par Mathieu Dalaine
La dernière fois que des coups de feu ont été échangés à la poudrière des Moulins, c’était en août 1944. Des combats avaient fait rage autour du "verrou" de Toulon, dans la vallée du Las. Bilan officiel: 250 morts côté allemand, ainsi que 23 chez les libérateurs. Et un mystère en sus. Combien d’hommes (et de munitions non explosées) avaient aussi été engloutis par l’effondrement soudain de la galerie P4, aux premières heures de la bataille?
L’arrivée d’un nouveau propriétaire sur ce site situé au 245 avenue des Meuniers, sur la route qui mène au Revest, va peut-être permettre d’apporter une réponse à cette énigme historique. Le Club de tir police varois (CTPV) vient en effet d’acquérir l’endroit, jadis appelé "Établissement de Saint-Pierre", pour la modique somme d’un demi-million d’euros. Avec la ferme intention d’y tirer quelques cartouches, mais également de s’intéresser de près aux éboulis les plus intrigants de la ville.
"On était installé depuis trente ans à Lagoubran (1), sur un terrain militaire qui a longtemps abrité une usine de torpilles", explique Gilbert Tort, l’ex-commandant de police qui préside désormais aux destinées de cette structure prisée des forces de l’ordre. "Mais en début d’année, le ministère des Armées nous a informés qu’il comptait résilier notre bail."
La raison invoquée par la Défense – le besoin de récupérer de l’espace en vue du chantier préparatoire à l’accueil du futur porte-avions sur la base navale de Toulon – ne souffrait guère la contestation. Le CTPV s’est mis en quête d’un nouvel écrin pour son millier d’adhérents, civils ou assermentés.
L’entrée de l’ex-établissement Saint-Pierre, dans le quartier des Moulins, va devenir celle du Club de tir police varois dès l’an prochain. (Photo doc. F. M.).
Avec ses trois longs tunnels bétonnés, son terrain vaste (mais inconstructible), sa capacité d’accueil et son accès sécurisé, la poudrière des Moulins cochait pas mal de cases. Le décès du propriétaire de cette friche de sept hectares en fin d’année dernière, et la volonté de ses héritiers de s’en séparer, a permis la transaction.
Si tout se passe bien, après quelques travaux d’aménagement, les fines gâchettes du coin devraient pouvoir dégainer leurs armes au pied du Faron dès l’an prochain. Mais le club a une autre cible en tête.
"On connaît l’histoire de la poudrière, insiste Gilbert Tort. On sait qu’il y a un mystère autour de la galerie effondrée et on aimerait contribuer à le résoudre." L’ancien patron de la Bac nord de Marseille entend ainsi prendre attache avec le consul d’Allemagne et des associations mémorielles outre-Rhin, afin de voir sous quelle mesure une dépollution du site en profondeur, jamais vraiment réalisée jusque-là, serait susceptible d’être entreprise.
"Imaginons que le terrain puisse enfin être dépollué, poursuit Gilbert Tort. Imaginons aussi qu’on retrouve du matériel militaire. On pourrait alors transformer cette poudrière en un lieu de mémoire avec l’installation d’un petit musée, pourquoi pas, en partenariat avec le ministère des Ancien combattants. Mais bon, tout ça, c’est un sujet à long terme…" Et pas franchement la cible la plus facile à atteindre.