par Monique Durand - 9 août 2014
Nous venons tous, plus ou moins, d’une lignée d’océan, de mer et d’eaux vives. Notre collaboratrice Monique Durand nous présente cet été une série d’articles où se mêlent petite et grande histoire dans les vents de l’Atlantique. Trajectoires de femmes et d’hommes qui nous ont précédés, illustres inconnus pour la plupart, creusant jusqu’à nous leur sillon dans la chair du temps.
Ils arrivaient enfin quelque part. Sur ce petit fragment de France détaché de la Bretagne appelé Belle-Île-en-Mer. Après des années d’errance, ils abordaient une nouvelle vie sur la grève de Palais, porte d’entrée de Belle-Île. Ils pouvaient enfin poser leurs enfants et leurs bagages.
Au cours des années qui suivirent le Grand Dérangement de 1755, des milliers d’Acadiens furent dispersés dans les ports anglais et français. Ils furent nombreux aussi à croupir dans les prisons britanniques — Southampton, Bristol, Liverpool — jusqu’à la signature du Traité de Paris, en février 1763. Par ce traité, la France cédait à l’Angleterre, entre autres, toutes ses possessions du Canada, sauf Saint-Pierre-et-Miquelon, et lui rendait Minorque en échange de Belle-Île-en-Mer, que les Anglais occupaient depuis deux ans. L’île bretonne, à 15 kilomètres au large de Quiberon, était convoitée pour son climat tempéré, l’abondance de ses ressources en eau douce et sa position hautement stratégique, au carrefour des routes maritimes qui allaient de la Manche jusqu’à l’Espagne.
Rien ne prédestinait l’Acadie et Belle-Île-en-Mer à voir leurs destins liés. Après le Traité de Paris, Louis XV négocie le rapatriement des Acadiens prisonniers en Angleterre, « ces Français fidèles à leur roi et à leur religion », écrit feu Jean-Marie Fonteneau, spécialiste de Belle-Île. Puis il lance une sorte d’appel d’offres auprès de tous les intendants de France : 3 500 Acadiens se trouvent à la disposition de ceux qui pourraient les accueillir et leur fournir des terres.
Plus de vingt offres d’accueil furent proposées et c’est Belle-Île-en-Mer qui remporta la mise. Pillée et dévastée par les occupants anglais, elle avait besoin de main-d’oeuvre pour la remettre sur pied et cultiver les terres abandonnées. C’est ainsi que 78 familles, des Leblanc, des Granger, des Thomas, des Mélanson, au total 363 Acadiens, dont 211 enfants, s’établirent sur l’île perdue dans l’Atlantique, après que trois de leurs représentants s’y soient rendus pour examiner les lieux.
Il y eut d’abord de longs mois d’attente à Morlaix et à Saint-Malo, le temps de régler les modalités d’installation et l’épineux problème de la distribution des terres. Ils arrivèrent enfin, en quatre groupes, à l’automne 1765. Le dernier groupe toucha terre à Belle-Île le 30 octobre par une retentissante tempête sur la mer. Ballottés dans l’écume, à travers la pluie et le grain, les exilés virent bientôt apparaître la formidable citadelle de Vauban qui, des siècles après sa construction, mange encore tout entier le paysage quand les voyageurs d’aujourd’hui arrivent sur l’île. Peut-être les Acadiens furent-ils un tant soit peu rassurés d’imaginer leur nouvelle vie sous la protection d’une telle forteresse ?
Mais tout n’était pas gagné. Il leur faudrait encore affronter les natifs de Belle-Île, qui allaient leur tenir rigueur de ce que le Roi de France les prenait sous son aile et leur fournissait animaux, instruments aratoires et solde. Un boeuf, un cheval, une charrette et trois faucilles furent distribués à chaque famille. Quelques Bellilois « de souche » seront même déplacés pour céder des terres aux Acadiens. En plus, ces derniers parlaient français, alors que les Bellilois, eux, parlaient breton. L’accueil réservé aux émigrés fut pour le moins mitigé.
Les familles acadiennes avaient demandé d’être regroupées dans un seul village. Elles voulaient enfin pouvoir se serrer les unes contre les autres, dans une proximité qu’elles n’avaient plus connue depuis de longues années. Mais ce fut peine perdue. Leurs terres seront réparties entre une quarantaine de villages « afin que tous les habitants ne fassent qu’un seul esprit et qu’un même peuple », écrit le gouverneur de l’île, le baron de Warren. Ces « honnêtes gens », les qualifia-t-il, acceptèrent de bon gré. Tout était mieux que l’errance et la prison.
Ils travaillèrent comme des forcenés, de l’aurore jusqu’à la nuit, pour construire leurs maisons et cultiver les terres souvent les plus ingrates de l’île. Plusieurs demeures qu’ils ont construites existent toujours à Belle-Île-en-Mer. On peut voir, apposée sur certaines d’entre elles, un petit écriteau marqué « 1766 », ces quatre chiffres, plus évocateurs et plus émouvants que n’importe quelle autre trace de leur installation sur l’île.
Les nouveaux venus s’engageaient à rester à Belle-Île au moins dix ans, jusqu’au 1er janvier 1776. Après cette décennie belliloise, plusieurs remirent le cap sur l’Amérique et tout particulièrement sur la Louisiane. Mais certains firent souche sur une île qui était un peu devenue la leur. Ils avaient été reconnus propriétaires de leur parcelle et avaient acquis un état civil français.
Aujourd’hui encore, Belle-Île-en-Mer respire littéralement l’Acadie. Et quand on aborde ce paradis aux paysages contrastés de landes rases et de falaises, un long et lent parfum d’histoire monte jusqu’à vous. Il y a le « Quai de l’Acadie », où les traversiers venus du continent déversent touristes, villégiateurs et gens du cru. Il y a les maisons, les villages qui portent le sceau des Acadiens. Des monuments, des croix de chemin à leur mémoire. Des échanges, des colloques. Mais là où l’Acadie est la plus présente, c’est au fond des êtres. Le tiers des 5 000 habitants de Belle-Île serait d’origine acadienne. Christine Thomas, serveuse au restaurant L’Odyssée, s’anime quand elle parle de ses racines acadiennes en servant l’agneau et les Saint-Jacques de Belle-Île aux clients attablés. Danielle Blancaneaux, née Mélanson, retraitée de l’enseignement, raconte, encore émue, cette procession du 28 juillet 2005 pour marquer le 250e anniversaire de la Déportation de 1755. À 17 h 55 précises retentirent les cloches de Bangor, le village où s’étaient établis les Granger. Hommes, femmes et enfants entonnèrent l’Ave Maris Stella, au milieu des vallons dorés cheminant vers la mer.
Maryvonne Le Gac est propriétaire d’une mercerie à Palais, À la Providence, sise dans une maison construite entre 1650 et 1700. « Avant l’arrivée des Acadiens », dit-elle. Maryvonne a fait de la perpétuation des racines acadiennes de Belle-Île le centre de sa vie. Elle passe des heures à rassembler des souvenirs, créer des contacts, organiser anniversaires et commémorations. « Ce qu’il y a d’acadien en moi ? » Elle fait une pause. « D’abord la simplicité des rapports avec les autres, des rapports sans filtres, sans couches de vernis. » Comme si ces rapports échappaient aux codes sociaux, si puissants en France. « C’est en nous », souffle-t-elle.
Le poissonnier de Palais, Herlé Lanco, né Granger par sa mère, se souvient d’une vieille amie de la famille qui portait encore des robes acadiennes. Il se souvient aussi qu’il ne faisait pas bon se dire Acadien en ces temps-là.
« Quand j’étais gamin, les gens étaient discrets sur le sujet. Aujourd’hui, on a enfin le droit d’en parler. » Mû par une sorte d’appel, il est allé en voyage de noces à Richibouctou, au Nouveau-Brunswick. « Le principal, résume-t-il, c’est de savoir qu’on vient de là. »
Mais certains jours de vague à l’âme, assis devant la mer, Herlé voudrait prendre le large. « Quand ça ne va pas, c’est à l’Acadie que je pense, c’est là-bas que j’aurais envie d’être. » Puis, comme un cri du coeur, il lâche en plaisantant : « Si y avait pas eu ces putains d’Anglais ! »
L’événement était hautement symbolique et montrait avec éclat que la mémoire acadienne de Belle-Ile-en-Mer est bien vivante. Le 11 juin 2016, Belle-Ile-en-Mer commémorait le 250ème anniversaire de l’installation de 78 familles de réfugiés acadiens (363 personnes) réparties dans 40 villages des quatre paroisses de Le Palais, Bangor, Locmaria et Sauzon.
En présence d’une importante délégation canadienne, le maire de Palais et président de la communauté des quatre communes de Belle-Ile-en-Mer soulignait le caractère indispensable du jumelage de l’île depuis 2003 avec la ville de Pubnico (Nouvelle-Ecosse). Pubnico (anciennement Pobomcoup) est considéré comme le plus ancien village acadien, fondé en 1653, et même le plus ancien village du Canada encore occupé par les descendants de son fondateur, le baron Philippe Mius d’Entremont. Aujourd’hui, ce lien fort est précieux pour Belle-Ile-en-Mer qui, loin d’être une île-musée, constitue le plus grand fief acadien de France. Pour le comprendre, revenons à novembre 1765…
Les familles acadiennes étaient toutes arrivées au port de Palais, en provenance surtout de Morlaix mais également de Saint-Malo. La plupart d’entre elles avaient été exilées et assignées à résidence dans des ports anglais jusqu’en 1763. Que venaient-elles faire à Belle-Ile-en-Mer, cette île bretonne d’environ 5000 habitants tout juste reprise aux Anglais mais à reconstruire entièrement ? Les États de Bretagne avaient proposé un afféagement général de l’île, c’est-à-dire une redistribution des terres aux paysans bellilois afin qu’ils en deviennent propriétaires. Ils espéraient sans doute, en offrant aussi des terres aux Acadiens, réputés plus industrieux, opérer une saine émulation rurale. Cette expérience fut elle un succès ? Si de nombreux Bellilois revendiquent aujourd’hui leur ascendance acadienne, c’est que l’intégration sociale et économique de leurs ancêtres fut plutôt réussie. Des données factuelles et numériques récemment collectées (Jean-Paul Moreau, 2014) sont très éclairantes à cet égard…
Les deux premières décennies (1765-1785) furent marquées par deux dates clés. A partir du 1er janvier 1776, les Afféagistes furent autorisés à vendre leurs terres et en 1785 certains Acadiens émigrèrent en Louisiane. Dans cette période, le principal moteur de l’intégration sociale – le mariage – joua massivement son rôle puisque près de 90% des mariages concernant un Acadien ou une Acadienne étaient mixtes ! Après 1785, seulement 25% des familles pionnières étaient restées définitivement dans l’île. Parmi les autres, 30% avaient émigré en Louisiane et 45% quitté aussi l’île mais en restant dans les ports bretons. Certes, dans la première décennie, plusieurs départs étaient manifestement liés à des motifs économiques, mais dans la seconde, les familles partantes avaient pu vendre ou affermer leurs concessions dans de bonnes conditions, parfois même à… d’autres Acadiens restés sur l’île.
Voici les principales familles acadiennes pionnières de Belle-Ile-en-Mer en novembre 1765 (200 sur 363) : Leblanc, Granger, Trahan, Terriot, Daigre.
Émigration. Un Américain cultive ses racines belliloises
Le 08 octobre 2011 à 00h00
Frank Davidson est un vieil homme, pour qui ses racines sont essentielles. À 87 ans, cet Américain est venu pour la quatrième fois à Belle-Ile cette semaine, sur les traces de ses ancêtres. Issu d'une famille bangorine, le grand-père de Frank, Emile Lucas, a quitté Belle-Ile en 1854 pour s'installer à l'âge de 15 ans en Virginie, sur la côte Est des Etats-Unis.
Marin-pêcheur, cow-boy, soldat...
Marin pêcheur à Belle-Ile, l'homme devient cow-boy (garçon de ferme) en Amérique. Dans les courriers qu'il échange dès 1855, avec son frère, resté à Bangor, il évoque sontravail d'agriculteur: «Nous faisons deux récoltes par an ici, c'est incroyable», écrit Emile. Peu de temps après son arrivée aux Etats-Unis, en 1861, Emile Lucas est envoyé sur le front de la guerre de Sécession pendant quatre ans puis il rencontre sa femme avec qui ils ont sept enfants, dont la mère de Frank, Anna. Eugène Guellec, un membre de la famille installé à Quimper, prend contact avec la branche étasunienne dans les années 50, c'est ainsi que des liens se sont recréés des deux côtés de l'Atlantique. Frank, pilote de bombardiers pendant la Seconde Guerre mondiale, participe à la libération de la France. Il revient sur le sol européen en 1966, à la recherche de sa famille. Lorsqu'il finit par retrouver la maison familiale de ses ancêtres à Kernest, il frappe à la porte. Dans cette maison, sans doute acadienne, devenue résidence secondaire, la famille Couppé l'accueille.
«Les Bellilois sont sympathiques»
Depuis, il y est revenu et entretient des liens d'amitiés très forts avec Christian Couppé. Frank se sent bien à Belle-Ile. Même s'il ne parle pas français, il va vers les insulaires, comme si cette terre était sienne: «Je suis heureux ici, les Bellilois sont vraiment sympathiques et accueillants», confie-t-il.
Mais revenons à la chronologie de mes découvertes, car les recherches généalogiques sont une sorte de machine à remonter le temps, et j'ai donc commencé à faire la connaissance de mes acadiens par la fin, par leur installation dans "mon" île...
Claude Picard : l’arrivée des Acadiens en 1765 à Belle Isle. (© Citadelle Vauban)
A l'automne 1765, 363 personnes de tous âges, débarquent à Belle Isle en Mer, après des années de péripéties, pour démarrer une nouvelle vie. Ce sont des "réfugiés acadiens". Sur ces 78 familles, 5 sont celles de mes ancêtres directs. Mais les autres sont formées de frères, cousins, neveux... Tous sont liés par d'étroits liens de parenté et forment une sorte de clan : Les LE BLANC arrivent à 57, les GRANGER à 46, les TRAHAN à 49, les TERRIOT à 27 et les DAIGRE à 21, de sorte que sur les 363 personnes arrivées à Belle-Île, 200 correspondent à seulement 5 patronymes.
Source gallica.bnf.fr
Famille 11 :
Honoré Leblanc (mon sosa 616) , né à Pigiguit (Acadie) le 1er novembre 1710, veuf, père de Charles (S 308), (55 ans). Ses enfants Paul et Joseph.
Venant de Liverpool et Morlaix, installés à Bordustard (Le Palais).Famille 12 :
Charles Leblanc (Sosa 308) , né à Pigiguit en août 1734 (31 ans), fils d’Honoré (Sosa 616). Son épouse Anne Landry (sosa 309) née à la Rivière-aux-Canards (Acadie) le 24 février 1739 (26 ans). Leurs enfants : Claude-Marie et Marie.
Venant de Liverpool et Morlaix, installés à Bordrouant (Bangor).Famille 56 :
Cyprien Duon (sosa 312), né à Port-Royal (Acadie) le 18 avril 1730 ( 35 ans). Son épouse Marguerite Landry (sosa 313), née à la Rivière-aux-Canards le >15 janvier 1735 (30 ans), fille de Marie-Rose Rivet (sosa 619 et 627, implexe) veuve Landry. ( 58 ans)
Leurs enfants : Jean-Baptiste, Marie et un orphelin, Jean Vincent, neveu de Cyprien.
Venant de Liverpool et Morlaix, installés à Calastren (Bangor).Famille 70 :
Marie Rose Rivet (sosa 619 et 627, implexe) , veuve de René Landry, née à Pigiguit le 18 juillet 170 (58 ans) . Mère d’Anne (Sosa 309) (26 ans) et de >Marguerite (Sosa 313) (30 ans). Ses autres enfants : Jean et Magdeleine, Marie-Josèphe.
Venant de Liverpool et Morlaix, installés à Bordustar (Le Palais).Famille 25 :
Honoré Daigre (sosa 314), né à la Rivière-aux-Canards le 6 janvier 1726 (39 ans), veuf, sa 3ème épouse Élisabeth Trahan (sosa 315), née à la Rivière-aux-Canards le 1er janvier 1726 (39 ans), également veuve. Mariés à Falmouth le 29 septembre 1762 Sa mère Françoise Granger (sosa 629), née à Port-Royal en 1700 ( 65 ans).
Leurs enfants : Pierre, Jean, Joseph, Jean-François et Marie Terriot, (fille d'Élisabeth).
Viennent de Falmouth, de Morlaix et Tréguier, installés à Chubiguer (Le Palais).
Le 2 novembre 1765, le baron de Warren, gouverneur de l'île, écrivit à un ami : "Voilà enfin, mon cher marquis, tous les Acadiens arrivés au nombre de 77 familles. Les derniers sont arrivés avant-hier sur deux bateaux plats, le premier qui est entré dans notre port coulait bas d'eaux et le second a pensé périr sur les roches sous la citadelle ! Je vous avoue que j'aurais été furieusement touché s'il était arrivé quelques accidents à ces honnêtes gens dont je regarde leur émigration dans l'île comme le plus grand bien qui pouvait arriver dans Belle-Ile, au service du Roi et pour les intérêts de la Province...
Mais que venaient donc faire ces "acadiens", nés dans la lointaine Amérique, sur cette île ? Et en quoi pouvaient-ils présenter un intérêt pour le roi de France et la Province de Bretagne?
Nous verrons dans de prochains articles toutes les tragédies qui les ont conduits d'Acadie en France après moult détours, mais voyons pour l'instant les tenants et les aboutissants de leur installation à venir.
Je ne comprendrais rien à toute une partie de mon histoire ancestrale sans quelques informations sur la Guerre de 7 ans, cette première "guerre mondiale" de fait (car les combats se déroulèrent en Europe, Amérique du Nord et Inde) qui dura de 1756 à 1763. Elle opposa la France et la Grande Bretagne, chacune étant alliée à d'autres puissances européennes.
Dès 1755 les Acadiens en avaient été les premières victimes (article G à venir). La France y perdit notamment son empire colonial en Amérique du Nord. Et la petite île de Belle Isle elle aussi paya un lourd prix : après une grande bataille navale* auprès de ses côtes en novembre 1759 qui consacra la débâcle de la flotte française, elle subit le 7 avril 1761 l'attaque d' une flotte anglaise forte de 130 bâtiments et de 18 000 hommes ; le chevalier de Sainte Croix à la tête d'une petite garnison de 3 200 hommes, après une rude bataille, ne put guère que se replier dans la citadelle Vauban. Le siège dura jusqu'au 2 juin, mais il fallut finalement capituler, et l'île devint anglaise...Les Bellilois durent fuir sur le continent en abandonnant leurs maigres biens, ou travailler pour les Anglais.
Le Traité de Paris qui mit fin à la guerre fut signé le 10 février 1763. Entre autres, la France abandonnait la plus grande partie de ses possessions américaines; et renonçait définitivement à l'Acadie. Par ailleurs, elle rendait Minorque aux britanniques, en échange de ... Belle-Île.
Mais pendant les deux années d'occupation anglaise, l'île avait été totalement pillée, le bétail tué, les champs abandonnés étaient en friche, la plupart des maisons détruites, même leurs poutres avaient été volées pour pallier le manque de bois, etc...
Il fallait rapidement repeupler l'île et reconstruire son économie. Le Receveur du Domaine de Belle-Isle, François de Kermarquer, était de Morlaix. Il avait donc appris l'arrivée des prisonniers acadiens rendus par le roi d'Angleterre (toujours suite au Traité de Paris) et provisoirement installés à Morlaix et Saint Malo. Offre fut alors faite auxdits acadiens d'aller s'installer à Belle-Isle. Un tel projet faisait d'une pierre deux coups : repeupler l'île ravagée et donner un établissement à des réfugiés à la charge du roi.
Afin de voir si ce projet pouvait convenir à la petite communauté, trois chefs de famille acadiens, Honoré LE BLANC (mon sosa 616), Joseph TRAHAN et Simon GRANGER, vinrent à Belle Isle en juillet 1763, quelques semaines à peine après leur arrivée sur le sol français. Le baron de WARREN témoigne de la réussite de ce premier contact :"Ils ont paru très contents de ma réception et s'en sont retournés le 27. Comme ils sont gens fort industrieux et habiles cultivateurs, je serais enchanté de les voir arriver: ce serait un bon boulevard contre ceux qui les ont maltraités." *
Les États de Bretagne ratifièrent le projet, confirmé par le duc de Choiseul, ministre de Louis XV. Il fut alors procédé à l'afféagement de l'île, véritable révolution agraire, tout à fait inédite : l'île, domaine royal, allait être divisée en lots attribués aux familles acadiennes et belliloises, et ces cultivateurs, à condition de travailler les terres pendant 10 ans, en deviendraient pleinement propriétaires!
L'abbé LE LOUTRE, ancien missionnaire en Acadie auprès des autochtones MicMac, se chargea de défendre les intérêts des Acadiens Il fallut beaucoup de talent, de discussions et tractations diverses, pour faire accepter aux Bellilois, soutenus par leurs curés, la future arrivée de ces "étrangers" qui ne parlaient pas breton, et aux acadiens le fait d'être répartis dans toute l'île et non regroupés en une seule paroisse comme ils le souhaitaient.
Il fallut acheter 78 paires de bœufs, 78 chevaux, des attelages et jougs, courroies, charrettes et charrues, brouettes, ustensiles et outils - comme « 234 faucilles à raison de 3 par famille »-, etc. Il fallut aussi s’occuper de l'arpentage des terrains, de la construction des maisons - acquisition des matériaux, et recrutement des maçons venus du continent, car les Acadiens ne savaient construire qu'en bois-. Les plans des maisons furent définis avec précision par les États de Bretagne : c'étaient de très petites maisons, de 27 mètres carrés au sol, aux ouvertures basses et étroites, construites avec le schiste local, et couvertes soit de lande - c'est à dire d'ajoncs séchés mis en bottes - soit d'ardoises. Toutes les maisons devaient être identiques et pouvoir être agrandies plus tard en longères.
AD du Morbihan
En septembre 1765, Simon GRANGER et Honoré LE BLANC revinrent dans l'île pour préparer l'arrivée des familles, qui va se faire en 4 vagues, le 2 septembre, le 1er , le 18 et le 30 octobre. Les maisons n'étant pas encore construites, les Acadiens furent logés provisoirement dans des entrepôts à grains, sur la paroisse de Palais.
Logement provisoire des Acadiens à leur arrivée à Palais
En décembre 1766, les contrats d’afféagement étaient tous signés, et Joseph Simon GRANGER, Jean MELANSON et Honoré Daigre (sosa 314) concluaient ainsi une lettre de remerciement aux États de Bretagne :
Nous ne cesserons de présenter nos vœux et nos prières pour la conservation et prospérité de vos illustres personnes, et serons avec toute la soumission possible et le respect le plus profond, Nos seigneurs, vos humbles et très obéissants serviteurs...
En juillet 1767 le baron de Warren écrivait : "Ces honnêtes citoyens ont presque fini tous leurs établissements : leurs maisons sont couvertes, leurs écuries bâties et leurs terres travaillées. Ainsi j’espère qu’à la récolte de l'année prochaine, ils commenceront à recueillir les fruits de leurs travaux..."
Voici donc comment mes Acadiens trouvèrent une nouvelle patrie à Belle Isle en Mer après des années d'errance.
Mettant le point final à cette installation, le 12 janvier 1767, un arrêt de la Cour ordonna la reconstitution de l'état-civil des familles acadiennes établies à Belle Isle. Les registres paroissiaux acadiens avaient en effet été détruits ou perdus lors de la déportation, et il était urgent d'y remédier. Dans les semaines qui suivirent fut donc organisée la collecte de la mémoire généalogique acadienne. sous l'égide de l'abbé LELOUTRE et d'un notaire d'Auray.
Découvrir ces "généalogies acadiennes" établies par mes ancêtres en 1767 allait me faire faire une grande avancée dans mes recherches, et enfin quitter mon île pour faire mes premiers pas en Acadie...
Notes :
** les Cardinaux : bataille navale qui opposa Français et Anglais le 20 novembre 1759, dont le bilan fut clairement à l'avantage des seconds, puisque la marine française perdit 6 bâtiments et eut 2 000 hommes tués (300 côté britannique), et de plus les vaisseaux français qui se réfugièrent dans les estuaires de la Vilaine et de la Charente, y furent bloqués par les britanniques pendant plus de deux ans
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Sources :
Une des branches de ma famille était donc "acadienne". Mais qu'est-ce que ça voulait dire? et comment avait-elle atterri sur une petite île bretonne de 85 km² ?
Partie Orientale du Canada - Vincenzo Coronelli - Source gallica.bnf.fr
Quand j'ai questionné mon père sur ses souvenirs à ce sujet, il a commencé par me dire qu'enfant, il s'ennuyait lorsque sa grand-mère belliloise racontait les histoires du passé avec les autres vieilles du village, et que donc il n'écoutait pas... Tout juste a-t-il fini par grommeler qu'il avait entendu dire "qu'on venait du Canada"... Mais je n'ai rien pu en tirer de plus. Mon arrière-grand-mère et mon grand-père étant morts, la transmission familiale avait cessé. J'ai dû reconstituer l'histoire grâce aux archives puis à diverses lectures (difficile d'imaginer aujourd'hui ce que c'était , avant l'explosion d'internet, que de faire ce genre de recherches, qui s'opèrent aujourd'hui en deux clics).
Ne serait-ce que pouvoir situer géographiquement l'Acadie était une gageure. D'autant que l'Acadie en tant que telle n'existe plus depuis 3 siècles... Elle n'a d'ailleurs jamais constitué un pays. Il s'agissait d'une colonie de la Nouvelle France, au même titre que le Canada, la Louisiane... C'était une sorte de puzzle, de pointillé d'établissements le long des côtes de ce qui allait devenir définitivement la Nouvelle Écosse lors du traité d'Utrecht de 1713, et du futur Nouveau Brunswick.
Carte de l'Acadie - 1702 - Source gallica.bnf.fr
D'ailleurs, à l'époque où ils vivaient en Acadie, ses habitants ne se définissaient pas comme "Acadiens", mais comme "Français", ou "sujets du roi de France", puis , à partir de 1713, après la perte définitive de l'Acadie originelle par la France au profit de la Grande Bretagne, comme "Français neutres"... C'est paradoxalement au moment même où il durent quitter l'Acadie géographique, à partir de 1755, qu'ils furent définis officiellement comme "Acadiens" (souvent écrit "Accadiens"), constituant un groupe devenu différent des Français par ses particularités.
Le berceau historique de l'Acadie (celui qui concerne mes ancêtres) se situe sur la côte est du Canada, car non, ce n'est pas le Québec qui borde l'Atlantique mais les "Provinces Maritimes" - Nouveau Brunswick, Nouvelle Ecosse et Ile du Prince Edouard .
Après de probables incursions normandes dès le XI° siècle, puis la venue de l'explorateur vénitien Jean CABOT en 1497, la région de l'actuelle Nouvelle Ecosse (Nova Scotia en anglais) fut explorée en 1604/1605 par Pierre DUGUA de MONS, accompagné de Jean de POUTRINCOURT et de Samuel de CHAMPLAIN (géographe et cartographe de l'expédition). Ainsi furent nommés La Hève, le cap Nègre, la baie Sainte-Marie, le cap Sable, la baie Française, Port-Royal, le fleuve Saint-Jean, la rivière Sainte-Croix, etc, et commença le peuplement de l'Acadie par les Européens.
Port de La Heve - Illustrations des Voyages de Champlain. 1613. Source gallica.bnf.fr
Peuplement d'abord sporadique : les Français installèrent quelques postes à divers endroits de la côte, avec des succès limités, dus notamment aux difficultés d'adaptation au climat, aux luttes intestines franco-françaises, et aux fréquentes attaques anglaises.
La colonisation commença à s'organiser en 1632, quand le gouverneur Isaac de Razilly amèna les premières familles françaises en Acadie. Toutefois, tandis que les Britanniques organisaient une colonisation à grande échelle du sous continent, la France n'envoya finalement que peu de colons (815 en tout selon certains comptages) au cours du XVII° siècle (essentiellement de 1632 à 1670), puis plus du tout à partir de 1713.
Ceci explique qu'en peu de générations, les Acadiens de Nouvelle Ecosse furent tous liés par des liens de parenté et manifestèrent une forte solidarité lors des épreuves qui allaient les frapper. Mais également que la disproportion démographique entre les deux peuplements et l'abandon de fait par la France de sa colonie ne pouvaient qu'aboutir à un désastre pour l'Acadie.
Le ver était dans le fruit dès l'origine : de 1604 à 1713, le berceau de l'Acadie changea 9 fois d'allégeance. Car l'Acadie voyait ses frontières constamment contestées, et, immédiatement devenue un enjeu du séculaire conflit franco-britannique, se trouvait ballotée d'un camp à l'autre au gré des traités de (pseudo) paix. J'ignorais, quand au lycée j'entendais parler avec un certain ennui des traités de Saint-Germain-en-Laye (1632), de Breda (1667), de Ryswick (1697) ou d'Utrecht (1713), que mes propres ancêtres en avaient vu chaque fois leur quotidien bouleversé...
Déclarations de généalogie des familles Acadiennes établies à Belle-Ile-enMer en 1767, relevées par l'association Racines et rameaux français d'Acadie aux archives Départementales du Morbihan.
Nous venons tous, plus ou moins, d’une lignée d’océan, de mer et d’eaux vives. Notre collaboratrice Monique Durand nous présente cet été une série d’articles où se mêlent petite et grande histoire dans les vents de l’Atlantique. Trajectoires de femmes et d’hommes qui nous ont précédés, illustres inconnus pour la plupart, creusant jusqu’à nous leur sillon dans la chair du temps.
Ils arrivaient enfin quelque part. Sur ce petit fragment de France détaché de la Bretagne appelé Belle-Île-en-Mer. Après des années d’errance, ils abordaient une nouvelle vie sur la grève de Palais, porte d’entrée de Belle-Île. Ils pouvaient enfin poser leurs enfants et leurs bagages.
Au cours des années qui suivirent le Grand Dérangement de 1755, des milliers d’Acadiens furent dispersés dans les ports anglais et français. Ils furent nombreux aussi à croupir dans les prisons britanniques — Southampton, Bristol, Liverpool — jusqu’à la signature du Traité de Paris, en février 1763. Par ce traité, la France cédait à l’Angleterre, entre autres, toutes ses possessions du Canada, sauf Saint-Pierre-et-Miquelon, et lui rendait Minorque en échange de Belle-Île-en-Mer, que les Anglais occupaient depuis deux ans. L’île bretonne, à 15 kilomètres au large de Quiberon, était convoitée pour son climat tempéré, l’abondance de ses ressources en eau douce et sa position hautement stratégique, au carrefour des routes maritimes qui allaient de la Manche jusqu’à l’Espagne.
Rien ne prédestinait l’Acadie et Belle-Île-en-Mer à voir leurs destins liés. Après le Traité de Paris, Louis XV négocie le rapatriement des Acadiens prisonniers en Angleterre, « ces Français fidèles à leur roi et à leur religion », écrit feu Jean-Marie Fonteneau, spécialiste de Belle-Île. Puis il lance une sorte d’appel d’offres auprès de tous les intendants de France : 3 500 Acadiens se trouvent à la disposition de ceux qui pourraient les accueillir et leur fournir des terres.
Plus de vingt offres d’accueil furent proposées et c’est Belle-Île-en-Mer qui remporta la mise. Pillée et dévastée par les occupants anglais, elle avait besoin de main-d’oeuvre pour la remettre sur pied et cultiver les terres abandonnées. C’est ainsi que 78 familles, des Leblanc, des Granger, des Thomas, des Mélanson, au total 363 Acadiens, dont 211 enfants, s’établirent sur l’île perdue dans l’Atlantique, après que trois de leurs représentants s’y soient rendus pour examiner les lieux.
Formidable citadelle
Il y eut d’abord de longs mois d’attente à Morlaix et à Saint-Malo, le temps de régler les modalités d’installation et l’épineux problème de la distribution des terres. Ils arrivèrent enfin, en quatre groupes, à l’automne 1765. Le dernier groupe toucha terre à Belle-Île le 30 octobre par une retentissante tempête sur la mer. Ballottés dans l’écume, à travers la pluie et le grain, les exilés virent bientôt apparaître la formidable citadelle de Vauban qui, des siècles après sa construction, mange encore tout entier le paysage quand les voyageurs d’aujourd’hui arrivent sur l’île. Peut-être les Acadiens furent-ils un tant soit peu rassurés d’imaginer leur nouvelle vie sous la protection d’une telle forteresse ?
Mais tout n’était pas gagné. Il leur faudrait encore affronter les natifs de Belle-Île, qui allaient leur tenir rigueur de ce que le Roi de France les prenait sous son aile et leur fournissait animaux, instruments aratoires et solde. Un boeuf, un cheval, une charrette et trois faucilles furent distribués à chaque famille. Quelques Bellilois « de souche » seront même déplacés pour céder des terres aux Acadiens. En plus, ces derniers parlaient français, alors que les Bellilois, eux, parlaient breton. L’accueil réservé aux émigrés fut pour le moins mitigé.
Les familles acadiennes avaient demandé d’être regroupées dans un seul village. Elles voulaient enfin pouvoir se serrer les unes contre les autres, dans une proximité qu’elles n’avaient plus connue depuis de longues années. Mais ce fut peine perdue. Leurs terres seront réparties entre une quarantaine de villages « afin que tous les habitants ne fassent qu’un seul esprit et qu’un même peuple », écrit le gouverneur de l’île, le baron de Warren. Ces « honnêtes gens », les qualifia-t-il, acceptèrent de bon gré. Tout était mieux que l’errance et la prison.
Ils travaillèrent comme des forcenés, de l’aurore jusqu’à la nuit, pour construire leurs maisons et cultiver les terres souvent les plus ingrates de l’île. Plusieurs demeures qu’ils ont construites existent toujours à Belle-Île-en-Mer. On peut voir, apposée sur certaines d’entre elles, un petit écriteau marqué « 1766 », ces quatre chiffres, plus évocateurs et plus émouvants que n’importe quelle autre trace de leur installation sur l’île.
Les nouveaux venus s’engageaient à rester à Belle-Île au moins dix ans, jusqu’au 1er janvier 1776. Après cette décennie belliloise, plusieurs remirent le cap sur l’Amérique et tout particulièrement sur la Louisiane. Mais certains firent souche sur une île qui était un peu devenue la leur. Ils avaient été reconnus propriétaires de leur parcelle et avaient acquis un état civil français.
Un territoire profondément acadien
Aujourd’hui encore, Belle-Île-en-Mer respire littéralement l’Acadie. Et quand on aborde ce paradis aux paysages contrastés de landes rases et de falaises, un long et lent parfum d’histoire monte jusqu’à vous. Il y a le « Quai de l’Acadie », où les traversiers venus du continent déversent touristes, villégiateurs et gens du cru. Il y a les maisons, les villages qui portent le sceau des Acadiens. Des monuments, des croix de chemin à leur mémoire. Des échanges, des colloques. Mais là où l’Acadie est la plus présente, c’est au fond des êtres. Le tiers des 5 000 habitants de Belle-Île serait d’origine acadienne. Christine Thomas, serveuse au restaurant L’Odyssée, s’anime quand elle parle de ses racines acadiennes en servant l’agneau et les Saint-Jacques de Belle-Île aux clients attablés. Danielle Blancaneaux, née Mélanson, retraitée de l’enseignement, raconte, encore émue, cette procession du 28 juillet 2005 pour marquer le 250e anniversaire de la Déportation de 1755. À 17 h 55 précises retentirent les cloches de Bangor, le village où s’étaient établis les Granger. Hommes, femmes et enfants entonnèrent l’Ave Maris Stella, au milieu des vallons dorés cheminant vers la mer.
Maryvonne Le Gac est propriétaire d’une mercerie à Palais, À la Providence, sise dans une maison construite entre 1650 et 1700. « Avant l’arrivée des Acadiens », dit-elle. Maryvonne a fait de la perpétuation des racines acadiennes de Belle-Île le centre de sa vie. Elle passe des heures à rassembler des souvenirs, créer des contacts, organiser anniversaires et commémorations. « Ce qu’il y a d’acadien en moi ? » Elle fait une pause. « D’abord la simplicité des rapports avec les autres, des rapports sans filtres, sans couches de vernis. » Comme si ces rapports échappaient aux codes sociaux, si puissants en France. « C’est en nous », souffle-t-elle.
Le poissonnier de Palais, Herlé Lanco, né Granger par sa mère, se souvient d’une vieille amie de la famille qui portait encore des robes acadiennes. Il se souvient aussi qu’il ne faisait pas bon se dire Acadien en ces temps-là.
« Quand j’étais gamin, les gens étaient discrets sur le sujet. Aujourd’hui, on a enfin le droit d’en parler. » Mû par une sorte d’appel, il est allé en voyage de noces à Richibouctou, au Nouveau-Brunswick. « Le principal, résume-t-il, c’est de savoir qu’on vient de là. »
Mais certains jours de vague à l’âme, assis devant la mer, Herlé voudrait prendre le large. « Quand ça ne va pas, c’est à l’Acadie que je pense, c’est là-bas que j’aurais envie d’être. » Puis, comme un cri du coeur, il lâche en plaisantant : « Si y avait pas eu ces putains d’Anglais ! »