Depuis le XIXe siècle, les cercles ont marqué l’histoire des communes provençales.
Beaucoup ont disparu, d’autres continuent d’exister, notamment en s’ouvrant à tous.
Cette évolution est l’objet d’une étude menée par le Pays d’art et d’histoire de la Provence verte et Verdon.
Sur le terrain aux contacts des acteurs du territoire, Pauline Mayer, chargée de mission inventaire du patrimoine, a commencé depuis janvier à enquêter.
Très précisément, le projet porte sur la réalisation d’une fiche d’inventaire du patrimoine culturel immatériel. Il est subventionné par le ministère de la Culture, dans le cadre d’un inventaire national des pratiques immatérielles, complémentaire de celui du patrimoine bâti et mobilier. Cette démarche s’inscrit dans la convention Unesco de 2003, ratifiée par la France en 2006. Cette convention encourage à répertorier les pratiques vivantes - physiques, sociales et festives -, de traditions et d’expressions orales, des arts du spectacle, jeux, rituels, du savoir et savoir-faire. Ça peut être le jeu de paume à Artignosc, la fabrication de boules de pétanque en buis à Aiguines, la Saint-Marcel à Barjols… L’objectif est de donner un outil de connaissance pour le public et de faire reconnaître ces pratiques afin de favoriser éventuellement des opérations de sauvegarde menées par des institutions publiques. Le Pays d’art et d’histoire de la Provence verte et Verdon (du syndicat mixte, Ndlr) a choisi de continuer le travail réalisé sur les cercles au niveau du patrimoine bâti et mobilier.
La brochure "Laissez-vous conter les cercles" a été publiée en 2014. Un film documentaire - Paroles de cercles, loisirs et démocratie en Provence verte - est également visible sur le web (1). En 2016, il y a eu une réédition de la brochure dans l’ouvrage de synthèse de toute l’opération d’inventaire du patrimoine de la République (2). L’histoire, la fonction et le mobilier des cercles ont, donc, déjà été étudiés. Chaque local a été répertorié. Des huit cercles recensés sur le territoire en 2015, certains ont depuis disparu. Au XIXe siècle, il y en avait une centaine dans le Var, pratiquement un dans chaque commune, parfois deux et même cinq. Face à ce constat, le Pays d’art et d’histoire a décidé de répondre à l’appel à projet du ministère.
Sur un état des lieux des cercles encore actifs. De voir sous quelle forme ils perdurent. C’est un peu un outil d’aide, de sauvegarde. Actuellement, en Provence verte et Verdon, il n’y en a plus que cinq : Saint-Roch et de la Jeune France à Rougiers, Philharmonique à Saint-Maximin, de l’Avenir à Fox-Amphoux et de l’Avenir à Barjols. Ceux de Correns et Pontevès sont en sommeil. Les associations sont actives, mais les locaux ne sont pas ou plus utilisés. Nous sommes deux à travailler sur cette enquête, qui porte sur toute la basse Provence. Je m’occupe de la Provence verte et Verdon et Pierre Chabert, ethnologue et auteur d’un livre sur les cerces, du reste du Var, des Alpes-Maritimes, Bouches-du-Rhône et Alpes-de-Haute-Provence. Il ne va pas enquêter sur tous les cercles encore ouverts, mais il va essayer d’avoir une représentativité.
L’objectif est de susciter un dialogue autour des cercles et éventuellement de réactiver celui intercercles, au moins à l’échelle du territoire. On est là pour soutenir, valoriser, mettre à l’honneur ce patrimoine. Il est toujours vivant et se réinvente, se transforme pour continuer à exister. Il est important de sauvegarder ces pratiques vivantes. Cette étude permet à la fois de documenter et étudier la pratique à "l’instant T". Savoir comment ça perdure aujourd’hui. Je suis au début de mon enquête (commencée en janvier, elle devrait se conclure en avril, Ndlr) mais je constate parfois des problèmes de transmission. Les équipes doivent se renouveler. Les jeunes doivent s’approprier les cercles pour assurer la transmission. Le but, bien entendu, de cet inventaire est que les membres des cercles se reconnaissent dans la fiche. Elle comprend également une partie sur des freins et menaces à l’identité des cercles. Mon travail est aussi d’apporter des informations sur les dispositifs publics qui peuvent les aider à perdurer.
Le Cercle Philarmonique de Saint-Maximin vers 1930. Photo doc V.M. .
À l’origine, au XIXe siècle, les cercles sont une assemblée de personnes, "historiquement des hommes. C’est un groupe d’amis, de connaissances. Ils représentent vraiment l’entre-soi du village. Ils se retrouvent chez les uns et les autres et se forment en association. Ils peuvent aussi acheter des locaux. Ce sont des cafés associatifs typiques de la Provence."
Ils se réunissent autour de valeurs et de loisirs communs, "pour discuter, jouer, boire un verre".
Historiquement, il y a trois types de cercles : économiques, "liés par exemple aux coopératives agricoles" ; politiques, "au XIXe siècle, des lieux de propagande et militantisme" et ludiques, "par exemple à Saint-Maximin, le Cercle philharmonique".
À caractère privé à l’origine, de nombreux cercles se sont ouverts à tous. "C’est intéressant en termes de sociabilité, il y a un brassage de population beaucoup plus important. Cette nouvelle enquête permet de mettre en rapport l’identité historique de chaque cercle avec la manière dont il s’est transformé."
Actuellement, il y a plusieurs types de gouvernance.
"L’association peut déléguer la gérance ou employer des salariés. D’autres cercles fonctionnent encore “à l’ancienne”, avec uniquement des bénévoles, comme à Fox-Amphoux. Par ailleurs, des associations ont encore leur siège dans les cercles. C’est comme un pôle qui centralise une partie des activités sociales ou ludiques, voire identitaires."
Au fil du temps ces transformations se sont traduites par une ouverture sous plusieurs formes.
Par exemple, à Barjols, les femmes ont géré le cercle "de 1950 à 1990. À Correns, à la fin des années 2000, une dizaine de femmes ont fait de même. Autre changement notoire, les cercles sont devenus apolitiques."
En Provence verte et Verdon, certains ont, donc, baissé pavillon. À Saint-Martin, le Cercle est devenu un Bistrot de pays".
À Correns, "c’est maintenant un bar-restaurant, mais l’association existe toujours".
À Tourves, "il a gardé son nom de “cercle” et abrite maintenant le service communal festivités, vie associative et jeunesse. Le maire a eu la volonté de conserver une dimension sociale."