L'édifice, datant probablement du XVe siècle est dans un état critique et pouvant mettre en danger les promeneurs. Problème : l'ouvrage se situe dans un domaine privé.

Peu visible depuis la route D77 qui mène vers Laillé, en bordure de la Seiche et jouxtant le nouveau pont, la dernière arche de l'ancien pont Saint-Armel semble en grand danger d'effondrement.
Benoît Champenois est un habitué des promenades en bordure de Seiche. C'est en marchant, dans le parc de l'An 2000 qu'il a découvert, un jour, une borne qui expliquait la légende de l'ouvrage, libéré par le jeune moine Armel, de la tyrannie d'un dragon qui en empêchait le passage.
Dès lors, après avoir localisé l'ouvrage car « il est peu visible de la route et envahi par la végétation », notre promeneur a pris l'habitude d'y faire une petite halte.
« Dès le mois d'août, j'ai constaté une fissure importante qui s'était créée et je me suis aperçu, fin novembre, photos à l'appui, que la situation empirait de façon inquiétante. » Dès lors, Benoît Champenois pense qu'il serait souhaitable d'alerter la commune sur les menaces qui pèsent sur cet élément de son patrimoine.
Cependant, il s'avère, après consultation du cadastre, que l'édifice, datant probablement du XVe siècle, ne se trouve pas sur le territoire communal mais fait partie de la même parcelle privée que le manoir Saint-Armel.
Les services techniques ne sont donc pas habilités à intervenir mais Auguste Louapre, le maire, fait jouer le principe de précaution. Il avertit par courrier, mi-décembre, le propriétaire en lui signifiant que « la fragilité de l'arche et les menaces d'effondrement qu'il représente, peuvent mettre en danger les promeneurs fréquentant les rives de la Seiche ». Il enjoint donc ce dernier de constater au plus vite l'état de l'ouvrage et de le tenir au courant des mesures qu'il compte prendre pour éviter tout accident.
Contacté par téléphone, Patrick Cadel, le propriétaire des lieux, reconnaît qu'il n'était pas au fait de l'état de la construction, qui est à l'extrême bordure sud-ouest de son domaine. En déplacement professionnel à l'étranger pour une longue durée, il admet n'avoir pas encore pu répondre au courrier du maire. « Je ne vais pas pouvoir constater, de visu, avant plusieurs semaines, l'état de dégradation de l'arche, reconnaît-il. Mais je m'engage à diligenter, au plus vite, une personne qui le fera à ma place et pourra prendre les mesures destinées à sécuriser l'endroit ».
Dans ce même temps, Benoît Champenois, soucieux de préserver ce vestige, a pris soin de contacter l'Udap (Union départementale de l'architecture et du patrimoine) afin de la mettre au courant de la situation et lui demander les mesures qui pourraient être prises afin d'éviter la disparition, qui lui semble inéluctable dans la situation actuelle, de cette arche de pont pour laquelle il s'est pris d'intérêt.
par Monique Durand - 9 août 2014
Nous venons tous, plus ou moins, d’une lignée d’océan, de mer et d’eaux vives. Notre collaboratrice Monique Durand nous présente cet été une série d’articles où se mêlent petite et grande histoire dans les vents de l’Atlantique. Trajectoires de femmes et d’hommes qui nous ont précédés, illustres inconnus pour la plupart, creusant jusqu’à nous leur sillon dans la chair du temps.
Ils arrivaient enfin quelque part. Sur ce petit fragment de France détaché de la Bretagne appelé Belle-Île-en-Mer. Après des années d’errance, ils abordaient une nouvelle vie sur la grève de Palais, porte d’entrée de Belle-Île. Ils pouvaient enfin poser leurs enfants et leurs bagages.
Au cours des années qui suivirent le Grand Dérangement de 1755, des milliers d’Acadiens furent dispersés dans les ports anglais et français. Ils furent nombreux aussi à croupir dans les prisons britanniques — Southampton, Bristol, Liverpool — jusqu’à la signature du Traité de Paris, en février 1763. Par ce traité, la France cédait à l’Angleterre, entre autres, toutes ses possessions du Canada, sauf Saint-Pierre-et-Miquelon, et lui rendait Minorque en échange de Belle-Île-en-Mer, que les Anglais occupaient depuis deux ans. L’île bretonne, à 15 kilomètres au large de Quiberon, était convoitée pour son climat tempéré, l’abondance de ses ressources en eau douce et sa position hautement stratégique, au carrefour des routes maritimes qui allaient de la Manche jusqu’à l’Espagne.
Rien ne prédestinait l’Acadie et Belle-Île-en-Mer à voir leurs destins liés. Après le Traité de Paris, Louis XV négocie le rapatriement des Acadiens prisonniers en Angleterre, « ces Français fidèles à leur roi et à leur religion », écrit feu Jean-Marie Fonteneau, spécialiste de Belle-Île. Puis il lance une sorte d’appel d’offres auprès de tous les intendants de France : 3 500 Acadiens se trouvent à la disposition de ceux qui pourraient les accueillir et leur fournir des terres.
Plus de vingt offres d’accueil furent proposées et c’est Belle-Île-en-Mer qui remporta la mise. Pillée et dévastée par les occupants anglais, elle avait besoin de main-d’oeuvre pour la remettre sur pied et cultiver les terres abandonnées. C’est ainsi que 78 familles, des Leblanc, des Granger, des Thomas, des Mélanson, au total 363 Acadiens, dont 211 enfants, s’établirent sur l’île perdue dans l’Atlantique, après que trois de leurs représentants s’y soient rendus pour examiner les lieux.
Il y eut d’abord de longs mois d’attente à Morlaix et à Saint-Malo, le temps de régler les modalités d’installation et l’épineux problème de la distribution des terres. Ils arrivèrent enfin, en quatre groupes, à l’automne 1765. Le dernier groupe toucha terre à Belle-Île le 30 octobre par une retentissante tempête sur la mer. Ballottés dans l’écume, à travers la pluie et le grain, les exilés virent bientôt apparaître la formidable citadelle de Vauban qui, des siècles après sa construction, mange encore tout entier le paysage quand les voyageurs d’aujourd’hui arrivent sur l’île. Peut-être les Acadiens furent-ils un tant soit peu rassurés d’imaginer leur nouvelle vie sous la protection d’une telle forteresse ?
Mais tout n’était pas gagné. Il leur faudrait encore affronter les natifs de Belle-Île, qui allaient leur tenir rigueur de ce que le Roi de France les prenait sous son aile et leur fournissait animaux, instruments aratoires et solde. Un boeuf, un cheval, une charrette et trois faucilles furent distribués à chaque famille. Quelques Bellilois « de souche » seront même déplacés pour céder des terres aux Acadiens. En plus, ces derniers parlaient français, alors que les Bellilois, eux, parlaient breton. L’accueil réservé aux émigrés fut pour le moins mitigé.
Les familles acadiennes avaient demandé d’être regroupées dans un seul village. Elles voulaient enfin pouvoir se serrer les unes contre les autres, dans une proximité qu’elles n’avaient plus connue depuis de longues années. Mais ce fut peine perdue. Leurs terres seront réparties entre une quarantaine de villages « afin que tous les habitants ne fassent qu’un seul esprit et qu’un même peuple », écrit le gouverneur de l’île, le baron de Warren. Ces « honnêtes gens », les qualifia-t-il, acceptèrent de bon gré. Tout était mieux que l’errance et la prison.
Ils travaillèrent comme des forcenés, de l’aurore jusqu’à la nuit, pour construire leurs maisons et cultiver les terres souvent les plus ingrates de l’île. Plusieurs demeures qu’ils ont construites existent toujours à Belle-Île-en-Mer. On peut voir, apposée sur certaines d’entre elles, un petit écriteau marqué « 1766 », ces quatre chiffres, plus évocateurs et plus émouvants que n’importe quelle autre trace de leur installation sur l’île.
Les nouveaux venus s’engageaient à rester à Belle-Île au moins dix ans, jusqu’au 1er janvier 1776. Après cette décennie belliloise, plusieurs remirent le cap sur l’Amérique et tout particulièrement sur la Louisiane. Mais certains firent souche sur une île qui était un peu devenue la leur. Ils avaient été reconnus propriétaires de leur parcelle et avaient acquis un état civil français.
Aujourd’hui encore, Belle-Île-en-Mer respire littéralement l’Acadie. Et quand on aborde ce paradis aux paysages contrastés de landes rases et de falaises, un long et lent parfum d’histoire monte jusqu’à vous. Il y a le « Quai de l’Acadie », où les traversiers venus du continent déversent touristes, villégiateurs et gens du cru. Il y a les maisons, les villages qui portent le sceau des Acadiens. Des monuments, des croix de chemin à leur mémoire. Des échanges, des colloques. Mais là où l’Acadie est la plus présente, c’est au fond des êtres. Le tiers des 5 000 habitants de Belle-Île serait d’origine acadienne. Christine Thomas, serveuse au restaurant L’Odyssée, s’anime quand elle parle de ses racines acadiennes en servant l’agneau et les Saint-Jacques de Belle-Île aux clients attablés. Danielle Blancaneaux, née Mélanson, retraitée de l’enseignement, raconte, encore émue, cette procession du 28 juillet 2005 pour marquer le 250e anniversaire de la Déportation de 1755. À 17 h 55 précises retentirent les cloches de Bangor, le village où s’étaient établis les Granger. Hommes, femmes et enfants entonnèrent l’Ave Maris Stella, au milieu des vallons dorés cheminant vers la mer.
Maryvonne Le Gac est propriétaire d’une mercerie à Palais, À la Providence, sise dans une maison construite entre 1650 et 1700. « Avant l’arrivée des Acadiens », dit-elle. Maryvonne a fait de la perpétuation des racines acadiennes de Belle-Île le centre de sa vie. Elle passe des heures à rassembler des souvenirs, créer des contacts, organiser anniversaires et commémorations. « Ce qu’il y a d’acadien en moi ? » Elle fait une pause. « D’abord la simplicité des rapports avec les autres, des rapports sans filtres, sans couches de vernis. » Comme si ces rapports échappaient aux codes sociaux, si puissants en France. « C’est en nous », souffle-t-elle.
Le poissonnier de Palais, Herlé Lanco, né Granger par sa mère, se souvient d’une vieille amie de la famille qui portait encore des robes acadiennes. Il se souvient aussi qu’il ne faisait pas bon se dire Acadien en ces temps-là.
« Quand j’étais gamin, les gens étaient discrets sur le sujet. Aujourd’hui, on a enfin le droit d’en parler. » Mû par une sorte d’appel, il est allé en voyage de noces à Richibouctou, au Nouveau-Brunswick. « Le principal, résume-t-il, c’est de savoir qu’on vient de là. »
Mais certains jours de vague à l’âme, assis devant la mer, Herlé voudrait prendre le large. « Quand ça ne va pas, c’est à l’Acadie que je pense, c’est là-bas que j’aurais envie d’être. » Puis, comme un cri du coeur, il lâche en plaisantant : « Si y avait pas eu ces putains d’Anglais ! »
Lors d’une visite impromptue au Festival du livre de Paris le 12 avril 2024, le président de la République Emmanuel Macron a évoqué une spécificité française : le prix unique sur le livre neuf, en vigueur depuis la loi Lang de juillet 1981. Pour défendre cette exception culturelle qui a protégé les libraires autant face à la grande distribution que devant les assauts du commerce en ligne, il a suggéré qu’il faudrait envisager une contribution prélevée sur les ventes de livres d’occasion.
La polémique qui a suivi a mis en lumière la seconde main et la variété de ses pratiques. Partant d’un questionnement sur la valeur et le sens des circulations du livre rendue possible par ses multiples modes de diffusion, Olivier Bessard-Banquy, professeur de lettres à l’université Bordeaux-Montaigne, a constaté que la plupart des analyses économiques ou sociologiques n’envisagent le livre qu’en tant que produit neuf. Or, bien que rarement mentionné dans le débat public, le marché du livre usagé est d’ores et déjà considérable, atteignant presque 900 millions d’euros en 2020, contre 4,3 milliards pour le neuf.
Les livres de seconde main ont toujours donné lieu à négoce : l’occasion est née avec le neuf, dès la naissance de l’imprimerie. Pour autant, le commerce électronique a récemment donné une nouvelle ampleur à ce marché, désormais accessible à tous, partout, tout le temps. Ce qui était marginal constitue depuis les années 2010 une menace pour l’édition : bien souvent, pour obtenir un livre, la nouveauté ne constitue seulement qu’une option parmi d’autres.
Comme objet matériel et symbolique, le livre connaît de multiples destins : affiché sur les rayons en nouveauté de la rentrée littéraire, il peut rejoindre les étagères d’une bibliothèque soigneusement entretenue autant qu’être abandonné au hasard des rues. Parfois sur un banc, parfois dans les boîtes à livres que l’on retrouve dorénavant en de nombreux endroits.
Mais si ce dispositif s’appuie sur des idéaux et des normes informelles, il pourrait bien, comme le suggère une expérience que nous avons menée, dériver vers une logique plus marchande, qui sévit déjà ailleurs dans l’univers de la seconde main.
Les boîtes à livres sont des bibliothèques ouvertes, mises à disposition dans des lieux publics, accessibles sans contraintes et de façon gratuite, et permettant de déposer ou de prendre des livres (ou, parfois, des revues, voire des DVD). Les premières apparaissent en Autriche, puis aux États-Unis dans les années 1990 ; on en dénombre aujourd’hui des dizaines de milliers à travers le monde.
Ce système repose sur plusieurs principes qui, cumulés, renvoient à la logique du don et du contre-don, mise en évidence au début du XXe siècle par le sociologue Marcel Mauss. Le dépôt et le prélèvement sont anonymes, sans obligation et déconnectés l’un de l’autre : rien n’empêche un individu de déposer des livres sans en prendre, ou un autre d’emporter une partie ou la totalité d’une boîte à livres sans rien déposer. Par nature, il n’existe pas de système de contrôle, d’enregistrement ou de surveillance des contributions et des retraits, aussi bien en termes de quantité que de qualité des livres ou d’identité de l’usager.
Les boîtes à livres créent un échange déconnecté de toute nécessité pratique. On ne vient jamais y chercher un livre précis. L’ensemble du processus n’est adossé à aucune contrainte formelle ou légale comme dans une bibliothèque municipale où il existe des conditions d’inscription et des règles pour emprunter. Tout repose sur le volontariat.
Tout cela ne signifie pas qu’il n’y ait aucune norme dans les échanges. On constate en effet que les utilisateurs des boîtes à livres déposent autant qu’ils prennent, et ce, de façon proportionnée : personne n’emporte tous les livres en bloc. Prendre est socialement corrélé à déposer, le contre-don est lié au don : chaque usager a assimilé cette discipline qui est pourtant inexprimée.
L’attente implicite des individus qui utilisent les boîtes à livres est qu’elles ne soient pas vides (on apporte un livre en échange de celui que l’on prélève), ni ne débordent (on ne déverse pas des livres obsolètes, abimés, destinés au recyclage). Ainsi, comme dans le modèle de Marcel Mauss, bien qu’apparemment volontaires, le don et le contre-don répondent en fait à des obligations sociales très précises.
Les connexions avec cette théorie sont renforcées par la valeur symbolique des objets concernés. Dans la boîte à livres, l’échange n’est pas que matériel ; chacun apporte un livre qu’il recommande en quelque sorte aux autres. Le dépôt est à la fois une prescription et une projection de l’image que l’on souhaite donner de soi-même si le tout reste anonyme.
Au-delà de leur utilité matérielle, somme toute modeste, les boîtes à livres sont donc un véritable réceptacle de valeur symbolique et sociale. Bien plus, par exemple, que le dépôt des livres dans un point de collecte associatif ou un centre de recyclage car, dans ces deux cas, le donateur ne constate pas la réception de son don : dans la boîte à livres, le cycle don/contre-don se mesure visuellement, il suffit de passer sur place pour voir que le livre déposé a été pris ou, parfois, qu’il réapparaît après lecture.
Certaines boîtes sont créées par des associations, d’autres par des particuliers, d’autres encore par des entreprises (commerces, hôtels, résidences sénior…) ou des municipalités : la commune de Maisons-Alfort (Val-de-Marne) a, par exemple, installé dans chaque quartier de la ville une boîte à livres de grande contenance, très visible et habilement protégée des intempéries. Particulièrement appréciées des habitants, elles sont le lieu de notre expérience.
Car une question se pose autour de cet objet iconoclaste : son mécanisme de don/contre-don peut-il résister à la logique de marché qui contamine le secteur ?
L’essor des plates-formes de reventes de livres d’occasion entraîne en effet des comportements qui peuvent parasiter la logique altruiste des boîtes à livres. Les livres d’occasion ont désormais une valeur économique, déterminée par l’offre et le demande et se traduisant formellement par les prix d’achat et de vente sur des sites comme Gibert, Momox, Leboncoin, La bourse aux livres ou Ebay et Amazon. Dès lors, des individus vont fréquenter les lieux de revente de livres (comme les vide-greniers) pour y acheter à très bas prix des livres dont ils savent que la revente sera fructueuse (ils exploitent les codes-barres ou le numéro ISBN pour obtenir l’information en temps réel). Il n’est plus utile de s’intéresser au contenu du livre, ni même de savoir lire ou de parler français ; la conversation avec le vendeur, l’interaction sociale deviennent superflues.
Les boîtes à livres résistent-elles ? Ont-elles été contaminées par ces dérives ? Pour notre expérience, 1 200 livres d’occasion relevant de la catégorie des romans policiers, en poche et en grand format, ont été discrètement marqués puis déposés dans six boîtes à livres de la ville de Maisons-Alfort, choisies pour leur proximité de nombreux lieux de revente de livres d’occasion (dans le Sud-Est parisien).
L’observation des lieux après remplissage a montré quelques passants, simples curieux ou habitués, piochant un ou deux titres parmi ces nombreuses « nouveautés ». Mais, très vite, des individus équipés de sacs ont pris la quasi-intégralité du contenu des boîtes à livres. Celles-ci ont alors été remplies à nouveau par nos soins d’un nombre identique de livres. En tout, 2 500 thrillers et polars ont ainsi été disséminés dans la ville. Le même phénomène s’est reproduit : dès le lendemain, elles étaient vides. Dans les semaines qui ont suivi, la fréquentation des boutiques de livres d’occasion qui procèdent à de l’achat immédiat et implantées à proximité (XIIe et XIIIe arrondissements de Paris) ont permis de voir réapparaître plusieurs dizaines d’exemplaires des livres que nous avions marqués.
Des boîtes à livres sont ainsi pillées pour en revendre les meilleures pièces, soit à des boutiques, soit aux sites et plates-formes en ligne. Tout le principe du don et du contre-don s’effondre, malmené par un usage strictement utilitaire et mercantile. Quelle conséquence cela a-t-il sur le contenu ? Seuls des livres sans intérêt ou abîmés s’y trouvent, les usagers n’y dénichent plus de « contre-don » de qualité, qui justifieraient de déposer leurs propres livres. Le modèle perd toute légitimité du fait de la loi de Gresham, selon laquelle « la mauvaise monnaie chasse la bonne ». La fréquentation s’étiole, les boîtes périclitent.
Cette dérive du don vers le marché est-elle spécifique au livre de seconde main ? Dans leur rapport pour l’Ademe intitulé « Objets d’occasion : surconsommation ou sobriété ? », Lucie Brice Mansencal, Valérie Guillard et Charlotte Millot constatent que certains utilisateurs des plates-formes de vente de produits d’occasion comme Vinted ou Leboncoin se professionnalisent. Le recours à l’occasion n’est plus motivé par la conjugaison de la quête de lien social et de solidarité, comme dans les vide-greniers ou les braderies associatives de type Emmaüs, mais par la volonté d’acheter de façon efficace économiquement, voire de réaliser des profits.
La conséquence est la baisse de la qualité des dons faits au bénéfice des plus démunis et la quête exclusive de contrepartie financière. Alors que le marché de l’occasion était historiquement fortement marqué par des logiques de troc ou d’échanges, la dimension symbolique que l’on pouvait y trouver s’efface, remplacée par un utilitarisme froid.
Espace jusqu’alors protégé, fragment d’utopie bienveillante dans la ville, la boîte à livres n’échappe pas à ces détournements intéressés, heureusement encore marginaux.
L’événement était hautement symbolique et montrait avec éclat que la mémoire acadienne de Belle-Ile-en-Mer est bien vivante. Le 11 juin 2016, Belle-Ile-en-Mer commémorait le 250ème anniversaire de l’installation de 78 familles de réfugiés acadiens (363 personnes) réparties dans 40 villages des quatre paroisses de Le Palais, Bangor, Locmaria et Sauzon.
En présence d’une importante délégation canadienne, le maire de Palais et président de la communauté des quatre communes de Belle-Ile-en-Mer soulignait le caractère indispensable du jumelage de l’île depuis 2003 avec la ville de Pubnico (Nouvelle-Ecosse). Pubnico (anciennement Pobomcoup) est considéré comme le plus ancien village acadien, fondé en 1653, et même le plus ancien village du Canada encore occupé par les descendants de son fondateur, le baron Philippe Mius d’Entremont. Aujourd’hui, ce lien fort est précieux pour Belle-Ile-en-Mer qui, loin d’être une île-musée, constitue le plus grand fief acadien de France. Pour le comprendre, revenons à novembre 1765…
Les familles acadiennes étaient toutes arrivées au port de Palais, en provenance surtout de Morlaix mais également de Saint-Malo. La plupart d’entre elles avaient été exilées et assignées à résidence dans des ports anglais jusqu’en 1763. Que venaient-elles faire à Belle-Ile-en-Mer, cette île bretonne d’environ 5000 habitants tout juste reprise aux Anglais mais à reconstruire entièrement ? Les États de Bretagne avaient proposé un afféagement général de l’île, c’est-à-dire une redistribution des terres aux paysans bellilois afin qu’ils en deviennent propriétaires. Ils espéraient sans doute, en offrant aussi des terres aux Acadiens, réputés plus industrieux, opérer une saine émulation rurale. Cette expérience fut elle un succès ? Si de nombreux Bellilois revendiquent aujourd’hui leur ascendance acadienne, c’est que l’intégration sociale et économique de leurs ancêtres fut plutôt réussie. Des données factuelles et numériques récemment collectées (Jean-Paul Moreau, 2014) sont très éclairantes à cet égard…
Les deux premières décennies (1765-1785) furent marquées par deux dates clés. A partir du 1er janvier 1776, les Afféagistes furent autorisés à vendre leurs terres et en 1785 certains Acadiens émigrèrent en Louisiane. Dans cette période, le principal moteur de l’intégration sociale – le mariage – joua massivement son rôle puisque près de 90% des mariages concernant un Acadien ou une Acadienne étaient mixtes ! Après 1785, seulement 25% des familles pionnières étaient restées définitivement dans l’île. Parmi les autres, 30% avaient émigré en Louisiane et 45% quitté aussi l’île mais en restant dans les ports bretons. Certes, dans la première décennie, plusieurs départs étaient manifestement liés à des motifs économiques, mais dans la seconde, les familles partantes avaient pu vendre ou affermer leurs concessions dans de bonnes conditions, parfois même à… d’autres Acadiens restés sur l’île.
Voici les principales familles acadiennes pionnières de Belle-Ile-en-Mer en novembre 1765 (200 sur 363) : Leblanc, Granger, Trahan, Terriot, Daigre.
par Mathieu Dalaine
Un sinistre portail d’entrée et un imposant mur d’enceinte garni de barbelés. Depuis la D46, en contrebas du Faron, on ne devine presque rien de l’ancienne poudrière du quartier des Moulins.
L’"établissement de Saint-Pierre", de son vrai nom, est un endroit interdit et mystérieux. Une nécropole, disent certains, où les curieux sont priés de passer leur chemin.
Ici pourtant, au 245 avenue des Meuniers, figure l’un des hauts lieux de la libération de Toulon. Du 21 au 22 août 1944, de violents combats opposèrent des centaines d’Allemands retranchés et surarmés au bataillon de choc et au troisième régiment de tirailleurs algériens (3e RTA) venus du Revest.
"C’était le verrou de la ville. De Lattre de Tassigny a comparé ça à Douaumont. Quand les Français sont parvenus à le faire sauter, la voie était libre", pose Philippe Maurel.
Cet hydrospéléologue est un passionné d’histoire locale. Dans un documentaire qu’il vient d’achever (lire par ailleurs), il rappelle cet épisode de la Seconde Guerre mondiale. Il revient aussi longuement sur les secrets que renferme encore aujourd’hui la fameuse "P4", quatrième poudrière construite dans la vallée du Las au milieu du XIXe siècle.
"La bataille fit rage pendant deux jours", raconte le réalisateur. "Le 21 août, les échanges de tirs provoquèrent l’explosion d’une des quatre galeries de la poudrière, qui s’effondra sur elle-même. Certains estiment que deux cents Allemands furent alors ensevelis, avec les munitions en quantités considérables qu’ils stockaient là."
Dans son film, le Revestois fait témoigner plusieurs protagonistes de l’époque, tous décédés aujourd’hui. Roger Rebout, ancien sergent du 3e RTA, évoque carrément "huit cents Allemands, des munitions, des chars" qui auraient été enterrés à l’intérieur du tunnel. D’autres, seulement une poignée. Toujours d’après Roger Rebout, c’est une grenade lancée par les Français qui aurait provoqué une réaction en chaîne, entraînant l’explosion du site tout autour. Là encore, une hypothèse parmi d’autres.
"J’ai vu la colline qui tremblait", se souvient Jacques Colin, alors adolescent vivant au Collet Saint-Pierre. "La fumée s’est élevée de partout; l’explosion a fait sauter les pierres." Andrès Cortès, vétéran du bataillon de choc, soupire. "Cet endroit, c’est comme une tombe." Après la prise totale de cette forteresse, le 22 août 1944 à 22h45, et la fin de combats particulièrement meurtriers, 250 cadavres ennemis jonchaient le sol. Des morceaux de sous-marins de poche allemands en cours d’assemblage furent aussi découverts.
Mais après la libération, les entrailles de la "P4" n’ont jamais réellement été sondées. "Condamnée, elle n’a pas fait l’objet de la moindre exploration. Trop dangereux", résume l’ancien maire François Trucy dans son ouvrage Naguère. Pire: des immeubles ont été progressivement construits sur la colline au-dessus.
L’unique dépollution du site, propriété de la Marine pendant des décennies, a été réalisée à la "poêle à frire" sur seulement 50cm, comme l’attestent des documents de 1988 que nous avons pu consulter. Aujourd’hui encore, on ne sait rien de ce qui se cache sous l’épaisse couche de blocs rocheux laissés en l’état depuis 1944. L’historien Jean-Marie Guillon, interviewé par Philippe Maurel, acquiesce, pointant "les interrogations, les rumeurs."
En 2014, le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian évoquait à son tour le sujet. Répondant à la députée toulonnaise Geneviève Levy, désireuse d’en faire un lieu de mémoire collective, il avait ses mots: "La réalisation de travaux de déblaiement pour accéder [aux] dépouilles comporterait des risques considérables et aurait, de surcroît, un coût financier extrêmement important. C’est la raison pour laquelle aucune initiative n’a été prise pour exhumer les corps."
La même année, l’État décidait de vendre aux enchères la friche de 7 hectares à un certain Jan Cornelis Hendrik Van Schaik, domicilié en Belgique. Celui-ci n’a pas souhaité rendre publiques les raisons pour lesquelles il avait acheté cette parcelle, pourtant largement inconstructible. Sa première action fut de sécuriser le terrain pour éviter les intrusions. "A-t-il acquis les lieux pour faire ses propres recherches dans les décombres?", s’interroge Philippe Maurel.
Il est probable que nous ne le sachions jamais: l’homme est décédé l’an dernier.
En août1944, les combats sur l’avenue du XV-Corps, au Pont-du-Las, furent acharnés. Photo William E. Bonnard - US Nara.
Avec L’autre Débarquement réalisé par Christian Philibert (2014), Les Drailles de la liberté est l’un des rares documentaires à s’intéresser à la libération de Toulon. Aux manettes : l’hydrospéléologue et féru d’histoire locale Philippe Maurel.
"L’idée, c’était de raconter le parcours des libérateurs, arrivés de Siou-Blanc, puis passés par Le Revest avant de reprendre la ville aux Allemands".
Pour ce faire, Philippe Maurel s’est appuyé sur Dardennes 44, un de ses précédents films, et a notamment réutilisé les témoignages de combattants de l’époque, tous disparus aujourd’hui, enregistrés au début des années 2000. "Certains sont très forts, comme celui d’Andrès Cortès, un ancien du bataillon de choc."
Quelques "VIP" font aussi des interventions remarquées, tels le neuropsychiatre Boris Cyrulnik ou l’historien Jean-Marie Guillon.
Les bombardements de 44, la pénurie pendant la guerre, le sabordage ou le Débarquement sont aussi abordés. Mais c’est bien la bataille de Toulon qui intéresse l’auteur, de la poudrière des Moulins… au Pont-du-Las "J’ai découvert que dans ce quartier, les combats furent terribles. Jean-Marie Guillon évoque un crime de guerre commis par l’armée allemande, avec sept membres du bataillon de choc et un habitant fusillés sur le trottoir. Une plaque leur rend hommage sur l’avenue du XVe-Corps."
Mais, pour Philippe Maurel, le principal enseignement du film se rapporte peut-être à l’identité des héros qui ont libéré Toulon.
"Pour l’essentiel, c’était les coloniaux. Il suffit de voir, place Louis-Charry, les noms à consonance nord-africaine de ceux qui sont tombés lors des combats de la poudrière. En ces temps troublés, il n’est pas inutile de le rappeler…"
Savoir + Projection du film Les Drailles de la liberté jeudi 27 juin à 14 h 30, à la salle Franck-Arnal, rue Vincent-Scotto à la Rode. Entrée gratuite. Événement organisé par le mémorial du Débarquement et de la Libération du Faron.
Dans L'Odyssée, la fameuse épopée grecque antique attribuée à Homère, la mer est un élément central. Tantôt peuplée de monstres, tantôt signe d'apaisement et de protection, elle est décrite par le protagoniste Ulysse sous toutes ses formes –ou presque. Étrangement, le livre ne fait mention d'aucune couleur bleue, laquelle devait pourtant être omniprésente, que ce soit dans la mer ou le ciel. L'érudit britannique William Gladstone, qui s'est intéressé à ce fait étonnant en 1850, fut l'un des premiers à notifier l'absence de la couleur bleue dans les œuvres anciennes.
Les documents historiques rédigés dans diverses langues, du grec à l’hébreu ancien, ne font aucune référence explicite au bleu, alors qu'on y trouve en revanche des termes pour d'autres teintes comme le noir et le rouge. Durant l'Antiquité, les Grecs ne voyaient-ils pas le bleu? Dans l'ouvrage The Language of color, on peut lire que des chercheurs ont également notifié un profond manque de «bleuté» dans les récits chinois et islandais, mais également dans les premières versions de la Bible.
Une première explication se trouve dans la langue. Les Grecs n'avaient peut-être tout simplement pas de mots pour cette couleur, et n'avaient donc pas la possibilité de la décrire. En grec, l'adjectif «kyaneos» qualifie aussi bien le bleu des yeux que le noir des vêtements de deuil. Dans les sociétés anciennes, on ne nomme la couleur qu'au travers des métaphores: le ciel est blanc, rouge ou noir, selon la façon dont il agit sur la vie des êtres humains.
Selon le philosophe allemand Lazarus Geiger, il existe une hiérarchie linguistique des couleurs. À travers l'étude de textes anciens et modernes, il a remarqué que les termes décrivant le blanc et le noir apparaissent plus fréquemment que ceux qui désignent les autres couleurs. Cela s'expliquerait par le fait que ces deux notions sont plus intelligibles –elles sont suivies de près par le rouge, couleur du sang, qui occupe une place particulière dans nos vies.
Bleu Klein, bleu turquoise, bleu azur… La couleur bleue est partout, tout le temps. Dans son podcast Culture Bleu, la conférencière, rédactrice et ingénieure pédagogique Delphine Peresan Roudil analyse les différents bleus, leur histoire et leur place dans la société. Abordant le sujet sous de nombreux angles, du fromage en passant par les différentes teintes de la couleur, aucun épisode ne fait pour le moment mention du bleu dans la nature. Et c'est normal.
Peu de plantes ou d'animaux sont vraiment bleus. Même le paon, s'il semble arborer la couleur, ne possède en réalité aucun pigment de bleu: son aura bleutée est seulement due à la façon dont la lumière se reflète dans ses plumes. Il en va de même pour le ciel, qui n'est en réalité pas vraiment bleu, même si nos yeux le perçoivent comme tel. Cette théorie expliquerait l'absence de description de la couleur du ciel, qui tient également au fait que pour les Grecs, du fait de son omniprésence, le bleu n'était pas intéressant, voire presque invisible à leurs yeux.
100 ans: c'est la durée de vie théorique d'un pont, selon le rapport d'information du Sénat présenté par la Commission de l'aménagement du territoire et de développement durable. Mais attention: «seuls les ponts construits depuis le début des années 2000 et répondant à des normes européennes» peuvent prétendre atteindre cet objectif. Cela constitue un problème pour les ouvrages français, dont un quart ont été construits dans les années 1950 et 1960. Pour ces ouvrages qui arrivent en fin de vie, le point de rupture s'approche à mesure que le réchauffement climatique s'accentue.
Ce dernier «devrait accélérer de 31% le délai d'endommagement des structures des ponts et réduire leur durée de vie de quinze ans», peut-on lire dans un article publié par Science Direct sur l'impact du changement climatique sur les structures des ponts. La détérioration des matériaux, exacerbée par la chaleur, réduit la résistance des composants structurels. À mesure que les phénomènes météorologiques s'intensifient, les ponts sont davantage exposés à l'érosion due aux importants débits d'eau qui s'écoulent en dessous. De cette manière, ces ouvrages essentiels à la circulation routière et ferroviaire sont confrontés à d'importants risques de sécurité.
La France compterait entre 200.000 et 250.000 ponts routiers, dont près de 15% seraient en «mauvais état structurel», toujours selon le rapport d'information sénatorial. Pour faire prendre conscience des risques encourus et à venir, (la plateforme InfraClimat](https://infraclimat.com/), qui permet de visualiser l'impact du changement climatique sur les infrastructures, a été lancée par la Fédération Nationale des Travaux Publics (FNTP). Avant tout destinée aux élus et aux collectivités françaises, elle est librement consultable sur internet: ses résultats sont inquiétants.
Par la sélection de plusieurs critères tels que l'infrastructure concernée, la région choisie ainsi que l'aléa climatique projeté parmi la sécheresse, les inondations, la chaleur extrême ou encore la submersion marine, une carte se dessine sous nos yeux. Elle permet de «comprendre la nature des vulnérabilités auxquelles sont exposées [les infrastructures]», lit-on sur le site. En analysant la région de la Métropole Aix-Marseille-Provence d'ici à 2030, InfraClimat indique que 2.550 ponts sont par exemple exposés aux conséquences de la sécheresse.
Celle-ci implique une fragilisation totale ou partielle des ponts en raison d'«un rétrécissement du matériau suite à la perte de l'eau qui le compose. Par exemple, en période de sécheresse, des fissurations de la couche de roulement du tablier peuvent apparaître. L'augmentation excessive des dilatations d'ouvrage peut également engendrer une rupture des joints de dilatation qui n'ont pas été prévus initialement pour les encaisser.»
Le site propose malgré tout des solutions pour empêcher la catastrophe. En haut des recommandations, il préconise la tournée d'inspections spécialisées ainsi que la mise en place d'actions de rénovation et de maintenance des infrastructures. Des mesures d'autant plus urgentes face au retard accumulé de 89 millions d'euros dans l'entretien et la réparation des ouvrages d'art.
D'ici 2100, si aucune mesure n'est prise contre l'augmentation de la température, la France devra débourser près de 260 milliards d'euros pour contrer les effets du changement climatique, indique un rapport de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME).
Il faut oublier la représentation de Rome que l'on peut voir dans des films comme Gladiator. Celle de la série HBO Rome est beaucoup plus pertinente: rues étroites, saleté, etc. Rome était un cloaque, où les habitants s'entassaient dans des insulae, bâtiments en grande partie construits en bois et donc très inflammables.
Plus vous étiez pauvre, plus vous viviez haut dans les insulae. Évidemment, en cas d'incendie, c'était un peu la cata: vous mouriez. Certains s'étaient même enrichis grâce aux feux. Si vous voulez un vrai incendiaire, pensez à Crassus plus qu'à Néron: il semble qu'il faisait brûler les demeures pour les racheter à bas prix, et qu'il les louait ensuite avec des loyers prohibitifs.
Pour lutter contre le feu dans cette cité de 800.000 habitants, il y avait les vigiles urbani, souvent recrutés parmi les esclaves publics (esclaves appartenant à la cité et non à des particuliers), puis chez les affranchis. Au nombre de 7.000, divisés en sept cohortes de 1.000 hommes, leur rôle était moins de lutter contre les incendies que de vérifier que les habitations aient de quoi empêcher les départs de feu. C'était un métier risqué, mais gratifiant: au bout de six ans, un vigile devenait citoyen, ce qui lui permettait d'intégrer d'autres postes plus intéressants. Reste que les incendies étaient récurrents à Rome.
Mais revenons à cette nuit du 19 juillet 64, ou le douzième jour avant les calendes d'août de l'année DCCCXVII de la fondation de la ville. La nuit est chaude en ce mois de juillet, mais le vent ne permet pas de rafraîchir l'air vicié. C'est le sirocco, un vent chaud et sec qui souffle souvent en juillet à Rome. Les chariots parcourent la ville, étant interdits de le faire en journée. Rome est tout le temps active, le silence est un luxe que ne peuvent se permettre que les riches, avec leurs domus isolées sur le Palatin.
Le dirigeant, l'Imperator Nero Claudius Caesar Augustus Germanicus, dit Néron pour la postérité, n'est pas à Rome. La chaleur l'a poussé à se rapprocher du bord de la mer, dans sa ville natale d'Antium, à une heure.
On ne sait pas ce qui a déclenché l'incendie. On sait où il a débuté: dans des boutiques où des biens inflammables étaient entreposés, dans la région du Cirque Maxime qui bordait le Palatin et le Cælius. Le vent a vite fait d'étendre les flammes sur tout le pourtour du Cirque, puis dans les quartiers alentours, où les insulae s'entassaient, bordées par des rues où deux hommes ne pouvaient se croiser. Aucun temple, aucune zone n'arrête le feu. Puis c'est le Palatin qui est touché, et le Cælius. La population s'enfuit dans les zones dégagées, dans les champs alentour, dans les parcs.
Le feu dure six jours, avant de se calmer, puis de reprendre pour trois jours. Les deux tiers de la ville sont ravagés. Seuls quatre des quatorze districts urbains sont épargnés. C'est ce que nous relatent les auteurs anciens. Une cinquantaine de demeures luxueuses sont également détruites, dont une partie du palais de Néron.
Trois auteurs relatent l'incendie de Rome: Tacite, Suétone et Dion Cassius. Suétone et Dion Cassius accusent Néron de l'incendie, alors que Tacite le sous-entend sans jamais le dire.
Pourtant, les actions de Néron lors de ces événements sont toutes logiques et efficaces. Dès qu'il apprend la nouvelle de l'incendie, dans la nuit, Néron revient à Rome. Il fait distribuer des vivres, il ouvre ses propres jardins aux réfugiés. Sur ses deniers personnels, il organise la récupération des corps et l'enlèvement des débris.
Durant l'incendie même, il ordonne la destruction de maisons –non pas par plaisir, mais par une technique de «coupe-feu» bien connue. Sa reconstruction de Rome créera de plus grandes rues, des bâtiments de briques et non de bois, tout cela conçu pour limiter les dégâts des incendies.
Néron se comporte mieux que beaucoup d'autres monarques dans des circonstances identiques. En aucun cas il ne joue de la lyre en rimant sur la chute de Troie. Il s'agit d'une rumeur relatée par Suétone et Dion Cassius, mais qui ne cadre pas avec les actions de Néron relatées par Tacite.
Haï par les riches
Pourquoi est-il accusé de cet incendie, alors qu'il a agi avec responsabilité? Néron était très populaire parmi le peuple de Rome. Ce n'était pas le monstre que les images d'Épinal nous montrent. Au contraire, même s'il était considéré comme un peu original –avec son dégoût des courses et de la gladiature et son amour de la musique et du chant–, il était adoré par le peuple. Il avait même passé certaines lois que l'on pourrait juger humanistes, comme l'arrêt de la torture systématique de tous les esclaves d'un homme libre assassiné.
En revanche, les riches le détestaient. Avant l'incendie, c'était juste un mépris, une défiance. Mais après, cela devint de la haine et les conspirations se multiplièrent. Car pour rebâtir Rome, il fallut augmenter les taxes dans les provinces. Or, les riches Romains, avec leurs vastes propriétés accaparées sur le domaine public, furent les premiers touchés.
Néron a agi comme un homme d'État responsable: il n'a pas mutualisé les pertes.
De même, la dévaluation du denier décidée par Néron les toucha durement (tout en favorisant les marchands). Néron voulait que les taxes soient payées avec les anciens deniers, et non les nouveaux. Et qui avaient les anciens deniers? Bingo: les riches.
Le fait de ne donner aucun «as» pour reconstruire les riches demeures, mais de consacrer l'argent de l'État soit aux quartiers populaires, soit à sa Domus aurea, n'a pas dû aider à le faire aimer chez les élites. En gros, Néron a agi comme un homme d'État responsable: il n'a pas mutualisé les pertes. Les riches avaient les moyens de reconstruire, pas les pauvres. Donc il a aidé les pauvres.
Dion Cassius écrit 150 ans après les événements, et son ouvrage traitant de Néron est incomplet. Suétone est plus proche, mais… Tenez, parlons un peu de Suétone. Il naît en 69. Suétone, c'est un peu le Stéphane Bern de l'histoire antique. Les récits de boudoir l'intéressent plus que de relater l'histoire. Il avait accès aux archives impériales, mais elles sont bien peu présentes dans son œuvre. Sa Vie des douze Césars est à la fois une usine à ragots et une tentative de pourlécher avec humilité l'anus des Antonins, les empereurs régnants, qui avaient tout intérêt à faire détester Néron et les Julio-Claudiens.
Attention, je ne dis pas que tout Suétone est à jeter. On peut comprendre et découvrir les mœurs ou les interdits de l'époque par son œuvre, bien plus qu'en lisant d'autres auteurs plus factuels. Vingt ans après la mort de Néron, des imposteurs continuaient de s'attribuer son identité, pour rallier le peuple de Rome.
Savez-vous que 38 % des pages internet qui existaient en 2013 sont désormais inaccessibles ? Cela représente plus de 250 millions de sites qui ont disparu dans les méandres du web ! Ce phénomène, appelé "dégradation numérique", touche tous les types de sites, des sites gouvernementaux aux réseaux sociaux, en passant par les sites de particuliers. Dans cet article, nous allons explorer les raisons de cette disparition massive de sites web et les conséquences que cela peut avoir pour les individus, les entreprises et les gouvernements. Prêt à plonger dans les profondeurs du web ?
Crédit image : DALL-E
Salut tout le monde ! Aujourd'hui, je vais vous parler d'un phénomène qui touche le monde numérique et qui est loin d'être drôle : la "dégradation numérique". Selon une étude réalisée par le Pew Research Center, 38 % des pages internet qui existaient en 2013 sont désormais inaccessibles. Oui, vous avez bien lu, plus de 250 millions de sites ont disparu dans les méandres du web !
Mais avant de rentrer dans le vif du sujet, laissez-moi vous donner quelques chiffres pour vous faire comprendre l'ampleur du phénomène. Selon les données du Real Time Statistics Project, le nombre de sites Internet en ligne a été multiplié par dix entre 2008 et 2017, passant de 172 millions à plus d’1,7 milliard. Et oui, en à peine 10 ans, le nombre de sites a explosé !
Mais alors, comment expliquer la disparition de tous ces sites ? Les raisons sont multiples et variées. Tout d'abord, les sites gouvernementaux sont concernés par ce phénomène. En effet, la plupart d'entre eux ont migré vers des adresses sécurisées "https", ont été transformés en documents "statiques" (comme des PDF) ou redirigent désormais vers une nouvelle adresse. Et oui, même les gouvernements ne sont pas à l'abri de la "dégradation numérique" !
Mais ce phénomène ne touche pas que les sites gouvernementaux, les particuliers sont également concernés. En effet, la maintenance d'un site génère des frais qui sont généralement compensés par le trafic. Mais lorsqu'une page cesse d'être visitée, elle perd la raison de son existence et finit par disparaître. Et oui, sur le web, il faut savoir se renouveler pour ne pas sombrer dans l'oubli ! (et là, je sais de quoi je parle !)
Mais le phénomène de la "dégradation numérique" ne s'arrête pas là. Selon une étude du Pew Research Center, 21 % des pages officielles comportent au moins un lien inaccessible. Et oui, même les pages officielles ne sont pas à l'abri des liens morts !
Mais ce n'est pas tout, les réseaux sociaux sont également concernés par ce phénomène. En effet, près d'un cinquième (18 %) des tweets publiés dans le cadre de l’étude du Pew ont disparu en à peine quelques mois. Et oui, même sur les réseaux sociaux, il faut savoir être réactif pour ne pas disparaître !
Enfin, dernier exemple et non des moindres, Wikipedia. Selon une étude, plus de la moitié (54 %) des références renvoient vers des pages qui n’existent désormais plus. Et oui, même la célèbre encyclopédie en ligne n'est pas à l'abri de la "dégradation numérique" !
Alors, que faire pour lutter contre ce phénomène ? Tout d'abord, il est important de bien référencer ses pages et de vérifier régulièrement les liens pour éviter les liens morts. Ensuite, il est important de mettre à jour régulièrement son site pour maintenir l'intérêt des visiteurs. Enfin, il est important de sauvegarder régulièrement son site pour éviter de tout perdre en cas de problème.
Voilà, vous savez tout sur la "dégradation numérique". Alors, n'oubliez pas de bien entretenir votre site et de sauvegarder régulièrement vos données pour éviter de disparaître dans les méandres du web !
Sources multiples :
Pew Research
Real Time Statistics Project
Le Grand Continent
Publié le 31 Mai 2024 par Technifree
Contra la terapia par Aloma Rodríguez - 19 avril 2024
Je ne saurais pas dire précisément quand et comment ça a commencé. Le député Íñigo Errejón [de la formation de gauche radicale Sumar] s’est exprimé devant le Parlement espagnol sur la “santé mentale”, et ça avait fait rire, preuve que la question était clivante, donc qu’elle avait un certain potentiel électoral. Le sujet était dans l’air du temps, aussi, ça se voyait sur les réseaux sociaux, à nos mugs barrés de messages de pensée positive, à l’état dans lequel nous sommes sortis de la pandémie, tous autant que nous sommes, et plus encore, sans doute, ceux qui à l’époque avaient la vingtaine, ceux qu’on appelle la “génération Z”.
C’est ainsi, subrepticement, que de “déstigmatisation des troubles mentaux”, on est venus à parler de “santé mentale”, un concept un peu vide, puis à concevoir la thérapie comme un attribut de standing, un truc à faire. C’est une lecture un peu littérale du fameux mens sana in corpore sano : sur leur temps libre, les jeunes sont enjoints d’aller à la salle de sport et chez le psy.
Le psychiatre Pablo Malo partageait dernièrement sur X un article paru dans la revue Cureus : “Dans le monde actuel, il est de plus en plus crucial de prendre acte, certes de la nécessité de sensibiliser aux troubles mentaux, mais aussi de la glorification indue de ces mêmes troubles qui est à l’œuvre dans certains milieux. Les réseaux sociaux ont promu auprès de la génération Z l’autodiagnostic et une image romantique des pathologies mentales. Un nombre croissant d’individus commence à reconnaître en ligne des tendances à l’autodiagnostic, et cela contribue à la normalisation des questions de santé mentale, à travers des mèmes, des vidéos TikTok et des tweets très repris. Mais cette tendance a aussi pour effet paradoxal de donner, dans une partie de la société, une image romantique des troubles mentaux.
“Dans ce contexte délicat, les professionnels de santé doivent faire preuve d’empathie et de discernement. Si sortir les problèmes mentaux de la stigmatisation reste un objectif crucial, nous devons prendre garde à ce que la santé mentale ne devienne pas un sujet nimbé de romantisme. Nous plaidons pour un regard équilibré sur le sujet, qui reconnaisse des moments de bien-être sans fermer les yeux sur ce que vivent les personnes aux prises avec des troubles handicapants. Il n’y a aucun mal à aller mal, mais il n’y a aucun mal à aller bien non plus.”
La thérapie est venue se substituer à la conversation : au lieu de raconter ses problèmes à ses amis, on paie quelqu’un pour nous écouter. On paie pour avoir son attention. Il y a là quelque chose de profondément pervers, qui a notamment pour effet (à moins que ce n’en soit la cause ?) d’aborder les rapports humains comme on aborde la vie en entreprise. Il faut avoir de l’efficacité et de la productivité dans ses affects, il faut avoir bossé de son côté, il faut savoir gérer correctement ses émotions.
Parmi les nombreux emprunts au vocabulaire de l’entreprise, celui qui me hérisse le plus est “travail sur soi” – l’expression a le don de me faire immédiatement bondir quand je l’entends dans la bouche de personnes publiques (les acteurs, en particulier, l’adorent). L’amitié, l’affection, les liens se construisent dans la conversation, dans l’échange sur ce qui nous meut, et dans de petits ajustements. On prétend aujourd’hui qu’il y a un chemin à parcourir en solitaire, une préparation à suivre pour être une bonne personne, avant que la vie ne commence. Or c’est tout l’inverse : la vie n’est qu’un long apprentissage.
Laissez-moi prendre un exemple. J’ai eu une histoire d’amitié intense avec une femme un peu plus âgée que moi. Quand nous nous sommes connues, j’étais enceinte de quatre ou cinq mois, et à la naissance de ma fille notre amitié est partie en fumée. Je dis que cette relation était forte, car cette amie était même présente à mon accouchement. Il n’y a rien eu, aucune dispute, aucune brouille. Ce qui s’est passé ensuite, oui, c’est que j’avais une enfant, et elle non. Ma mère m’a dit : elle devrait voir un médecin. Cette ancienne amie suivait une thérapie, je ne crois pas qu’elle y ait parlé de moi, mais elle a dû aborder son rapport à la maternité. Pas à ce moment-là, évidemment. Je la vois bien dire : “J’ai dû faire un gros travail sur moi-même.”
En thérapie, vous racontez ce qui vous arrive : vous faites un récit de votre vie et de vos sentiments. Les thérapeutes font aujourd’hui ce que faisaient hier les prêtres. El cuento de nunca acabar [littéralement “Le Conte sans fin”, non traduit], de l’écrivaine espagnole Carmen Martín Gaite, est un ouvrage sur l’art d’écrire, mais il peut se lire aussi comme un appel à ne céder le monopole du récit sur nos vies à personne, ni à une institution religieuse ni à la psychanalyse (l’écrivaine avait lu Freud avec intérêt et curiosité).
Elle le formule autrement dans El Cuento de nunca acabar, mais j’ai sous la main une citation issue du [recueil posthume de journaux intimes, non traduit en français] Cuadernos de todo :
“Le professeur et le confesseur, comme des années plus tard le psychiatre ou le journaliste, nous persuadent de leur raconter des histoires parce que leur métier les y oblige. Ce sont des interlocuteurs rémunérés, des médiateurs professionnels. Il faut être passé par la désillusion que cause la découverte de la tromperie et de l’insincérité de leur démarche, leur manque d’intérêt profond pour le conte qu’ils nous pressent de leur raconter, pour sentir en soi, tel le marteau du rappel à la loi, l’impérieuse nécessité de le raconter sous une forme libre, affranchie de certains critères scolaires.”
Opportunisme, superficialité, immédiateté de toute chose, quête d’approbation, glorification romantique du traumatisme ou tendance à la victimisation – les causes sont ici comme ailleurs nombreuses et mêlées. Et il y a aussi la bêtise, une hypothèse toujours plausible, qui est aussi généralement le plus court chemin pour aller à la catastrophe.
L’installateur de centrales solaires et producteur d’électricité en croissance constante depuis 16 ans basé à Rocbaron vient d’emménager à deux pas de son ancienne adresse, dans un bâtiment plus fonctionnel et plus durable. Photo Luc Boutria.
Nœud papillon, ambiance rétro et pelouse vert pétard... Soleil du Sud s’était mis sur son 31 le 16 mai dernier pour l’inauguration de ses nouveaux locaux, à Rocbaron. Fondée en 2009 par Joël Oros, la PME spécialisée dans la construction de centrales solaires ne s’est pourtant déplacée que de 300mètres.
Mais cette nouvelle implantation devrait faciliter sa croissance et surtout la cohabitation avec ses voisins. "Nous avons une flotte de 40 véhicules et il était compliqué de stationner et de les déplacer", explique le pdg dont l’entreprise vient d’investir 4 M€ pour transformer l’ancienne concession Renault de la petite zone d’activité Fray Redon en un outil adapté au travail de ses quelque 50 collaborateurs: 700m² de bureaux, mais aussi 600m² d’entrepôt et bien sûr 1.400m² d’ombrières équipées de panneaux photovoltaïques qui fourniront l’équivalent de la consommation de 250 habitants.
"Ici, tout est domotisé: nous récupérons les eaux de pluie, il a fallu quatre mois de chantier, opéré par une dizaine d’entreprises du territoires, que nous connaissons", poursuit le dirigeant. Car Soleil du Sud, entreprise à mission depuis 2022, a fait du développement durable et du bien-être au travail le cœur de son business. Au point, affirme Joël Oros que "nous n’avons pas de concurrent." La PME qui génère 16 M€ de chiffre d’affaires, se distingue sur le créneau en plein essor du solaire: "Toutes les personnes que nous recrutons sont directement embauchées en CDI sans période d’essai, nous faisons tout en interne, sans sous-traitance et nous utilisons des panneaux fabriqués en France par notre fournisseur Voltec Solar", précise le fondateur.
176 centrales
Quinze ans après sa création, Soleil du Sud est avant tout un producteur d’électricité, avec 100 centrales en fonctionnement, uniquement sur des toitures et essentiellement dans le Var, et 73 actuellement en chantier. "Leur superficie varie de 200 à 35.000m², la plus grande étant celle qui recouvre le toit du marché aux fleurs à Hyères", précise Joël Oros. L’électricité ainsi produite est vendue à EDF, ce qui génère 70% du chiffre d’affaires. Les 30% restant provenant à parts égales de la vente de centrales à des professionnels ou des particuliers, qui l’exploitent eux-mêmes. "80% de notre travail concerne la couverture et le renforcement de charpentes mais il y a aussi la pose de panneaux et la partie câblage électrique. Nos tarifs sont 20% plus chers que ceux de nos confrères", assure l’entrepreneur qui peine à recruter des couvreurs, un métier en pénurie.
Au point de lancer un partenariat avec l’Ecole de la Deuxième Chance qui permet d’identifier des candidats et d’accueillir des stagiaires.Car Soleil du Sud, dont la croissance a été régulière en quinze ans, s’attend à la même tendance pour les années à venir. "Quand nous aurons 170 centrales en fonctionnement 300 serons en chantier", précise son pdg. Pour qui développer des unités au-delà de 1.000m² n’est pas donné à tout le monde. "Il faut de la trésorerie pour pouvoir commander les panneaux." Soleil du Sud installe 7mégawatts de capacité de production par an, ce qui nécessite selon l’entrepreneur 10M€ d’investissement, "dont 20% en fonds propres car les banques ne financent que 80%."
De belles perspectives
Mais la PME ne manque pas de projets. Comme le contrat signé avec la Caisse régionale du Crédit Agricole Provence-Côte d’Azur, pour la mise en place d’une centrale solaire sur le parking du siège social de la banque à Draguignan, soit une capacité d’un mégawatt en autoconsommation et un investissement de près d’1,5M€ sur 20.000m² d’ombrières posées, elles, par un acteur dracénois.
Soleil du Sud attire aussi la grande distribution – uniquement Système U et Intermarché, indique son dirigeant, attaché au modèle coopératif de ces deux acteurs – et les collectivités, avec des communes comme La Farlède ou Montauroux, mais aussi Sénas dans les Bouches-du-Rhône qui demandent à s’équiper. De quoi rentabiliser le nouveau siège de l’entreprise.
Les cercles étaient nombreux, autrefois, dans le Var. Le Beausset en comptait plusieurs de toutes les sensibilités. De nos jours, tous ont disparu sauf un : Le Cercle du 24 février 1848.
Hauts lieux d'échanges et de débats, mais aussi de respect, de tolérance et de fraternité, les cercles, encore appelés chambrées ou clubs, pullulaient, autrefois, dans le Var.
Leur existence était ancrée au plus profond de la mémoire collective des populations. Propices aux réunions animées et aux controverses de toutes natures, à une époque où la télévision n'avait pas encore défait le lien social, ces associations villageoises reflétaient bien l'esprit frondeur et contestataire du Français en général, du Varois en particulier. Si quelques-uns de ces cercles affichaient leur apolitisme, la plupart étaient d'authentiques foyers d'agitation.
Le Beausset en comptait un très grand nombre de toutes les sensibilités. Ainsi trouvait-on le Cercle Démocratique, le Cercle de l'Union, le Cercle de l'Avenir, celui de la Concorde, de Saint-Pierre, ceux de Saint-Hubert, de la Renaissance, d'Apollon, des Vieux Soldats, de Saint Napoléon, des Indépendants, de la paix, de l'Amitié, de la Gaieté, de Saint-Joseph, de Mars, des Réjouis, de Cérès, etc. Les cercles exaltant les valeurs de la République étaient cependant majoritaires.
De nos jours, tous ont disparu sauf un : Le Cercle du 24 février 1848 (ex-Cercle Démocratique). Ultime spécimen d'une époque à jamais révolue, ce dernier fut encore l'enjeu, il n'y a pas si longtemps, de farouches rivalités. Il a été fondé le 31 mars 1893 pour glorifier la mémoire de ceux qui, en 1848, après trois jours de sanglantes émeutes parisiennes, ont renversé le régime honni du roi Louis-Philippe (la fameuse Monarchie de juillet) pour rétablir une République une et indivisible. Parmi ces « Républicains avancés » comme on disait alors : Lamartine, Louis Blanc, Ledru-Rollin, Dupont de l'Eure, Arago, Garnier-Pagès, Marie, Crémieux, Marrast, Flocon… sans oublier « l'ouvrier » Albert, tous membres du gouvernement de la IIème République.
Extrait de l'ouvrage de Jacky Laurent « Le Beausset au fil du temps » publié aux éditions Alan Sutton.
Depuis le XIXe siècle, les cercles ont marqué l’histoire des communes provençales.
Beaucoup ont disparu, d’autres continuent d’exister, notamment en s’ouvrant à tous.
Cette évolution est l’objet d’une étude menée par le Pays d’art et d’histoire de la Provence verte et Verdon.
Sur le terrain aux contacts des acteurs du territoire, Pauline Mayer, chargée de mission inventaire du patrimoine, a commencé depuis janvier à enquêter.
Très précisément, le projet porte sur la réalisation d’une fiche d’inventaire du patrimoine culturel immatériel. Il est subventionné par le ministère de la Culture, dans le cadre d’un inventaire national des pratiques immatérielles, complémentaire de celui du patrimoine bâti et mobilier. Cette démarche s’inscrit dans la convention Unesco de 2003, ratifiée par la France en 2006. Cette convention encourage à répertorier les pratiques vivantes - physiques, sociales et festives -, de traditions et d’expressions orales, des arts du spectacle, jeux, rituels, du savoir et savoir-faire. Ça peut être le jeu de paume à Artignosc, la fabrication de boules de pétanque en buis à Aiguines, la Saint-Marcel à Barjols… L’objectif est de donner un outil de connaissance pour le public et de faire reconnaître ces pratiques afin de favoriser éventuellement des opérations de sauvegarde menées par des institutions publiques. Le Pays d’art et d’histoire de la Provence verte et Verdon (du syndicat mixte, Ndlr) a choisi de continuer le travail réalisé sur les cercles au niveau du patrimoine bâti et mobilier.
La brochure "Laissez-vous conter les cercles" a été publiée en 2014. Un film documentaire - Paroles de cercles, loisirs et démocratie en Provence verte - est également visible sur le web (1). En 2016, il y a eu une réédition de la brochure dans l’ouvrage de synthèse de toute l’opération d’inventaire du patrimoine de la République (2). L’histoire, la fonction et le mobilier des cercles ont, donc, déjà été étudiés. Chaque local a été répertorié. Des huit cercles recensés sur le territoire en 2015, certains ont depuis disparu. Au XIXe siècle, il y en avait une centaine dans le Var, pratiquement un dans chaque commune, parfois deux et même cinq. Face à ce constat, le Pays d’art et d’histoire a décidé de répondre à l’appel à projet du ministère.
Sur un état des lieux des cercles encore actifs. De voir sous quelle forme ils perdurent. C’est un peu un outil d’aide, de sauvegarde. Actuellement, en Provence verte et Verdon, il n’y en a plus que cinq : Saint-Roch et de la Jeune France à Rougiers, Philharmonique à Saint-Maximin, de l’Avenir à Fox-Amphoux et de l’Avenir à Barjols. Ceux de Correns et Pontevès sont en sommeil. Les associations sont actives, mais les locaux ne sont pas ou plus utilisés. Nous sommes deux à travailler sur cette enquête, qui porte sur toute la basse Provence. Je m’occupe de la Provence verte et Verdon et Pierre Chabert, ethnologue et auteur d’un livre sur les cerces, du reste du Var, des Alpes-Maritimes, Bouches-du-Rhône et Alpes-de-Haute-Provence. Il ne va pas enquêter sur tous les cercles encore ouverts, mais il va essayer d’avoir une représentativité.
L’objectif est de susciter un dialogue autour des cercles et éventuellement de réactiver celui intercercles, au moins à l’échelle du territoire. On est là pour soutenir, valoriser, mettre à l’honneur ce patrimoine. Il est toujours vivant et se réinvente, se transforme pour continuer à exister. Il est important de sauvegarder ces pratiques vivantes. Cette étude permet à la fois de documenter et étudier la pratique à "l’instant T". Savoir comment ça perdure aujourd’hui. Je suis au début de mon enquête (commencée en janvier, elle devrait se conclure en avril, Ndlr) mais je constate parfois des problèmes de transmission. Les équipes doivent se renouveler. Les jeunes doivent s’approprier les cercles pour assurer la transmission. Le but, bien entendu, de cet inventaire est que les membres des cercles se reconnaissent dans la fiche. Elle comprend également une partie sur des freins et menaces à l’identité des cercles. Mon travail est aussi d’apporter des informations sur les dispositifs publics qui peuvent les aider à perdurer.
Le Cercle Philarmonique de Saint-Maximin vers 1930. Photo doc V.M. .
À l’origine, au XIXe siècle, les cercles sont une assemblée de personnes, "historiquement des hommes. C’est un groupe d’amis, de connaissances. Ils représentent vraiment l’entre-soi du village. Ils se retrouvent chez les uns et les autres et se forment en association. Ils peuvent aussi acheter des locaux. Ce sont des cafés associatifs typiques de la Provence."
Ils se réunissent autour de valeurs et de loisirs communs, "pour discuter, jouer, boire un verre".
Historiquement, il y a trois types de cercles : économiques, "liés par exemple aux coopératives agricoles" ; politiques, "au XIXe siècle, des lieux de propagande et militantisme" et ludiques, "par exemple à Saint-Maximin, le Cercle philharmonique".
À caractère privé à l’origine, de nombreux cercles se sont ouverts à tous. "C’est intéressant en termes de sociabilité, il y a un brassage de population beaucoup plus important. Cette nouvelle enquête permet de mettre en rapport l’identité historique de chaque cercle avec la manière dont il s’est transformé."
Actuellement, il y a plusieurs types de gouvernance.
"L’association peut déléguer la gérance ou employer des salariés. D’autres cercles fonctionnent encore “à l’ancienne”, avec uniquement des bénévoles, comme à Fox-Amphoux. Par ailleurs, des associations ont encore leur siège dans les cercles. C’est comme un pôle qui centralise une partie des activités sociales ou ludiques, voire identitaires."
Au fil du temps ces transformations se sont traduites par une ouverture sous plusieurs formes.
Par exemple, à Barjols, les femmes ont géré le cercle "de 1950 à 1990. À Correns, à la fin des années 2000, une dizaine de femmes ont fait de même. Autre changement notoire, les cercles sont devenus apolitiques."
En Provence verte et Verdon, certains ont, donc, baissé pavillon. À Saint-Martin, le Cercle est devenu un Bistrot de pays".
À Correns, "c’est maintenant un bar-restaurant, mais l’association existe toujours".
À Tourves, "il a gardé son nom de “cercle” et abrite maintenant le service communal festivités, vie associative et jeunesse. Le maire a eu la volonté de conserver une dimension sociale."
Le Pays d’Art et d’Histoire Provence Verte Verdon, labellisé en 2005 et comprenant environ 40 communes de l’arrondissement de Brignoles (dont 14 au sein du Parc) a été le territoire d’étude pendant plusieurs années d’une enquête thématique de l’Inventaire Général. En 2012, la région a en effet missionné l’équipe de la Provence Verte Verdon pour une recherche sur les bâtiments et objets du patrimoine républicain.
Si cet inventaire a permis de répertorier nombre d’édifices, monuments aux morts ou objets divers et variés ; il a également été l’occasion de mettre en exergue un patrimoine tout aussi précieux bien qu’immatériel : les cercles provençaux.
Les cercles existaient avant 1901 sous forme de « chambrettes » ou « chambrée ». Au départ plutôt fréquentés par la bourgeoisie dans le reste de la France, ils ont connu une expansion au XIXème siècle sous l’effet d’une mode politique. C’est bien leur caractère sociabilisant qui leur permettra de perdurer en Provence jusqu’à aujourd’hui. Car bien qu’il s’agisse d’associations régies par la loi 1901, pour le visiteur, ils prennent souvent la forme d’un bar. Ludique, lieu musical, corporatiste ou politique, le cercle provençal est polymorphe ; mais encore et toujours un lieu de sociabilité.
Le résultat de cette étude :
212 notices Architecture*
169 notices Objet*
1616 notices Illustrations*
La publication de la brochure « Laissez-nous conter les cercles en Provence Verte »
La production d’un film documentaire « Paroles de cercles, loisir et démocratie en Provence »
La publication de l’ouvrage Le patrimoine de la République en Provence Verte
L’inscription des cercles à l’inventaire du Patrimoine culturel immatériel en France : www.pci-lab.fr/rechercher
Le Parc naturel régional de la Sainte-Baume souhaite féliciter et remercier le Pays d’Art et d’Histoire Provence Verte Verdon pour ce superbe travail.
*Toutes ces notices sont en ligne et en accès libre sur le site dossiersinventaire.maregionsud.fr
Pour en savoir plus sur les cercles :
www.paysprovenceverteverdon.fr/pays-dart-et-dhistoire/inventaire-du-patrimoine/patrimoine-de-la-republique/
“Guide des patrimoines de la Sainte-Baume” édité par le Parc
Ouvrage de Pierre Chabert “Les cercles, une sociabilité en Provence”Historiquement, le phénomène des chambrées (« cambradas » en occitan provençal) puis des cercles s’est étendu à l’ensemble du bassin méditerranéen. On le retrouve aussi dans les Landes et à Paris. Dans le Var, il a été présent dans de nombreuses communes (comme tout près de chez moi, à La Cadière-d’Azur et à La Valette). En 2016, le réseau intercommunal « Pays d’Art et d’Histoire de la Provence Verte » a publié une excellente brochure sur le patrimoine républicain présent sur son territoire (39 communes du nord-ouest du Var). La première partie de la brochure est consacrée aux mairies, écoles, campaniles, monuments aux morts, lavoirs, bains publics, maisons du peuple, foyers municipaux, coopératives vinicoles et cercles. La seconde partie (de la page 102 à la page 157) revient sur la question des cercles en les étudiant de manière plus approfondie et en les inventoriant de manière précise. Lien pour télécharger l’intégralité de la brochure au format PDF : www.la-provence-verte.net/accueil/documentation/pah-republique.pdf
Extraits de la brochure :
En Provence, le cercle prend ses racines dans plusieurs formes de sociabilités : la confrérie de pénitents, la loge maçonnique, la corporation de métiers, la société de secours mutuel, le cercle bourgeois (similaire au club britannique), la chambrée (pendant populaire du cercle bourgeois), les clubs révolutionnaires et les sociétés secrètes. Le cercle est une assemblée de personnes partageant des valeurs ou des loisirs communs, se réunissant pour discuter, jouer ou boire un verre. Il recouvre trois principales fonctions : ludique, politique et économique. Cette pratique, très ancienne, existe déjà sous l’Antiquité, où les hommes se rassemblent dans des « collegia ». Chaque cercle possède une identité singulière. Le sentiment d’appartenance à la communauté est renforcé par le devoir d’entraide et de solidarité qui soude les membres. Le groupe est à la fois interne au village et autonome. Il a sa propre histoire, ses règles, ses fêtes, certains ont même leur monnaie.
De la chambrée au cercle – Dans le département du Var, les chambrées se multiplient entre 1830-1848. Il en existe en moyenne six par communes, parfois dix. Leur succès est tel que dans certains villages, l’ensemble de la population masculine majeure adhère à l’une de ces sociétés. Ces réunions constituent des réseaux intéressants pour la propagation des idées révolutionnaires et républicaines. Des émissaires venus des grandes villes comme Marseille, Toulon, Draguignan, assistent aux réunions et proposent la lecture et le commentaire des journaux. Dans la première moitié du XIXe siècle, les chambrées se réunissent chez des particuliers, plutôt à l’étage, à l’abri des regards. Suite à l’insurrection varoise de 1851, le Second Empire s’efforce de les interdire. N’y parvenant pas, il tente alors de les contrôler en leur imposant des règles. C’est ainsi que le lieu et la fréquence des assemblées ainsi que la liste des participants doivent être désormais déclarés en Préfecture. Progressivement, ces mesures conduisent à une sédentarisation qui amène à confondre l‘assemblée avec le bâtiment qui l’accueille. La chambrée, réunion informelle et privée, disparaît au profit d’une forme plus institutionnelle : le cercle.
Sous la Troisième République – Pendant cette période, le cercle participe activement à la vie de la cité. Il a désormais pignon sur rue et s’installe là où se joue la sociabilité dans le village, comme le cours ou la place principale. Parallèlement, le nombre de cercles diminue mais la fréquentation par établissement augmente (elle peut parfois être multipliée par 20 !) de sorte que le nombre d’adhérents par commune reste constant. Vers 1900, il ne subsiste souvent que deux cercles par commune, un blanc (de tradition catholique et conservatrice) et un rouge (de tradition anticléricale et progressiste)*. Le cercle est à la fois un tremplin pour la mairie et un foyer de l’opposition. Un cursus honorum se met en place : il débute par la présidence de la coopérative, se poursuit par celle du cercle et aboutit au mandat de maire.
Déclin et renouveau – À partir des années 1910, les créations de cercles diminuent fortement. Ce recul se confirme tout au long du XXe siècle et enregistre deux pics à chaque guerre mondiale. Sous l’Occupation, les cercles, à nouveau soupçonnés d’être des foyers révolutionnaires, sont fermés. La plupart ne rouvrent pas après la Libération. Depuis quelques années, le nombre d’adhérents semble s’être stabilisé. À l’heure actuelle, huit cercles sont encore en activité sur le territoire. La plupart ont perdu leur fonction politique au profit d’une dimension ludique : lotos, pétanques et jeux de cartes continuent d’attirer une population en attente de divertissement et de lien social.
La sociabilité est un vaste sujet qui concerne autant les réunions informelles que celles structurées ou dictées par le rythme des saisons, les habitudes locales ou nationales. En Provence, elle a été l’objet de nombreuses études, tant historiques [Agulhon, 1979] qu’ethnologiques [Roubin, 1970]. À notre tour, nous examinerons ce sujet [Chabert, 1991] à travers une structure assez répandue dans les villes et les villages, le « cercle ».
Régie par la loi de 1901 sur les associations, cette institution regroupe principalement des hommes. Elle possède un conseil d’administration, délivre des cartes à ses membres après le paiement d’une cotisation annuelle, qui permettra au trésorier de constituer un budget. Pour le visiteur, le cercle se présente sous la forme commune d’un bar : on y boit, on y joue aux cartes ou aux boules. Seules différences, son appellation : « Cercle de… », et la non-consommation de boissons habituelles. Ce bar est le siège d’une association, donc un lieu privé. Ainsi conçu, le cercle constitue une véritable « société » au sens juridique et, comme toute association, se trouve être polymorphe. On remarque, pour l’ensemble de ces cercles, une inclination vers le corporatisme lorsqu’il devient lieu de réunion des chasseurs ou des pêcheurs. C’est le cas à Tourves, à Vauvenargues ou aux Martigues. On devine également des connexions avec la coopérative viticole, lorsque le local du cercle est intégré à son bâtiment, comme à Camps. L’aspect ludique est récurrent, par-delà les cartes et les boules, mais certains cercles (tel celui d’Auriol) se consacrent essentiellement à la musique, avec la présence d’un orphéon. Enfin, d’autres nous intéressent plus particulièrement, pour avoir conservé jusqu’à ce jour une fonction politique, très importante par le passé, notamment durant la IIIe République. C’est en particulier sur ce dernier type d’association que portera notre étude, du point de vue de l’anthropologie politique.
Antérieurement à cette loi de 1901, le cercle existait déjà en Provence, ainsi nommé dans les villes, plutôt désigné par les termes « chambre » ou « chambrette » dans les campagnes (chambro ou chambreto, en langue d’oc) [Roubin, 1970]. Une rapide prospection dans les archives des communes indique un véritable fourmillement de chambrées tout au long du xixe siècle ; au xviiie siècle, le terme chambro peut désigner une société de pénitents. Dans le reste de la France, la structure-cercle s’est répandue sous la forme d’une association plutôt bourgeoise [Agulhon, 1977] sous la monarchie de Juillet. Durant la IIIe République, son expansion est due à un effet de « mode politique ». Peu après, elle s’est estompée un peu partout en France. Son existence, bien réelle et actuelle en Provence aujourd’hui, provient sans doute d’un effet lié au « substrat » de cette sociabilité, caractérisé par la densité et la proximité sociale. Ce qui tendrait à faire de cette sociabilité une exception provençale.
Dans le cercle, de manière récurrente, des banquets sont organisés, ainsi que des concours de pétanque, des célébrations en l’honneur de la société, bref, tout ce qui privilégie le versant ludique de la sociabilité. Si cette attitude est commune à tous les cercles, certains d’entre eux s’inspirent, à travers le ludique, d’une Histoire qui circule encore. En effet, si un banquet peut être anodin, il peut aussi s’inscrire dans un calendrier commémoratif donné ; un concours de pétanque a moins de chance d’être porteur d’un sens historique clair, bien qu’il puisse appartenir à une « syntaxe » festive qui, elle, détient une valeur affective forte pour la communauté villageoise. Les connotations sont fréquemment d’ordre politique et rappellent le rôle joué dans ce domaine par certains cercles.
Notre étude concerne essentiellement les cercles politisés d’aujourd’hui, ceux qui témoignent d’un profond enracinement dans les valeurs de la IIIe République. Il demeure cependant difficile de prouver la continuité du rôle de la sociabilité au travers d’une politisation antérieure au xixe siècle, même si le rôle des confréries aux xviiie et xviie siècles est déterminant quant à la notion de communauté d’habitants [Baudot, 1984].
Sociabilité et vie politico-festive
L’aire provençale offre une certaine théâtralisation de la sociabilité, tant dans le paysage villageois que dans le discours de ses habitants. Ainsi, l’utilisation d’un vocabulaire emprunté au théâtre n’a pas pour but de ridiculiser les acteurs – en membres du cercle ou villageois –, mais consiste en une façon d’aborder les événements, d’autant que la « communauté » elle-même n’hésite pas à se mettre en scène. Par contre, on ne peut être aussi affirmatif avec l’aire de l’ancien comté de Nice, où le discours ne convoque pas les mêmes pratiques et où la configuration des villages n’est pas tout à fait identique. Le cercle semble plus en retrait dans la géographie communale, et le discours porte encore les traces des confraternités de pénitents. Néanmoins, la fête recèle une volonté certaine de mettre en scène l’histoire locale. Enfin, on soulignera que dans deux cas sur trois, à Utelle et à Breil, le cercle est et a été l’organisateur de ces fêtes. Il devient un relais des abbayes de la jeunesse, ces anciennes associations/confréries d’hommes non mariés [Ariès, 1973 : ix]. Comment s’exprime donc la dimension politique de la sociabilité ?
Depuis les travaux des historiens [Agulhon, 1979], on connaît la spécificité des villages provençaux, principalement ceux du Var. Ce qu’il faut en retenir, c’est qu’ils ressemblent davantage à des petites villes, à des « bourgs » : leur sociabilité est celle d’une société complexe avant l’heure, l’heure de la Révolution bien sûr. Cette propension d’une certaine sociabilité provençale à « s’urbaniser » nous oblige à un raccourci historique : elle va sans doute chercher ses racines bien loin dans l’histoire, une histoire déjà pétrie par les légionnaires romains et leur système apparemment égalitaire des centuries, mais cette « urbanisation de l’esprit » s’effectue même dans les plus petits quartiers ruraux qui pensent comme leurs aînés. Malgré tout, rappelons ex abrupto que le cercle s’inscrit dans la problématique d’un individualisme qui jouxte une apparente solidarité.
Les données immédiates que l’observable nous présente et qui par conséquent nous permettent d’objectiver le cercle politisé sont les indicateurs topographiques par exemple, facilement décelables pour un œil averti. Globalement, le village a une physionomie qui renvoie à une variété de commune à laquelle son histoire a largement contribué. Il est probable qu’un village perché ou présentant même une faible pente ait connu, ou connaît toujours, une opposition entre le haut et le bas alors qu’il semble groupé et uni autour du campanile. La présence d’un cercle en haut du village et/ou en bas peut nous mettre sur une piste d’autant plus sérieuse qu’une proximité de la mairie dans un cas, ou de l’église dans l’autre, apporte des soupçons que l’enquête orale devra dissiper. On pense ainsi aux villages de Fuveau et d’Auriol dans les Bouches-du-Rhône. L’un est un village perché où l’on observe un clivage entre le haut et le bas, mais a contrario Auriol est un village-rue où le clivage s’effectue dans l’horizontalité, en amont et en aval de la rivière, l’Huveaune. Ces deux situations extrêmes peuvent sans doute s’expliquer par un phénomène d’« aimantation ». À Fuveau, le cercle d’en haut est proche de l’église et le cercle d’en bas est placé sur un boulevard ; à Auriol, le cercle en amont de la rivière est placé sur le cours, en face du monument aux morts et près de la mairie, le second cercle est en aval, assez éloigné. L’enquête orale nous apprend que le cercle de Fuveau qui est près de l’église, en haut, est un cercle qualifié de « blanc » et que celui d’en bas est « rouge » ; à Auriol, celui qui est placé près de la mairie est un ancien cercle dit « rouge ».
Outre le titre du cercle qui est susceptible de connotations évidentes, mais dont il faut se méfier, puisqu’un cercle dit « de l’Union » peut être un titre abrégé (« de l’Union Républicaine »), l’intérieur du cercle délivre sans ambages une réponse aux interrogations du promeneur. L’iconographie (bustes de Marianne, de Jean Jaurès ou de Jules Guesde ; tableaux de Rouget de Lisle, drapeaux rouges) nous dirige vers la voie d’une interprétation sans équivoque, de même que les bustes de saints ou les croix, ainsi que des enseignes ornées du labarum (étendard impérial institué par Constantin et portant)
Il faut souligner l’absence assez continue du buste de Marianne dans les cercles des Alpes-Maritimes, surtout sur la rive gauche du Var, historiquement ancien comté de Nice. Dans cette aire, les titres des cercles ne comportent généralement pas de connotation politique ; leurs présidents se refusent d’ailleurs à toute activité politique susceptible, selon eux, « de semer la discorde » [déclaration d’un informateur], mais, a contrario, la production de vin « favorise la solidarité »
Ainsi plantés, les décors vont s’animer dans le discours et dévoiler dans un système métonymique leur forte charge symbolique. Le décodage, d’abord topographique, montrera le jeu des oppositions, ou des agencements des groupes, comme on l’a rapidement évoqué précédemment. Cela n’est pas sans rappeler les remarques de Jacques Lévy [fnsp, 1991 : 213] : « Il existe différentes combinaisons interholistiques dont on peut supposer qu’elles fonctionnent sur le modèle qu’André Siegfried avait défini pour l’Ardèche [Siegfried, 1949] : une première opposition religieuse (Catholique/Protestant), une seconde en fonction du mode d’exploitation agricole, mais avec une vaste gamme de variantes si l’on change l’ordre des facteurs. »
La question qui se pose est celle d’une reconnaissance des indices topographiques et iconographiques dans le discours, soit une vérification de l’externe dans l’interne. L’émergence des discriminants dans le discours s’effectue sous la forme d’un paradigme récurrent qui use de codes à la fois topographique, patronymique, social, chromatique et de classe d’âge. On peut convoquer à ce propos la notion littéraire d’« isotopie » qui désigne un réseau de signifiés plus large qu’un champ sémantique. On obtient ainsi dans le discours de certains informateurs, sous une forme saturée, les formules suivantes pour le Var :
« En haut » « En bas »
« L’Union » « Le Progrès »
« Les Riches » « Les Pauvres »
« Les Blancs » « Les Rouges »
« Les Anciens » « Les Jeunes »
Dans les Alpes-Maritimes, le code ne met pas en avant une dichotomie par les cercles, mais se réfère essentiellement aux codes des confraternités, c’est-à-dire des confréries de pénitents, ce qui a pour effet d’effacer le code Rouge/Blanc, ce qui doit pouvoir s’expliquer par l’histoire du comté de Nice qui est resté étranger à la Révolution française ; les cercles n’étant pas encodés, le résultat est le suivant :
« En haut » « En bas »
« Les Pénitents Blancs » « Les Pénitents Noirs »
« Les Riches » « Les Pauvres »
Dans cette aire, l’ensemble de la communauté est comprise dans une répartition très claire, grâce au système des codes en vigueur aussi bien dans l’espace ludique, festif, que dans celui des processions ou du travail.
Au sujet des institutions qui produisent leur vin, on précisera que cette originalité ne figure pas dans les statuts des sociétés, mais se trouve juste expliquée par les sociétaires, qui considèrent qu’une telle pratique consolide les liens et présente des avantages économiques. Ne s’agit-il pas d’une transposition des pratiques dites « autarciques » qui existèrent naguère et se trouvent aujourd’hui transférées dans le cercle, alors même que la production de raisin disparaît dans le terroir et que le raisin est acheté dans le Var ? Rappelons que les coopératives vinicoles n’existent pas dans ce département, peut-être du fait de la forte déclivité des terrains ou d’une tradition politique qui manque et limite les innovations, telles que les coopératives viticoles.
Une originalité supplémentaire de l’ancien comté réside dans la propension à mettre en scène les tensions intra/intercommunautaires qui ponctuèrent la vie locale avant le rattachement (1860). Nous en donnerons quelques exemples.
La célèbre fête du Cepoun à Utelle se concrétise par un jeu qui se déroule depuis le XVe siècle, le 15 août, sur la place de l’église. M. Jean Gavot [1971 : 75] déclare : « Il consiste, pour les célibataires du pays à attaquer et à s’emparer, si possible, d’un morceau de tronc d’arbre, d’environ 80 kilogrammes, défendu avec acharnement par les hommes mariés qui en sont les gardiens. Le sens du jeu changea vers 1430 ou 1450, à la faveur d’un événement très important. Comme Utelle, Peille et Lucéram étaient des communes libres, elles décidèrent de signer un pacte d’assistance en cas de danger, d’où qu’il vienne. Peille et Lucéram furent attaquées, elles firent appel à Utelle, mais les jeunes Utellois refusèrent de se battre, les anciens durent remplacer les jeunes défaillants, et les combats se prolongèrent assez longtemps pour que les femmes des guerriers s’ennuient… Et qu’elles se divertissent avec les jeunes. »
À Levens, un festin a lieu le 2 septembre, dont l’origine se trouve dans le fait historique suivant : « Quand les Levensois qui, sous le régime de leur seigneur, avaient un “parlement” (réunion des chefs de famille), voulurent se soustraire à la suzeraineté des Grimaldi, ils offrirent le 29 août 1699, seize mille lires au duc de Savoie, pour n’être désormais tenus qu’à ce seul vasselage, la commune fut alors investie du “fèude, noble et lige” mais sans titre comtal. Les habitants marquèrent leur affranchissement en plantant, au milieu de la place, devant l’entrée du château du seigneur, une grosse pierre conique “lou boutau”, que l’on saute » [Gavot, 1971 : 68].
Enfin, à Breil, a lieu la fête d’A’ Stacada. « Cette reconstitution commémore une petite révolution qui permit aux Breillois de faire abolir le droit de cuissage dont usait le bailli de l’époque. Au XVIIe siècle, les membres du conseil de Communauté étaient élus par les chefs de famille (cap d’oustau), et élisaient à leur tour et à leur tête les syndics (maires) au nombre de deux. Le bailli du lieu, personnage central de la Stacada représentait le seigneur de Breil et réglait la justice » [Gavot, 1971 : 99]. On devine la suite, le bailli abuse de son droit de cuissage, et la communauté se révolte.
Globalement, la longue durée nous offre un paysage politique partagé entre les « cap d’oustau » qui tentent de se faire entendre et le seigneur. Le clivage dans la sociabilité ne se politise pas pour autant, on a davantage affaire à des jacqueries ou à des révoltes sporadiques qu’à un mouvement global comme en Provence. Là, la Révolution va, semble-t-il, entraîner un processus dichotomique à l’intérieur du premier groupe qui donnera vraisemblablement naissance aux Rouges et aux Blancs. Mais, au lendemain de la Révolution, quand les corporations sont pourchassées et qu’on assiste à un vide associatif, l’éclatement des chefs de maison en deux factions crée de facto une sociabilité politisée, après un passage par les clubs révolutionnaires.
Néanmoins, on peut se demander si la constitution du cercle en véritable corps ne nous renvoie pas à une attitude « inconsciente » qui s’enracine dans la longue durée et renvoie au mécanisme d’opposition. Pour mémoire, on notera qu’au lendemain de la Révolution les maires sont élus, mais qu’ensuite et jusque vers 1831 ils sont nommés. Ce n’est qu’en 1831 qu’une loi permettra l’élection des conseillers municipaux. C’est alors que Charles Dunoyer écrit : « L’État moderne est un producteur de sociabilité » [Coquelin, Guillaumin, 1852, t. 2 : 837].
Mais il faut aller plus loin que la mise au jour de cette interaction globale entre le fait politique et sa théâtralité. L’attitude réflexive, d’autodérision assez répandue dans le Midi se retrouve sans doute dans ce jeu de l’acteur/spectateur de son histoire, peut-être le cercle est-il aussi un effet de cette « double énonciation » si connue au théâtre ?
En Provence, le cercle aimante une grande partie des autres associations du village. Ce phénomène fait du cercle un forum, ce qui lui confère, de fait, une légitimité implicite. Il est un pion incontournable sur l’échiquier de la commune. On y trouve par exemple les associations de chasseurs, pêcheurs, boulistes, coopérateurs, anciens combattants, libres-penseurs et, surtout, celle du comité des fêtes. Sur ce dernier point, le cercle remplit les fonctions d’abbaye de la jeunesse, puisqu’on y retrouve le groupe des jeunes. Cette stratégie permet sans aucun doute à l’institution de maintenir son patrimoine culturel, de le produire et de le reproduire afin de le conserver. Enfin, cette capitalisation associative met en relief les réseaux basés sur le clientélisme et la notion de famille, réelle ou idéologique. Apparemment, le cercle appartient à ce que Maurice Duverger [1968 : 454] qualifie de « groupes de pression étroitement liés à un parti et soumis en fait à un parti », mais les faits ne sont pas aussi simples et ce serait compter sans le non-dit inhérent au village lui-même.
La pratique du cercle s’effectue dans un continuum où le caractère rituel de l’acte politique est fondamental. On n’appartient à un cercle que si l’on est domicilié dans la commune. Se retrouve la vieille notion d’« étranger » (en tant que non-indigène à la commune) : on se doit d’être parrainé, d’attendre quinze jours d’affichage pour connaître la réponse. N’oublions pas qu’il s’agit d’entrer dans un lieu qui porte souvent à l’entrée la mention « Privé ». Il faut souligner également que ce sont surtout les anciennes familles (tant chez les Rouges que chez les Blancs) qui occupent le conseil d’administration de la société. Les anciens sont souvent surnommés lei cepoun (les piliers). Ce sont eux qui font autorité – leur père sinon leur grand-père ayant, la plupart du temps, été membres –, et sont par conséquent des références et des garanties d’une légitimité incontournable (lou cepoun désigne à la fois un cep de vigne et la marque du grade de centurion, qui était un sarment de vigne lui servant à imposer son autorité). Bref, cette place des anciens est justifiée par les actions politiques des ancêtres, qui sont à l’origine de la fondation du cercle ou de la coopérative, ou du syndicat. Le prestige provient ainsi d’actions illustres que la mémoire conserve dans les noms des rues, des quartiers ou des salles de fêtes.
Le fondateur est plus souvent évoqué chez les Rouges, puisqu’il est à l’origine du processus d’achat du local sous la forme de quotes-parts ou d’actions, ce qui fait du cercle un bien en indivision dont les membres sont copropriétaires, système égalitaire qui satisfait l’ensemble de la société. Par contre, chez les Blancs, c’est un grand propriétaire terrien ou un châtelain qui a fait don du local où le cercle s’est installé ; ainsi a-t-il été élu maire, conséquemment à ce mécanisme de don et de contre-don. Mais les Rouges peuvent parfaitement pratiquer une transmission familiale du titre. On voit le fils succéder au père dans les fonctions de premier magistrat de la commune : il y a là légitimité traditionnelle.
Enfin, une solution ultime reste possible pour tous si les tensions sont trop vives et si personne ne veut s’engager sur la voie de l’élection : le recours au système du « podestat » consistant à convaincre une personne étrangère à la commune, ou qui n’y réside que depuis peu, de se présenter aux élections. Sans devenir une tête de Turc ou un caramentran, elle pourra concrétiser une sorte d’arbitre passager (Caramentran, ou « Sa Majesté Carnaval » est ici évoquée, car nombre de maires battus aux élections voyaient, il y a peu, leur effigie brûlée ou leur veste pendue en place publique).
De la mémoire à l’imaginaire, il n’y a qu’un pas. Que l’on continue à qualifier une partie du village de « Rouge » ou de « Blanc » renvoie à une époque qui n’existe peut-être plus, mais est toujours perçue de la sorte. De plus, l’absence d’un code métaphorique Rouge/Blanc dans les Alpes-Maritimes à propos des cercles connote certes une « autre Histoire », puisque le rattachement, qui date de 1860, a « favorisé » le maintien d’un code métaphorique lié aux confréries de pénitents, Noir/Blanc. Cette « transmétaphorisation » ou cette métaphorisation dans le temps peut sans doute s’expliquer, d’une part, par la place du soleil dans les proverbes météorologiques provençaux (le soleil couchant très rouge annonçant le beau temps), et, d’autre part, par leur utilisation en période politique. Frédéric Mistral l’illustre avec l’anecdote de la vieille Riquelle [Mistral, 1971 : 160]. S’agit-il d’un déplacement métaphorique lié à un héliotropisme – on substitue au Noir le Rouge, et à l’ancien ordre social, un nouvel ordre politique ? Ce code ressurgit régulièrement, dès que le discours politique sur le cercle s’engage, mais est-ce suffisant pour dire que le mythe solaire est associé hic et nunc à la politique et à la sociabilité ? Est-ce suffisant pour affirmer que la nouvelle métaphore politique entraîne avec elle un nouveau langage, un peu comme « la poésie qui ne détruit le langage ordinaire que pour se reconstruire sur un plan supérieur » [Ricœur, 1975 : 206] ?
Quoi qu’il en soit, dans l’Ouest varois, un usage est à remarquer qui consiste, selon un rituel plus ou moins consciemment réalisé, à entamer sa carrière politique locale par la présidence de la coopérative, ou de la société de chasse comme nous l’indique Christian Bromberger. Ensuite vient la présidence du cercle, ou inversement, et enfin l’accession au pouvoir municipal. C’est dans cet ordre que se situe un parcours sans erreur.
Pour les « Blancs », la course au pouvoir s’inscrivant dans un autre système qui met en place un café et des caves privées, le cursus honorum s’établit ainsi :
Rouges : Présidence du cercle et/ou de la coopérative. Mairie
Blancs : Café et caves privées. Mairie
Il existait une variante plus ancienne de conquête de la municipalité, très répandue dans l’entre-deux-guerres : la présence de deux infrastructures de couleur politique différente. Dans chacune d’elles, on rencontrait un cercle et une coopérative. Ce dispositif est encore partiellement en place. C’est dire l’usure en cours du dispositif. De même, il est clair que le terme « coopérative » s’efface peu à peu des frontons de ces bâtiments, laissant place à celui de « cave ». Le cadre dans lequel ces cercles s’épanouissaient a largement évolué : au début du siècle, les Rouges étaient réunis sous le titre de « Fédération des cercles rouges ». Les Blancs, eux, participaient, du moins dans les Bouches-du-Rhône, de « L’œuvre des cercles catholiques d’ouvriers », fondée par Albert de Mun à la fin du xixe siècle. Dans le Var, l’implantation de ce réseau n’a pas eu lieu. Sans doute, cela peut-il s’expliquer par la présence dans les cercles blancs de quelques royalistes, et par une composition sociale où les ouvriers étaient absents ; par contre, les grands propriétaires fonciers étaient largement représentés.
Parallèlement à ces réseaux, il est clair que l’homogénéité sociale des cercles n’a cessé d’évoluer. Globalement, ceux du début du siècle présentent un lien social très fort entre les familles du terroir et la profession : on observe ainsi des cercles d’agriculteurs ou de charretiers, de pêcheurs ou, dans les villes, des cercles de négociants, sinon d’avocats ou de chapeliers. Dans l’entre-deux-guerres, les faits évoluent vers une plus grande diversité. Malgré tout, n’imaginons pas le cercle comme un système hermétique, car les instituteurs y étaient très activement présents et s’attachaient à l’embrigadement des jeunes dans les orphéons. Cette culture orphéonique passée de mode, c’est le sport qui prendra le relais. Du côté des Blancs, c’était généralement un prêtre qui s’occupait du patronage, destiné également à former une chorale ou à jouer la célèbre pièce de théâtre, La Pastorale, véritable cheval de Troie que les Blancs représentaient régulièrement au cours de leurs « virantes » dans les villages voisins.
Les bagarres entre les écoliers de l’école laïque et ceux de l’école religieuse étaient nombreuses jusque vers 1939 environ. La période de l’Occupation fut particulièrement néfaste pour les sociétés des Rouges, alors interdites, et dont les membres furent l’objet de tracasseries [Guillon, 1983 ; Girault, 1995 ; Rinaudo, 1982 ; Constant, 1977].
Aujourd’hui, ces tensions ont à peu près disparu, les « cercles » étant avant tout composés d’employés. L’homogénéité sociale demeure, mais le travail qui réunissait naguère les hommes se trouve peu à peu remplacé par les loisirs. C’est sans doute la raison pour laquelle les « cercles » se dépolitisent. On peut dire cependant que l’institution « est le prisme d’une relation de pouvoir autant que l’incarnation d’une culture singulière dont on perçoit les effets en termes de productions d’identités » [Abélès, Jeudy, 1997 : 135]. Quant à la mémoire du « cercle », elle demeure, grâce au rituel festif par exemple, qui réunit les membres de certains « cercles » rouges autour d’un banquet républicain, le 24 février. Ce jour-là, les membres boivent le vin « français » dont la recette ressemble sensiblement à une sorte de sangria et qui a pour objet de rappeler aux membres « ceux de 1851 » qui, réunis dans leurs chambrettes, goûtaient ce breuvage en attendant des jours meilleurs. La fête de ces « cercles » qu’on peut qualifier de « quarante-huitarde » leur est spécifique dans la mesure où il s’agit de « leur » fête. Quant à elle, la commune fêtera le 14 juillet, mais les participants éprouvent le besoin de se démarquer. On retrouve en ces termes le vieux débat de l’Histoire et de la mémoire de l’Histoire.
Autre particularité festive, c’est l’attachement des « cercles » communistes de la région d’Aubagne au 21 septembre, cette date constituant d’ailleurs, comme le 24 février, le titre de certains d’entre eux. Il faut y ajouter le 1er mai, jour au cours duquel le drapeau rouge est hissé devant l’entrée.
Notons que ces lieux sont précisément définis par les locuteurs : « Le cercle, c’est la mairie ! » Malgré tout, au village, on ne parle pas de parti politique, comme s’il existait un tabou à cet endroit, à moins que ce soit par simplification, ce qui expliquerait la persistance de la formule paradigmatique et certes ancienne, « les Rouges et les Blancs ». Ainsi que le remarque très justement Irène Bellier [Abélès, Jeudy, 1997 : 136], la question est de savoir si les individus font de l’institution un lieu de culture et si l’institution est le foyer d’une culture singulière. Dans le cas du « cercle », il semble bien que l’institution en question réponde à ces interrogations en tant que lieu de production et de reproduction culturelle notamment par le biais du rituel festif.
Dans cette interaction au sein de la commune, à quoi correspond réellement le cercle ?
« Réfléchir à l’institution en partant de l’idée qu’elle constitue un microcosme permet aussi bien d’explorer ses frontières et les relations qu’elle entretient avec des unités semblables ou d’ordre distinct, que de considérer les pratiques de ses “ressortissants” et les idées qu’ils mettent en œuvre » [Abélès, Jeudy, 1997 : 134]. Dans cette perspective, nous avons vu cette institution comme un contre-pouvoir ou une sorte d’antichambre de la mairie. C’est, en effet, à la fois une manière de préparer les élections et de contrôler le maire quand il a été élu. Peut-être aussi une façon de considérer qu’en fait tout se joue au cercle et non à la mairie. Les faits paraissent relativement clairs dans les écrits d’un militant communiste d’Aubagne [Grimaud, 1980] : « La proclamation des résultats des municipales de 1965 déchaîna l’enthousiasme et cette foule en délire, nouveaux élus en tête, se dirigea vers le cours Beaumond, vers ce cercle de l’Harmonie qui, il faut bien le dire, était le vainqueur de cette journée […], dans ces heures de joie, nous nous sentions près de nos Anciens, nous leur apportions, dans les murs qu’ils avaient bâtis, la réalisation de leurs rêves […]. Le doyen d’âge prit la parole et remercia le cercle de l’Harmonie et son président pour l’appui apporté pendant la campagne électorale. Le maire prit place dans le fauteuil. » On le voit, la mairie, c’est bien sûr le but, mais est-ce que tout n’a pas déjà été joué ailleurs ? Peut-on aller jusqu’à avancer l’idée d’un doublet de la mairie incarné par le cercle ? À moins qu’il ne s’agisse d’une manifestation de ce goût pour la liberté, tant apprécié par les Provençaux ? Les règles du jeu politique obligent à la confrontation, surtout lorsque deux « cercles » sont en présence. Le champ lexical de la guerre chez les locuteurs est riche : le cercle adverse « doit être démoli », les « processions interdites », la « date de Carnaval déplacée » dans le calendrier. On oublie pour un temps les moqueries à l’égard des communes voisines, et « l’état de guerre engendre une situation de contre-société animée par la tension interne et la propension révulsive » [Abélès, Jeudy, 1997 : 113]. L’état de guerre est à la fois une rupture – ici une rupture pour la conquête de la mairie – et une façon de consolider la cohésion du groupe et d’assurer sa continuité.
Quant au ressort réel qui pousse les bellicistes vers l’extrémisme, il paraît bien appartenir au domaine du symbolique et plus précisément du patrimoine symbolique, de l’identité politique, mais la guerre aura-t-elle jamais lieu ? Dans cet état plus ou moins chronique de guerre, l’observateur est tenté de qualifier cet aspect de « jeu politique critique » qui oscille dangereusement vers la fragmentation extrême de la sociabilité. C’est notamment le cas avec la commune de Saint-Zacharie, qui a connu le cercle des Rouges, celui des Blancs et celui des Jaunes (fondé par des dissidents des Rouges). Ces conditions conduisent à la prise de conscience d’un risque de fracture irrémédiable, comme cela se passe dans les communes modestes où la fusion des deux « cercles » est un mariage de raison. Dans ces perspectives, un discours digne d’intérêt est celui tenu par bon nombre de membres qui regrettent la trop grande fragmentation des partis politiques au plan national, ce qui finit par « brouiller les pistes » et gêner le débat. En fait, avec cette remarque, on met le doigt sur une divergence importante entre, d’une part, la politique au village qui s’inscrit dans une dichotomie qui puise ses origines très loin dans l’histoire, dans la mémoire et les choix locaux de chacun, et, d’autre part, la politique nationale qui s’avère plus anonyme et comme échappant aux villageois par la complexité des divisions et des repères.
À ce propos, la théorie du contrat social resurgit dans ce microcosme politique qui s’avère être un laboratoire de sciences politiques ; dans une pénétrante analyse de la souveraineté [Esprit, 2002 : 156] Mickael Foessel insiste sur ce point en citant Rousseau et « son refus de toute représentation de la souveraineté [qui] s’explique par le souci de ne pas séparer l’origine de toute légitimité politique (le peuple) de l’exercice du pouvoir ». Mais n’imaginons pas le village provençal comme un camp retranché où chacun vit de son côté. Certes, il y a les habitudes, mais, interrelations aidant, le moment des élections cristallise des conflits qui sommeillaient. Conflits enracinés dans l’imaginaire autant que liés aux engagements historiques (récents ou anciens) : Occupation, Front populaire, séparation de l’Église et de l’État, 1851, Révolution… Il est vrai que derrière l’enjeu d’une « appropriation de la commune » par un maire d’une certaine « couleur » politique se profile la continuité de l’appartenance du village à une histoire locale cohérente, et son basculement remet en question l’identité même à laquelle les habitants sont attachés. C’est pourquoi, au-delà du choix électoral individuel, se situe l’image du village, qui fut pour certains d’abord situé en haut de la colline, là où l’on trouve toujours le cercle des Blancs ou des Anciens, alors que pour d’autres elle se vit là où les Rouges ou les Jeunes venus après eux se sont installés, où se trouvent leur « cercle », les travailleurs, leur coopérative : en bas.
D’ailleurs, dans cette dialectique qui puise dans un culte unanime des Anciens (même les Jeunes ont leurs Anciens), chacun obéit et se subordonne à son mythe politique fondateur, tout en le transmutant en pouvoir par le biais d’un puissant esprit de liberté. Rappelons le passage d’un discours de Fabre d’Églantine le 3 brumaire an II [Le Moniteur, 18 : 683] qui met en relief la place de l’imaginaire, même si le terme est absent : « Il faut se saisir de l’imagination des hommes pour la gouverner. » Le prolongement du capital symbolique en tant que légitimité traditionnelle, on le retrouve encore dans les monographies, qu’elles soient écrites par un « bord » ou par un autre. C’est bien dans l’écriture de son histoire, qu’on peut (ou pas) s’identifier et cristalliser l’imaginaire, aussi bien que dans la guerre des noms de rues ou dans le choix des journaux, des écoles… La délimitation de l’espace du politique passe même par les proverbes. Ainsi, à Aubagne, la règle du jeu est claire : « Un cop, cadun, maire d’Aubagno » et ce goût bien méridional pour le jeu se retrouve dans les jeux de cartes, le jeu de boules, la chasse ou le jeu de ballon.
Ces pratiques ne sont pas innocentes : sont-elles initiation ou jeu politique ? On l’a vu, enfermer uniquement la politique du village dans des luttes électorales serait réducteur. Il semble à la fois que le cercle constitue une sorte de « forum intérieur » où les élections se préparent selon des critères ne coïncidant pas nécessairement avec ceux de la nation ; et que le jeu politique relève d’une mentalité globale régulant la vie quotidienne dont la dimension rituelle est importante. La culture dite « traditionnelle » peut éventuellement confirmer ces recherches. La Pastorale (pièce de théâtre en langue d’oc régulièrement jouée à Noël) met en scène une communauté villageoise réconciliée autour de la naissance de l’Enfant Jésus. D’une certaine manière, elle se fait l’écho utopique d’un village idéal, impossible à concevoir. Cette mise en « abyme » via La Pastorale est d’autant plus savoureuse qu’elle est souvent représentée par et dans un cercle.
Enfin, la longue durée montre combien, dès le xive siècle, la confrérie du Saint-Esprit est à la source de la notion de communauté d’habitants [Baudot, 1984 : 235-244]. Celle-ci possédait déjà un grenier, produisait son vin et établissait ses réunions dans la chapelle.
Soulignons que fréquemment le capitaine de bravade ou l’abbé de la jeunesse, sinon le recteur de la confrérie, est un consul. Là encore, on retrouve le lien discret entre espace festif et espace politique.
Maillon essentiel dans la transmission du pouvoir et du savoir politique, le cercle, par le rôle qu’il accorde au rituel, et surtout par son caractère de propriété indivise entre les membres qui garantit l’égalité entre eux, montre qu’il existe un lien entre les modes de transmission du patrimoine en général et du patrimoine symbolique auquel participe le politique. Ainsi, on rejoint Marie Cuillerai et Marc Abélès : « Individus et groupes produisent leurs propres paysages, les ethnoscapes, eu égard à leurs propres origines et aux avatars qu’ils subissent. La notion de paysage est elle-même ambiguë : elle connote tout à la fois l’extérieur, le monde tel qu’il nous apparaît, mais tout autant l’intériorité, la représentation que nous portons en nous » [2002 : 17]. Mais le cercle peut aussi s’interpréter en tant que théâtre, espace, où le fait politique est dédramatisé par sa mise en scène. Ou bien encore être vu comme synthèse relativement réussie de la vie privée et de la vie publique, puisque c’est dans cet espace privé qu’on débat de la vie politique. Enfin, on a déjà indiqué [Chabert, 1991] combien les pratiques provençales (tout au moins pour ce qui est de la sociabilité) présentaient d’affinités avec notre voisin italien. Il est clair que les cercles socialistes, tant à Florence (« Circolo arci ») que dans le nord de l’Italie avec « Forza Italia » (mouvement politique de droite) autour de Silvio Berlusconi, y sont puissamment organisés. Ainsi lit-on dans le journal Le Monde [2003] : « Forza Italia est pourtant devenue aujourd’hui une formation solidement enracinée grâce aux liens noués avec les cercles et les associations professionnelles. » ?
Le Cercle Républicain du 21 Septembre, une institution dont l'histoire se confond avec celle du village, est, de ce fait, un intéressant reflet de l'évolution de la société zacharienne, depuis sa fondation en 1882 jusqu'à nos jours. Jean-Claude Haingue, président de l'association "Rencontres de Mémoires", historien amateur particulièrement consciencieux, a plongé dans les archives disponibles pour en extraire l'histoire très fouillée de l'association la plus vieille du village, née de la volonté républicaine de quelques villageois désireux de marquer leur opposition à la restauration éventuelle de la monarchie ou d'un nouvel empire bonapartiste. La date choisie du 21 septembre, tout un symbole, est celle du 21 septembre 1792, date d'abrogation de la royauté par l'Assemblée nationale. Pour rendre plus vivant son discours, Jean-Claude Haingue s'est appuyé sur un diaporama dont certaines images ont réveillé des souvenirs parmi le nombreux public présent dans la grande salle du Cercle, adhérents et curieux mélangés. Le conférencier est remonté au début du 19e siècle qui a vu apparaître les premiers cercles en Provence, 768 en 1843, fréquentés en majorité par une élite bourgeoise.
Les cafés et cabarets étant jugés trop bruyants et malfamés, les cercles attirent du monde, et, si officiellement, on n'y fait pas de politique, on tente d'y instaurer "l'espérance d'une société plus juste, débarrassée du dogme de l'Église et des préjugés sociaux". Le Cercle zacharien a d'ailleurs inscrit dans l'article premier de ses statuts : "... Épris de justice, ils (les membres) proclament leur attachement indéfectible aux droits de l'Homme et à toutes les valeurs démocratiques, en particulier celles de progrès, de tolérance et de laïcité". Il est intéressant de constater qu'en 1881, Saint-Zacharie compte 1669 habitants, en majorité agriculteurs, 381, pour 90 personnes employées dans les ateliers de céramique et les tuileries et 70 journaliers. En 1911, sur 1702 habitants, il ne reste plus que 153 agriculteurs, pour 177 travailleurs dans la céramique et 111 journaliers. On constate immédiatement le sens de l'évolution sociale. On ne connaît pas exactement les différents locaux utilisés par l'association, mais les archives nous apprennent que le local actuel, cours Louis-Blanc, en est le siège depuis 1901, l'association s'en portant acquéreur en 1920. À partir de 1892, année de la création, à St-Zacharie, du premier syndicat des ouvriers potiers, le destin du Cercle est très lié à celui des ouvriers de la céramique.
Le nombre de cercles n'a cessé de se réduire dans le Var
Jean-Claude Haingue a abordé un sujet très à la mode, la présence des femmes dans l'association, notant que "jusqu'en 1960, la fréquentation est restée exclusivement masculine", et aujourd'hui, c'est une femme, Denise Paolini, qui préside le Cercle. Un Cercle qui est un lieu de solidarité, assistance aux membres malades, accompagnement des convois funéraires des membres décédés, mais c'est aussi un lieu de culture. L'Harmonie du 21 Septembre a compté jusqu'à 58 musiciens entre 1910 et sa dissolution en 1970. L'originalité et la beauté de ses locaux, faïences et céramiques, a attiré les productions télévisuelles qui ont tourné téléfilms et séries pour le petit écran.
Aujourd'hui, le nombre de cercles n'a cessé de se réduire dans le Var depuis la fin de la Première Guerre mondiale, un déclin général du "aux profondes mutations qu'ont subi les échanges d'informations". Jean-Claude Haingue poursuit : "Soucieux de conserver au Cercle son rôle de lieu de rencontre, de détente et de loisirs, on voit que les dirigeants font preuve d'imagination pour conserver le même niveau de fréquentation. Mais notre société a beaucoup changé, il n'est plus nécessaire de se déplacer ou de se rencontrer pour être informé. Désormais, l'information arrive dans les foyers par la télévision, et non plus par le Cercle. Le téléphone relie les maisons et le portable met en contact les individus."
Or, "le Larousse nous apprend qu'une personne sociable recherche la compagnie de ses semblables. C'est donc clairement aujourd'hui, une qualité en voie de disparition. Et pourtant, pousser la porte du Cercle pour y prendre un verre entre amis, c'est plonger dans le passé des hommes de St Zacharie, et c'est aussi mettre un pied dans un cercle de convivialité". Il a conclu sa conférence en donnant son avis sur les conditions de survie de cette institution indissociable de la société zacharienne : "Compte tenu des coûts de fonctionnement d'une telle structure, le Cercle ne peut survivre que s'il maintient ou augmente le chiffre actuel de ses adhérents, que la fréquentation de son bar reste stable, et que l'aide de la commune soit maintenue. La part des ressources provenant des soirées dans le budget doit se maintenir au niveau actuel, faute de quoi l'équilibre se révélera impossible, et le Cercle disparaîtra".
Les cercles, jadis bouillonnants d’idées et de fraternité, foisonnaient dans le Var. Si presque tous ont disparu, celui du 24 février 1848 du Beausset perdure, témoin d’une époque où les débats enflammés façonnaient les villages.
Autrefois, dans le Var, les cercles étaient des hauts lieux d’échanges, de débats, de respect, de tolérance et de fraternité. Des espaces privilégiés où les villageois se réunissaient pour discuter de sujets divers, « reflétant ainsi l’esprit frondeur et contestataire du Français en général ...
Créé le 21 septembre 1882, le Cercle Républicain du 21 septembre
fut financé conjointement par les syndicats de céramiste et les industriels.
Il doit son nom au 21 septembre 1792, le lendemain de la victoire de Valmy, jour de la proclamation de la 1ère république.
Il est fondé en 1882 par autorisation de l’administration préfectorale.
Le cercle sera le siège du syndicat de la céramique et de la société de secours mutuel jusqu’au 1er janvier 1911, date de la création de la bourse du travail.
On peut y voir de superbes céramiques, fresques, carrelages et arabesques, tous témoins du passé industriel prestigieux de la commune.
Aujourd'hui siège de l'association du même nom, il accueille de nombreuses manifestations.
Le réseau 4G est quasi inexistant, mais la cloche carillonne à plein tube.
Sur la place du hameau, une centaine d’habitants et d’invités sont réunis devant la chapelle Notre Dame de Bon Repos, vieille de 385 ans.
"C’est la tradition, avec la messe du réveillon de Noël et la fête de Marie en septembre", explique Stéphane Leteinturier, 52 ans, président de l’association du hameau.
"Les Pomets, c’est perdu"
Les habitants de ce hameau se sont rassemblés, lundi, sur la place de l’église pour célébrer la Pentecôte. Photo Camille Dodet.
Le lieu doit son nom à la première famille venue s’y installer, en 1366. Des maraîchers, qui sont ensuite partis en ville pour vendre leurs produits, et ont d’ailleurs donné leur nom à une rue du vieux Toulon.
Depuis, rien n’a changé, ou presque, selon les habitants: "Avant on écrivait le nom de la personne et "hameau des Pomets, Toulon". Mais sur place, c’est arrivé que les pompiers ne trouvent pas une adresse, ou que les livreurs se trompent de porte. Du coup, la numérotation et les noms des rues sont apparus... il y a deux ans."
Sur les plans cadastraux, les rues, dont certaines auraient besoin d’être (re)goudronnées, appartiennent au hameau des Pontets, pas à la Ville, ni aux propriétaires.
"On n’intervient pas sur la chaussée car c’est un chemin privé", reconnaît Manon Fortias, élue municipale. Du coup, chaque habitant participe à l’entretien des ruelles escarpées, aux recoins fleuris, qui serpentent entre les maisons provençales en pierre, les façades ocre et les volets bleus. Et pour faire vivre l’association, chacune des 24 familles verse une cotisation de 25 euros.
Au pied du Baou, 87 personnes ont élu domicile dans ce coin retiré. Un bout de campagne à 7km du centre de Toulon, accessible uniquement par la route départementale 62, fréquentée par les cyclistes, en direction du Mont Caume. Le premier arrêt de bus est à 1,5km et les commerces à 2,5km. "Les Pomets, c’est perdu", résume un riverain.
La plupart des habitants sont des Toulonnais, qui ont hérité d’une maison de famille. Comme Gaëlle Cojean, 47 ans, qui anime les réseaux sociaux du hameau: "Je suis née et j’ai grandi dans la maison de ma grand-mère. Ici tout est calme, et les enfants peuvent jouer sur la place et aller de maison en maison".
La fibre, mais pas de bus
De nouveaux arrivants ont aussi eu le "coup de cœur" pour cet endroit et ont décidé de s’y installer. Devant la fontaine du village, Julie Cagnon, 35 ans, discute avec ses voisines.
"On a découvert les Pomets en rendant visite à des amis. Au début, c’était compliqué pour nous trouver, mais maintenant on arrive à se faire livrer des sushis à la maison", sourit cette mère de famille. Depuis deux ans, le hameau est aussi équipé de la fibre, "ce qui permet de télétravailler", apprécie la responsable d’assurance.
Signe de ce rajeunissement, la chapelle a accueilli, au cours des cinq dernières années, un enterrement, certes, mais aussi un mariage et trois baptêmes. Au total, treize enfants vivent au hameau.
"On espère enfin avoir un bus, c’est important pour les écoles", demande Priscilla Barthélémy, installée avec sa famille dans une maison du village depuis trois ans.
Réponse de Valérie Mondone, l’élue municipale présente à la cérémonie: "Madame la maire est favorable à une expérimentation, le dossier est en cours d’étude entre la Métropole et le nouveau réseau de transport (la RATP, ndlr)". En attendant, les familles s’entraident et s’organisent pour les déplacements.
À 11h30, les deux curés ont dit le bénédicité. La procession peut commencer. Parmi les porteurs, Ghyslain Battesti, 46 ans, cadre de santé, arrivé en 2013.
Ce père de deux enfants, qui a grandi "en appartement dans une cité", apprécie particulièrement les "balades dans la colline" et "jouer au ballon" sur la place de l’église avec son fils.
La Coupo Santo annonce la suite des festivités: apéritif, suivi d’une paella pour 70 personnes, tombola et tournoi de pétanque. Sous le barnum, on discute d’une maisonnette rénovée de 46m2 sur trois niveaux, à vendre 216.000 euros.
Le prix à payer, pour faire partie de la joyeuse bande des Pomets.