Mathieu Dalaine 19 octobre 2024
Au volant de son vieux 4x4 de l’US Army, Denis Le Priol a la banane. "Je suis content, tu peux pas savoir. C’est la première fois que je fais le tour du site avec ma Jeep!"
À 62 ans, cet habitant de Draguignan est le tout nouveau propriétaire du fort du Grand Saint-Antoine, un édifice militaire de 1845 planté dans la pinède, en retrait des premières rampes du mont Faron.
C’est lors d’une vente aux enchères, au printemps dernier, que cet "ancien para", comme il se présente, a sorti le chéquier. Ou plutôt celui de la banque luxembourgeoise qui a accepté de l’aider à régler la somme de 990.000 euros, "sans les frais de notaire", au précédent maître des lieux.
Ce dernier – le milliardaire Christian Latouche – souhaitait se débarrasser rapidement du bien qu’il avait acheté à la Défense en 2015. Le patron de Sud Radio était déçu, dit-on, de ne pas avoir obtenu l’autorisation d’y poser une antenne pour diffuser ses bonnes ondes à Toulon.
"Moi, rien à voir: je suis collectionneur de véhicules militaires", explique Denis Le Priol, longtemps à la tête d’une entreprise florissante de restauration et de distribution de pièces de Jeep.
"Depuis que je suis à la retraite, je cherchais un endroit pour entreposer mes “jouets". J’ai eu un coup de cœur pour ce fort." Le Malouin d’origine possède environ 160 véhicules des armées du siècle dernier, dont il fait régulièrement profiter associations et collectivités avides de reconstitutions historiques.
Mais loin de lui l’idée de vouloir transformer cet ensemble classé de fortifications en entrepôt pour sa panoplie de véhicules d’appui, blindés ou amphibies.
"Je souhaite ouvrir ici un grand musée du matériel militaire, pose Denis Le Priol. Ça devait se faire au Muy, mais ça n’avance pas. Là, c’est parfait: on parle d’un fort construit par les Toulonnais, occupé par les Toulonnais et même libéré par les Toulonnais en 1944".
Des véhicules militaires, des casques… et une piscine
Le Breton connaît déjà son Grand Saint-Antoine sur le bout des doigts, relatant, comme s’il l’avait vécue, la prise du fort aux Allemands en août 1944 par les FFI. "Regardez ces impacts de balle sur les murs! Et ces trous d’obus! Cet endroit est incroyable."
Ici, on retrouve la tourelle d’un radar; là, le socle d’un canon antiaérien. "Je veux le remettre dans l’état exact dans lequel il se trouvait en 1944. Y compris avec sa piscine! Les Allemands l’avaient construite pour apprendre aux soldats à nager."
À ses côtés, Albert Meuvret acquiesce, glisse une précision patrimoniale à l’occasion. L’ancien pompier et historien local, qui militait pour que la Ville se porte acquéreur de ces 7 hectares au-dessus de la rade, a peut-être trouvé en Denis Le Priol l’homme providentiel pour réaliser son rêve de musée du casque à Toulon.
"Il faut juste qu’on se répartisse les lieux…" Et que le duo trouve quelques bonnes âmes pour nettoyer, retaper et faire fonctionner l’endroit (fortdugrandsaintantoine@hotmail.com). Une paille, quoi.
"Je ne suis absolument pas pressé", sourit Denis Le Priol. "Je veux faire les choses bien: expliquer mon projet aux élus, former une équipe de bénévoles, remettre tout ça en état… Mais avant tout, mon objectif est d’ouvrir ce fort le plus rapidement possible aux Toulonnais".
Et, si tout roule, un jour prochain, l’homme sera aux commandes d’un engin un peu particulier pour franchir le vieux pont-levis du Grand Saint-Antoine: un char M4 Sherman de la 2e DB.
Dans la famille Le Priol, la notoriété du fils dépasse aujourd’hui largement celle de son père. Ex-militaire de 30 ans, Loïk Le Priol est mis en cause comme coauteur dans l’assassinat du rugbyman argentin Federico Martín Aramburú, en mars 2022 à Paris.
Si les liens de l’accusé avec l’extrême-droite radicale ne sont plus à démontrer, ceux de Denis Le Priol, aussi évoqués par plusieurs médias, ne sont pas avérés, jure l’intéressé.
"Ce sont des mensonges. Je suis totalement apolitique", balaye-t-il. "Quant à l’histoire de mon fils, ma famille est détruite… Mais je ne suis pas comptable de ses actes."
À noter que Denis Le Priol est par ailleurs gérant du domaine de l’Octopus, à Draguignan, qui a fait parler de lui pour l’accueil de fêtes bruyantes… y compris pendant le confinement de 2020.
Toutefois, c’est surtout pour son rôle à la tête de Jeep Village, la référence commerciale en France de tout ce qui touche au fameux 4x4 américain et à ses équipements, que Denis Le Priol s'est jusqu'alors fait connaître.