsi: créer de l'amitié entre parents et de la parenté entre amis. «Elle est si importante qu'on peut se demander pourquoi elle n'est pas si systématiquement “exploitée”», s'interroge d'ailleurs l'historienne, qui met le doigt sur la superficialité de certains de ces liens. De nombreux parrains et marraines n'ont en effet aucune relation particulière avec leur filleul, du fait d'un désintérêt ou d'une relation distendue avec les parents.
C'est pourtant ce qui fait la force du parrainage contemporain selon Agnès Fine. «Les obligations impliquées par le statut de parrain ou de filleul ne sont pas perçues comme véritablement contraignantes de sorte que la relation semble ne dépendre que de la volonté et des sentiments, ce qui ajoute à son pouvoir d'attraction», note l'anthropologue.
C'est comme cela que le conçoit Maria. Puisque sa filleule est désormais fiancée, le temps passé ensemble est restreint, ce qui ne les empêche pas de conserver ce lien spécial. «Elle n'a pas beaucoup de temps libre et moi non plus mais on se voit à des occasions particulières et elle sait que je suis là si besoin», affirme-t-elle.
La popularité du parrainage s'ancre aussi dans un contexte de transformation des relations familiales. Dans une société de plus en plus individualiste, ce lien social tente de contrecarrer le repli sur soi. «La famille s'est de plus en plus nucléarisée, recentrée sur le noyau parents-enfants, tandis que les relations avec la famille élargie sont beaucoup moins fréquentes qu'autrefois, indique Gérard Neyrand. L'ouverture au parrainage permet de desserrer un peu cette logique de restriction de la famille.»
D'autre part, la place centrale occupée par l'enfant dans la société occidentale contemporaine explique également ce phénomène. Le fort investissement sur l'enfance entraîne une volonté de développer des relations affectives autour de lui. «Il y a par exemple beaucoup de familles monoparentales, ce qui favorise la recherche d'un élargissement des personnes susceptibles d'être en lien et d'apporter un confort moral et psychologique aux enfants et aussi aux parents», remarque le sociologue. Dans cette logique, les parents –seuls ou en couple– cherchent à entourer leur progéniture d'une figure de confiance qui pourra assumer ce rôle.
Ingénieur de formation, Jean-Yves Vanier a travaillé des dizaines d'années dans la pétrochimie, à Edmonton, dans l'Ouest canadien. Ce Québécois d'origine a finalement décidé de tout lâcher pour se lancer dans la généalogie, sa passion, et il fait désormais pousser les branches généalogiques de sa famille, comme de celles de ses clients.
Au premier étage de la Cité Francophone d'Edmonton, une petite porte discrète se cache au bout d'un couloir. Un écriteau indique : « Société généalogique du Nord-Ouest ». Trois ordinateurs, deux grandes tables et des étagères garnies de bouquins remplissent les lieux. Il n'y a pas foule : trois bénévoles passionnés discutent autour d'une table, deux femmes et un homme.
Michèle Fortin, Doriane Vincent et Jean-Yves Vanier pourraient presque dire qu'ils sont de la même famille, car ils ont tous de la famille originaire du Québec. « On se trouve des ancêtres communs entre francophones, facilement. Au Québec, l'endogamie était très importante, à l'origine, il n'y avait que quelques milliers de colons en Nouvelle-France ! En cadeau à mes parents, je leur ai même trouvé un cousin à la 11e génération », s'amuse le généalogiste, 52 ans, de long cheveux gris encadrant des petites lunettes rectangulaires.
Michèle renchérit avec un grand sourire : « On a même des vedettes dans nos arbres généalogiques ! Moi, je suis une cousine très lointaine avec Céline Dion – comme beaucoup de monde, et j'ai même le Premier ministre Justin Trudeau, à quatre générations, ce n'est pas si loin. »
Contrairement à beaucoup de généalogistes, Jean-Yves n'a pas découvert ses origines grâce à sa famille. Originaire de Gatineau, ville limitrophe d'Ottawa, dans l'Est canadien, il suit des études d'ingénierie, en français puis en anglais, et obtient un poste dans la pétrochimie, à Edmonton, en Alberta. « J'avais fait un stage avec une compagnie et ils m'ont offert un poste en 1995. J'étais le premier de la famille sur plusieurs générations à partir pour l'ouest », décrit le généalogiste. Une dizaine d'années plus tard, sa mère reçoit, à la maison familiale de Gatineau, une lettre qu'elle lui transfère. « C'était une lettre qui disait : je suis généalogiste, je m'appelle Noël Vanier de Laval, et si vous me donnez l'information de votre famille immédiate, je vous envoie votre arbre généalogique », se rappelle Jean-Yves.
Curieux, il accepte, transmet des informations sur sa famille et reçoit quelques semaines plus tard une enveloppe bien plus épaisse. Là, Jean-Yves est impressionné : « C'étaient de très grandes feuilles. J'étale tout ça par terre, et ça me donne un arbre avec ma famille, de mon nom, jusqu'au premier Guillaume Vanier, originaire d'Honfleur, arrivé en 1665. J'ai appris que j'étais cousin avec le gouverneur général Georges Vanier, par exemple ! »
Pour remercier ses proches qui l'ont aidé, Jean-Yves décide en 2006 de créer un site internet avec un objectif : retracer l'intégralité de ses ancêtres. « Aujourd'hui, il est énorme, à l'époque, c'était tout petit. Google l'a référencé, puis un autre généalogiste, Vanier m'a contacté pour me dire que je pouvais ajouter une autre branche à son arbre, et encore un autre. C'est devenu un site familial de toute l'Amérique du Nord. » Pendant un temps, quatre Vanier, généalogistes amateurs ou professionnels, travaillent ensemble. Aujourd'hui, l'arbre numérique compte des milliers d'ancêtres.
Mais Jean-Yves ne s'arrête pas là, il commence à sérieusement se plonger dans le domaine et poursuit des recherches en amateur. Après 25 ans dans la pétrochimie, il craque : « J'ai fait un burn-out et je me suis dit que je devais m'arrêter. J'avais accumulé assez d'argent, et mon épouse, qui travaillait encore, m'a rappelé qu'elle avait eu cinq ans de congés pour faire des études, et que je pouvais le faire à mon tour. » La pandémie de coronavirus le lance définitivement. Il devient professionnel en se formant en ligne, obtient des diplômes en généalogie. « Je suis plus heureux, moins stressé. La rémunération est moins bonne, mais c'est un travail très valorisant : je rends les gens heureux. Avant, tu sais, je fabriquais du plastique », souffle le professionnel.
Depuis trois ans, il a lancé son entreprise, Vos Aïeux. Ce qu'il aime, c'est la diversité des histoires. Les Québécois, souvent, veulent connaître leurs origines en France, qui remontent pour certains au XVIe siècle. Les Acadiens, une population qui a été déportée après la conquête anglaise, veulent plutôt savoir ce qu'ont vécu leurs ancêtres à cette époque. Certaines trajectoires le touchent beaucoup : « J'avais notamment retracé l'histoire de deux Acadiens déportés en France, à Saint-Malo, et qui étaient morts, l'une durant la traversée et l'autre peu de temps après, laissant derrière eux des orphelins. »
Certaines recherches, les plus simples et directes, ne lui prennent que quelques heures, qu'il facture moins de cent dollars canadiens, une soixantaine d'euros. D'autres en revanche… « Un monsieur m'a engagé pour plusieurs années. Il veut tout savoir, toutes les histoires de tous ses ancêtres. Il doit bien dépenser près de 20 000 dollars ! Il dit que c'est un legs pour ses enfants, il veut même que je lui écrive un livre avec toutes les anecdotes que j'aurais trouvées », décrit Jean-Yves, encore étonné.
En tout cas, Jean-Yves Vanier n'est pas près de se lasser. Chaque présentation, qu'il fait devant des familles qui l'ont engagé, lui rappelle pourquoi il a choisi ce métier : « Les gens adorent ça. Quand je fais mes présentations, tout le monde est heureux, ils sont émerveillés par leurs propres histoires, qu'ils ne connaissaient pas. »
Depuis aussi loin que je me souvienne, j’aime les histoires.
Ce goût m’a conduit vers l’Histoire, grâce aux manuels de l’école primaire des années 60 qui nous entraînaient dans ces tentatives de reconstitution de la vie quotidienne des Gaulois et autres Vikings.
Les illustrations étaient sommaires et l’auteur concédait quelques incursions dans les biographies stéréotypées de ces héros qui ont fait la France : Vercingétorix, ce noble perdant, Jeanne d’Arc, cette fille du peuple qui remet son roi sur le trône ou bien ce jeune révolutionnaire de 15 ans qui sera assassiné par ces Vendéens obtus pour avoir clamé avec défi : « vive la République, à bas le Roi ».
Vers l’âge de 14 ans, j’ai accompagné les premiers pas de ma mère dans la généalogie, à travers les registres paroissiaux de la petite mairie du village natal de bon nombre de ses ancêtres.
Je crois que j’aimais à la fois l’enquête poursuivie et le déchiffrage de ces actes d’état civil, me prenant sans doute un peu pour Champollion qui a trouvé les clés pour décrypter un monde lointain d’histoires quotidiennes.
Si loin et si proche, à l’instar de ce que nous racontent les graffitis de Pompéi.
Les actes notariés ont permis ensuite d’entrevoir un peu plus les personnes cachées derrière ces lignées et ces dates et m’ont amené à chasser les singularités au-delà des formules très classiques que l’on y trouve. Cette quête permet parfois de glaner quelques pépites comme cette lettre de Paris d’un orfèvre à sa femme aux fins de l’autoriser à prendre un bail et dans laquelle il se répand sur ses déboires judiciaires.
A partir de ces éléments épars, je trouve passionnant d’échafauder et d’ajuster des hypothèses à partir des éléments rassemblés et confrontés avec la grande histoire, dans un constant va-et-vient.
Dans ce travail, certains détails initialement négligés prennent un sens particulier tandis que d’autres n’ont pas le relief qu’ils promettaient au départ.
Ces très modestes assemblages permettent de donner un peu de chair à ces noms et d’esquisser certaines histoires singulières. C’est ce que je me propose de faire très modestement dans ce blog, tenter d’éclairer des fragments de vie de mes ancêtres, à la lumière de la grande histoire
Les passionnés de l'association Généa 50 de Fermanville (Manche) ont retrouvé un album de photos historiques, couvrant la période de 1896 à 1906, exposé en cette fin 2023.
L’exposition de photos inédites de Fermanville et de communes voisine est à découvrir dans les locaux de l’ancien office de tourisme.
(©Nathalie BONNEMAINS)
Un album de photos historiques vient d’être exhumé par les passionnés de l’association Généa 50 de Fermanville (Manche). Il est actuellement visible dans le cadre d’une exposition organisée dans les locaux de l’ancien office de tourisme situé sur la place Marie-Ravenel.
Pour les passionnés de Généa 50, qui s’attachent à transmettre le passé au travers de recherches incessantes et d’un travail de fourmi à partir d’archives locales, c’est un véritable bonheur que de mettre la main sur des photos ou des documents historiques qui mettent en lumière le passé.
Cette exposition fait suite à la découverte d’un ancien album, riche de vieilles photos de Fermanville et de communes voisines. Cet album appartenait au petit-neveu de l’abbé Boudet, ancien vicaire de Saint-Vaast-la-Hougue, devenu par la suite curé de Carneville jusqu’en 1903. Nous avons eu l’autorisation de les présenter et d’en vendre des reproductions de grande qualité.
Le grand intérêt de ces photos repose sur le fait qu’elles couvrent la période de 1896 à 1906 et qu’elles sont ainsi antérieures à celles du fond Legoubey. Les communes de Fermanville et de Carneville y sont majoritairement représentées, ainsi que celles de Gonneville-Le Theil, de Maupertus-sur-Mer et de Saint-Pierre-Église
Une revue à découvrir
« Ces clichés sont saisissants et plongent les visiteurs dans un passé en même temps si proche et si lointain. Ils donnent lieu à des rencontres et des échanges riches qui nous permettent de nous immerger encore un peu plus dans le passé de nos aînés », souligne Pascal Levieux.
Cette exposition est également l’occasion de découvrir et d’acquérir la revue n° 7 des cahiers de Généa 50 qui vient d’être publiée et qui évoque entre autres la toponymie dans le Val de Saire.
De notre correspondante Nathalie BONNEMAINS-GEISMAR
Exposition de photos anciennes inédites de Fermanville et ses environs, local de l’ancien Office de tourisme, place Marie Ravenel, le mercredi de 14 h à 17 h et le samedi de 10 à 12 h et de 14 h à 17 h, jusqu’à la fin de l’année.
Signée en 1539 par François Ier, elle est souvent présentée comme l'acte qui a officialisé le français. C'est oublier sa nature originelle et ses parts d'ombre.
L'ordonnance de Villers-Cotterêts devrait être visible à la Cité internationale de la langue française le 1er novembre 2023.
Eliselfg via Wikimedia Commons
Le 1er novembre 2023, le château royal de Villers-Cotterêts (Aisne) et sa Cité internationale de la langue française devraient ouvrir leurs portes au grand public. Condamnés à la ruine, les murs du château ont été sauvés par Emmanuel Macron. Déjà parce que le lieu représente un témoignage majeur du patrimoine de la Renaissance. Ensuite parce qu'un événement enseigné dans toutes les écoles s'y est déroulé en août 1539 (la date exacte est incertaine). «Aucun autre lieu au monde ne symbolise mieux la naissance du français, s'enthousiasme Jacques Krabal, l'ancien député de l'Aisne qui a ardemment œuvré pour son sauvetage. Dans l'Aisne, nous connaissons beaucoup de difficultés, mais nous avons cette fierté.»
Le roi de France d'alors, François Ier, avait signé l'année précédente une paix de dix ans avec son ennemi Charles Quint. Ce qui lui a permis de se recentrer sur les affaires domestiques du royaume et le quotidien de ses sujets. Sa cour itinérante a passé tout l'été dans son château de Villers-Cotterêts, où le roi est tombé malade. C'est alors qu'il reprend du poil de la bête qu'il signe l'ordonnance dite «de Villers-Cotterêts».
La mémoire collective a retenu que François Ier avait signé l'acte officialisant le français. On imagine des trompettes de la renommée retentir dans le château, alors qu'en fait, le souverain a approuvé un texte strictement juridique, assez technique d'ailleurs, avec un objectif: obtenir le soulagement de ses sujets par l'abréviation (c'est-à-dire l'abrégement) des procès. On veut accélérer le cours de la justice, on supprime les formalités inutiles. C'est un texte de procédure.
«Il s'agit de remédier aux lenteurs de la justice pour désencombrer les tribunaux», décrypte Charles Baud, chartiste et docteur en droit, qualifié aux fonctions de maître de conférences et auteur de la thèse «L'ordonnance de Villers-Cotterêts (1539) et sa réception jusqu'aux codifications napoléoniennes». On est assez loin d'une volonté visionnaire pour la langue…
Parmi ses 192 articles, l'ordonnance en comprend un seul, le 111, dans lequel il est bien question de linguistique: les actes de justice devront dorénavant être rédigés «en langage maternel françois et non autrement». Mais, là encore, cette décision s'inscrit dans une logique de simplification des procédures. On exclut de facto le latin, cette langue élitiste que ne maîtrise pas le peuple. En optant pour la langue maternelle, la justice devenait moins obscure pour le quidam. En ce sens, l'ordonnance démocratisait le droit.
Cela témoigne d'un basculement alors qu'en ce XVIe siècle, le savoir ne s'exprimait qu'en latin. Beaucoup voulaient en découdre avec cette langue prestigieuse qui ne voulait pas mourir et donnait des complexes au français. Dans les parlements, ces hautes cours de justice d'alors, on a appliqué la disposition royale sans résistance –en matière de justice, on pouvait bien se passer des mots de Cicéron. «Le parlement de Paris a enregistré le texte le 6 septembre 1539 et dès cette date, tous les actes ont été enregistrés en français, précise Charles Baud, qui a fouillé les archives judiciaires. Le français était d'ailleurs déjà employé dans certains tribunaux de province, notamment dans le Sud-Ouest.»
Plus décisif que l'ordonnance: l'élan littéraire. Dix ans après sa signature, c'est Joachim du Bellay qui a enfoncé le clou avec sa Défense et illustration de la langue française. La langue française «sortira de terre, et s'élèvera en telle hauteur et grosseur, qu'elle se pourra égaler aux mêmes Grecs et Romains», annonçait-il. La mythification de Villers-Cotterêts semble avoir commencé dès l'origine, car elle servait le dessein d'écrivains et d'écrivaines qui s'efforçaient de donner au français une vitalité inédite. Quant à lui immobile, le latin restera une langue considérable de culture, de diplomatie et de religion, même si son lent déclin sera irréversible. En 2021, l'option latin n'a été suivie que par 3% des lycéens.
Revenons sur la formulation: dorénavant, les actes juridiques doivent être rédigés «en langage maternel françois et non autrement». Un chef-d'œuvre d'ambiguïté digne d'un quatrain de Nostradamus. Ce langage maternel françois déchire depuis longtemps les linguistes: s'agit-il de toutes les langues maternelles parlées en France, ou bien de la seule langue du roi? «Mon hypothèse est que François Ier a volontairement employé cette formule très ambiguë pour contenter tout le monde et prévenir certaines contestations parlementaires pour ménager les particularismes provinciaux», estime Charles Baud.
Ce qui est certain, c'est que le roi n'avait certainement pas l'ambition, ni même le désir, que tout le monde parle français. «Colette Beaune l'a bien montré dans Naissance de la nation France: on était très fier, au XVIe siècle, de la richesse linguistique de la France, où il y avait de multiples dialectes, poursuit le docteur en droit. Cela ne posait pas de problème politique.»
Toujours est-il que cette formulation flottante sera par la suite interprétée à l'encontre des langues régionales. À partir de la Révolution, le latin n'est plus le seul ennemi: s'y ajoutent les différents parlers régionaux. Comme si seul le français pouvait être républicain, les autres langues et dialectes devaient être combattus. Le 2 Thermidor 1794 (20 juillet 1794), Maximilien Robespierre a fait publier un décret lançant la Terreur linguistique. Le chef du Comité de salut public tombera peu après, mais l'anathème jacobin était jeté sur les langues régionales qui susciteront la méfiance tout au long du XIXe siècle.
C'est ainsi que la justice s'appuiera sur l'ordonnance pour refuser l'emploi d'une langue régionale dans la procédure judicaire. La plus ancienne décision trouvée par Charles Baud est l'arrêt «Giorgi contre Masaspino», rendu le 4 août 1859 par la Cour de cassation. Un siècle plus tard, dans le célèbre arrêt «Quillevère» du 22 novembre 1985, le Conseil d'État estimait à son tour que seuls des actes rédigés en français étaient recevables. Cette ordonnance royale a traversé les régimes en raison d'une lacune: le français n'est devenu langue officielle qu'en 1992, avec son insertion tardive dans la Constitution (article 2). C'est à la fois le dernier texte de l'Ancien Régime directement applicable et le plus ancien.
«Les juges judiciaires ou administratifs continuent à s'y référer, alors qu'ils pourraient très bien se contenter de citer la loi Toubon de 1994 ou la version révisée en 1992 de la Constitution. L'ordonnance est un peu une clause décorative, insérée ici pour faire joli, sans raison juridique véritable.» Inutile juridiquement, l'ordonnance de Villers-Cotterêts apporte un souffle symbolique jusque dans nos salles d'audience. Probablement parce que ce texte célèbre une forme de communion nationale autour de la langue.
Avec cette ordonnance, nous ne sommes pas au bout de nos surprises. C'est elle qui oblige à tenir des registres de baptêmes et de sépultures: il s'agit de l'ancêtre de notre état civil et les généalogistes peuvent aujourd'hui saluer la mémoire de François Ier. Moins reluisant, cette ordonnance comprend aussi un volet pénal qui paraît, regardé avec des yeux contemporains, terriblement cruel et arbitraire. Les procès devaient être rapides et toute une série de mesures visait à aggraver le caractère inquisitoire de la procédure en rognant très sévèrement sur les droits de l'accusé.
Cette justice expéditive cherchait avant tout des coupables, au détriment des droits les plus élémentaires de la défense. Tout ce que combattront les philosophes des Lumières. «Si l'ordonnance n'avait pas été connue pour sa décision sur la langue, elle aurait pu devenir tristement célèbre pour les procès kafkaïen où l'accusé est livré à lui-même, seul, sans ressources ni connaissance des pièces du dossier et, surtout, sans l'assistance d'un avocat, constate Charles Baud. On s'étonne que les révolutionnaires n'aient pas agité ce texte comme symbole de l'iniquité du droit pénal sous l'Ancien Régime!»
Fort heureusement, seul son volet linguistique est passé à la postérité, au point d'incarner l'officialisation du français. «Dire que le français est devenu officiel à Villers-Cotterêts est évidemment un raccourci, sourit Charles Baud. Quand je l'entends dans les médias, en tant qu'historien attaché à la véracité des sources, je ne peux pas m'empêcher de penser que c'est un manque de précision et de rigueur. Mais c'est le jeu: les gens ont besoin d'avoir des jalons, des repères spatio-temporels communs. C'est ce qui permet de faire société.» Ce texte mythique est aujourd'hui revenu au bercail: on pourra bientôt le découvrir là où il est né, dans le flambant neuf château de Villers-Cotterêts.
Deuxième étape de notre tour d’horizon estival des archives les plus utiles pour les recherches généalogiques : l’incontournable état civil, avec les registres paroissiaux.
Les actes d’état civil ou religieux sont au nombre de trois : naissance ou baptême, mariage, décès ou sépulture. Etablis en double exemplaire à partir de 1737 (un exemplaire conservé par le curé, un autre transmis au greffe), ils sont relativement bien conservés partout en France (à l’étranger, c’est une autre histoire), mais en cas de lacune de l’exemplaire unique (incendies, dégâts des eaux, disparitions…) avant 1737, il vous faudra vous avouer vaincu… ou vous tourner vers d’autres sources que l’état civil !
S’il n’est pas indispensable de retrouver ces trois actes marquant la vie d’une personne pour remonter de génération en génération, cela reste tout de même fortement conseillé, afin d’avoir la vision la plus complète de votre ancêtre, sans compter que chaque acte peut revêtir une mention inattendue et compléter des informations que l’on croyait déjà connaître. Le principe est très simple : il faut trouver les noms des parents d’un individu pour remonter une génération, puis pour chacun d’entre eux faire de même en retrouvant leurs actes de naissance, mariage, décès et leurs parents, etc.
On peut y trouver (selon les actes et les époques) :
L’acte le plus complet est l’acte de mariage, lui seul suffit pour faire votre généalogie, car il contient des informations à propos des deux époux (donc des deux parents d’un de vos ancêtres).
Bien évidemment, plus vous remonterez dans le temps, moins les informations seront précises. Si l’on peut pleinement se fier à un acte rédigé au XXe siècle (quoique l’exemple de l’acte de décès ci-dessous prouve le contraire), il faut rester prudent avec un acte du XIXe (prénoms confondus ou différents, orthographe incertaine, erreur sur un lieu ou un témoin) et utiliser son flair et son sens de la déduction pour ceux d’ancien régime (manque d’informations, par exemple pas de parents sur un acte de mariage, erreurs fréquentes sur les prénoms et les noms, âges approximatifs). Le véritable travail de généalogie se situe là : dans votre faculté à interpréter un acte, à le recouper avec d’autres, à le comparer avec d’autres actes rédigés dans la commune ou dans les communes alentours, parfois même sur d’autres familles, à votre esprit de déduction, à votre capacité à penser comme on pensait alors, quand les mœurs étaient différentes, que les impératifs religieux était omniprésents et que les mentalités différaient des nôtres ; mais aussi à vos connaissances historiques, régionales ou nationales.
Chaque région, voire chaque commune, étant différente, il serait impossible de passer en revue tous les cas possibles permettant de trouver un ancêtre manquant, seule l’habitude et la pratique peuvent permettre de le faire. N’oubliez jamais qu’une information trouvée (sur un arbre sur Généanet par exemple) doit être vérifiée par vos soins en consultant la source, c’est-à-dire l’acte original : la personne qui l’a publiée est certainement de bonne foi, mais elle a pu se tromper !
Avant la Révolution, nous l’avons vu, il n’y a pas de tables décennales et les actes sont souvent difficilement lisibles, soit parce que l’écriture ne correspond pas aux standards actuels, soit parce que le registre lui-même est abîmé (encre baveuse, tâches, encre effacée…), soit parce qu’ils sont rédigés en latin.
Geneanet vous propose tout l’été de faire le tour des principales sources archivistiques utiles aux recherches généalogiques. La première de toutes, ce sont les tables décennales de l’état civil.
Vous venez de commencer vos recherches généalogiques et après avoir écrit aux mairies et découvert vos arrière grands parents ou vos trisaïeuls, vous désirez commencer à fouiller dans les documents fournis par les archives départementales ? Les tables décennales vont vous faciliter la tâche. Présentation.
Historique
Les tables décennales (familièrement dénommées “T.D.”) résument le contenu des registres d’état civil (naissances, mariages et décès, divorces, reconnaissances d’enfants). Elles sont établies par tranches de dix ans, en fusionnant toutes les années. Les tables décennales ont été créées par l’Administration Révolutionnaire en 1793. Très lacunaires pour la première période 1793/1802, elles sont consultables partout dès 1803.
Au début notamment, ces tables sont souvent par ordre chrono-alphabétique (à l’intérieur de chaque lettre de A à Z, les actes sont référencés de façon chronologique), et parfois elles ne fusionnent pas les dix années mais récapitulent année par année les actes enregistrés. Pour les périodes les plus récentes elles sont par ordre alphabétique complet. Elles reprennent la logique des registres : tables décennales des naissances, des mariages, des décès.
Bon à savoir :
L’index annuel : en même temps qu’étaient instaurées des tables décennales, établies sur des feuillets séparés des registres, un index similaire était établi année par année à la fin de chaque registre de naissance, mariage ou décès. En l’absence de tables décennales, celui-ci permettra malgré tout une recherche rapide. Le plus gros inconvénient, c’est qu’il faut d’abord le retrouver, et que parfois, sur les registres pré-imprimés, aucun emplacement n’a été laissé pour un index : celui-ci est donc écrit en tout petit dans un coin, faute de place, ou au milieu des caractères d’imprimerie non remplis.
Ancien Régime : concernant l’Ancien Régime on trouve parfois, au gré de ses recherches et notamment pour les communes de taille importante (par exemple Bourges ou Strasbourg), un équivalent des tables décennales sous forme de répertoire des actes enregistrés, bien utiles pour ces périodes antérieures à l’état civil
Avantages
Les tables décennales sont très utiles au chercheur, puisqu’en quelques dizaines de minutes il peut relever tous les actes concernant le même nom de famille (il peut donc bien sûr y avoir des noms similaires pour des familles différentes mais cela reste très utile), et consulter ensuite les registres correspondants. Cela permet de recenser tous les enfants d’un couple très rapidement, ainsi que de retrouver en quelques secondes un mariage ou un décès.
Lors de ses recherches, on se retrouve donc à effectuer un aller-retour incessant entre les tables décennales et les registres, le contenu des actes donnant de nouvelles informations que l’on retourne chercher dans les tables.
On peut ainsi, si la famille est restée dans la même commune, remonter en deux ou trois heures sur une centaine d’années, ce qui équivaut à trois, quatre ou cinq générations.
Plus la commune est grande, plus l’utilité de ces tables est incontestable.
Inconvénients
Abréviations dans les dates souvent illisibles, fréquence du “dito” représenté par un d°, ou simple trait… ou rien du tout.
Risque élevé de confusion avec les abréviations des mois : 7bre (septembre confondu avec juillet), 8bre (octobre confondu avec août), 9bre (novembre confondu avec septembre) et Xbre (décembre confondu avec octobre)
Erreurs possibles dans les relevés des actes ! Oublis pur et simples, dates mal lues et erronées, prénoms tronqués, cela arrive et si l’on ne trouve pas ce que l’on cherche, il peut ne pas être inutile de vérifier quand même les registres entiers.
Dates des actes parfois remplacées par les numéros de page figurant sur les registres
Pour les mariages, absence de classement par nom de l’épouse, parfois même absence totale de son nom.
Les promesses de mariage ne sont pas indiquées : si vous ne trouvez pas un mariage, n’oubliez pas qu’il y a de fortes chances qu’il soit mentionné dans le registre complet, après les mariages, dans les promesses de mariage. Les promesses de mariage étaient enregistrées à la fois dans la commune de l’époux et dans celle de l’épouse, avec bien entendu la provenance de chacun des deux époux, on comprend vite la grande utilité de celles-ci !
Archéologue spécialiste de la préhistoire du Massif armoricain, Yannick Lecerf tord scientifiquement le cou à quelques idées bretonnantes reçues. Interview.
Yannick Lecerf, archéologue, vient de sortir un livre passionnant et très pédagogique sur la Bretagne préhistorique. S'appuyant sur de récentes découvertes scientifiques et sur ses quelque quatre décennies de recherches, il bouscule les mythes et les légendes du Massif armoricain.
A quelle époque remonte le peuplement de la Bretagne ?
Yannick Lecerf : « On vient de faire un bon considérable dans le temps. Pendant longtemps, on a considéré que les traces les plus anciennes remontaient aux alentours du paléolithique récent (50.000 avant J.-C.). Dans les années quatre-vingt-dix, grâce aux fouilles du CNRS, on a trouvé dans le Finistère Sud le foyer le plus ancien, datant de 450.000 ans avant J.-C. Et puis récemment, à la suite d'érosions accélérées par les tempêtes, on a identifié un foyer dans la vallée de moyenne Vilaine qui nous emmène aux alentours de 750.000 avant J.-C. C'est donc dès cette époque que des hominidés ont fréquenté la Bretagne. »
Les monuments mégalithiques avaient-ils notamment un rapport avec les astres ?
« Non. Lorsqu'au néolithique (5.000 ans avant J.-C. dans le Massif armoricain) les communautés se sédentarisent et organisent leurs territoires, dans les vallées, près des points d'eau, ils créent des zones funéraires, avec de grands cairns mégalithiques, comme celui de Barnénez. Ce sont de grands monuments pouvant atteindre 70 mètres de long, 25 mètres de large et 9 à 10 mètres de hauteur pour accueillir onze chambres funéraires. On va commencer dans le même temps à dresser les premiers grands menhirs de plus de 20 mètres de haut et puis on va aussi créer des lieux de mémoire avec des champs de menhirs. Ils sont dressés afin de marquer un événement pour ces communautés qui sont de tradition orale. C'est à partir de ce moment-là que le territoire est structuré par le mégalithisme, avec une partialisation en lieux de vie, lieux de mort et lieux de mémoire. C'est là que naît l'identité des communautés du Massif armoricain. »
La Bretagne celtique, c'est un mythe ?
« Complètement ! Dans la préhistoire du Massif armoricain, les Celtes ne sont qu'une anecdote qu'on a cherché à monter en épingle à partir du XVIII esiècle, en partie, pour des raisons politiques, Bonaparte voulant recréer une Nation sur des bases identitaires très fortes, lançant la fameuse académie celtique qui a attribué aux Celtes le mégalithisme. »
En tout cas, c'est un mythe persistant…
« Il est particulièrement entretenu, au point que l'on voit aujourd'hui se mettre en place des pratiques néodruidiques complètement construites puisque les communautés du Massif armoricain, de tradition orale, n'ont laissé aucun écrit ! Les Celtes ne sont jamais venus en Bretagne. Les recherches archéologiques démontrent que les Celtes sont venus d'Europe centrale et se sont partagés en deux groupes, l'un remontant vers l'Angleterre, l'Écosse et l'Irlande par la Belgique et la Normandie ; l'autre descendant vers la péninsule, ibérique par le centre de la France en évitant la Bretagne. »
Pourquoi ont-ils snobé la Bretagne ?
« D'abord parce que les Celtes, peuple migrant, n'étaient pas intéressés par les péninsules. Mais je pense que la raison principale tient au fait que les Celtes, qui cherchaient à se fondre dans les populations, n'ont pas réussi à s'intégrer aux communautés bretonnes du fait de leur forte identité développée au néolithique. »
Donc, les Bretons doivent être fiers de ne pas être celtes !
« Absolument ! Ils n'ont pas attendu les Celtes pour avoir une culture forte. »
Si vous cherchez un ancêtre qui a fait partie de la Marine Nationale française, la bonne piste est dans les archives de la Marine qui répertorient l’état civil et le signalement des marins, ainsi que leur carrière. Cependant tout n’est pas disponible en ligne. Le plus simple pour les recherches maritimes reste encore de s’adresser directement aux archives des 3 ports militaires Français : Cherbourg, Brest et Toulon. Elles seules disposent des registres matricules de la Marine, non disponibles en ligne.
Heureusement, des sites web peuvent déjà nous aider avant que nous traversions la France et les Océans :
Les archives de l'inscription maritime
La base de données reprend les informations contenues dans les registres d’inscription maritime conservés au [service historique de la défense à Cherbourg](http:// http://www.unicaen.fr/ufr/histoire/cimarconet/accueil.php) Attention : CIMARCONET n'est plus en ligne depuis le 30 septembre 2021, à la suite d'une cyberattaque.
www.frenchlines.com : site créé dans le but de « conserver la mémoire des entreprises et des hommes qui ont œuvré dans tous les domaines du commerce maritime national et international ». On y trouve notamment un répertoire des navires.
Rouen et Le Havre : Registres de l’administration de l’inscription maritime
Base patronymique des marins et des passagers de la compagnie des Indes entre 1721 et 1770.
La liste des marins disparus et décédés, du milieu du XIXe au milieu du XXe siècle par l'Arche Musée et Archives de la Collectivité Territoriales de Saint-Pierre et Miquelon
Un guide pour effectuer ses recherches sur des ancêtres marins
Le site www.migrations.fr contient de nombreuses informations comme le matricule des gens de mer de Granville entre 1706 et 1725.
Un groupe d’entraide de généalogie Outremer sur Facebook
Une base de données pour retrouver un ancêtre corsaire. Les navires et les armateurs y sont indexés.
Mémoire des équipages des marines de guerre, commerce, pêche et plaisance de 1939 à 1945 pour retrouver un marin ou un bâtiment dans la base de données.
Une base de données des désarmements des navires du Havre avec la liste des capitaines ainsi que la liste des navires désarmés.
Ici la liste des centres d'archives militaires en France :
Brest : Centre historique des archives de la marine en Atlantique et dans le pacifique
4, rue du Commandant Malbert, 29240 BREST CEDEX 9
Cherbourg : Centre historique des archives de la marine en Manche et en mer du Nord
57 Rue de l'Abbaye, 50100 Cherbourg-Octeville
Toulon : Centre d’archives de la marine en méditerranée et dans l’océan Indien
Passage de la Corderie, 83000 Toulon
Rochefort : Centre historique des archives : archives de la marine du littoral atlantique ( de la Vendée à l’Espagne )
4, rue du Port 17300 Rochefort
Bonnes recherches !
Bien qu'ils soient illégaux en France, entre 100.000 et 200.000 Français ont recours chaque année à des tests ADN vendus par MyHeritage ou 23andMe pour connaître ses origines ethniques. Désormais, les principales entreprises du secteur exigent des adresses de livraison hors de France.
Il est désormais plus compliqué de se faire livrer des kits ADN en France. Depuis 2014, plusieurs entreprises américaines ou israéliennes proposent des tests ADN "récréatifs", comme MyHeritage, 23AndMe ou encore My Ancestry, pour une somme ne dépassant pas les 100 euros.
Sauf qu'en France, où entre 100.000 et 200.000 personnes font appel chaque année à leurs services selon l'association DNA PASS, la pratique est illégale et peut être sanctionnée d'une amende de 3.750 euros. En 2020, l'Inserm expliquait qu'il était interdit "de réaliser, et même de solliciter, un test génétique sans ordonnance médicale, injonction judiciaire ou projet de recherche strictement défini".
Comme l'ont repéré nos confrères du Parisien, depuis quelques jours, les géants du secteur, MyHeritage, basée à Tel-Aviv et l'entreprise américaine 23andMe exigent désormais une adresse de livraison hors de France.
Selon le généalogiste Loïc Duchamp, cité par nos confrères, seules deux entreprises acceptent encore de livrer en France. "Cela devait finir par arriver. Ils profitaient d’un vide juridique. Mais ils se savaient clairement hors-la-loi", explique-t-il dans les colonnes du quotidien.
Une décision "catastrophique" pour les associations
Les autorités françaises auraient-elles tapé du poing sur la table? La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) n'a pas souhaité répondre à nos confrères, tandis que la Cnil affirme avoir reçu "plusieurs plaintes au sujet des kits salivaires", mais "aucune action répressive n’a été engagée à ce stade".
Pour les associations de défense du droit à la connaissance de ses origines, cette décision de MyHeritage et 23andMe inquiète. Arthur Kermalvezen, de l'association Origines, explique que "pour des personnes nées sous X ou abandonnées, l’arrivée de ces tests a été un énorme soulagement", regrettant une décision "catastrophique".
De son côté, Loïc Duchamp, qui dénonce une interdiction "complètement rétrograde", assure que cette volte-face va "sérieusement" "compliquer la tâche" des spécialistes.
Les prénoms russes d'origine slave actuellement utilisés sont en nombre assez restreint. La christianisation du peuple russe par l'église byzantine a entraîné la disparition de la plupart d'entre eux au profit de prénoms grecs et, dans une moindre mesure, latins et hébraïques.
Aleksandr (Александр)
Alekseï (Алексей)
Anastassia (Анастасия)
Anatoli (Анатолий)
Andreï (Андрей)
Arkadi (Аркадий)
Artiom (Артём)
Basilovitch (Базилович)
Denis (Денис)
Dmitri (Дмитрий)
Fiodor (Фёдор)
Galina (Галина)
Guennadi (Геннадий)
Iekaterina (Екатерина)
Ielena (Елена)
Ievgueni (Евгений)
Ievguenia (Евгения)
Iouri (Юрий)
Irina (Ирина)
Ksénia (Ксения)
Larissa (Лариса)
Natalia (Наталия)
Nikita (Никита)
Nikolaï (Николай)
Oksana (Оксана)
Raïssa (Раиса)
Sofia (София)
Stepan (Степан)
Vassili (Василий)
Yuri (Юрий)
Zinaïda (Зинаида)
Bogdan (Богдан)
Boris (Борис)
Lioubov (Любовь)
Lioudmila (Людмила)
Nadejda (Надежда)
Svetlana (Светлана)
Stanislav (Станислав)
Vadim (Вадим)
Véra (Вера)
Viatcheslav (Вячеслав)
Vladimir (Владимир)
Vladislav (Владислав)
Le prénom Olga (Ольга) serait d'origine germanique (Helga).
L'emploi des diminutifs est très répandu en russe. En famille, entre amis ou entre collègues, il n'est pas courant de s'adresser à quelqu'un par son prénom. La plupart des prénoms russes ont un diminutif d'usage :
Алексей Alekseï (Alexis) = Aliocha (Алëша)
Александр Aleksandr (Alexandre) = Sacha (Саша), Choura (Шура)
Анатолий Anatoliï (Anatole) = Tolia (Толя)
Борис Boris (Boris) = Borya (Боря)
Дмитрий Dmitriï = Dima (Дима) ou Mitia (Митя)
Георгий Gueorguiï (Georges) = Jora (Жора)
Ярослав Iaroslav = Slava (Слава)
Евгений Ievgueniï (Eugène) = Jenia (Женя)
Константин Konstantin = Kostia (Костя)
Михаиль Mikhaïl (Michel) = Micha (Миша)
Николай Nikolaï (Nicolas) = Kolya (Коля), Nikita (Никита)
Павель Pavel (Paul) = Pacha (Паша)
Станислав Stanislav (Stanislas) = Stas (Стас)
Тимофей Timofeï (Timothée) = Tima (Тима)
Василий Vassiliï (Basile) = Vassia (Вася)
Владимир Vladimir = Volodia (Володя) ou Vova (Вова)
Анастасия Anastassia (Anastasie) = Nastia (Настя).
Анна Anna (Anne) = Ania (Аня)
Дария Daria = Dacha (Даша)
Екатерина Iekaterina (Catherine) = Katia (Катя)
Елена Ielena (Hélène) = Lena (Лена)
Ирина Irina (Irène) = Ira (Ирa)
Ксения Ksenia = Xioucha (Ксюша) (t. fam.)
Любовь Lioubov (Aimée) = Liouba (Любa)
Людмила Lioudmila (Ludmilla) = Liouda (Люда)
Мария Maria (Marie) = Macha (Маша)
Надежда Nadejda (Espérance ; Nadège) = Nadia (Надя)
Наталия Natalia (Nathalie) = Natacha (Наташа)
София Sophia (Sophie) = Sonia (Соня)
Светлана Svetlana = Sveta (Света)
Татяна Tatiana = Tania (Таня)
Зинайда Zinaïda (Zénaïde) = Zina (Зина)
En russe, les prénoms se déclinent comme des substantifs, c'est-à-dire que leur terminaison se modifie suivant la fonction qu'ils exercent dans la phrase (sujet, COD, COI, etc.)
Les prénoms féminins se terminent tous par la lettre « -а », « я » (« -ia ») ou par le signe orthographique non prononcé « -ь » et se déclinent de la même manière que les substantifs féminins de même terminaison. Les noms féminins étrangers ne se déclinent que s'ils se terminent par le son a. Dans les autres cas, un prénom féminin étranger (comme le prénom français Catherine) ne se décline pas.
En Russie et dans la plupart des pays de l'ex-URSS, le patronyme (отчество, mot dérivé de отец qui signifie père), dérivé du prénom du père, figure obligatoirement, en plus du prénom et du nom de famille, sur les actes de naissance et les pièces d'identité. Il est placé entre le prénom et le nom de famille1. Les mots « monsieur » et « madame » étant pratiquement inusités en russe, il est d'usage, pour exprimer le respect, de s'adresser à son interlocuteur en employant son prénom et son patronyme (mais pas son nom de famille). Ainsi, pour s'adresser à Vladimir Poutine, on ne dira pas : « Monsieur Poutine » mais « Vladimir Vladimirovitch ». (Vladimirovitch étant son patronyme.)
Pour les hommes, le patronyme se forme du prénom du père auquel est ajouté le suffixe ovitch (ович) ou evitch (евич).
Fiodor Dostoïevski dont le père se nommait Mikhaïl (Михаил) a pour nom complet : Fiodor Mikhaïlovitch Dostoïevski (Фёдор Михайлович Достоевский).
Alexandre Pouchkine dont le père s'appelait Sergueï (Сергей) а pour nom complet : Alexandre Sergueïevitch Pouchkine (Александр Сергеевич Пушкин).
Lénine (son vrai nom était Vladimir Oulianov) dont le père s'appelait Ilia (Илья) а pour nom complet : Vladimir Ilitch Oulianov (Lénine) (Владимир Ильич Ульянов (Ленин)).
Pour les femmes, le patronyme est formé du prénom du père auquel est ajouté le suffixe ovna (овна), ou evna (евна).
Marina Alekseïeva dont le père se nomme Anatole (Анатолий) a pour nom complet : Marina Anatolievna Alekseïeva (Марина Анатольевна Алексеева).
Nina Gorlanova (nom du père : Viktor) se nomme quant à elle : Nina Viktorovna Gorlanova (Нина Викторовна Горланова).
Nadejda Allilouïeva dont le père se nomme Sergueï (Сергей) a pour nom complet : Nadejda Sergueïevna Allilouïeva (Надежда Сергеевна Аллилуева).
Un certain nombre de noms russes tels qu'Ivanov ou Petrov ont une origine patronymique mais ne sont pas des patronymes ; il s'agit de noms de famille qui, comme dans les langues scandinaves, se sont formés à partir de patronymes. Il est ainsi possible pour un Russe de s'appeler Ivan Ivanovitch Ivanov, Ivan étant le prénom, Ivanovitch le patronyme (fils d'Ivan) et Ivanov le nom de famille (formé dans le passé d'après un patronyme).
Sans que cette possibilité ne soit reconnue par la loi, l'usage du matronyme apparaît ponctuellement, dans le cas par exemple où la mère élève seule l'enfant, et où le père ne l'a pas reconnu. Les règles de formation du matronyme sont celles ci-dessus (ex. : Ielizaveta Marievna Tchernobrovkina [Елизавета Марьевна Чернобровкина], si la mère se nomme Maria [Мария]).
Les noms de famille obéissent, tout comme le reste du vocabulaire russe, aux déclinaisons grammaticales. En conséquence, les noms possèdent une forme masculine et une forme féminine. Ainsi, l'épouse (ou la fille) de Vladimir Poutine se nomme-t-elle Poutina.
Les noms se terminant en -ov / -ev (-ов/ев), comme Ivanov, ont pour terminaison au féminin -ova/-eva (-ова/ева) : Ivanova.
Les noms se terminant en -ine (-ин), comme Lenine, ont pour terminaison au féminin -ina (-ина) : Lenina.
Les noms se terminant en -ski (-ский), comme Dostoïevski, ont pour terminaison au féminin -skaïa (-ская) : Dostoïevskaïa.
Les noms en -itch (-ич) restent semblables au féminin. Ils ne se déclinent pas au féminin.
Les autres noms de famille n'ont pas de forme particulière au féminin.
La noblesse russe n'utilisa la particule nobiliaire que de façon marginale, sous l'influence de l'Occident et plus particulièrement de la France du XVIIe siècle.
Créée en 2013 , l'association Corsica Genealugia réalise des travaux de généalogie dans toute la Corse
Cette association, forte aujourd’hui de plus de mille adhérents, tous bénévoles, réalise des travaux de généalogie dans toute la Corse et contribue à une meilleure connaissance de notre histoire...
André Flori est un passionné. Cet ancien militaire de l’Armée de l’Air a ses racines à Eccica Suarella. Sa maison est un vrai musée avec une bibliothèque qui en dit long sur cette passion : histoire, culture, noms de familles, rien ne manque.
L’idée de la généalogie, qui sommeille en chacun de nous, en Corse, est venue tardivement. « C’était en 2013, rappelle l’intéressé, tout est parti d’un groupe de discussions sur internet (CGW Corse), mais comme on ne se connaissait que via le Web, c’est à la suite d’un repas que l’idée d’une association est née. »
Le destin de Corsica Genealugia est en marche. L’idée se concrétise un peu plus tard. L’association, qui rassemble une trentaine d’adhérents, met d’emblée en place des ateliers de généalogie et des conférences tout en commençant à travailler sur certaines communes. Grâce un site internet attractif et performant (une personne y est dédiée), des logiciels modernes et des idées novatrices, le groupe de départ se multiplie à la vitesse grand V. « Nous sommes aujourd’hui, 1040, se félicite André Flori, il y a un noyau dur mais tout le monde porte sa petite pierre à notre édifice. La clé de notre réussite réside dans la passion commune qui nous anime et une adhésion assez faible (10 euros l’année). Les adhérents viennent des quatre coins du monde : Corse, France, USA, Amérique du Sud, Europe, Asie, Afrique. »
En quelques années, l’équipe est parvenue à travailler sur la généalogie des familles d’une quarantaine de communes et pieve corses : Ornanu, Istria, Taravu, une partie du Boziu, Ventiseri, Solaru, une partie d’Ajaccio et des communes avoisinantes. « Nous remontons jusqu’à l’origine des documents, autour du XVIIIe selon les communes. Tout est répertorié (mariages, naissances, décès) et recensé sur notre site. Nous effectuons également des travaux avec la Collectivité de Corse (indexations leur permettant d’avoir une base de recherches. »
Une partie des adhérents s’est rendue à quatre reprises à Gênes afin de photographier toutes les archives qui concernent la Corse.
Enfin, l’équipe assiste les personnes qui le souhaitent à mettre en forme leur généalogie sous forme de tableau et/ou de livre.
Et si en raison de la crise sanitaire, les ateliers, conférences ainsi qu’un rendez-vous annuel, sont provisoirement mis de côté, idées et projets ne manquent pas : poursuivre le travail de vulgarisation et de présentation des travaux concernant la généalogie corse, sauvegarder et améliorer la diffusion des sources, contribuer à une meilleure connaissance de l’histoire de la Corse, poursuivre la numérisation des archives de Gênes.
« Nous espérons également mettre en place les scontri genealogichi cet été à Francardu, travailler sur Tolla et quelques communes proches d’Ajaccio (Arghjusta, Carbuccia, Auccià. Des conférences sur l’histoire des villages sont aussi au programme. L’objectif consiste, à terme, à pouvoir couvrir le maximum de communes possibles. C’est un travail de fourmi où il ne faudra pas être pressés. Enfin, nous souhaitons effectuer une recherche sur un certain nombre de personnes masculines, toutes descendantes d’Ugo Colonna afin de faire des tests pour apporter la preuve ou non de son existence. »
La passion des Corses pour la recherche de leurs ancêtres et le travail titanesque réalisé par Corsica Genealugia devrait certainement permettre, de plonger dans nos racines…
Ph.P.
https://www.corsicagenealugia.com
mail : corsicagenealugia@gmail.com
tel : 06-80-07-67-99
Après une pause forcée l'an dernier, l'association a de nouveau pu tenir son assemblée générale. Avec au menu, un site internet plus riche et plus interactif, et des recherches lancées sur les traces d'Ugo Colonna.
Les traditionnelles Scontri Genealugichi Corsi, organisées par l'association Corsica Genealugia, ont à nouveau pu se tenir après une annulation l'an passé due au Covid. Dimanche, une trentaine de membres se sont ainsi réunis à Prumitei, dans la salle de la Communauté de communes Pasquale-Paoli, afin de dresser le bilan d'activités annuel de l'organisme. L'heure était donc à l'analyse de l'état d'avancée de différents travaux menés depuis 2020. Car l'année dernière a beau avoir été marquée par plusieurs confinements, les projets, eux, ont tout de même avancé.
Avant de commencer cette réunion, un hommage a été rendu à Jeanne Ettori, membre de l'association, décédée il y a peu. "C'est la première fois que nous nous retrouvons depuis deux ans et Jeanne, membre fondateur de l'association, est partie en début de semaine, a indiqué André Flori, président de Corsica Genealugia. Je l'ai connue aux archives à Ajaccio, elle a participé à l'une des premières missions et son travail, notamment sur le site, était remarquable. Jeanne n'aurait pas voulu une minute de silence, alors je propose une minute d'applaudissements."
Une remise de médailles a ensuite été effectuée par l'un des représentants de la Fédération française de généalogie. "Nous avions proposé que deux de nos membres soient récompensés en vertu de leurs bons et loyaux services", a détaillé le président.
Une fois ces moments introductifs passés, c'est d'abord le nouveau site internet de l'association, totalement retravaillé, qui a été présenté. "Le site est nettement plus interactif que le précédent", a glissé André Flori. Et pour cause.
Désormais, les recherches généalogiques de chacun seront facilitées. "Le nouveau site permettra à chacun de trouver facilement les sources pour un village : Taglie, état des âmes, recensement, registres paroissiaux et registre d'état civil..., a détaillé le président. Pour chacun de ces documents, il sera possible de retrouver son lieu de conservation, son site de consultation et savoir s'il a été dépouillé." Autrement dit, en tapant le nom d'un village sur le site, l'utilisateur - qui devra au préalable avoir créé un compte - aura accès à toutes les informations d'ordre généalogiques liées au lieu recherché.
Une démonstration a suivi ces explications. "Tous les villages de Corse ont été enregistrés, là j'ai choisi une commune et en dessous, vous pouvez voir apparaître toutes les sources mentionnées précédemment, a-t-il indiqué. Si votre recherche porte sur un mariage et que vous n'avez pas en tête le nom de famille et le prénom des deux personnes concernées, vous pouvez par exemple taper le nom du mari et le prénom de l'épouse. Toute la liste des mariages qui correspondent va s'afficher. De la même manière, si vous n'avez que leurs prénoms, cela fonctionne aussi."
La deuxième annonce, et pas des moindres, portait sur une recherche scientifique.
L'association, avec la précieuse aide de Didier Ramelet-Stuart, enseignant en généalogie génétique à l'université de Nîmes, mène une étude sur le modèle de celle de deux historiens italiens. En s'appuyant sur le chromosome Y, qui se transmet aux descendants masculins et qui est connu pour peu changer sur vingt-cinq générations, ces derniers sont parvenus à retracer l'arbre généalogique de Léonard de Vinci sur vingt et une générations. Il s'agit désormais d'appliquer cette méthode à Ugo Colonna.
"À travers cette étude, nous aspirons à voir, selon les informations recueillies, si Ugo Colonna relève du mythe ou de la réalité", commente André Flori. Dans ce cadre-là, "nous recherchons des hommes volontaires pour faire un test financé par l'association et garantissons leur anonymat".
Après toutes ces présentations, un apéritif dînatoire servi à l'auberge A Tavula a permis de clôturer cette réunion sur une note positive et, surtout, de célébrer ces retrouvailles attendues par les membres de l'association.
«Nous sommes une communauté»
Entretien avec Jacques Le Marois, cofondateur de Geneanet.org la principale plateforme collaborative de généalogie.
Historia – Comment avez-vous découvert la généalogie ?
Jacques Le Marois : Adolescent, j’ai retrouvé des travaux réalisés par mes parents. On appelait ça des « camemberts » généalogiques. Je m’étais amusé à rapprocher le camembert de ma mère et celui de mon père. Quand j’étais étudiant en maîtrise, n’ayant que huit heures de cours par semaine, je me suis mis à fréquenter une bibliothèque où j’ai découvert les innombrables volumes du Dictionnaire de biographie française. J’y ai découvert des biographies d’ancêtres de père en fils, ce qui m’a donné envie de repartir de ce camembert et de le compléter.
Presque une addiction !
Oui, l’un des moteurs du chercheur est identique à celui du collectionneur : réunir un maximum d’ancêtres. Or, c’est exponentiel puisqu’on multiplie par deux le nombre d’ancêtres à chaque génération. Bref, J’ai passé plus de temps à faire de la généalogie qu’à travailler pour mes études. Le midi, j’allais à la bibliothèque Mazarine, ensuite aux Archives nationales ou encore, le soir, à Beaubourg. J’ai aussi fréquenté la Bibliothèque généalogique au 3 rue de Turbigo, qui n’existe malheureusement plus. C’était un haut lieu de la généalogie : vous aviez la Bibliothèque généalogique en bas et au sous-sol, ensuite la France généalogique, qui est la plus vieille association généalogique, et la Fédération française de généalogie à un autre étage.
Et là vous trouvez les fondateurs de la généalogie moderne !
Le fondateur de la fédération française de Généalogie, dans les années 1960, c’est le duc de La Force. Et la Bibliothèque généalogique a été fondée par le colonel Arnaud. Il a, en trente ans, épluché tous les ouvrages et toutes les revues ! En fait, il avait préfiguré Geneanet avec des ciseaux et du papier. Pour un patronyme, on savait dans quels ouvrages on pouvait trouver des généalogies. Il y avait toutes les généalogies possibles, sachant que c’est surtout dans la noblesse que s’est développée la pratique de la généalogie.
Pour une raison fiscale !
Oui… Sous l’Ancien Régime, vous payiez moins – ou pas – d’impôt si vous étiez noble, donc le sport national consistait à se faire passer pour noble. Il fallait justifier de sa noblesse sur trois générations, ou cent ans, pour qu’il y ait prescription et qu’on soit considéré comme noble… donc privilégié et exempté d’impôts. Les nobles devaient donc toujours conserver soigneusement leurs archives familiales pour être en mesure de prouver la continuité de leur ascendance. Pour entrer dans l’ordre de Malte, il fallait même renseigner sa généalogie sur seize quartiers de noblesse.
Ce qui entraînait une étiquette toute particulière…
Et comment ! Ma grand-mère faisait beaucoup de généalogie sur d’énormes cahiers et m’expliquait que, dans son école, elle n’avait le droit de ne tutoyer que ses cousines. Son objectif était donc de démontrer que sa copine était bien sa cousine !
À quand remonte la démocratisation de la généalogie ?
C’est seulement dans les années 1970-1980, notamment avec l’exode rural, que la généalogie a commencé à se populariser dans la société quand il s’est agi de retrouver ses racines.
La grande chance en France, c’est la qualité de l’archivage…
Nous bénéficions en France de la chance de disposer d’archives ouvertes à tous. Il y a eu une première vague lors de la Révolution française, qui a centralisé les registres paroissiaux dans les archives départementales, puis une deuxième vague, à la fin des années 1990, avec la numérisation en ligne des archives sur Internet. La Mayenne est le premier département qui a mis les archives en ligne au début des années 2000, pour faire de la place dans la salle de lecture. Il faut ajouter un maillage extraordinaire de plus de 300 associations généalogiques dans tout le pays, puis les sociétés comme Geneanet ou Filae, ont aidé à démocratiser l’accès à la généalogie en mettant à disposition des internautes des bases de données multiples avec des approches différentes.
Votre apport a consisté à coupler deux passions : la généalogie et l’informatique. C’est bien ça ?
Exact. En 1996, je me suis dit qu’avec Internet il y avait moyen de fabriquer un outil d’indexation et de consultation rapide pour aller le plus rapidement possible vers le but recherché. Je fréquentais le forum fr.rec.genealogie ; j’y ai annoncé mon projet et un informaticien, Jérôme Abela, m’a répondu aussitôt qu’il partageait la même idée. Nous avons donc lancé ensemble, en un temps record, une première version qui s’appelait « la liste des patronymes français » (LPF). Dans la foulée, je me suis dit qu’il fallait quelque chose de plus sérieux, et multilingue, financé par la publicité, que l’on a appelé Geneanet et qui a ouvert en novembre 1996 avec le coup de pouce d’un brillant mathématicien, Julien Cassaigne.
Et dès les débuts, Geneanet affiche une pratique collaborative
Au départ, j’avais recruté des personnes dans plusieurs pays pour aider à développer Geneanet. En 1999, l’idée a été ensuite de créer une société pour accélérer le développement du site. Celle-ci a été lancée en 2000 en visant plus de contenu, plus de trafic et plus de publicité pour nous financer. Mais ça n’a jamais marché du fait de revenus publicitaires insuffisants pour couvrir les coûts. On s’est donc retrouvé dans une situation financière compliquée.
C’est alors que vous mettez au point le modèle Geneanet en vigueur aujourd’hui
En octobre 2001, plutôt que d’annoncer à nos utilisateurs que Geneanet fermait ou devenait payant – ce qui aurait été catastrophique par rapport à la promesse de gratuité que nous avions toujours défendue, nous leur avons expliqué la situation : Si vous voulez que Geneanet reste gratuit, il faut que certains paient. En échange, ils seront moins soumis à la publicité et disposeront, dans le futur, de fonctions supplémentaires. Les premiers souscripteurs de l’abonnement « Club privilège » l’ont fait, non pour obtenir un service payant mais pour que la plateforme reste d’accès gratuit ! Dès le lendemain, plusieurs milliers de personnes ont souscrit. Cahin-caha, nous avons pu renforcer les équipes, jusqu’à arriver à une trentaine de salariés. En 2016, nous avons un peu perdu cet esprit des origines. Aussi nous l’avons remis au cœur de nos valeurs, et nous avons clarifié notre modèle en supprimant la publicité, qui était devenue trop intrusive.
Vous vous définissez donc d’abord Geneanet aujourd’hui comme une communauté…
J.L.M. : C’est l’originalité de Geneanet ! L’essentiel de nos contenus est apporté par nos membres qui partagent leurs arbres, leurs documents… Il y a, à ce jour, plus d’un million et demi d’arbres partagés. La généalogie se caractérise par un très fort esprit d’entraide et de partage. Parmi nos membres, certains font leur propre généalogie, mais d’autres effectuent des travaux au bénéfice de la communauté tout entière. Chaque semaine, des membres de Geneanet partagent des registres notariaux qu’ils ont numérisés. Nous mettons à leur disposition des appareils de numérisation, qui permettent de travailler dans de bonnes conditions. Nous avons aussi des bénévoles qui photographient les tombes dans les cimetières. D’autres qui indexent tout ce qui a été numérisé, ou qui indexent directement sur le site des archives, et partagent ensuite sur Geneanet. Tout ce qui est apporté par nos membres est en accès libre.
Vous labellisez ce savoir-faire ?
J.L.M. : Geneanet a la capacité d’animer ces groupes de bénévoles. Nous sommes l’hébergeur de tous ces travaux qui restent leur propriété. Il y a la numérisation puis l’indexation des registres, des travaux en partenariat avec des archives comme les Archives nationales. Les bénévoles ont la satisfaction de participer à un projet au bénéfice de tous. Le mot « altruisme » peut sembler exagéré mais il est exact. Certains effectuent d’ailleurs un travail de titan. L’un d’entre eux, Claude Franckart a effectué un chantier considérable, monacal, pendant plusieurs années, consistant à numériser intégralement des archives des châteaux ! Son plaisir est que ces archives soient accessibles à tous. Certains nous disent que c’est leur vie et qu’ils ont pu sortir de leur solitude grâce à cette communauté.
C’est une ruche décentralisée !
On ne voit pas de limite au bénévolat : pour tout nouveau projet, il y a toujours des personnes prêtes à participer. Voyez le projet des arbres 1914-1918, qui a pour but de construire des arbres collaboratifs restituant une famille aux poilus morts pour la France. In fine, ce projet revient à reconstituer les populations villageoises au XIXe siècle. Ces arbres, sont lancés à partir de projets plus anciens (livres d’or, tables de mariage du XIXe s.) ; ensuite, des communautés de généalogistes se les approprient. Pour le département du Calvados, un participant épluche tous les articles de journaux à la recherche de faits divers, pour les relier à des individus.
Un autre exemple ?
En 2014, l’un de nos membres nous a proposé de nous intéresser aux matricules napoléoniens. En huit ans, nous sommes déjà à plus d’un million de soldats indexés ! Une équipe entière travaille dessus. C’est intéressant pour des gens qui ont des ancêtres parmi ces soldats : avec la fiche matricule, ils obtiennent la description du visage, la taille, la couleur des yeux, la forme du front…
Les cotisations suffisent à faire face aux charges ?
Nous avons deux types de public. D’une part, des clients qui payent leur cotisation et sont exigeants sur le service qu’ils reçoivent. Et d’autre part un très grand nombre de membres qui se sentent partie prenante d’une communauté et sont très attentifs à la préservation de notre modèle : contributif, collaboratif et freemium.
Nous restons attentifs à ce que nos niveaux de recrutement et d’investissements ne se développent qu’à proportion du soutien de nos membres. Une politique rendue possible grâce aux apports des membres « premium ». Du coup, nous lançons aussi beaucoup de projets qui n’ont aucun but lucratif. Juste parce qu’on estime que c’est utile pour la communauté. D’une certaine façon, tout ce qui est bénéfique pour l’écosystème généalogique est bon pour Geneanet.
Et pourtant Geneanet vient d’être racheté
Nous avons été rachetés par Ancestry en septembre 2021. Paradoxalement, c’était un moyen de pérenniser Geneanet face à la concurrence d’acteurs commerciaux accumulant des bases de données considérables. La promesse d’Ancestry est de respecter notre modèle communautaire. Ce qui nous a rassurés, c’est qu’ils partagent la même expérience que nous avec « FindAGrave », un site dont la communauté numérise les cimetières outre-Atlantique. Grâce à Ancestry, nous bénéficions des investissements considérables qu’ils font dans l’indexation de l’état civil, ce qui nous permet de rendre plus attractive notre offre Premium. On essaie de préserver un équilibre entre ces deux approches : l’assise communautaire gratuite et l’offre « premium » réservée aux membres qui bénéficient de fonctionnalités et de contenus plus pointus.
Il s’est beaucoup dit que les plateformes de généalogie, intéressaient les investisseurs pour le futur business de la prédiction médicale. Ça vous semble exact ?
Les sociétés américaines et israéliennes se sont, c’est vrai, lancées dans des offres sur la prédisposition des maladies. Ils en sont revenus. Les plateformes généalogiques provoquent l’intérêt des investisseurs, d’abord parce que ce sont des modèles à forte croissance où vous investissez de manière importante pour faire de l’acquisition de contenus en les faisant indexer à bas coût chez des prestataires en Inde ou à Madagascar. Ensuite, plus vous disposez de membres, plus vous amortissez vos investissements. C’est une course permanente à l’acquisition de contenus. Pour Geneanet, c’était compliqué de suivre devant à cette problématique et à ces géants. Pour ne pas risquer d’être marginalisé, nous avons choisi de répondre positivement à la proposition d’Ancestry.
Aujourd’hui, quelle est votre place en France et en Europe ?
En termes de trafic et de contenu, Geneanet est numéro un. Sur Similarweb, qui permet de comparer les trafics entre tous les sites comparables, nous apparaissons comme le leader en Europe continentale. Nous avons des communautés en Espagne, en Italie, en Allemagne, en Belgique, en Hollande, en Angleterre, en Suède et en Slovénie.
L’archéologie a longtemps été considérée la supplétive de l’Histoire. Puis il y a eu les fouilles d’urgence, et l’archéologie est devenue un producteur de nouveaux contenus historiques. C’est un peu ce qui se passe avec la généalogie ?
Au départ, les généalogistes faisaient de la généalogie dans leur pré carré, puis comme les généalogistes font les choses en grand, nous sommes devenus producteurs de ressources. Le fait de numériser toutes les tutelles et curatelles du Châtelet de Paris sur trois cents ans et de les mettre en ligne permet à d’autres usagers de bénéficier de notre force de frappe. Qui aurait été en mesure de mener un tel projet de numérisation et d’indexation ? Du coup, nous tentons de nouer des relations fructueuses avec des historiens en échangeant nos résultats. Beaucoup d’entre eux, il est vrai, se montrent méfiants et ne souhaitent pas partager leurs sources ; d’autres, au contraire, se sont montrés très ouverts, comme Robert Descimon, un historien en prosopographie. Il a réalisé un énorme travail de dépouillement et d’analyse des archives notariales, numérisé et mis en ligne par Généanet après son accord.
Par ailleurs, il faut savoir que le généalogiste amateur une fois son arbre terminé va s’immerger dans l’histoire locale puis tenter de se rattacher à des événements plus larges. De la petite Histoire on se dirige vers la grande Histoire, alors que l’historien procède plutôt le cheminement inverse. En tout cas, je peux vous dire que beaucoup d’historiens utilisent notre plateforme, une source indispensable pour des abonnés qui font une thèse ou des études historiques. Si vous discutez avec un directeur d’archives, il vous dira que l’état civil représente 2 à 3% de ses fonds et le notariat 50%. Le potentiel de données non encore exploitées reste considérable pour le généalogiste.
Vous devenez ainsi contributeurs ou coproducteurs de recherches…
J.L.M. : Oui. Nous travaillons par exemple avec les Archives nationales ou avec l’Institut national d’études démographiques. Autre exemple : Eugène Bruneau-Latouche, un érudit qui a étudié les familles en Martinique, m’a contacté parce qu’il trouvait dommage que ses livres restent en accès confidentiel. J’ai mis ses cinquante ans de travaux en accès libre. Ce qui est formidable, c’est que la généalogie ne constitue plus un terrain de chasse réservé aux aristocrates. Tout un chacun devient susceptible de s’intéresser à son histoire familiale.
Qu’est-ce que vient changer l’ADN en généalogie ?
L’INSERM estime le nombre de demandes de tests ADN à 100 000 par an en France, alors même que cet acte reste illégal. L’intérêt de la généalogie par ADN est de deux ordres. Il y a l’approche qui promet de vous faire découvrir de quelles régions du monde viennent vos ancêtres. C’est amusant mais la fiabilité dépend des bases statistiques utilisées… L’autre promesse, plus sérieuse, c’est la révélation des cousinages généalogiques, et là, la démarche est implacable ! Tous vos cousins et parents, connus ou insoupçonnés, seront identifiés à condition qu’ils aient réalisé eux aussi leur empreinte ADN et qu’ils l’aient mise en ligne. En France, la généalogie par ADN n’a pas un intérêt considérable parce que les archives sont pléthoriques et permettent souvent de remonter, sans grande difficulté, jusqu’au XVIIe siècle voire au XVIe siècle à Paris. Le test ADN est plus utile aux États-Unis, où les sources sont plus aléatoires. Il est surtout utile quand vous êtes bloqué sur un chaînon manquant ou une branche morte de votre arbre. L’inconvénient, c’est que, de temps en temps, vous découvrez que votre père n’est pas… votre père. Nous avons travaillé pour faire changer la réglementation lors des discussions sur les lois bioéthiques, mais le législateur a considéré que les gens ne devaient pas connaître leurs origines au risque de les traumatiser et qu’il fallait préserver le secret. Pourtant, quand on discute avec ceux qui sont en quête de leur origine, ils souffrent surtout de ne pas savoir.
La libéralisation des tests ADN changerait quelque chose pour vous ?
On peut déjà commander son test par envoi d’un échantillon de salive à l’étranger et utiliser le résultat en France. La loi qui interdit la vente des tests est purement virtuelle. Une plateforme de généalogie a même orchestré une campagne de publicité à la télévision jusqu’à ce qu’on le lui interdise. Il a recentré ensuite sa communication sur Internet et, quand on consulte son site, on peut acheter le kit ADN sans difficulté. Personne n’a jamais payé une amende pour avoir pratiqué un test ADN. Vous comprendrez que, pour Geneanet, l’accès aux tests ADN est indispensable. On ne peut pas être compétitifs face aux concurrents si nous n’offrons pas cette option. Ancestry, notre actionnaire, a d’ailleurs une offre ADN toute prête. Pour l’heure, à défaut de pouvoir commercialiser nous-mêmes ces kits, nous proposons de mettre les fichiers ADN réalisés aux États-Unis ou en Grande- Bretagne sur notre site pour les comparer aux autres. Ce qui est fascinant avec la révélation de ces cousinages par ADN, c’est de pouvoir résoudre des problèmes de filiations sur lesquelles on a un doute, mais aussi de résoudre des cold case. Aux États-Unis, 200 enquêtes qui étaient au point mort ont été résolues grâce aux tests ADN généalogiques dans le cadre d’une instruction judiciaire.
Vous persistez et vous signez : Geneanet reste Geneanet avec ou sans ADN et avec un nouveau propriétaire…
L’approche de Geneanet est unique : nous formons, je le répète, d’abord une communauté. Chaque année, nous publions une note de blog pour expliquer notre modèle. Lisez les commentaires : il y en a plus de 2000 à chaque fois ! Peu d’entreprises peuvent se prévaloir d’une telle implication de ses membres. Récemment, la Mairie de Paris nous a contactés pour la sauvegarde d’un stock de livres de la Commission des travaux historiques de la Ville de Paris, créée par le baron Haussmann. Nous leur avons proposé de les aider à sauver ces ouvrages en mobilisant notre communauté. En dix séances d’une journée dans un entrepôt de la ville de Paris toute la logistique a été entièrement assurée par un groupe de bénévoles.
Vous comptez combien de ces bénévoles actifs ?
Sur l’indexation collaborative on compte 26000 participants passés et présent. En fonction des projets, leur nombre peut monter à des centaines de participants. Sur le projet avec la Ville de Paris, une dizaine de personnes ont aidé à la manutention des livres et la préparation des colis, sans compter ceux qui ont transporté les ouvrages et tous ceux qui vont procéder à la numérisation pour les rendre accessibles à tous. C’est ça Geneanet. C’est ce miracle-là.
Propos recueillis par Guillaume Malaurie
Les généalogistes devront s'y faire, car il y aura un avant et un après : depuis le 1er juin 2022, le livret de famille a changé pour s'adapter aux récentes lois sur la famille ayant modifié certaines informations devant figurer sur ce document d'état civil. C'est par l'arrêté du 3 mai 2022 que le gouvernement a introduit un nouveau modèle de livret de famille. Les modifications portent à la fois sur la partie principale relative à l'état civil et au droit de la famille et à la fois sur la partie concernant les extraits d'actes d'état civil.
Il s'agit notamment de prendre en compte les nouvelles dispositions concernant la procréation médicalement assistée. Ainsi, un couple de femmes ayant recouru à la PMA voit la filiation de son enfant établie directement à l'égard de la femme qui accouche, par sa seule désignation dans l'acte de naissance de l'enfant. À l'égard de l'autre femme, la filiation est établie par la reconnaissance conjointe anticipée faite devant le notaire concomitamment au consentement donné à l'assistance médicale à la procréation. »
Ce nouveau livret s'adapte aussi à la réglementation récente relative au changement de nom, simplifié quand le choix porte sur un nom issu de la filiation. Les couples pacsés et les concubins peuvent également adopter plus facilement. La nouvelle réglementation sur le choix d'un nom pour l'enfant né sans vie y est également présentée, il peut désormais y figurer, tout comme l'acte de décès d'un enfant majeur.
Tous ces bouleversements qui figurent sur le nouveau livret de famille parviendront aux familles dans un délai variable selon les communes : en effet si le nouveau modèle du livret de famille circule depuis le 1er juin 2022, les mairies pourront continuer à écouler leurs anciens modèles, jusqu'à épuisement de leur stock.
Aux archives de l'Hérault, place aux "privilèges" ! Pour certains utilisateurs, les délais de communication sur Internet sont considérablement élargis, jusqu'à 1944 pour les registres de naissance, au lieu de 1918 pour le commun des mortels... Petite précision, ce "privilège" n'est aucunement un passe-droit, uniquement une application précise de la loi.
En effet, aux Archives de l'Hérault, tout le monde peut devenir un "privilégié" et consulter des actes avec des délais de communication plus favorables. Il suffit simplement de s'inscrire... L'explication est simple : il y a une différence sur le plan légal entre la communication sur Internet qui est ouverte à tous anonymement et la communication à des personnes dont l'identité a été vérifiée. On peut donc avoir accès à des archives plus récentes, comme en salle de lecture, à partir du moment où l'on a prouvé son identité.
Aux archives de l'Hérault, il y a désormais deux manières de justifier de son identité. Soit vous créez un compte de lecteur ordinaire et vous envoyez votre pièce d'identité au service des Archives. Votre compte est ensuite certifié dès lors que votre inscription a été validée. Sinon, depuis quelques jours, il vous suffit de vous connecter avec France Connect en utilisant l'un des services de l'Etat pour lequel votre identité est déjà validée : avec votre compte impots.gouv.fr, ameli.fr, l’Identité Numérique La Poste, MobileConnect et moi, msa.fr et Alicem. Ensuite, à vous la consultation des actes plus récents ! Ce n'est pas beau les privilèges ?
L'état civil laïque est dans une certaine mesure la conséquence lointaine du schisme religieux du XVIe siècle. Dans les pays qui ne l'ont point connu ou qui l'ont tué dans l'œuf — pays de la Contre -Réforme, Espagne ou Italie, la laïcisation a été tardive, voire incomplète. La France au contraire a, la première, franchi avec la Révolution ce pas décisif .
Déjà, au XVIe siècle, la question s'était posée une première fois. Les fiançailles « par parole de présent » passées par devant notaire et que les protestants pratiquèrent au XVIe siècle pour éviter d'avoir recours aux prêtres est, après tout, la première ébauche du mariage civil. Mais l'édit de Nantes en reconnaissant en fait deux religions d'État laissait à l'état civil son caractère purement religieux : le ministre de l'Évangile était le pendant du curé. La Révocation, supprimant les pasteurs, reposa le problème.
Dès 1683, avant même la Révocation, un arrêt du Conseil « prescrivait le dépôt des registres d'état civil protestants des églises supprimées au greffe des bailliages et sénéchaussées. En septembre 1685, dans les mêmes localités, la publicité des bans pour le mariage réformé fut transmise au juge de la justice royale la plus proche, et les mariages célébrés en présence des consuls par des ministres autorisés chargés ensuite de faire enregistrer les mariages au greffe. L'édit d'octobre et le postulat qu'il implique, la disparition du protestantisme annulent le compromis. Or, le protestantisme n'est pas mort. Les protestants naissent, se marient et meurent...
Pour sortir de l'impasse, Claude Brousson proposait le retour au contrat notarié du XVIe siècle, et, en magistrat soucieux de l'ordre social, le complétait d'une déclaration devant la justice royale. La société était satisfaite, le mariage civil est créé. Mais la solution allait se heurter aux hostilités curieusement conjuguées des protestants eux-mêmes, du clergé catholique et du roi.
L'hostilité des protestants, cela va sans dire, présentait un réel danger, et le mariage au Désert va bientôt être préféré, pour avoir le double avantage de satisfaire les consciences et de créer un état civil clandestin. Les protestant espèrent d'ailleurs que celui-ci sera reconnu et qu'on reviendra à l'Édit de Nantes. De son côté, l'Église romaine veut acculer les hérétiques au mariage catholique ; certains ecclésiastiques, pourtant, par crainte du sacrilège ou goût du lucre, font inconsciemment du curé un « officier d'état civil » qui enregistre le consentement mutuel, sans autre exigeance religieuse. Dernière hostilité, celle du Roi aboutit à supprimer le contrat notarié et les autres expédients matrimoniaux. Sans doute, mais la magistrature est obligée de reconnaître la réalité protestante ; elle souffre du désordre social ainsi créé : bâtardise, incapacité d'hériter, et sa solution, l'enregistrement devant la justice royale, n'est pas différente de celle que Brousson, huguenot, magistrat avant d'être pasteur du Désert, avait proposée en son temps. La solution rallie finalement les sages de tous les partis, et, après avoir avancé ou reculé, au gré des fluctuations des intrigues de Cour, c'est celle qui prévaudra en 1787.
Fluctuations des intrigues de la Cour, dira-t-on, mais encore... les protestants eux-mêmes, par leurs divisions, retardent la solution du mariage civil.
Le protestantisme n'est pas un, on pouvait s'en douter : devant le problème du mariage, des divisions apparaissent. Pour les uns, restaurateurs de l'Église, non conformistes, ruraux, nobles, tenanciers du Midi et de l'Ouest, le problème du mariage civil n'est qu'un aspect de la reconstruction de l'Église et de la reconnaissance du culte réformé. Pour la bourgeoisie — cette bourgeoisie qu'incarnaient au XVIIIe siècle les Messieurs de La Rochelle et des autres métropoles calvinistes et commerçantes, ceux dont le patriotisme fiscal compensait largement aux yeux du Gouvernement la tare calviniste, — le Désert était bien compromettant : l'essentiel était de sauvegarder leurs intérêts en obtenant un état civil, et de transmettre à leurs enfants l'héritage, signe de la Grâce de Dieu : ils craignaient de sacrifier la proie pour l'ombre. Le mariage civil leur suffit et, paradoxe, ceux qu'on appelle les Messieurs s'allient à l'autorité royale contre le Désert. Bonne aubaine pour celle-ci. On comprend que la solution de 1787 ait tant tardé. Finalement, l'Édit de 1787, en donnant le mariage civil aux protestants sans accorder le culte public, donnait satisfaction aux bourgeois sans satisfaire les classes rurales plus sensibles à ce qui manquait à l'Édit qu'à ce qu'il apportait. — Épisode -d'une opposition profonde et complexe que la Révolution ne devait point apaiser.
Huguette Chaunu