wanted to share my thoughts in response to the lawsuit against the Internet Archive filed on June 1 by the publishers Hachette, Harpercollins, Wiley, and Penguin Random House.
I founded the Internet Archive, a non-profit library, 24 years ago as we brought the world digital. As a library we collect and preserve books, music, video and webpages to make a great Internet library.
We have had the honor to partner with over 1,000 different libraries, such as the Library of Congress and the Boston Public Library, to accomplish this by scanning books and collecting webpages and more. In short, the Internet Archive does what libraries have always done: we buy, collect, preserve, and share our common culture.
But remember March of this year—we went home on a Friday and were told our schools were not reopening on Monday. We got cries for help from teachers and librarians who needed to teach without physical access to the books they had purchased.
Over 130 libraries endorsed lending books from our collections, and we used Controlled Digital Lending technology to do it in a controlled, respectful way. We lent books that we own—at the Internet Archive and also the other endorsing libraries. These books were purchased and we knew they were not circulating physically. They were all locked up. In total, 650 million books were locked up just in public libraries alone. Because of that, we felt we could, and should, and needed to make the digitized versions of those books available to students in a controlled way to help during a global emergency. As the emergency receded, we knew libraries could return to loaning physical books and the books would be withdrawn from digital circulation. It was a lending system that we could scale up immediately and then shut back down again by June 30th.
And then, on June 1st, we were sued by four publishers and they demanded we stop lending digitized books in general and then they also demanded we permanently destroy millions of digital books. Even though the temporary National Emergency Library was closed before June 30th, the planned end date, and we are back to traditional controlled digital lending, the publishers have not backed down.
Schools and libraries are now preparing for a “Digital Fall Semester” for students all over the world, and the publishers are still suing.
Please remember that what libraries do is Buy, Preserve, and Lend books.
Controlled Digital Lending is a respectful and balanced way to bring our print collections to digital learners. A physical book, once digital, is available to only one reader at a time. Going on for nine years and now practiced by hundreds of libraries, Controlled Digital Lending is a longstanding, widespread library practice.
What is at stake with this suit may sound insignificant—that it is just Controlled Digital Lending—but please remember– this is fundamental to what libraries do: buy, preserve, and lend.
With this suit, the publishers are saying that in the digital world, we cannot buy books anymore, we can only license and on their terms; we can only preserve in ways for which they have granted explicit permission, and for only as long as they grant permission; and we cannot lend what we have paid for because we do not own it. This is not a rule of law, this is the rule by license. This does not make sense.
We say that libraries have the right to buy books, preserve them, and lend them even in the digital world. This is particularly important with the books that we own physically, because learners now need them digitally.
This lawsuit is already having a chilling impact on the Digital Fall Semester we’re about to embark on. The stakes are high for so many students who will be forced to learn at home via the Internet or not learn at all.
Librarians, publishers, authors—all of us—should be working together during this pandemic to help teachers, parents and especially the students.
I call on the executives at Hachette, HarperCollins, Wiley, and Penguin Random House to come together with us to help solve the pressing challenges to access to knowledge during this pandemic.
Please drop this needless lawsuit.
–Brewster Kahle, July 22, 2020
Le Premier ministre s'en est pris à l'anonymat sur Internet, qui permet selon lui au pire de se déverser. Mais Jean Castex se trompe : il n'y a pas d'anonymat en ligne. La loi offre tous les outils adéquats pour remonter jusqu'à l'identité des internautes, si nécessaire. Encore faut-il donner les moyens à la justice de le faire rapidement.
Faut-il en finir avec l’anonymat en ligne ? La question n’est pas nouvelle : voilà bien vingt ans qu’elle revient de temps à autre dans le débat public, à gauche comme à droite, comme si elle n’avait jamais été vraiment tranchée. Elle vient de connaître un rebond le 15 juillet, avec l’interview de Jean Castex par Le Parisien. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que le nouveau Premier ministre ne mâche pas ses mots.
Car le nouveau chef du gouvernement est allé puiser dans ce qu’il y a de pire dans l’histoire contemporaine française pour se livrer un réquisitoire sévère contre les réseaux sociaux et leur mode de fonctionnement actuel. « Les réseaux sociaux c’est le régime de Vichy : personne ne sait qui c’est ! », dénonce Jean Castex. « On peut vous traiter de tous les noms, de tous les vices, en se cachant derrière des pseudonymes. »
Si l’intéressé se dit « pour la liberté d’expression », il considère que l’anonymat « a quelque chose de choquant. […] si on se cache, les conditions du débat sont faussées ». D’ailleurs, la nouvelle tête de l’exécutif met en garde : la loi en la matière pourrait bouger d’ici la fin du quinquennat. , juge-t-il. « C’est un sujet dont il va falloir que l’on s’empare », a-t-il fait savoir, car à ses yeux, « il faudrait réglementer un peu tout ça ».
Il reste toutefois à savoir si le geste sera joint à la parole, ce qui s’avère moins certain qu’il n’y paraît. Jean Castex l’admet d’ailleurs : le gouvernement a déjà fort à faire sur le front de l’emploi, de la crise sanitaire et de la reprise économique pour ne pas se disperser. « Si on commence à dire aux gens que l’on va tout faire, ils ne nous croiront pas. Il faut choisir ses priorités ». Et l’anonymat n’en est pas forcément une.
Surtout qu’en réalité, l’anonymat sur Internet n’existe pas. Ce qui se manifeste en ligne, c’est du pseudonymat — le recours aux pseudonymes, pour le dire autrement. Et depuis 2004, la France sait très bien gérer l’identification des internautes qui franchissent les limites de la loi, grâce à un texte qui a fait depuis longtemps ses preuves la loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN), et plus particulièrement son fameux article 6.
Car l’anonymat supposerait que l’on n’ait aucune information sur l’internaute pour pouvoir remonter jusqu’à lui. Or, c’est faux : le fournisseur d’accès à Internet sait très bien qui sont ses clients (il a leur identité réelle, leur adresse postale, leurs coordonnées bancaires, leur numéro de téléphone, etc.). Et du côté des réseaux sociaux, justement, on a aussi accès à diverses données de connexion, dont l’adresse IP.
Même avec leur vraie identité, les internautes ne se comportent pas forcément de la meilleure des façons. // Source : Facebook
L’adresse IP agit un peu comme une plaque d’immatriculation sur le net. Avec elle, il est possible de remonter jusqu’à l’abonné d’un opérateur télécom pour savoir depuis quel accès à Internet tel ou tel contenu illicite a été publié. Et bien entendu, les sites comme Facebook, Twitter, YouTube ou Twitch, ont l’obligation légale de conserver un temps ces éléments pour les transmettre à la justice, en cas de demande.
Bien sûr, il peut y avoir ponctuellement des difficultés : l’utilisation d’un VPN ne facilite pas la tâche d’identification d’un internaute. Et ce n’est pas parce que l’on a une adresse IP que l’on sait avec exactitude qui a publié tel ou tel message incriminé (l’adresse IP est partagée par exemple par toutes les personnes se connectant à la même box Internet). Mais c’est là que l’enquête judiciaire prend le relais.
Évidemment, cela peut prendre du temps. Cela requiert des moyens. Mais cette levée du pseudonymat n’est jamais hors de portée. Il suffit pour s’en convaincre de regarder les faits divers qui peuplent les colonnes des médias. Il est fréquent d’apprendre que tel ou tel internaute hors des clous de la loi s’est fait pincer par les enquêteurs. Ceux qui ont harcelé et menacé la journaliste Nadia Daam pourraient l’attester.
Est-ce donc au pseudonymat qu’il faut mettre un terme ? Certainement pas : d’abord, car l’utilisation de l’identité réelle n’est pas systématiquement gage de civilité. Il n’est pas rare de voir des internautes apparaissant de toute évidence sous leur vrai nom déverser des injures dès que quelqu’un a le malheur de leur déplaire : il suffit de lire les réactions sous certains sites de presse ou sur les réseaux sociaux.
Ensuite, le pseudonymat est indispensable pour préserver sa vie privée tout en ayant un moyen d’exercer sa liberté d’expression. Aurait-on la même facilité à parler d’une maladie, de son employeur, de sa vie sexuelle, de son mal être à « visage » découvert ? Certains, peut-être. D’autres, en aucune façon. Et les cas de figure peuvent être multipliés : religion, politique, syndicalisme, fantasmes.
Le gouvernement et la majorité présidentielle ont tenté de faire passer une loi contre la haine en ligne. Si l’intention est louable, le texte a été jugé justement excessif et bancal juridiquement. Source : Commission des lois.
Il faut aussi imaginer l’enfer que cela pourrait être en matière de droit à l’oubli : en principe, celui-ci doit concilier l’intérêt du public et le respect de la vie privée. Or, on peut supposer que dans de nombreux cas de figure, les demandes de droit à l’oubli impliqueront des personnes n’ayant aucune surface médiatique et, donc, seront éligibles à bénéficier au droit à l’oubli. Or, vu le volume de demandes et de pages concernées, des pans entiers du web seraient désindexés.
Le pseudonymat sert aussi à se protéger contre des représailles (comme de son patron si l’on a envie de vider son sac) ou d’autres internautes, en utilisant une fausse identité ou, plus exactement, une identité numérique. Les personnes LGBT y ont recours, par exemple. Et vous aussi, certainement : vous jonglez probablement entre différentes identités, selon les communautés que vous fréquentez sur la toile.
Faire disparaître le pseudonymat aura une conséquence immédiate et d’ampleur sur la liberté d’expression : elle reculera. Plus personne ne voudra prendre la parole sur tout un tas de sujets. De façon imperceptible, une certaine auto-censure s’installera, surtout chez les personnes qui ne se rallient pas à l’opinion majoritaire sur tel ou tel sujet. Si Jean Castex est pour la liberté d’expression, il lui faut être pour le pseudonymat.
Le gouvernement veut rendre plus efficace la levée du pseudonymat pour que cessent les injures et les « vices » ? Qu’il flèche davantage de moyens à la justice ! Car aujourd’hui, la justice est l’un des ministères les moins bien pourvus. Et c’est le gouvernement qui le dit lui-même : sur 1 000 euros de dépenses publiques, la justice n’a droit qu’à 4 euros. 0,4 %, en clair. Et il s’agit pourtant d’une mission régalienne.
À quoi servent vos impôts ? Pas tant à financer la justice que ça.
Si Jean Castex veut faire émerger plus de civilité en ligne, sans saper les bénéfices réels que peut fournir le pseudonymat, c’est en donnant aux autorités judiciaires les outils pour agir vite et bien. Et les internautes seraient certainement moins enclins à se dépasser les bornes si les décisions de justice étaient prononcées en quelques heures ou quelques jours, en fonction du caractère d’urgence.
Le problème, c’est le sentiment d’impunité sur la toile parce que les décisions de justice arrivent trop tard par rapport à la commission des faits. Ce n’est pas le pseudonymat en tant quel le souci, mais bien l’enveloppe financière allouée à la justice. Appliquer la loi en lui accordant que 0,4 % sur 1000 euros de dépense publique, c’est laisser croire que l’on peut être intouchable sur le net.
Tout comme le personnel soignant n’a ni besoin d’applaudissements, de médailles, ni de parades aériennes, les autorités judiciaires n’ont pas besoin d’un empilement législatif toujours plus sévère pour réguler la haine en ligne. Ce dont elles ont besoin, c’est de moyens humains et judiciaires conséquents, sans avoir besoin ni de transférer leurs missions à des tiers privés, ni de nuire aux libertés des autres.
La Cour de justice de l'Union européenne invalide un accord de 2016 pris entre Bruxelles et Washington sur le transfert des données personnelles entre les deux rives de l'Atlantique. En cause, le manque d'encadrement des programmes de surveillance américains.
C’est un coup de tonnerre juridique dans le ciel transatlantique. Jeudi 16 juillet, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a annoncé avoir invalidé la décision 2016/1250 relative à l’adéquation de la protection assurée par le bouclier de protection des données UE-États-Unis. C’est une décision cruciale, car elle concerne le transfert de données personnelles des Européens, donc les vôtres, vers les États-Unis.
Mais de quoi parle-t-on ?
Rappel des faits.
Jusqu’en 2015, l’envoi de données personnelles de l’Europe vers les USA était encadré par un dispositif baptisé « Safe Harbor ». Mais par l’action en justice d’un Autrichien, ce mécanisme a été annulé en octobre de cette année-là, déjà par la CJUE. Les révélations d’Edward Snowden en 2013 sur la surveillance de masse mise en place les services de renseignement américains avaient à l’époque joué un rôle important, car elles montraient un niveau de protection insuffisant pour les Européens.
cjue cour justice
Cour de justice de l’Union européenne. // Source : Transparency International EU Office
Pour éviter de laisser un vide entre les deux rives de l’Atlantique, un nouveau cadre a été mis sur pied dès l’année suivante, en 2016 : le bouclier de protection des données UE-États-Unis, ou « Privacy Shield ». Celui-ci est décrit comme plus protecteur que le « Safe Harbor ». C’est la position de Bruxelles, qui l’a validé à chaque réexamen annuel. Mais ni les CNIL du Vieux Continent, ni le Parlement européen, ni le Conseil national du numérique, ni les associations de la société civile ne partageaient ce point de vue.
À cette liste, on peut donc ajouter maintenant la Cour de justice de l’Union européenne, qui va obliger Bruxelles et Washington à renégocier un accord. Et comme le fait remarquer le professeur de droit Théodore Christakis, spécialiste de droit international public, c’est une fois encore les programmes de surveillance américains qui posent problème, car ils « ne sont pas limités à ce qui est strictement nécessaire et ne sont donc pas conformes aux standards européens ».
Dans son communiqué, la Cour fait observer qu’il n’y avait aucune garantie juridique pour des personnes non américaines potentiellement visées par ces programmes. Ainsi, il est relevé que la réglementation américaine « ne confère pas aux personnes concernées des droits opposables aux autorités américaines devant les tribunaux », tandis que « l’accès et l’utilisation, par les autorités publiques américaines » des données à caractère personnel ne sont pas assez encadrés.
Pour la justice européenne, les programmes de surveillance américains ne sont pas assez bien encadrés
Pour l’Autrichien à l’origine des invalidations du « Safe Harbor » et du « Privacy Shield », cet arrêt est une bonne nouvelle.
« Je suis très heureux de ce jugement. Il semble que la Cour nous ait suivis dans tous les aspects. […] Il est clair que les États-Unis devront modifier sérieusement leurs lois de surveillance, si les entreprises américaines veulent continuer à jouer un rôle majeur sur le marché européen », écrit-il. « La Cour a clarifié pour la deuxième fois maintenant qu’il y a un conflit entre la législation européenne sur la vie privée et la législation américaine sur la surveillance. »
En somme, c’est le droit américain qui pose problème : si celui-ci n’est pas modifié de façon substantielle, il est à prévoit d’autres annulations du même ordre devant les tribunaux si Washington ne s’attaque pas à une réforme plus ambitieuse. « Comme l’UE ne modifiera pas ses droits fondamentaux pour satisfaire la NSA, la seule façon de surmonter ce conflit est que les États-Unis introduisent des droits solides en matière de protection de la vie privée pour tous, y compris les étrangers ».
Et maintenant ?
Reste une question : l’invalidation prononcée ce jour signifie-t-elle qu’il n’y a plus du tout de transfert entre les deux rives de l’Atlantique ? C’est aller un peu vite en besogne.
Si la Cour a bien annulé le « Privacy Shield », elle a par contre validé les clauses contractuelles types de la Commission européenne. Il s’agit d’un autre dispositif qui sert lui aussi à encadrer l’envoi des données personnelles aux USA. Elles servent lorsque des transferts se font en dehors de l’Union, en vue de « faciliter la tâche » des entreprises et des sous-traitants des autres pays. Autrement dit, si l’accord général n’est pas bon, des accords individuels peuvent l’être.
Deux subtilités sont toutefois à relever. Si le principe des clauses contractuelles types est approuvé, c’est à la condition que les entreprises et les sous-traitants qui y font appel se montrent en phase avec la législation européenne. C’est ce que relève l’avocat Étienne Wery sur son site : l’exportation de données n’est possible que si le niveau de protection est suffisant et respecté. Dans le cas contraire, ce transfert doit être suspendu ou interdit. Reste à pouvoir s’en assurer.
Ensuite, les clauses contractuelles types ne peuvent pas être utilisées par des entreprises qui, justement, sont sous surveillance américaine. C’est ce qu’analyse l’association Noyb, fondée par Maximilian Schrems, l’Autrichien à l’origine de toute cette affaire. « L’arrêt indique clairement que les entreprises ne peuvent pas se contenter de signer les clauses , mais qu’elles doivent également vérifier si elles peuvent les respecter dans la pratique », commence-t-il.
Un vrai casse-tête pour les géants du net.
Qu’est-ce qu’une image ?
Une image est une représentation visuelle de quelque chose, ça pourrait être une photographie, un graphique, un dessin…
Il existe plusieurs formats d’images utilisés sur les sites Web : JPEG (extension .jpg), GIF (extension .gif), PNG (extension .png)
Dans l’optimisation de votre site, ne négligez pas la balise alt et le poids des images qui peuvent contribuer au référencement de vos pages. Pour le moment, les moteurs de recherche n’arrivent pas encore à interpréter le contenu visuel d’une image, ce qui ne saurait tarder. En attendant il existe des techniques comme par exemple les balises alt pour indiquer aux moteurs de recherche ce que contient une image.
Dans ce dossier nous verrons présenterons ces techniques plus en détail.
Parce que lorsque vous utilisez des images dans vos pages, l’espace occupé par ces dernières, c’est de l’espace en moins pour le contenu texte qui lui est lu et interprété par les moteurs de recherche.
Pour continuer à utiliser des images et donc améliorer l’aspect graphique de votre site tout en optimisant le référencement de votre site voici quelques conseils...
Comment optimiser les images ?
Si une image met trop de temps à charger, Google ou les autres moteurs de recherche ne scanneront pas votre page et le visiteur quittera votre site sans attendre la fin du chargement. Dès qu'elle dépasse 200 Ko, une image peut être considérée comme lourde. Yakaferci vous aidera à détecter ces images problématiques.
Par exemple, si votre image représente un schéma sur comment référencer un site, nommez la ainsi : « schema-referencement-site.jpg ». Vous indiquez ainsi aux moteurs de recherche qui viennent pour le crawl de votre site que l’image que vous utilisez pour illustrer la page représente un schéma sur comment référencer un site. Il interprètera avec plus de précision le contenu de la page. Si vous souhaitez utiliser une expression pour nommer une image, préférez alors comme séparateur de mots, les tirets ( - ) à l'underscore ( _ ) : les moteurs de recherche ne considèrent pas l'underscore comme un séparateur. De plus, nommer l'image sans majuscule et sans caractères accentués. En résumé pour référencer votre image : Préférez ce nom : referencer-image.gif plutôt que celui-ci : Référencer_image.gif
La balise « ALT », en complément du nom de l’image, permet d’associer un mot clés ou une expression à une image. Le mot clé placé dans la balise ALT remplacera l’image si le navigateur a des difficultés à afficher l’image en question. Les mots contenus dans les balises « ALT » contribuent également à améliorer le référencement de votre site puisqu'elle permet d’employer des mots clés supplémentaires qui seront lus par les moteurs.
La balise alt ou l'attribut alt (alternate text) ne s'applique qu'à la seule balise <img>, permettant ainsi un affichage alternatif ( en remplacement de l'image ) pour les navigateurs qui ne supporteraient pas les graphiques.
Le message texte défini avec la balise alt apparaîtra également pendant le téléchargement de la page et avant l'affichage de l'image. N'oublions pas aussi que certains utilisateurs à connexion Internet bas débit ont choisi de désactiver l'affichage des images !
L'attribut title est un attribut générique qui s'applique à pratiquement toutes les balises HTML et dont le rôle est d'apporter des informations supplémentaires ou un commentaire sur un élément spécifique d'une page Web (élément qui peut être un mot, une phrase, un paragraphe, un élément multimédia, un objet, etc...)
Toujours dans le but d’indiquer aux moteurs ce que vos images représentent, faites précéder l'image d'un titre situé dans une balise de niveau 3 ou supérieur (h3 ou h2 ou h1) Le titre doit bien sur être en rapport avec l’image et surtout contenir les principaux mots clés avec lesquels vous souhaitez vous faire référencer.
Un en-tête en image (header)
Très souvent des sites sont conçus avec un en-tête en image. Il est courant de voir le logo de la société occuper la quasi largeur d’une page.
A éviter ! La partie supérieure d'une page (le header) est une des zones les plus importantes de votre site où vous devriez insérer vos mots-clés principaux pour optimiser votre SEO.
Si vous utilisez une image occupant tout l’espace, vous aurez gâché cet emplacement puisque les moteurs de recherche ne savent pas encore lire les contenus graphiques. Evitez également les images avec du texte. C’est certainement plus attrayant d’un point de vue visuelle mais pas d’un point de vue référencement (SEO) puisque ce texte ne sera pas indexé par les moteurs.
Vous pouvez bien sur utiliser votre logo en employant une approche « hybride » : Placez votre logo sur toutes vos pages mais veillez à ce qu’il n’occupe pas toute la largeur. La place restant dans l’en-tête devrait être optimisé avec du texte.
Des éléments graphiques dans le menu de navigation
La problématique est la même que dans le cas précédent avec les textes dans sur les images. Tous les liens internes de votre site devraient contenir des mots-clés, qui donneront un avantage supplémentaire dans le référencement de votre site. Si pour des raisons d’esthétisme vous avez employé des éléments graphiques pour votre menu, les moteurs de recherche ne pourront pas indexer le texte des liens. Evitez si possible l’utilisation d’un menu graphique, dans le cas contraire spécifiez au moins les balises ALT pour toutes les images.
Note : le site yakaferci.com qui publiait cet article n'est plus en ligne. Le lien sous le titre de cette page mène à la "photo" de la page originale hébergée sur Wayback Machine.
Dans les sociétés contemporaines, les organisations publiques font face à des problèmes de plus en plus complexes : vieillissement de la population, réchauffement climatique, crise sanitaire, migration de population, crise financière, économique et sociale, etc.
Ces challenges sociétaux sont qualifiés dans la littérature de « wicked problems ». Ils ont pour caractéristiques principales le fait d’être des problèmes particulièrement complexes, non prédictibles et inextricables. Ils surprennent les managers publics et posent des défis de taille pour leur résolution ; ils semblent souvent incompréhensibles et résistants à toute forme de traitement.
Ainsi les wicked problems requièrent non seulement un processus d’innovation publique, mais plus spécifiquement un changement de modèle vers une innovation publique ouverte, notamment aux citoyens-usagers.
Le modèle de l’innovation ouverte ou « open innovation » repose sur l’idée selon laquelle ni une personne seule ni une organisation ne détiennent forcément les meilleures idées et les meilleures compétences pour identifier et résoudre un problème.
L’innovation est alors vue comme le fruit d’une communauté d’individus et d’organisations dotés d’expertises diverses qui coconstruisent ensemble le socle de connaissances nécessaires pour rendre le problème intelligible produisant ainsi une solution adaptée.
Face à l’impérieuse nécessité d’innover, les managers publics se retrouvent devant un défi encore plus grand, qui échappe à la rationalité bureaucratique : comment faire autrement ?
Si les organisations publiques sont particulièrement efficaces pour standardiser un service public, le déployer à grande échelle, créer des procédures et des routines, il en est autrement face à des activités non routinières et non standardisées telles que les activités d’innovation.
C’est pourquoi le modèle de l’innovation ouverte et de « l’État-plateforme » se diffuse depuis plusieurs années dans les organisations publiques profitant notamment des progrès en matière de technologies numériques.
En effet, l’usage des plates-formes numériques permet aux organisations publiques de se saisir du potentiel de créativité et de collaboration qu’elles offrent en connectant le monde. Le gouvernement 2.0, ou gouvernement « plateforme », émerge depuis quelques années et permet aux acteurs publics de produire un meilleur travail ; les bureaucrates sortent de leurs silos administratifs, et puisent dans les idées et les énergies d’une foule prête à s’engager pour l’intérêt général.
Dès 2014, la France a intégré le Partenariat pour un gouvernement ouvert (PGO) qui a pour ambition d’agir « pour la transparence de l’action publique, pour sa co-construction avec la société civile et pour l’innovation démocratique ».
En 2015, la direction interministérielle du numérique (Dinum) lance la mission « Incubateur de services numériques », portée par le réseau beta.gouv.fr. L’objectif vise à développer des « startups d’État » à travers une nouvelle politique d’innovation qui a pour objectif de créer des produits numériques centrés sur les usagers.
Plus récemment, le département « Etalab » de la Dinum a vu le jour en octobre 2019. Il a pour objectif principal de coordonner « la conception et la mise en œuvre de la stratégie de l’État dans le domaine de la donnée ».
C’est ainsi que Etalab gère la plate-forme data.gouv.fr qui met à disposition de la société civile l’ensemble des informations publiques. Etalab est également au service de l’exploitation de ces données et vise à promouvoir les data sciences et l’intelligence artificielle (programme Lab IA).
Mais de manière plus générale, les missions de beta.gouv d’Etalab visent à être le bras armé du modèle d’open innovation. En effet, Beta.gouv, Etalab et la Dinum ont pour mission de promouvoir « l’innovation, l’expérimentation, les méthodes de travail ouvertes, agiles et itératives, ainsi que les synergies avec la société civile pour décloisonner l’administration et favoriser l’adoption des meilleures pratiques professionnelles dans le domaine du numérique ».
La mise en place d’une démarche d’innovation ouverte implique un changement de modèle profond pour les organisations publiques à plus d’un titre.
D’abord, en ce qui concerne leur fonctionnement et leur structuration, cela suppose un changement significatif de leur architecture. En effet, la stratégie de « plateformisation » de l’État permettrait de repenser la nature de ses missions ainsi que ses règles d’organisation. L’objectif est de faire preuve d’agilité et de dégraisser le processus d’innovation de toute lourdeur administrative.
Par ailleurs, la « plateformisation » vise une plus grande proximité avec l’utilisateur final. L’innovation repose sur l’identification d’un besoin ou d’un problème à résoudre du point de vue de l’usage. La solution est d’abord conçue de manière épurée afin d’élaborer un prototype offrant les fonctionnalités minimums suffisantes qui permet de tester et de valider les hypothèses de départ. Ce fonctionnement aide à réduire l’erreur de manière itérative et à ajuster la solution en continu.
Cette rupture avec l’architecture classique de l’organisation publique est d’ailleurs clairement affichée par l’incubateur Beta.gouv.fr : « Les besoins des usagers avant ceux de l’administration ».
Ainsi, les équipes sont pilotées par la finalité plus que par les moyens. Elles visent l’amélioration continue plus que la conformité à un plan. Nous sommes aux antipodes des méthodes administratives traditionnelles ce qui présuppose selon la recherche une large implication des utilisateurs, « aboutissant à une véritable « coproduction » du service, ainsi qu’un processus d’élaboration « interactive et incrémentale », passant par des phases récurrentes d’expérimentation et d’amélioration ».
La mise en place d’une innovation publique ouverte nécessite également un changement de logiciel de l’esprit, et donc un changement culturel. La posture du manager public s’avère radicalement différente. Face à l’absence de solution préexistante, celui-ci prend une posture d’entrepreneur : il prend des risques, fonctionne par essai-erreur, agit discrètement d’abord, et fait preuve d’un certain courage managérial.
En effet, face à un wicked problem, la réglementation en vigueur et les procédures existantes sont rarement favorables et obligent à surfer sur les zones grises. L’urgence qui est souvent de mise contraint à jouer des règles du jeu avant de pouvoir les modifier.
L’innovation est souvent le fruit de la déviance. Sans pour autant se positionner en criminel d’État, il s’agit de faire preuve de transgression face à une norme ou règle établie. Cela suppose donc un courage managérial pour dépasser la rationalité bureaucratique classique qui impose de suivre et d’appliquer scrupuleusement les règles et procédures établies.
De ce fait, là où la bureaucratie dépersonnalise l’agent dont la fonction est supérieure à sa personnalité, l’innovation publique inverse l’équilibre et place les qualités de l’agent, ses capacités à penser, créer, tester, bref – innover – au-dessus de sa fonction opérationnelle.
Le manager public passe d’une posture parfois jugée comme attentiste à un état de veille permanente, à l’affût d’opportunités qu’il saura saisir et mettre en œuvre.
Par ailleurs, face au modèle de l’innovation publique ouverte et de l’État-plateforme, la posture du citoyen-usager et son rôle sont également profondément transformés. Le citoyen devient un partenaire ; il est invité à prendre une participation active dès la conception des politiques publiques.
Ainsi, la relation aux politiques et les solutions innovantes qui en résultent prennent corps dans l’interaction avec l’usager. Il ne s’agit plus de le conforter dans une posture de consommateur et de client, à l’instar de la figure de l’usager-client, mais de favoriser son empowerment ( pour qu’il devienne usager-entrepreneur du service public.
Plus largement, c’est en collaborant avec l’ensemble des parties prenantes de la conception à l’évaluation des politiques publiques que l’État jouera pleinement son rôle de plate-forme. Cet enjeu est d’autant plus fort qu’il s’agit de relever des défis sans précédent posés par l’accélération des wicked problems contemporains.
Le Conseil national du numérique a produit un document sur le numérique et l'environnement. Si elle contient de nombreuses mesures très différentes, l'une d'elles détonne : elle invite à envisager la fin des forfaits illimités dans l'Internet fixe en France.
Pour sauver le climat, faudra-t-il en finir avec les forfaits illimités dans l’Internet fixe ? C’est l’une des idées que retient le Conseil national du numérique dans ses travaux sur l’environnement et le numérique. Ce n’est évidemment pas la seule idée figurant dans la feuille de route — il y en a en tout cinquante, organisées autour de douze objectifs –, mais elle est l’une qui retient le plus l’attention, car elle va à contre-courant du marché français depuis une vingtaine d’années.
« Encourager les forfaits à consommation limitée »
L’idée, dont se fait l’écho Next Inpact, tient en une phrase : il s’agit de demander aux opérateurs télécoms « d’encourager les forfaits à consommation limitée, y compris sur le fixe, afin d’éviter une subvention indirecte des utilisateurs à fort trafic par l’ensemble des usagers, (sachant qu’une fois le seuil dépassé, il s’agit de passer à des débits moindres) ». En somme, il ne s’agirait pas de bloquer l’accès à Internet, mais de brider la capacité de téléchargement.
Cette proposition figure dans le septième objectif, consacré à la limitation de l’empreinte environnementale de la conception et du déploiement des réseaux et des infrastructures numériques. Elle côtoie d’autres pistes de réflexion, comme des limitations au niveau du préchargement de ressources dans les navigateurs web (qui survient en arrière-plan en anticipant la navigation de l’internaute, pour lui présenter les pages plus rapidement), et la réduction de la consommation énergétique des appareils.
Cette réflexion sur l’accès à Internet dans le fixe, si elle était suivie d’effet, serait un sacré bouleversement dans le marché des télécoms français. C’est en effet aux alentours des années 2000 que le marché s’est structuré autour de l’illimité, avec par exemple Free et son fameux accès illimité pour 29,99 € par mois mois, à 512 Kbps, en 2002.À l’époque, des opérateurs aujourd’hui disparus comme AOL, Tiscali et Easyconnect, ont fini par s’aligner, façonnant ainsi le secteur que l’on connaît aujourd’hui.
La fibre optique, qui donne accès à des débits très importants, se développe en France. Pourtant, le CNNum invite à envisager de restreindre les accès à l’Internet fixe. // Source : Alexandre Delbos
Cette problématique de l’illimité dans les forfaits ne se pose dans le mobile en revanche, car ces abonnements sont articulés autour d’enveloppes de données mobiles qui sont réinitialisées tous les mois. Si celle-ci est consommée en intégralité, la connexion est soit empêchée, bridée ou comptabilisée en hors forfait. Cela dit, ces enveloppes grossissent au fil des ans, pour se caler aux nouvelles générations (2G, 3G, 4G, 5G…) et, donc, à des débits accrus ouvrant de nouveaux usages.
En comparaison de la situation dans d’autres pays du monde, les internautes français sont bien lotis : les fournisseurs d’accès à Internet en Belgique, aux USA ou bien au Canada sont bien moins séduisants avec leurs formules restrictives. une situation qui s’explique entre autres par un faible dynamisme concurrentiel, là où le marché français a fait fondre les prix et exploser les fonctionnalités.
Une idée à articuler avec d’autres propositions
Reste toutefois une question : la fin de l’illimité, en tout cas avec un débit inchangé, ne va-t-elle pas à l’encontre du développement de certains nouveaux usages, comme l’ultra haute définition pour la vidéo, ou bien la généralisation accrue du télétravail, qui a montré ses vertus lors du confinement — et qui peut avoir des effets positifs sur la pollution, en limitant par exemple l’usage de la voiture ?
Pour le Conseil national du numérique, cette hypothèse n’a de sens que si elle est articulée avec d’autres approches, qui sont évoquées également dans la feuille de route. Cela passe par une incitation « à adopter la sobriété numérique » au niveau de la population et à « réguler l’économie de l’attention numérique », qui est jugée responsable de la hausse des usages numériques.
Mais surtout, l’instance consultative considère qu’il faut « interroger la pertinence de nos usages numériques afin d’en limiter la croissance ». Et de proposer quelques leviers : en finir avec la course à la haute définition, redescendre la taille des écrans des téléviseurs, limiter le nombre d’objets connectés, limiter la qualité maximale des vidéos en ligne, imposer un mode basse consommation d’énergie par défaut et questionner l’intérêt et l’urgence de la 5G.
REMANIEMENT - Après un week-end et un lundi de spéculations, le Premier ministre Jean Castex a dévoilé ce lundi 6 juillet la composition du nouveau gouvernement, une étape clé dans la tentative d’Emmanuel Macron de relance économique et de son quinquennat.
Comme le veut l’usage, c’est le secrétaire général de l’Élysée, Alexis Kohler, qui a lu, à 19h, les noms des membres de cette nouvelle équipe depuis le perron de l’Élysée.
Découvrez ci-dessous la liste, paritaire, des nouveaux ministres:
Galerie photo
Le gouvernement de Jean Castex
Voyez les images
Jean-Yves Le Drian: Ministre de l’Europe et des Affaires étrangères
Barbara Pompili: Ministre de la Transition écologique
Jean-Michel Blanquer: Ministre de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports
Bruno Le Maire: Ministre de l’Économie, des Finances et de la Relance
Florence Parly : Ministre des Armées
Gérald Darmanin: Ministre de l’Intérieur
Élisabeth Borne: Ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion
Sébastien Le Cornu: Ministre de l’Outre-mer
Jacqueline Gourault: Ministre de la Cohésion des territoires
Éric Dupond-Moretti: Garde des Sceaux, ministre de la Justice
Roselyne Bachelot: Ministre de la culture
Olivier Véran: Ministre des Solidarités et de la Santé
Annick Girardin: Ministre de la Mer
Frédérique Vidal: Ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation
Julien Denormandie: Ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation
Amélie de Montchalin: Ministre de la Transformation et de la Fonction publique
Ministres délégués:
Marc Fesneau, chargé des relations avec le Parlement auprès du Premier ministre
Elisabeth Moreno, chargée de l’Egalité hommes-femmes, de la diversité, et de l’Egalité des chances auprès du Premier ministre
Franck Riester, chargé du Commerce extérieur et de l’attractivité ministre de l’Europe et des Affaires étrangères
Emmanuelle Wargon, chargée du Logement auprès de la ministre de la Transition écologique
Jean-Bapstiste Djebarri, chargé des Transports auprès de la ministre de la Transition écologique
Olivier Dussopt, chargé des Comptes Publics auprès du ministre de l’Economie, des Finances et de la Relance
Agnès Pannier Runacher, chargée de l’Industrie auprès du ministre de l’Economie, des Finances et de la Relance
Alain Griset, chargé des petite et moyennes entreprises auprès du ministre de l’Economie, des Finances et de la Relance
Roxana Maracineanu, chargée des Sports auprès du ministre de l’Education nationale, de la Jeunesse et des Sports
Geneviève Darrieusecq, chargée de la Mémoire et des Anciens combattants auprès de la ministre des Armées
Marlène Schiappa, chargée de la Citoyenneté auprès du ministre de l’Intérieur
Brigitte Klinkert, chargée de l’Insertion auprès la ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion
Nadia Hai, chargée de la Ville auprès de la ministre de la Cohésion des territoires
Brigitte Bourguignon, chargée de l’Autonomie auprès du ministre des Solidarités et de la Santé
Secrétaire d’Etat auprès du Premier ministre:
Gabriel Attal, porte-parole du gouvernement
Ce vendredi 3 juillet 2020, le changement de Premier Ministre a fait grand bruit. Édouard Philippe a laissé sa place à Jean Castex, un homme politique originaire du Gers. Après sa prise de parole au 20h de TF1, l’accent du nouveau premier ministre a donné lieu à un flot de commentaires et de tweets. L’un d’eux a particulièrement retenu notre attention:
Le nouveau Premier Ministre Jean #Castex n’est pas là pour « chercher la lumière ». Son accent rocailleux genre 3e mi-temps de rugby affirme bien le style terroir #TF1 @ParisMatch https://t.co/71NspmVUsB
— Bruno Jeudy (@JeudyBruno) July 3, 2020
A lui seul, ce tweet permet de mettre le doigt sur une discrimination méconnue en France, discrimination qui se manifeste par la stigmatisation d’une personne en raison de son accent, et que l’on appelle depuis 2016 glottophobie (le nélogisme est de Philippe Blanchet).
Souvenez-vous, en 2018, une affaire de discrimination du même genre avait fait grand bruit dans les médias, quand Jean-Luc Mélenchon avait singé l’accent d’une journaliste originaire du Midi.
En France, la région de Paris joue depuis des siècles le rôle de centre, au sens géospatial du terme. C’est à Paris que siège le pouvoir, les plus grands médias mais aussi la plupart des rédacteurs de dictionnaires commerciaux (Larousse et Robert, pour ne citer que les principaux).
Sur le plan de la prononciation, on comprend donc pourquoi ce sont les usages de ces « professionnels de la parole » qui jouent le rôle de « norme », ou de « modèles », sur le plan national.
Corolairement, on considère toute façon de parler qui s’éloigne de ce modèle de norme comme la manifestation d’un « accent régional ». Plus la prononciation s’éloigne de la norme, plus l’accent régional est marqué. Par ailleurs, cette distance entre le standard et le régional n’est pas seulement linguistique, elle est aussi sociale. Inconsciemment, on considère que plus une personnne a un accent marqué plus elle occupe une position « basse » dans la société, la non-maîtrise de la norme étant associée à un manque d’instruction et la pratique de métiers ou d’activités « peu nobles ».
On retrouve tous ces poncifs dans le tweet du journaliste Bruno Jeudy. La notion d’accent « rocailleux » (adjectif qui ne veut pas dire grand chose, comme c’est le cas en général des qualificatifs liés aux accents régionaux : plat, pointu, chantant, etc.), le style « terroir » (qui souligne la distance entre le « centre » que représente l’Île-de-France et la « région » que représente la province) et l’association entre l’accent du sud-ouest et le rugby (l’accent de la région de Toulouse étant associé dans les représentations des Français, aux journalistes sportifs qui commentent le rugby).
Bien entendu, ces idées sont à combattre, car il ne devrait pas exister de hiérarchie entre les accents, et le fait d’avoir un accent ne devrait pas faire préjuger de la position sociale de qui que ce soit.
Les journalistes Jean-Michel Apathie et Michel Feltin-Palas viennent tout juste de sortir un essai pointant ces problématiques.
Au détour de témoignages, d’anecdotes et d’interviews, ils illustrent avec brio cette problématique de la glottophobie en France, tout en faisant des propositions pour des changements. Leur ouvrage se termine avec la présentation d’une enquête, la première en son genre.
Méthode
Le sondage a été réalisé par l’Ifop, auprès d’un échantillon de plus de 2000 personnes, sélectionnées selon la méthode des quotas, après stratification par régions et catégories d’agglomération.
J’ai utilisé une partie des données pour illustrer en cartes deux questions liées à des questions d’accent en France.
La première portait sur le sentiment d’accent régional. À la question : « Quand vous parlez, estimez-vous avoir un accent régional? », 21% des sondés ont répondu par l’affirmative.
On voit que c’est dans la région Midi-Pyrénées (d’où est d’ailleurs originaire Jean Castex) que les participants ont déclaré être les plus conscients d’avoir un accent régional. Le Nord-Pas-de-Calais n’est pas loin derrière. La transformation par anamorphose (cartogramme) à droite permet de rendre compte du fait que c’est dans les régions du Centre et des Pays-de-la-Loire que les gens ont l’impression d’avoir le moins d’accent (ce qui va dans le sens du stéréotype populaire selon lequel c’est dans cette région que l’on parle le français le plus neutre).
La seconde portait sur l’expérience d’une discrimination liée à l’accent. À la question « Avez-vous déjà été l’objet de discriminations que ce soit pendant vos études ou pendant votre carrière professionnelle (par exemple lors d’un concours, d’un examen ou lors d’un entretien d’embauche) du fait de votre accent régional ? », la moyenne globale est de 27%.
On peut voir sur ces deux cartes un phénomène intéressant. C’est dans les régions où les participants ont déclaré avoir le moins d’accent que les participants se sentent les plus souvent discriminés en raison de leur prononciation!
Le nouveau Premier Ministre a un accent régional, et il faut s’en réjouir. C’est un pas important dans l’histoire des discriminations liées à l’accent en France, mais aussi au regard de la reconnaissance des variétés régionales de la langue française.
Sur la route, notamment des vacances, les femmes se retrouvent davantage sur le siège passager, même lorsqu'elles sont titulaires du permis. Et ce n'est pas par manque de goût pour la conduite.
Si les femmes ont tendance à avoir peur en voiture, c'est parce que les stéréotypes de genre leur ont ancré cette idée dans la tête. | kaluci via Unsplash
Si les femmes ont tendance à avoir peur en voiture, c'est parce que les stéréotypes de genre leur ont ancré cette idée dans la tête. |
«Quand nous sommes en famille, on ne se pose même pas la question: mon mari se met toujours au volant», expose Morgane, 32 ans, qui a une formation d'enseignante et élève ses trois enfants. Elle a beau avoir son permis depuis 2006, bien aimer conduire, à part sur les routes de montagne, et prendre la voiture «sans problème» pour se déplacer seule, quand son mari et elle partagent l'habitacle, elle occupe le siège passager. Elle est loin d'être la seule dans ce cas. Certaines femmes font même de leur permis une lettre morte pour cette raison précise… alors que l'inverse n'est pas vrai. En 2007, d'après l'enquête nationale Transports et Déplacements, deux tiers des 6,2% des titulaires du permis de conduire qui ne prenaient jamais le volant étaient des femmes et 16% d'entre elles (contre 5% des hommes dans cette situation) renonçaient à la conduite avant tout en raison de la présence d'un autre détenteur ou d'une autre détentrice du permis B dans le ménage.
Pour expliquer cet inemploi intégral de leur permis, les femmes mentionnaient aussi souvent la peur et le fait de ne pas aimer conduire (à 34%, contre 8% des hommes). «Je ne dis pas que je ne suis pas à l'aise mais ce n'est pas un plaisir fou», brosse Agathe, 35 ans, cadre dans l'innovation, tandis que son mari «adore ça». Aude*, journaliste de 31 ans habituée à être «copilote», se décrit comme «flippée au volant» et l'un des premiers arguments qu'elle donne pour justifier la préemption masculine sur le siège conducteur est, en miroir, le plaisir que son copain y prend. «Mon mec conduit tout le temps car il aime ça, car on assure la voiture qu'on loue sur une seule personne, et car moi j'aime prendre des photos aussi pendant ce temps. On a fait un méga road-trip aux États-Unis, il a été le seul à conduire. Moi, je prenais des photos, je lisais le guide et Google Maps.»
Idem du côté d'Audrey, 28 ans, avocate, dix ans de permis au compteur mais qui conduit environ deux fois par an: «Je me dis, à la base, c'est sa voiture, je sais qu'il aime bien ça, donc si je ne sens pas qu'il n'a pas envie, je ne vais pas me proposer. Et j'aime bien me dire que je peux faire autre chose, regarder mon portable, choisir la musique…» Des explications qui donnent l'impression d'une répartition des tâches naturelle puisque, dans les couples hétérosexuels, se retrouve généralement derrière le volant celui qui goûte davantage la conduite et sur le siège passager celle qui est moins à l'aise avec la route.
Sauf qu'il ne s'agit pas que d'inclinations individuelles (et encore moins d'une prédisposition ayant une origine génétique). «Dire “je n'aime pas trop ça”, c'est une façon de positiver et de rationaliser les stéréotypes de genre», souligne Marie-Axelle Granié, directrice de recherches en psychologie sociale du développement au laboratoire Ergonomie et sciences cognitives pour les transports (Lescot) à l'université Gustave-Eiffel. Car le goût de la conduite comme l'aisance au volant sont aussi culturellement acquis. «Si les femmes n'ont pas d'attrait pour cette tâche, c'est parce qu'on les a éduquées à ne pas en avoir.»
L'appréhension, le manque de goût et/ou le fait de laisser le volant à son conjoint, toutes ces raisons qui font que 8,1% des détentrices du permis ne conduisent pas, contre 4,4% côté masculin, ne sont pas la face émergée d'un iceberg nommé «les femmes ne savent pas conduire». Même si, lorsque l'on n'est pas très doué·e pour réaliser une tâche, on peut avoir tendance à moins l'apprécier, craindre de devoir s'y mettre et/ou tout simplement se défiler et faire confiance à une personne plus compétente, c'est un raccourci (et une impasse intellectuelle) de croire que les femmes conduisent moins parce qu'elles conduisent moins bien.
«Dans le sens commun, les hommes sont de meilleurs conducteurs que les femmes parce qu'ils maîtrisent leur véhicule.» Marie-Axelle Granié, directrice de recherches en psychologie sociale
Au contraire. «Si on pose la compétence de conduite comme le fait de ne pas avoir d'accident, en tout cas d'accident grave, et donc si l'on regarde l'accidentalité, c'est clair que les femmes sont de meilleures conductrices que les hommes», insiste la chercheuse spécialiste des stéréotypes de sexe associés à la conduite, avant d'égrainer les chiffres: 75% des morts sur la route dans des accidents de voiture sont des hommes, plus de 90% des conducteurs alcoolisés impliqués dans un accident sont des hommes aussi. Et il ne faudrait pas croire que les femmes ont moins d'accidents pour la seule et unique raison qu'elles se retrouvent moins souvent au volant. «Même si on le rapporte à l'exposition, c'est-à-dire au taux d'accident au nombre de kilomètres parcourus par les femmes et les hommes, il y a toujours une différence entre les deux sexes.»
Il serait donc temps de se sortir le vieil adage, objectivement erroné, «femme au volant, mort au tournant» de la tête. Mais ce n'est pas si facile. Quand je demande à Morgane si elle trouve qu'elle conduit bien, elle me répond d'abord que, les premières années, elle faisait beaucoup de fautes et avait trop confiance en elle. «Maintenant, avec une voiture familiale et les enfants, je roule beaucoup moins vite et anticipe beaucoup plus les réactions des autres usagers.»
En toile de fond, se dessine une définition spécifique à la gent féminine. Car bien conduire ne veut pas dire la même chose suivant le sexe, signale la chercheuse du Lescot. «Pour un homme, c'est maîtriser son véhicule; pour une femme, c'est respecter les règles et donc être prudente.»
Or, la vision qui l'emporte dans notre société est, on s'en serait douté, masculine. Résultat, «dans le sens commun, les hommes sont de meilleurs conducteurs que les femmes parce qu'ils maîtrisent leur véhicule, prennent des décisions rapides, s'adaptent à la situation et n'ont pas peur au volant». Sous ce prisme, la prudence des femmes est considérée comme une preuve de leur incompétence. Elles ne prennent pas de risques parce qu'elles ne sauraient pas les gérer et sont donc de piètres conductrices. CQFD.
Cette vision, on la retrouve dès le plus jeune âge, avant même d'avoir l'autorisation d'actionner les pédales et le levier de vitesse. La preuve par une enquête menée par Marie-Axelle Granié et ses équipes auprès de collégien·nes de 11 ans à 15 ans, à qui il était basiquement demandé, «si je te dis “homme/femme qui conduit”, à quoi tu penses?». «Tous les préjugés sont ressortis, y compris “la femme n'a qu'à rester à la cuisine”, les enseignant·es en étaient outré·es. Sept ans avant d'apprendre à conduire, ils avaient déjà ces idées-là dans la tête, en tout cas ils les avaient entendues. On a beau dire, ça imprègne la société et les individus.»
Pas besoin que le conjoint émette lui-même des commentaires sexistes. Ni même d'avoir été témoin ou victime d'insultes à caractère misogyne. Il suffit de connaître l'existence de ces préjugés. Or personne n'est épargné. «Dans beaucoup de couples, quand la nana conduit, les mecs font des réflexions ou des blagues qui en fait ne sont pas du tout des blagues mais des jugements», formule spontanément Audrey. «Je conduis très peu donc je n'ai jamais eu de comportements de gens qui me klaxonnent parce que je suis une femme. Mais j'imagine qu'on n'aime pas s'exposer à ce genre de situations…» indique Agathe.
Stéréotypes menaçants
Entre alors en course un phénomène bien connu et qui est loin d'être réservé à la conduite –il touche des milieux aussi divers que le football et les mathématiques. On l'appelle la menace du stéréotype. «Le problème des stéréotypes, c'est que, même si les femmes se sentent bonnes conductrices dans le sens où elles sont respectueuses des règles et des autres, elles se sentent toujours jugées du fait de leur sexe» quand elles sont au volant, explicite Marie-Axelle Granié.
C'est ainsi que les a priori sexistes viennent implicitement régenter la circulation. Pas besoin de verbaliser: ils paralysent. «On a tellement peur de renforcer ce stéréotype-là que la peur prend le pas sur la performance dans la tâche», continue la directrice de recherches.
«Le problème des stéréotypes, c'est que même si les femmes se sentent bonnes conductrices, elles se sentent toujours jugées du fait de leur sexe.» Marie-Axelle Granié, directrice de recherches en psychologie sociale
«En gros, cette peur tétanise et empêche de réfléchir correctement. Par exemple, des femmes vont avoir du mal à faire un créneau parce que c'est ce qu'on leur reproche le plus souvent.» Pas étonnant qu'Audrey préfère conduire sur l'autoroute qu'en ville, «où tu dois faire des manœuvres pour te garer».
Voilà qui explique aussi que «les femmes ont beaucoup plus peur de l'accident que les hommes, glisse celle qui travaille sur les compétences de conduite et les comportements à risques des femmes et des hommes. Elles vont considérer que l'accident est bien la preuve qu'elles sont incompétentes et cela va contraindre encore plus leurs comportements». Ainsi d'Aude, qui, c'est un comble, a eu son premier accident en allant chercher son permis à la préfecture. «Depuis, je roule à 60 km/h comme une vieille partout», exagère-t-elle, neuf ans après.
Ce n'est donc pas parce qu'elles sont incapables d'être au volant mais bien parce qu'on les juge comme telles qu'elles ont davantage peur de s'en emparer, une aversion à manœuvrer un véhicule et/ou cèdent souvent la place du conducteur à leur conjoint. «Elles vont considérer, et c'est souvent le cas, qu'elles vont être critiquées par le conjoint qui est passager parce qu'il va trouver qu'elles ne conduisent pas comme il faut. Ça met une pression sur les femmes quand elles conduisent», appuie Marie-Axelle Granié. Une pression qui conduit à davantage s'asseoir côté passager.
Audrey en atteste. Au volant, si son conjoint est à côté, elle angoisse. «C'est un peu dans ma tête. Je me dis juste que peut-être il serait allé plus vite, qu'il aurait trouvé plus rapidement comment se garer alors que moi je suis en train de galérer… Je me fais tout un stress.» Pour Aude, ça a pris la forme d'une engueulade épique sur des routes de montagne: «Il me disait d'aller plus vite, une voiture me collait au cul derrière. Après un virage, je me suis garée sur une bande d'urgence tout en cailloux d'un coup, en mode Vin Diesel-Fast and Furious.» Après quelques échanges houleux de «tu me saouuuules» et «t'es folllle», il a repris le volant. Et elle sa place de copilote attitrée.
S'il est aussi difficile de renverser le stéréotype (au lieu de se sentir sous sa coupe et d'avoir peur de le renforcer par son action et donc de céder le volant), c'est aussi parce que ces comportements routiers comme ce rapport à l'accident sont ancrés bien profondément non pas dans nos gènes mais dans notre environnement.
«Les femmes ont peur de l'accident avant même d'apprendre à conduire, pointe la chercheuse en psychologie sociale. C'est quelque chose que l'on retrouve au niveau de l'accident domestique chez l'enfant petit: dès l'âge pré-scolaire, les filles ont beaucoup plus peur de l'accident et de la blessure que les garçons. Pour un même type de comportement à risque, elles vont trouver la situation beaucoup plus grave et penser se blesser beaucoup plus gravement que les garçons. Ainsi, dès toutes petites, elles vont éviter une situation s'il y a un risque d'être blessées, quel que soit le niveau de blessure, même en cas de blessure légère. Les garçons vont éviter uniquement les situations où la blessure risque d'être grave.»
«J'ai proposé plusieurs fois de prendre le volant, mais il m'a répondu que ça ne le dérangeait pas de conduire toute la route.» Morgane, 32 ans, trois enfants
Tout simplement parce qu'on les éduque ainsi. Un garçon qui prend des risques, c'est normal; quand c'est une fille, c'est qu'elle n'a pas bien évalué le danger. «Même si leur niveau de compétences est le même, ajoute Marie-Axelle Granié, on va aider une fille et pas un garçon. On met dans la tête des enfants que les filles sont vulnérables et que les garçons ne le sont pas.»
C'est pour ces raisons que les hommes ont moins peur de l'accident de la route –alors même qu'ils y sont statistiquement plus confrontés. «S'il est lié à une prise de risque, l'accident va renforcer l'image virile», ramasse la directrice de recherches. Loin d'être perçus comme inconscients ou déraisonnables, les conducteurs sont vus comme forts: rien ne les effraie, rien ne les épuise. «À Noël, nous sommes remontés dans la famille, 1.200 kilomètres de nuit, pour que les enfants dorment. Plusieurs fois, j'ai proposé de prendre le volant, mais il m'a répondu que non, c'était bon, ça ne le dérangeait pas de conduire toute la route. Moi, je suis moins résistante, au bout de deux heures de nuit, je fatigue!» témoigne Morgane. «Quand on part en vacances, c'est lui qui prend le volant, on se relaie très peu, abonde Agathe. Il n'est jamais fatigué et peut conduire des heures.» Des hommes (au volant), des vrais.
C'est aussi que la perception des règles, notamment du code de la route, varie suivant le genre et les traits de personnalité qu'on lui associe. Comme le rappelle Marie-Axelle Granié, de manière générale, côté féminin, on valorise la sympathie, la compassion (le care), tout ce qui revient à exprimer ses émotions et prendre en compte ainsi qu'en charge celles des autres, «on est dans un rapport horizontal à autrui»; côté masculin, le rapport aux autres est plus «vertical», on est dans la compétition, la domination, la recherche de pouvoir, l'individualisme et l'indépendance.
Conséquence routière: les personnes ayant des traits de caractère considérés comme féminins ont «une représentation des règles plus morale, une conscience que les règles routières sont là pour protéger les autres de leur propre comportement». Elles s'obligent à les respecter pour les autres. «Je sais que je ne suis pas dangereuse quand je conduis», note ainsi Audrey.
À l'opposé, les individus aux traits réputés masculins ont, quant à eux, «une représentation des règles beaucoup plus externe», celles-ci viennent contraindre leur comportement et ils les suivent donc en fonction des circonstances (autrement dit, de la présence d'un radar ou des forces de l'ordre) mais «elles ne font pas partie de leur système de valeurs». C'est plutôt le véhicule comme le statut qu'accordent la place du conducteur ainsi que les capacités de conduite (à risque, en se défiant des règles établis) qui sont investis symboliquement.
Cette internalisation féminine des règles, on la retrouve y compris côté passager, où les femmes veillent à ce que personne ne soit blessé. «Quand je ne conduis pas, je ne peux pas dormir: il enchaîne tellement les kilomètres que j'ai peur qu'il s'endorme. Du coup, je me fais un devoir de lui tenir compagnie», raconte Morgane. «Si je sens qu'il est fatigué, qu'il a déjà beaucoup conduit, je suis plus à l'aise de me dire “c'est moi, là, qui prends le volant”, je serai beaucoup moins stressée comme ça qu'en me disant “mince, il enchaîne”», retrace de son côté Audrey.
De la même manière, Sam, c'est souvent celle (et non celui) qui ne boit pas, et pas seulement pour cause de grossesse. «Quand tu viens en voiture à un mariage, tout le monde part du principe que c'est le mec qui conduit, poursuit la jeune avocate. Si c'est toi qui conduis, tout le monde va se dire: “C'est parce que lui veut boire”.» C'est à la femme de se contenir et d'incarner la raison.
«Quand tu viens en voiture à un mariage, tout le monde part du principe que c'est le mec qui conduit.» Audrey, avocate
Les campagnes de la sécurité routière jouent aussi sur ce fossé genré (et viennent, ce faisant, l'amplifier), à l'instar de celle de 2012, dont le slogan parle de lui-même: «Tant qu'il y aura des hommes pour mourir sur la route, il y aura des femmes pour que cela change.»
Comme l'observe la chercheuse à l'université Gustave-Eiffel, «on a tendance à demander aux femmes d'assagir les hommes au volant, de les civiliser, par leur propre comportement, dans une vision très essentialiste des rôles de sexe: l'homme naturellement risqueur et la femme naturellement sage. On ne cherche pas à rendre l'homme plus sage, c'est la tâche de la femme de contrer cela, comme de ne pas exciter les hommes par des tenues provocantes par exemple. La femme, c'est l'assistante de l'homme au volant».
Partage des tâches
Autre élément amplificateur de ce partage conjugal inégal et genré du volant: l'arrivée des enfants. Il y a onze ans, au début de sa relation avec celui qui est depuis devenu son mari et le père de ses trois filles, «c'était la bagarre pour savoir qui allait conduire», se souvient Morgane. La donne a considérablement changé depuis qu'ils sont parents. «En y réfléchissant, j'ai commencé à moins prendre le volant quand on a eu notre première fille. Il est plus pratique d'être passagère pour s'occuper de bébé. Aujourd'hui, avec trois enfants de 7 ans à 20 mois dans la voiture, j'ai l'impression que je m'épuise à écouter leurs histoires et à faire attention à ma conduite.» Elle préfère donc ne pas tenter de (mal) concilier les deux quand elle en a l'occasion et laisser le volant à son époux.
C'est aussi ce que décrit Agathe: «Les rares fois où je conduis et les enfants sont à l'arrière, dès qu'ils me demandent quelque chose, je vais y faire attention, c'est dangereux pour la conduite. Mon mari, lui, arrive à faire abstraction.» En cause, rien de naturel, encore une fois. «Les femmes vont être perturbées plus facilement par les éléments extérieurs, notamment quand ces éléments sont liés au rôle de mère. On ne peut pas conduire et en même temps moucher le bébé derrière! souligne Marie-Axelle Granié. Tout cela est le reflet de l'éducation. On éduque les garçons à certaines tâches, les filles à d'autres, petit à petit elles deviennent compétentes dans les tâches auxquelles elles sont éduquées et eux dans les leurs; à la mise en place du couple, ça se cristallise. Chacun va prendre les tâches avec lesquelles il·elle est plus à l'aise en évitant celles où il·elle l'est moins. Ce schéma traditionnel se met en place et arrange tout le monde.» Aux femmes les enfants, aux hommes le volant.
Perte de la confiance
De quoi faire persévérer, pour les prochaines générations, l'idée que la conduite est un domaine avant tout masculin. «Ma mère m'a beaucoup conduite mais, quand mon père était là, c'était lui qui prenait le volant», se remémore ainsi Agathe, qui reproduit donc sans y avoir pris garde le schéma parental et traditionnel. «Avoir observé, toute son enfance, que lorsque les deux parents sont dans la voiture c'est toujours le même qui conduit affecte les connaissances que l'enfant construit sur la conduite et plus généralement sur les rôles de sexe, d'autant que ce schéma est observable plus largement», complète la chercheuse.
Car une fois que l'on a délaissé le volant, c'est souvent pour longtemps, pour ne pas dire toujours. Aude a par exemple baissé les bras: «C'est une guerre qui ne m'intéresse pas trop, dans le sens où je la mènerais plus par principe que par plaisir de conduire, et comme on dit, faut choisir ses combats.» Audrey a, elle, identifié un passage problématique –et une nécessité de remise à niveau. «Le point négatif, c'est que je perds un peu la confiance en moi au volant et la pratique, donc c'est un peu un cercle vicieux. Moins tu conduis, moins t'es à l'aise. Ce qui me gêne, c'est de me dire que ça me paraît insurmontable de conduire dans Paris, parce que je ne le fais jamais, à moins vraiment d'avoir besoin d'emmener quelqu'un à l'hôpital…»
Même constat pour Morgane: «Depuis que je conduis moins, je suis moins sereine à prendre la voiture sur des trajets que je ne connais pas.» Catherine, 60 ans, professeure de français et d'anglais à la retraite, a ainsi laissé son époux conduire pendant leurs seize ans de mariage. «Ce qui m'a donné confiance et fait que j'ai conduit de plus en plus souvent, c'est notre séparation!» S'il ne s'agit pas de mettre fin au(x) couple(s) pour en finir avec la domination masculine de la conduite, il est peut-être temps d'en freiner la représentation viriliste. Et de réaliser que la véritable bonne conduite est égalitaire et partagée.
Près de 3.000 villages oubliés témoignent des mutations de la société ibérique après la Seconde Guerre mondiale. Certains reprennent vie grâce à des gens voyant le potentiel de ces lieux.
Au fond de la vallée aragonaise de la Solana, à une cinquantaine de kilomètres de la frontière française, Jánovas est un drôle de village: il fut vidé de ses 300 habitant·es à partir des années 1960 dans le but de construire un barrage et ses maisons ont été dynamitées. Plusieurs décennies plus tard, il n'en reste que des ruines envahies par la végétation et par des touristes qui s'y promenaient sans se soucier du risque d'effondrement lorsque nous avons visité les lieux à la mi-février, juste avant que l'Espagne soit frappée par la pandémie de Covid-19.
Mais, miracle, Jánovas est en train de ressusciter: par-ci par-là, des gens travaillent à réparer quelques bâtisses. Déjà, l'église a repris son allure originale et sa cloche a recommencé à sonner en septembre 2019.
Jesús Garces est heureux de voir son village natal se redresser, mais il garde quand même une pointe de colère: «Mes parents sont morts tous les deux, et personne n'est jamais venu leur demander pardon.» Sa famille fut la dernière à accepter de partir, en janvier 1984. Les autres avaient plié bagage depuis belle lurette: «Plusieurs avaient envie d'émigrer, alors ils n'ont pas opposé de résistance, se rappelle-t-il. Ils prenaient les 4 pesetas qu'Endesa [la compagnie d'électricité] leur donnait, et ils partaient. Mais que ça te plaise ou non, quand la police arrive, tu es bien obligé d'accepter aussi.»
En 2001, coup de théâtre: l'étude d'impact du barrage accouche d'un avis négatif. Le projet est annulé, et commence alors le combat des descendant·es de Jánovas pour récupérer leurs biens, maisons et champs, ainsi que la loi le permet. Les négociations avec Endesa n'aboutiront qu'en 2015: il est désormais possible de racheter les maisons pour un euro le mètre carré, et les champs pour 4.500 euros l'hectare. Plus de 100 familles se sont déjà prévalues de ce droit, et trente autres pourraient suivre.
«Je n'ai jamais vu ça en Espagne, ni ailleurs: on exproprie tout le monde, et ensuite on verra bien si on construit l'ouvrage», grince Oscar Espinosa, qui a racheté la maison de ses grands-parents, un imposant édifice de trois étages. Il entend la transformer en gîte et s'y installer définitivement. Une manière de se reconnecter avec ses racines, dit cet entrepreneur en construction vivant à Saragosse qui préside aussi la Fundación San Miguel, créée pour mener à bien la lutte pour la récupération de Jánovas et les étapes subséquentes, grâce aux subventions de la communauté autonome d'Aragon.
Cette association n'a pas chômé: déjà, une ligne électrique permet d'illuminer le village, qui dispose aussi de l'eau courante. Le système de traitement des eaux usées suivra bientôt. Et les nouveaux voisins vont créer une coopérative qui remettra les champs en culture.
L'Espagne a vécu un exode rural massif à partir des années 1950. Franco abandonne alors sa politique autarcique; le pays s'industrialise rapidement, notamment en Catalogne et au Pays Basque. Il faut de l'énergie et des bras pour faire fonctionner les usines, les zones rurales en font les frais. Dans le Haut-Aragon, on construit des barrages dans les vallées et on couvre les pâturages de pins pour freiner l'érosion (qui cause l'accumulation de sédiments dans les lacs). Exproprié·es, les paysan·nes migrent vers les villes et se reconvertissent en ouvrièr·es.
Dans les années 1980, alors que Jánovas semble condamné à la disparition, la Députation générale d'Aragon (DGA, le gouvernement local) se rend paradoxalement compte que la dépopulation lui cause des problèmes et commence à accepter diverses propositions pour faire revivre les villages abandonnés.
La province de Huesca, sur le versant sud des Pyrénées, est particulièrement concernée. «Là-bas, il y a des petits villages, mais en très grande quantité», expose l'architecte Sixto Marín, qui a mené une étude sur le sujet. «Les habitants jouaient en quelque sorte le rôle de gardiens du territoire, notamment contre les incendies. Leurs vaches et leurs chèvres nettoyaient les forêts.»
Depuis, les exemples de bourgs réhabilités se sont multipliés. Sixto Marín en a compté plus de trente. «Ce qui est intéressant, c'est qu'ils sont très variés», note l'architecte. Deux villages sont ainsi devenus des centres de vacances pour les membres de syndicats, un autre s'est transformé en centre éducatif qui accueille des séjours scolaires, un autre encore est en cours de reconstruction par des scouts. Mais surtout, beaucoup sont tombés dans l'œil de gens à la recherche d'un mode de vie plus proche de la nature, ou de vie en communauté.
L'association Artiborain a donné l'exemple dès 1980 en s'installant à Aineto, non loin de Jánovas. Profitant d'abord de la tolérance d'un gestionnaire du domaine forestier, puis de la préoccupation du premier président démocratiquement élu d'Aragon, Santiago Marraco, pour le problème de la dépopulation, Artiborain a obtenu le droit d'usage de quatre villages, plusieurs fois prolongé depuis. La DGA reste propriétaire des terres et des bâtiments, mais cela convient très bien aux habitant·es, qui sont essentiellement des anarchistes pas du tout intéressé·es par la propriété privée.
Aujourd'hui, une trentaine de personnes vivent à Aineto, incluant un médecin, un brasseur et une institutrice. Neuf enfants venant des villages gérés par Artiborain fréquentent l'école. «La première école publique ouverte dans tout l'Aragon après trente-cinq ans de fermeture», s'enorgueillit Agus Montero, l'un des initiateurs de la récupération du village. La communauté prend ses décisions en assemblée, organise des séances de travaux collectifs, et a profité des enveloppes gouvernementales destinées à la modernisation du monde rural pour obtenir l'électricité, l'eau potable et internet.
En ce moment, Artiborain est en négociation avec la DGA pour le prolongement de son droit d'usage du territoire. «Les relations sont bonnes, mais on veut être reconnu comme un vrai village et non plus comme un bout de montagne, car cela nous donnerait accès à certains droits, explique Agus Montero. On a démontré la viabilité de notre projet, on veut maintenant obtenir un cadre légal qui pourrait profiter à d'autres collectifs voulant redonner vie à un village avec un projet spécifique.»
D'autres groupes de personnes, allant des néoruraux aux squatteurs («okupas» en Espagne), n'ont pas attendu le résultat de ces pourparlers pour mener des projets similaires à celui d'Artiborain dans les dernières années. Mais tous ne sont pas reçus avec des fleurs: six occupant·es du village de Fraguas, dans la communauté de Castilla-La Mancha, ont été condamné·es à dix-huit mois de prison en juin 2018 pour avoir reconstruit ce hameau situé dans un parc naturel.
En Aragon, les occupant·es du village abandonné de Sasé ont été délogé·es par la police dans les années 1990. Mais une visite sur place permet de constater qu'il y a encore de la vie là-bas, dans un confort rudimentaire. Des tuyaux de plastique font office de système d'adduction d'eau. Devant une maison rénovée avec les moyens du bord, un évier de fortune, du bois empilé, quelques jouets qui traînent... On ne croise personne parmi les ruines: il semble surtout y avoir du monde pendant l'été.
Sixto Marín juge tout à fait viables les projets de récupération de village par les squatteurs, qui font preuve d'une motivation à toute épreuve. «Ils vivent dans des conditions difficiles, mais ils y arrivent! La force du mouvement okupa, c'est son niveau de connexion, surtout avec internet: si tu as envie de faire partie d'un projet, tu peux y aller! C'est des gens très ouverts, et quand quelqu'un se fatigue, un autre prend sa place.»
L'architecte pense que le gouvernement devrait encourager ces occupations, qui sont d'excellentes expériences pour les jeunes. L'enjeu, selon lui, c'est la sauvegarde du bâti. Mais aussi du patrimoine immatériel: «Tous les gens qui ont migré vers les villes à partir des années 1950 ont laissé derrière eux une partie importante de notre culture.» Or, malgré quelques expériences positives de récupération de villages, l'exode rural se poursuit partout en Espagne, insiste-t-il.
Si l'on ne se sent pas l'âme d'un squatteur, il est également possible d'acheter un hameau inhabité (ou sur le point de le devenir). Une agence immobilière de Barcelone, Aldeas Abandonadas, s'est spécialisée dans la vente de ces biens. Car si en Aragon la plupart des villages abandonnés sont propriété du gouvernement, ailleurs en Espagne, où la pauvreté a été le moteur principal de l'exode rural, les villages désertés ont encore des propriétaires, en l'occurrence les héritièr·es des ancien·nes habitant·es.
Preuve de l'engouement pour ces lieux, les prix ont augmenté: lorsque l'agence a vu le jour, il y a quatorze ans, on pouvait se payer un hameau pour 20 à 40.000 euros. Aujourd'hui, on ne trouve rien sous 60.000 euros. En outre, de coûteuses mises aux normes peuvent s'imposer si on veut en faire un usage commercial. «On demande aux potentiels acheteurs quel est leur projet, et on leur fait une estimation des coûts pour la rénovation, la connexion au réseau d'égouts, etc.», dépeint la gérante de l'agence, Elvira Fafián.
Sa clientèle? Des entrepreneurs ou entrepreneuses avec un projet d'hôtel, des familles fuyant le stress des villes, des retraité·es voulant retrouver leur région d'origine, des étrangèr·es attiré·es par l'agréable climat espagnol. Bref, toutes sortes de gens avec toutes sortes de rêves, et peut-être que la crise du Covid-19 (qui a surtout touché les villes, où il est moins agréable d'être confiné·e qu'à la campagne) fera augmenter la demande. Fini le temps des châteaux en Espagne, l'heure est à la (re)construction des villages.
Après plusieurs années de combat, une loi vient de passer en France, autorisant la vente de semences paysannes à des jardiniers amateurs, selon une information révélée par France inter.
Désormais, les agriculteurs pourront vendre les semences issues de leur production. Une pratique ancestrale pourtant interdite depuis les années 1930. Jusque là les semences ne pouvaient être cédées que gratuitement.
Qu’est-ce donc les semences paysannes ?
Les semences paysannes c’est une pratique qui consiste pour un agriculteur à puiser une partie de ses graines dans sa récolte afin de replanter ensuite. Une pratique séculaire qui permettait aux agriculteurs de rester autonome financièrement. Logique aussi, on considérait que les semences étaient par nature le fruit du travail de l’agriculteur, rappelle France inter. Sauf que dans les années 1930 une loi établit que chaque nouvelle variété doit être inscrite au catalogue officiel pour être vendue, la semence tombe alors sous la protection réglementaire de la propriété des brevets, indique consoglobe.
Résultat, de grandes multinationales telles que Monsanto sont devenues leader sur le marché du "brevet" de la semence paysanne. En résumé, il s’agit de donner une "carte d’identité" en établissant une liste de critères d’homogénéité et de stabilité. Mais ce sont des critères qui ont été pensés pour les industries agroalimentaires. Les semences paysannes étant, par nature, ni stables, ni homogènes. Les paysans se sont retrouvés en situation de dépendance, obligés de racheter des semences puisque l’échange de semence était devenu illégal. Et des multinationales telles que Monsanto se sont retrouvées leader sur le marché, indique à nouveau France inter.
A travers ce procédé ce sont finalement près de "90% de variétés agricoles traditionnelles (qui) ne sont plus cultivées. La culture de semences paysannes permet aussi de lutter contre la standardisation des formes, des goûts et des saveurs", expliquait la députée Frédérique Tuffnell (LREM).
Un nouveau cadre légal
Désormais en France la vente de "semences traditionnelles ou nouvellement élaborées relevant du domaine public plus rares et garantes de la biodiversité", sera autorisée explique Barbara Pompili, présidente LREM de la commission développement durable à l’Assemblée nationale. C'est un combat qui dure depuis 2016.
Dans la pratique c’était déjà le cas, "il existait un usage amateur basé sur le don et l’échange de semences paysannes non inscrites au catalogue officiel", explique Mathieu Vidard, dans l’édito carré. Les jardiniers amateurs pouvaient donc déjà avoir accès à des semences paysannes, mais cette fois c’est officiel. "Un grand pas pour la biodiversité", annonce Barbara Pompili qui souhaite désormais se lancer dans la bataille d’un plan européen autorisant la commercialisation de ces semences au sein de l’agriculture.
Doctolib veut faire bonne figure : la plateforme de prise de rendez-vous médical en ligne a été récemment la cible de critiques à l’égard de son traitement des données de santé. Une enquête de France Info publiée en début d’année faisait le point sur le sujet et avait déjà poussé Doctolib à clarifier sa politique en matière de protection des données personnelles et de santé.
Pour enfoncer le clou, Doctolib a annoncé la semaine dernière la mise en place d’un dispositif de chiffrement de bout en bout sur sa plateforme, reposant sur la solution de chiffrement Tanker.io. « Jusqu’à présent, les données personnelles de santé des utilisateurs de Doctolib étaient chiffrées à deux niveaux, en transit et au repos. Le chiffrement de bout en bout garantit que les données personnelles de santé des patients qui utilisent Doctolib ne sont accessibles qu’aux patients et à leurs professionnels de santé en toutes circonstances », indique le communiqué. Doctolib précisait au passage que cette solution rendait l’accès aux données impossible pour un tiers « y compris dans les opérations d’assistance ou de maintenance ». L’enquête de France Info avait en effet révélé que Doctolib accédait parfois aux données des praticiens de santé dans le cadre d’opération de maintenance et d’assistance. De fait, si Doctolib se défendait d’accéder aux données de ses utilisateurs, il fallait donc les croire sur parole.
La solution retenue pour la mise en place de ce chiffrement assure que ce ne sera plus le cas. Comme l’explique Clément Ravouna, cofondateur de Tanker.io, « les clés appartiennent aux utilisateurs finaux puisque Tanker utilise un protocole de bout en bout et que les clés sont stockées sur les appareils des utilisateurs, ce qui a le mérite de loger physiquement cette propriété ». En d’autres termes, le chiffrement des données, la génération des clés et des pseudonymes se fait directement sur les appareils des utilisateurs grâce au SDK de Tanker.io embarqué dans l’application Doctolib.
« Avec ce déploiement, Doctolib ne sera pas en mesure d'accéder aux données de santé de ses utilisateurs et prestataires, car Doctolib n'aura pas les clés de chiffrement », nous précise Doctolib. Clément Ravouna de Tanker.io ajoute que seule « l'association de deux utilisateurs, via le protocole Tanker, permettra de déchiffrer les données. Lorsqu'un patient décide de partager une ressource avec un professionnel de santé via Doctolib, de nouvelles clés sont générées, utilisées et partagées via notre solution Tanker ». La solution de Tanker, décrite dans un livre blanc disponible sur leur site, permet une gestion des clés qui se veut invisible pour les utilisateurs et embarquée dans une application déjà existante. Tanker.io avait obtenu en 2017 une certification de sécurité de premier niveau auprès de l’Anssi.
Reste une interrogation, déjà soulevée par l’enquête de France Info : Doctolib ne peut pas vendre des données personnelles de santé, au sens où celles-ci pourraient permettre d’identifier de façon nominative les patients. Mais exploiter ces données anonymisées reste possible légalement. La solution de Tanker.io offre également la possibilité « d’anonymiser » les données via la génération de pseudonymes découplés des données brutes, comme le décrit son livre blanc. Interrogé à ce sujet, le service presse de Doctolib assure que « le modèle économique de Doctolib n'a rien à voir avec l'exploitation des données. Doctolib ne vend pas les données, Doctolib n'utilise pas les données pour faire de la publicité ou vendre des services ».
Dans ses lignes directrices, sur lesquelles le Conseil D’État vient de se prononcer, la Cnil jugeait le recours à des «cookies walls» contraire au règlement général sur la protection des données (RGPD).
Question posée sur Twitter le 22/06/2020
Bonjour,
Votre question fait référence à cet article du journal les Échos, selon lequel, «à l’avenir, les sites Internet pourront bloquer l’accès à tous les internautes qui refusent les cookies, ces traceurs informatiques controversés». Et ce en vertu d’une «décision du Conseil D’État publiée vendredi» où la plus haute juridiction administrative «donne raison aux éditeurs de sites contre la Cnil [Commission nationale de l’informatique et des libertés, ndlr], le gendarme français de la vie privée sur Internet, qui avait interdit une telle pratique».
Même son de cloche du côté d’une dépêche AFP sur le sujet (notamment reprise par le Monde) : «Selon la plus haute juridiction administrative, les éditeurs peuvent bloquer l’accès à leur site à un internaute qui refuserait les cookies, contrairement à ce que préconise le gendarme français des données personnelles dans ses lignes directrices sur le sujet publiées en 2019.»
En bref, le Conseil D’État «légaliserait» cette pratique, généralement appelée «cookies walls» (où il est nécessaire d’accepter les cookies pour accéder à un contenu, comme on parle de paywall lorsqu’il faut payer), à la suite d’une procédure menée par neuf associations qui représentent des entreprises françaises dans le domaine des médias, de la publicité et du commerce en ligne (Geste, SRI, IAB France, MMAF, Udecam, AACC, Fevad, UDM et SNCD).
Problème : selon plusieurs spécialistes des questions de vie privée et médias spécialisés, qui s’appuient sur le contenu de la décision, le Conseil d’État se prononce en fait sur la forme et non sur le fond. Sa décision ne permettrait donc pas, en l’état, de préjuger de la légalité ou non d’un «cookies walls».
On peut lire dans le communiqué de presse de la juridiction que «le Conseil D’État annule partiellement les lignes directrices de la Cnil relatives aux cookies et autres traceurs de connexion». Mais plus bas, on apprend que le Conseil D’État juge que «la Cnil a excédé ce qu’elle pouvait légalement faire dans le cadre d’un acte dit "de droit souple"». Les actes de droit souple désignant «les instruments, telles que les lignes directrices des autorités de régulation [comme la Cnil], qui ne créent pas de droit ou d’obligation juridique pour quiconque mais influencent fortement, dans les faits, les pratiques des opérateurs économiques».
Le Conseil D’État considère donc «que la Cnil ne pouvait, sous couvert d’un acte de droit souple, énoncer une telle interdiction générale et absolue» à propos des cookies walls. Tout en prenant bien soin de préciser qu’il se prononce sur cette question de forme «sans se prononcer sur le fond de la question», à savoir la légalité de bloquer l’accès à un contenu à un utilisateur qui refuserait les cookies.
Pour Bernard Lamon, avocat spécialiste des questions liées au règlement général sur la protection des données (RGPD), le Conseil D’État a simplement dit que sur un point très précis de ses lignes directrices, la Cnil avait franchi la ligne jaune puisque «dans des lignes directrices on ne peut pas dire que les cookies walls sont interdits de manière globale». «Mais le Conseil D’État ne s’est pas prononcé sur la légalité des cookies walls, contrairement à ce que prétendent certains qui se livrent à une bataille de communication. Pour savoir si c’est légal ou non, il faudra du contentieux, avec un examen concret, site par site», estime-t-il.
Pour Etienne Drouard, l’avocat du cabinet Hogan Lovells qui représente les associations requérantes, le Conseil D’État «rappelle que la Cnil doit analyser au cas par cas les alternatives proposées à l’utilisateur en contrepartie de l’accès au site de l’éditeur.» En d’autres termes, en proposant à l’internaute soit d’accéder gratuitement au contenu avec des cookies publicitaires, soit de se connecter via un compte, soit de payer, l’éditeur du site offre un choix au lecteur, «qui préserve la liberté du consentement prévue par le RGPD». «Ce qui n’est pas possible, c’est de conditionner l’accès au site à l’acceptation des cookies, sans offrir d’alternative», avance l’avocat, confirmant donc que le Conseil d’État n’a pas «légalisé» les cookies walls. Plus largement, il se félicite que le Conseil d’État rappelle qu’un «régulateur comme la Cnil ne peut pas, à la différence d’un législateur, créer des interdictions de principe».
«Retour à l’équilibre»
«La Cnil prend acte de cette décision et ajustera en conséquence ses lignes directrices et sa future recommandation pour s’y conformer», a indiqué la commission sur son site.
Sur le fond, la Cnil s’était alignée sur la position du comité européen de protection des données (CEPD), organe européen indépendant qui «contribue à l’application cohérente des règles en matière de protection des données au sein de l’Union européenne». Celui-ci considère en effet que les cookies walls ne sont pas «conformes» au RGPD puisque «les utilisateurs ne sont pas en mesure de refuser le recours à des traceurs sans subir des conséquences négatives (en l’occurrence l’impossibilité d’accéder au site consulté)».
Le Groupement des éditeurs de services en ligne (Geste), qui faisait partie des requérants, se satisfait de son côté de la décision du Conseil d’État qui permet «un retour à l’équilibre du RGPD» : «Nous avions la conviction que la Cnil avait surinterprété le RGPD. Nous défendons le droit pour les éditeurs de site de choisir leur modèle économique», avance son président, Bertrand Gié. Y compris le cookies walls donc, même si «à sa connaissance», aucun gros site français n’a pour le moment fait ce choix. Explicitement en tout cas : selon le blogueur Aeris, qui travaille «dans la sécurité informatique et plus précisément sur la vie privée», la pratique du cookies wall recouvre aussi les nombreux sites qui partent du principe que «si vous continuez à visiter ce site, vous consentez à recevoir des cookies» : «C’est tout aussi illégal, et en pratique le refus des cookies implique une impossibilité de visite du site», estime-t-il.
Dans la même décision, «le Conseil d’État donne raison à la Cnil sur tout le reste, que ce soit sur sa compétence ou les lignes directrices» relève par ailleurs l’avocat Bernard Lamon. Idem pour le média spécialisé Next Inpact qui juge que la décision du Conseil D’État va dans le sens de la commission, «même si cette dernière devra parfois ajuster sa manière de faire. C’est notamment le cas pour les cookies walls» : «Alors qu’éditeurs de presse et autres organismes publicitaires s’étant attaqués aux lignes directrices de la Cnil s’attendaient à une confirmation de leur position, cela n’a pas été le cas. […] Concernant le consentement [des utilisateurs] ses positions se trouvent renforcées par le Conseil D’État qui a "validé l’essentiel des interprétations ou recommandations" en la matière. Notamment que la gestion devait être symétrique (aussi simple à accorder qu’à refuser) et "porter sur chacune des finalités, ce qui implique notamment une information spécifique".»
***La décision rendue par le Conseil constitutionnel le 18 juin n'est certainement pas une surprise. En censurant une large partie de la loi Avia visant à lutter contre les contenus haineux sur internet, le Conseil constitutionnel n'a fait qu'appliquer l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, selon lequel
« La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ».
En d'autres termes, ceux initiés il y a bien longtemps par Georges Morange, la liberté d'expression relève du régime répressif : chacun est libre de s'exprimer, sauf à rendre compte d'une éventuelle infraction a posteriori devant le juge pénal. En tout état de cause, la censure préventive, sans intervention d'un juge, n'est pas conforme à la Constitution.***
Le plus triste est sans doute qu'il soit nécessaire de rappeler ce principe dans un État de droit. Or la catastrophe pouvait sans doute être évitée. Rappelons qu'il s'agissait d'une proposition de loi en principe portée par Laetitia Avia, mais ce texte n'aurait jamais vu le jour s'il n'avait bénéficié d'un fort soutien du gouvernement et du Président de la République. Le choix d'une proposition de loi permettait surtout d'éviter l'étude d'impact, qui aurait peut-être permis de mettre en lumière les problèmes juridiques posés par le texte. Le débat, quant à lui, a été précipité, le gouvernement ayant imposé la procédure accélérée, le texte ne faisant l'objet que d'une seule lecture dans chaque assemblée, et les amendement écartés sans réel débat.
Enfin, il faut reconnaître que l'avis du Conseil d'Etat était particulièrement complaisant à l'égard du texte, se bornant à constater que la lutte contre les contenus haineux sur internet serait sans doute plus efficace si elle trouvait son fondement juridique dans le droit européen. A part cela, il ne voyait rien de choquant dans le projet. Sans doute ne l'avait-il pas bien lu, contrairement à la Commission européenne qui, elle, a fait savoir que le texte violait plusieurs dispositions de la directive du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques de la société de l'information et notamment au commerce électronique. Mais l'avertissement a été souverainement ignoré.
La loi a finalement été votée à l'Assemblée par une écrasante majorité de 434 voix, avec seulement 33 voix contre et 69 abstentions. Il ne s'est pas trouvé soixante députés pour saisir le Conseil, les intéressés imaginant sans doute que leurs électeurs les accuseraient d'être favorables aux discours de haine. Heureusement, le Sénat a témoigné d'une opposition d'autant plus résolue qu'il n'avait obtenu aucune concession lors de la commission mixte paritaire, et soixante sénateurs n'ont donc pas hésité à saisir le Conseil.
Le Conseil constitutionnel rappelle que la liberté d'expression, comme d'ailleurs toutes les libertés sauf la liberté de penser, s'exerce dans le cadre des lois qui la réglementent. Le législateur peut certes voter des dispositions destinées "faire cesser des abus de l'exercice de la liberté d'expression et de communication", mais seulement dans la mesure où ces "abus" portent atteinte à l'ordre public et aux droits des tiers. Pour la première fois, le Conseil précise que ces "abus de la liberté d'expression" se réduisent à la diffusion d'images pédopornographiques et à la provocation à des actes de terrorisme ou à l'apologie de tels actes. Dans cette définition extrêmement étroite ne saurait rentrer la simple référence à un "discours de haine" dont la loi Avia ne donne aucune définition juridique.
Le Conseil exerce donc un contrôle de proportionnalité. Selon une formule qui figure déjà dans la décision du 8 septembre 2017 : "La liberté d'expression et de communication est d'autant plus précieuse que son exercice est une condition de la démocratie et l'une des garanties du respect des autres droits et libertés. Il s'ensuit que les atteintes portées à l'exercice de cette liberté doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées à l'objectif poursuivi". On pourrait évidemment s'interroger sur le sens de cette formulation, et ce que signifie une procédure "adaptée" à son objectif. Sans doute le Conseil renvoie-t-il au principe déjà affirmé, selon lequel une mesure restreignant une liberté doit être a priori susceptible de permettre ou de faciliter la réalisation du but recherché par le législateur.
Exerçant ce contrôle de proportionnalité, le Conseil censure deux dispositions essentielles de la loi.
Il déclare d'abord non conformes à la Constitution les dispositions du paragraphe I de l'article 1er permettant à l'autorité de police de demander aux hébergeurs ou aux fournisseurs d'accès internet de retirer certains contenus à caractère terroriste ou pédopornographique dans un délai d'une heure après la demande. Le non-respect de ce délai était passible d'une peine d'emprisonnement d'un an et de 250 000 € d'amende.
La cessation de tels abus constitue, à l'évidence, une finalité licite. Mais en l'occurrence l'appréciation du caractère illicite des contenus repose exclusivement sur l'appréciation de la police. En effet l'exigence de l'administration doit immédiatement être satisfaite, ce qui signifie qu'un éventuel recours de la part de l'hébergeur n'est pas suspensif. Le juge n'intervient donc pas immédiatement dans la procédure, et la censure repose donc sur une simple décision administrative. Dans sa "porte étroite", La Quadrature du Net fait d'ailleurs observer que les hébergeurs et fournisseurs d'accès n'emploient pas nécessairement des webmasters disponibles 24 h sur 24, sept jours sur sept, pour répondre aux éventuelles demandes de retrait dans l'heure.
Le Conseil censure également le paragraphe II de ce même article 1er, imposant cette fois aux hébergeurs et fournisseurs d'accès de retirer ou de rendre inaccessibles, dans un délai de 24 heures, les contenus illicites en raison de leur caractère haineux ou sexuel, ou répondant à une qualification pénale dont la liste est fort longue (discrimination, contestation de crime contre l'humanité, incitation ou apologie de crimes, injure, harcèlement, etc).
L'absence d'intervention préalable d'un juge est sanctionnée, dans les mêmes termes que pour le paragraphe I, mais le Conseil se montre cette fois encore plus sévère. Il mentionne en effet les "difficultés d'appréciation du caractère manifestement illicite des contenus signalés dans le délai imparti". Sans être formellement mentionné, le principe de légalité des délits et des peines est directement en cause. La notion de "contenu haineux" est dépourvue de sens juridique, car le droit a vocation à encadrer, voire à sanctionner, des comportements, mais pas des sentiments. Quant à la liste des infractions, elle est fort longue et donne lieu à des jurisprudences souvent subtiles. Il est donc matériellement impossible que les opérateurs puissent déterminer en 24 heures si le contenu dont le retrait est demandé est licite ou illicite. Or cette fois, la demande peut émaner, non pas des autorités de police, mais de n'importe quelle personne qui s'estime victime d'un discours de haine, à la seule condition qu'elle fasse connaître son identité.
Cette fois, la censure est donc initiée par une personne privée, l'internaute, et exercée par une autre personne privée, l'hébergeur ou le fournisseur d'accès. Ce sont eux, et eux seuls, qui sont chargés de constater l'existence d'une infraction pénale et d'en tirer les conséquences. Dès lors que le délai de 24 heures est beaucoup trop court pour s'assurer du caractère licite ou illicite d'un contenu, le Conseil observe que de telles dispositions "ne peuvent qu'inciter les opérateurs de plateforme en ligne à retirer les contenus qui leur sont signalés, qu'ils soient ou non manifestement illicites". On arrivait ainsi à un régime de censure exercé par n'importe qui. Et il appartenait à la malheureuse victime de la censure de contester ensuite la mesure dont elle était victime. Mais le mal était fait, car son propos avait déjà disparu du net.
De ces deux annulations en découlent d'autres, par une sorte d'effet domino. Les dispositions qui mettaient en oeuvre cette procédure de retrait, six articles en tout, sont donc annulées car devenues inutiles. Et la loi Avia s'effondre comme un château de cartes. Il n'en subsiste que deux éléments, d'une part la création d’un parquet spécialisé dans la répression de la haine en ligne, d'autre part celle d'un Observatoire de la haine en ligne placé auprès du Conseil supérieur de l'audiovisuel. Autant dire rien.
Après une telle défaite, il est clair que les propos de Laetitia Avia et de Nicole Belloubet qui annoncent en chœur vouloir "retravailler le dispositif" relèvent de la pure rhétorique. La loi Avia tombera bientôt dans un oubli mérité, et ne sera plus citée que dans les facultés de droit comme un magnifique exemple de crétinisme juridique. Pourtant la question essentielle n'est pas celle de la loi, mais celle de son adoption. Comment un texte bafouant les principes les plus élémentaires du droit pénal peut-il être voté par les députés à une écrasante majorité, avec la bénédiction du Conseil d’État et le soutien sans faille du gouvernement ? Ceux qui sont attachés à l’État de droit vont devoir chercher des réponses à cette question.
L'amour pour la papeterie nous pousse souvent à acheter toujours plus de carnets. Une fascination loin d'être dépourvue de sens.
Par Thomas Messias sur Slate — 20 juin 2020 à 9h00
La première fois[1] que j'ai volé dans un magasin, je devais être âgé d'environ 4 ans. L'objet de mon larcin était un bloc-notes orné de fleurs, que j'avais pris pour un catalogue gratuit, et que j'avais emporté avec moi, sans même faire sonner le système antivol de la boutique. J'ai l'impression d'avoir encore en tête le savon que m'avaient passé mes parents lorsque, quelques centaines de mètres plus loin, ils avaient réalisé que j'avais involontairement transgressé la loi.
Ma fascination pour les articles de papeterie remonte au plus jeune âge. Ado, le plaisir que me procurait l'achat de cahiers, d'agendas et de calepins était presque honteux: j'avais l'impression d'être le seul être humain de mon âge à nourrir une telle passion. Le seul garçon, en tout cas. Car si certaines de mes amies tenaient des journaux intimes ou entretenaient des correspondances passionnées sur du beau papier à lettres, mes semblables semblaient se désintéresser totalement de ce genre d'univers. Cela se voyait aussi dans leur façon de choisir et d'utiliser leur agenda scolaire: sans respect ni soin, comme s'il s'agissait d'un simple bidule permettant de noter ses devoirs.
Plus tard, j'ai réalisé que si les hommes semblaient toujours minoritaires en matière de consommation et d'utilisation de carnets, j'étais tout de même loin d'être le seul. Je me souviens de ce camarade de fac qui consacrait une page à chaque nouvelle personne croisée. Coordonnées, goûts culturels, moments mémorables passés ensemble: il rédigeait des fiches signalétiques teintées de poésie parce que, comme il disait, «la vie, c'est des rencontres». Je n'ai jamais eu le droit de voir la page qui m'était consacrée.
En me retournant, j'ai aussi pris conscience que mon amour du carnet et de la consignation me venait de mon père, qui liste depuis son adolescence les films vus, la date et le lieu du visionnage, et qui note dans ses agendas des tas de détails pas forcément utiles pour plus tard (score d'un match de tennis, considérations météorologiques). Un peu comme cet ami filmé par Vincent Delerm dans Je ne sais pas si c'est tout le monde, ce documentaire si précieux désormais disponible en VOD. Parce qu'il s'est toujours souvenu «des sensations, des moments», mais pas des dates, l'homme remplit depuis 1978 chaque page de son agenda avec de brefs souvenirs, comme le plus minimaliste des journaux intimes. «Au bout de quarante ans, t'as quarante carnets, donc quarante ans de vie», résume-t-il en parcourant devant la caméra l'un de de ses trésors à la couverture cuir.
«J'en possède une bonne centaine, et les deux tiers sont vierges, m'explique Diane, 39 ans, paysagiste. Il y en a un qui fait office d'ordinateur central, toujours dans mon sac à main, avec les informations essentielles à l'intérieur. Des adresses, des codes wifi, des idées de cadeaux pour mes proches... Je n'y écris pas forcément très bien car je l'utilise de façon spontanée, mais j'en prends soin et je sais toujours où il se trouve.»
Quant aux autres carnets de Diane, ils participent davantage à un gigantesque désordre organisé. «J'en commence tout le temps quand j'ai envie de me lancer un nouveau projet, quand un croquis me vient en tête, pour griffonner une liste de courses ou un numéro de téléphone dont je n'aurai besoin qu'une fois. Il y en a plein qui traînent sur mon bureau, sous la table du salon... et même un dans les toilettes, avec son petit crayon attaché par une ficelle.»
«J'en possède une bonne centaine, et les deux tiers sont vierges.» Diane, 39 ans, paysagiste
L'un des tiroirs du bureau de Diane est consacré aux carnets neufs. «Il y en a certains que je possède depuis des années, mais que je n'ose pas commencer. Ils sont trop jolis, trop précieux, c'est comme si j'avais peur de les souiller.» Résultat: au lieu de les utiliser, Diane préfère en acheter de nouveaux. «Certaines enseignes renouvellent leurs collections hyper souvent, comme les magasins Hema, par exemple. Leurs carnets sont souvent hyper jolis, résistants, et leur entrée de gamme n'est vraiment pas chère. C'est compliqué de résister...»
Se décrivant elle-même comme une «victime du capitalisme», Diane se dit prise au piège d'un cercle vicieux qui n'est pas près de se rompre: «Quand je rachète des carnets pour ne pas avoir à commencer ceux que je possède déjà et que je trouve trop beaux, j'en choisi des jolis, c'est normal. Mais quand je rentre chez moi, je n'ose pas les commencer. Et c'est reparti pour un tour...»
Graziella, elle, entretient un autre rapport aux carnets. «Je n'utilise que des petits Moleskine noirs, avec toujours le même type de stylo Muji à pointe ultra fine. Je m'arrange toujours pour en avoir quatre ou cinq d'avance, et je me dis d'ailleurs que je devrais en mettre de côté pour être certaine de pouvoir voir venir si un jour la marque disparaît.» Pour Graziella, hors de question de ne pas finir un carnet jusqu'au bout: «C'est hyper grisant. Je n'utilise que les pages de droite, j'écris des morceaux d'idées et des to-do-lists, je recopie des passages de livres que je voudrais garder avec moi. Je ne tourne la page que quand elle est remplie. Et quand toutes les pages sont terminées, je retourne le carnet, et c'est comme s'il avait une seconde vie.»
Graziella sait d'où lui vient cette fascination pour les petits carnets qu'on remplit de A à Z: «Ça va sembler un peu bizarre, mais... c'est Seven qui m'a donné envie de m'y mettre. Les carnets du tueur en série, dès le générique, ça me fait quelque chose. Je vous rassure, ma fascination pour John Doe [le serial killer joué par Kevin Spacey, ndlr] s'arrête là...»
Graziella conserve ses carnets, même si elle reconnaît qu'il est rare qu'elle les rouvre une fois terminés. «J'aurais de toute façon bien du mal à y retrouver une information précise. En revanche, choisir un carnet au hasard et y parcourir quelques pages, c'est toujours un sentiment assez... il y a les choses dont je me souviens et qui me permettent de me projeter quelques années en arrière, et puis il y a les éléments dont je n'ai aucun souvenir, les alignements de mots sans cohérence apparente, mais qui avaient sans doute énormément de sens au moment où je les ai écrits.»
Christine Ulivucci a principalement étudié notre rapport à la photographie, mais cette psychanalyste transgénérationnelle trouve des similitudes avec la façon dont les carnets fascinent certain·es d'entre nous. «Le carnet n'est pas un objet banal, il a une signification très personnelle. Ce qui se joue avec lui, c'est ce qui se joue avec les livres pour d'autres. C'est un objet qui est plus important que sa simple fonction (le fait d'écrire à l'intérieur): il suffit de le regarder pour qu'il existe, pour qu'il nous rassure. Au fond, c'est presque un doudou. Le tiroir plein de carnets immaculés, c'est l'équivalent de la bibliothèque remplie de livres qu'on n'a jamais lus, ou qu'on ne lira plus jamais.»
«Lorsqu'on n'ose pas commencer à écrire dans un carnet, c'est qu'on ne se sent pas à la hauteur.» Christine Ulivucci, psychanalyste transgénérationnelle
On ne compte plus les personnes qui, comme Diane, achètent compulsivement des carnets mais n'en utilisent qu'une portion congrue. Pour Christine Ulivucci, c'est autant une question d'opinion de soi-même que de rapport au réel: «Lorsqu'on n'ose pas commencer à écrire dans un carnet, c'est qu'on ne se sent pas à la hauteur. C'est comme si, dès le moment où on le démarre, on se confronte à une certaine réalité. On abandonne une forme d'idéal et on rentre dans le réel.»
Ne jamais commencer un carnet ou l'abandonner après quelques pages remplies relève de la même prise de conscience: soudain, on se rend compte que tout ne sera pas aussi parfait que prévu. Les idées couchées sur le papier seront moins singulières qu'espérées, les ratures seront nombreuses, les défauts de nos écritures respectives nous sauteront aux yeux. À titre personnel, avoir arpenté pendant des heures les comptes Instagram dédiés au bullet journal (ce carnet pratique et graphique que chacun·e peut imaginer et remplir à sa guise) m'a laissé des complexes qui ne me quitteront plus.
Pour Christine Ulivucci, qui a publié Ces photos qui nous parlent chez Payot, aborder l'univers des carnets comme on aborde celui des albums photos pourrait nous en apprendre plus sur nous-même que prévu. «Dans les travaux thérapeutiques que je mène, je m'intéresse souvent à ce qui a impulsé le démarrage d'un album photo, mais aussi aux éléments (lieux, personnes, événements) sur lesquels l'album s'arrête.» Des indicateurs qui peuvent s'avérer extrêmement précieux et offrir de nouvelles pistes à explorer dans le cadre de la thérapie.
Reste que les raisons du démarrage ou de l'abandon d'un carnet sont parfois beaucoup plus simples et pragmatiques que cela, précise la psychanalyste: «Le démarrage d'un carnet correspond souvent au début d'une nouvelle période, d'un voyage ou d'une histoire sentimentale. Quand le moment en question est passé, le carnet n'a souvent plus de raison de se prolonger.»
C'est pourtant en se penchant sur ses carnets inachevés, comme autant de moments laissés derrière lui, que Nicolas est peut-être en train de devenir l'auteur qu'il avait toujours rêvé d'être. «À chaque nouvelle phase de ma vie, ou à chaque nouvelle idée de roman, j'avais tendance à commencer un nouveau carnet. Et à chaque fois, au bout d'un nombre de pages plus ou moins important, ledit carnet finissait au fond d'un placard, dans ce que j'ai appelé “le cimetière des projets morts-nés”.»
Pourtant, un beau jour («en fait non, c'était un jour de grosse déprime»), Nicolas a exhumé sa cinquantaine de carnets inachevés et les a tous relus. «Ça a fait tilt. Le puzzle s'est assemblé devant moi, presque sans effort. J'ai compris que j'avais eu tort de dissocier chacune de ces histoires, qu'il s'agisse de celles que j'avais vécues ou de celles que j'avais inventées. Et je me suis mis à écrire, cette fois sur ordinateur.» Après huit mois de travail et quelques refus, Nicolas a fini par être contacté par deux maisons d'édition. «Ça traîne un peu avec le Covid, mais je dois bientôt avoir un rendez-vous avec l'un d'entre eux. Si je finis par être publié, je pourrai réellement me dire que c'est grâce à la somme de tous ces carnets... D'une manière ou d'une autre, il faudra que ça me serve pour l'écriture du prochain livre.»
«Les personnes qui possèdent autant de carnets éprouvent une réelle nécessité de poser leur parole quelque part, explique Christine Ulivucci. C'est, dans de nombreux cas, une façon de pallier l'absence de travail thérapeutique.» Est-ce à dire que les collectionneurs et collectionneuses de carnets, qu'ils soient complètement remplis ou non, devraient se demander s'il ne leur faudrait pas démarrer une analyse? «C'est tout à fait possible. Le carnet ne peut pas faire éternellement fonction de tiers.»
1 — Et la seule, je crois.
Laurent Sagalovitsch — 17 juin 2020 à 10h02
[BLOG You Will Never Hate Alone] Quelle figure historique peut prétendre avoir mené une vie en tout point irréprochable?
J'ai beau avoir décroché mon bac avec mention, hier encore, j'ignorais qui était vraiment Colbert. Je le voyais comme un grand commis de l'État dont le magistère avait dû s'exercer quelque part entre le XVe et le XVIIIe siècle et c'est à peu près tout. Probablement comme le plus mécréant des ignorants suis-je déjà passé devant sa statue sans même le savoir. Aurais-je pris le temps de lire son nom que je n'aurais pas été plus avancé. «Tiens, ce brave homme perché sur ce socle d'airain est donc Colbert», me serais-je dit avant d'attraper mon bus. Et l'affaire en serait restée là.
Aujourd'hui, grâce aux manifestations de la semaine dernière, j'en sais un peu plus sur lui, notamment qu'il fut à l'origine du Code noir, lequel régissait le sort des esclaves aux siècles passés. Ce qui n'est pas bien, pas bien du tout. Vilain monsieur que ce Colbert. La prochaine fois, je ne manquerai pas de m'en aller lui tirer les oreilles et de lui dire ma façon de penser. Du moins si sa statue est toujours en place.
En soi, je n'ai rien contre le fait de déboulonner des statues, sauf qu'il faudrait les déboulonner toutes. Si Colbert a le droit à cet honneur, je ne vois pas pourquoi Voltaire ne connaîtrait pas le même sort tant ce dernier tenait en piètre estime –c'est peu de le dire– et les Noirs et les Juifs. Et quand on se sera débarrassé de l'auteur de Candide, on passera au suivant, à Rousseau qui abandonna ses enfants à l'hôpital public, à Jules Ferry, ce théoricien du colonialisme, à Napoléon qui ensanglanta toute l'Europe avec ses conquêtes meurtrières, à Hugo, l'amateur de chair fraîche, à l'Abbé Pierre, ce révisionniste qui s'ignorait, à tous ces grands hommes ou prétendus tels dont nul ne saurait résister à un examen rétrospectif de leurs actes et de leurs gestes.
Personne n'en réchappera. Ce sera un massacre absolu. Une vendetta sans retour. Qui peut imaginer un homme ou une femme ayant eu tout au long de son existence un comportement en tout point admirable dans sa vie publique comme dans sa sphère privée? Qui jamais n'aura écrit ou dit une parole offensante? Dont la vie aura été une suite interrompue d'éclairs de bravoure, une existence sans vice et sans travers, sans manquements ni petitesse, si linéaire et si grandiose qu'elle aurait comme quelque chose d'irréel, d'effrayant même?
Les individus sont les produits de leur époque, lesquelles charrient tout leur lot d'ignominies qui nous apparaissent comme telles une fois passées par le moulinet du temps. L'antisémitisme ou l'antijudaïsme de Voltaire ne peut être comparé à celui d'un Paul Morand ou d'un Céline qui même après l'Holocauste continuèrent à vilipender «la race juive». Le raciste de nos jours qui continuerait à louer les mérites de l'esclavage sera jugé bien plus sévèrement que celui qui présida à sa naissance même si les deux comportements sont tout aussi condamnables. Le colonisateur des époques reculées aura le droit à une certaine mansuétude, laquelle sera absente pour juger celui de l'époque moderne.
Un esprit aussi éclairé fut-il ne peut pas s'extraire des conditions qui donnèrent naissance à sa pensée. Nous sommes tous prisonniers de notre temps, nous voyons le monde comme il se présente sans qu'il nous soit possible de dire combien, sur certaines problématiques, il nous entraîne à nous comporter d'une manière qui avec l'accumulation des années apparaîtra aux générations futures comme tout à fait scandaleuse ou inappropriée.
Nous-mêmes qui passons notre temps à donner des leçons de morale, sans même que nous en ayons conscience, avons des attitudes, des pensées, des conduites qui un jour prochain ne manqueront pas d'indigner nos cadets, lesquels seront prompts à nous juger avant d'être à leur tour l'objet des remontrances de leur descendance et ainsi de suite comme une invariable qui régirait nos existences humaines.
Les héros n'existent pas, ce sont des créatures rencontrées seulement dans les livres d'enfants. Par nature, à des degrés divers, nous sommes tous coupables. Nous avons tous nos défauts, nos étroitesses, nos égoïsmes, nos lâchetés, nos rancœurs, nos jalousies mesquines, nos outrances, nos bêtises. Prétendre le contraire serait s'extraire de la condition humaine pour épouser un destin divin. Et encore, à bien des égards, même les dieux sont imparfaits!
L'histoire humaine n'est pas figée. Ses canons changent selon les humeurs des siècles. Les progrès scientifiques ne cessent de redistribuer les cartes et ce qui hier encore était pris pour une vérité éternelle sera démenti par l'apparition de nouvelles connaissances qui seront autant de désaveux pour les croyances d'antan.
D'une certaine manière, le temps passe son temps à se contredire, à dire tout et son contraire, à se renier, riant de nous autres qui sommes assez naïfs pour vanter la qualité de nos jugements comme immuables. C'est ainsi qu'autrefois dans les sanatoriums, on ne trouvait rien à redire aux malades qui fumaient! Il suffit de lire ou de relire La Montagne magique de Thomas Mann pour s'en convaincre.
Il est vrai que le cœur humain, lui, ne change pas et c'est probablement dans ce domaine que notre vigilance doit être de mise. Celui qui dans l'exercice de son pouvoir manifesta vis-à-vis d'autrui une haine viscérale à rebours des avancements de la science ou de la morale propres à son temps, celui qui au-delà des contingences de son époque, proclama la supériorité d'une peuplade sur une autre, celui dont l'incandescence de la pensée déboucha sur le massacre d'innocents, celui qui consacra toute sa vie à se répandre en considérations oiseuses au point d'en faire la matrice de son existence, celui-là ne saurait mériter de figurer dans l'espace public; sa place est dans le caniveau de l'histoire.
Colbert répond-il à cette définition?
Vu ma connaissance du bonhomme, il ne m'appartient pas d'en juger.
Quel courage que le mien!
«Autant en emporte le vent», ce n'est pas juste une idéalisation de l'esclavage. C'est également une histoire de résilience, de sexe et de courage.
Il est probablement utopiste de penser réconcilier les deux camps qui aujourd'hui s'affrontent autour de la décision de HBO de retirer momentanément le film Autant en emporte le vent de sa plateforme, le temps de le «recontextualiser», et de celle de Warner Bros de déprogrammer sa projection au Grand Rex.
La seule chose que l'on puisse affirmer, c'est que cette œuvre littéraire est l'une des plus connues au monde, non seulement parce que les chiffres le disent (elle a été vendue à des millions d'exemplaires, traduite dans des dizaines de langues –une nouvelle traduction vient juste de sortir en français–, et en 2014, les Américain·es la citaient au deuxième rang de leur livre préféré, après la Bible. Pour la petite histoire, lors de sa publication en 1936, Margaret Mitchell avait dit: «J'espère qu'ils en vendront 5.000 exemplaires. Pour rentrer dans leurs frais»), mais aussi au vu du grand nombre de personnes qui ont un avis sur l'histoire que ce roman raconte.
Qui a lu et/ou vu Autant en emporte le vent vous dira que c'est l'histoire de Scarlett O'Hara (au départ, Margaret Mitchell l'avait appelée Pansy, ce qui avait beaucoup moins de gueule, admettez), jolie Sudiste de 16 ans qui voit son destin bousculé 1) par son amour impossible pour le fadasse Ashley Wilkes 2) par la découverte tardive qu'elle a un cœur et qu'elle peut aimer cette gourde de Melanie et ce tombeur de Rhett Butler 3) par la guerre de Sécession, la fin du monde qu'elle a toujours connu, la mort de ses parents 4) par la découverte qu'en couchant avec les bonnes personnes, tout devient possible.
Loin d'être l'histoire d'amour cucul la praline à laquelle elle est trop souvent réduite, Autant en emporte le vent est en réalité une fresque historique majeure, qui décrit pour la première fois –et c'est encore assez rare– l'histoire du côté des vaincus.
Margaret Mitchell «se souvenait d'avoir entendu, enfant, de nombreuses histoires de batailles héroïques, sur le courage des Sudistes et la traîtrise des Yankees, et sur la vie dans le Sud avant, pendant et juste après la guerre. Ce ne fut qu'à l'âge de 10 ans, plaisantait-elle, qu'elle se rendit compte que le Sud avait perdu», rappelle Cass R. Sunstein dans un excellent article publié en 2015 dans The Atlantic.
Mais c'est aussi, et peut-être surtout, une histoire de femmes. Celle de Scarlett bien entendu –on y reviendra–, mais aussi celle de Melanie, cruche hyper-patriote et d'une loyauté sans faille, tant à la «cause» qu'à la perfide Scarlett.
Mère courage et victime qui perd son frère à la guerre, voit son mari partir et son monde s'écrouler, comme la majorité des femmes de cette époque, Melanie est un symbole de la vie d'avant, de celles qui ne survivent pas à la catastrophe, à l'image des femmes d'Atlanta qui passent leur temps à médire sur Scarlett parce qu'elle s'adapte pour survivre –ce dont elles sont bien incapables.
C'est aussi, brièvement, l'histoire de Belle Watling, prostituée au grand cœur, dans les bras de qui Rhett se console quand Scarlett fait trop la peste et qui insiste pour que les vertueuses femmes sudistes qu'elle révulse prennent son argent sentant la luxure pour aider l'hôpital.
C'est l'histoire de Mama, la nounou noire de Scarlett, sa deuxième mère, femme roc, indéfectible et consentante, toujours prête à la ramasser quand elle tombe et la seule à exercer une quelconque autorité sur sa maîtresse, et de Prissy, la petite esclave insupportable du film qui se voit menacée d'être vendue par une Scarlett hystérique pendant le siège d'Atlanta, alors que Melanie est en train d'accoucher.
Toutes ces femmes se prennent en pleine face ce que l'histoire des hommes a inventé de pire: la guerre, et s'en sortent plus ou moins bien. À une époque où les femmes blanches de cette société sudiste qui se voulait aristocratique servaient uniquement d'objet de décoration et de reproduction et où les Noires étaient des machines à servir leurs maîtres et leurs maîtresses, elles n'avaient d'autre choix que d'être des victimes à la merci de ce que les hommes pourraient ou voudraient faire d'elles.
Mais pas Scarlett. Au début de l'histoire, elle a 16 ans, elle n'est bonne à rien et c'est une ado obnubilée par celui qu'elle prend pour l'homme de sa vie et qui servira de fil conducteur à toute l'histoire. Au moment où la guerre est déclarée, elle épouse le frère de Melanie par dépit, parce que que peut-elle faire d'autre pour se rapprocher et se venger d'Ashley (qui devient ainsi son beau-frère)? Le mariage, objectif et finalité des femmes de son monde, devient soudain un instrument. Et ça marche.
De ce premier mariage éclair («Deux semaines plus tard, Scarlett était mariée, deux mois plus tard, elle était veuve»), Scarlett gagne, bien sûr, un enfant, «à son grand désarroi». Elle en aura un deuxième, une fille, quasiment invisible, lorsqu'elle convolera pour la deuxième fois, par intérêt, avec le fiancé de sa sœur.
Car si Scarlett, jeune fille, flirtait, une fois la guerre arrivée, lorsqu'elle constate qu'elle a presque tout perdu et que personne ne pourra l'aider, elle décide de se servir de la seule arme qu'elle a à sa disposition pour ne pas perdre ce qui lui reste et parce qu'elle doit subvenir aux besoins de sa famille: son corps.
Elle tente d'abord de se prostituer en vendant ses charmes à Rhett Butler, et la tentative ayant échoué, elle épouse un homme qui a une bonne situation et de l'argent, dont elle pourra se servir pour payer ses impôts, conserver sa maison et nourrir les siens.
Scarlett sera la cause indirecte de son second veuvage, ce que ne manque pas de lui reprocher son entourage: si elle a été agressée dans un bidonville près d'Atlanta, c'est qu'elle a osé le traverser seule, ce qu'une femme bien ne doit pas faire, en plus pour aller travailler (et allez savoir comment elle était habillée); son mari était bien obligé de la venger, ce qui lui sera fatal (et pourtant, Scarlett n'en demandait pas tant).
Car en plus elle travaille (un comble), et elle s'occupe si peu de ses enfants qu'ils ne sont même pas mentionnés dans le film. La seule fibre maternelle qu'on lui connaîtra sera éveillée par la petite Bonnie, qui meurt en bas âge –ce qui n'arrangera pas les affaires de son couple.
Scarlett est dans l'ensemble une mauvaise mère pour ses enfants non voulus, et c'est une garce: elle s'exhibe, elle flirte, elle vole les fiancés des autres (deux fois!), elle travaille au lieu de se résoudre à rester dans la misère, elle roule des pelles à son beau-frère et lui propose de s'enfuir avec elle, elle épouse un homme infréquentable en partie pour son argent (bien sûr, nous, on a compris qu'elle l'aimait, dans le fond, mais c'est une mule, cette fille), et au passage, elle tue un homme et l'enterre au fond du jardin.
Si malgré l'idéalisation de l'esclavage et les relents de glorification du Sud confédéré de ce roman, l'histoire de Scarlett a touché tant de gens, tant de filles et tant de femmes, c'est parce que cette jolie putain qui ne cesse jamais de se battre pour ne pas tout perdre et qui refuse de se laisser soumettre, c'est avant tout la survivante que nous voudrions toutes être.
C'est là un des grands rôles de la littérature: construire et offrir des personnages qui nous inspirent et nous font espérer que nous aussi, nous pouvons traverser les pires situations et avoir suffisamment de résilience et de force pour nous en sortir.
Car le choix qui est offert à Scarlett, c'est soit rester à sa place, perdre sa maison, voir sa famille crever de faim dans la dignité (et se faire violer par l'épouvantable Yankee qu'elle va trucider) mais rester ancrée dans le respect des traditions de son époque et de sa caste, soit envoyer valser la crinoline, serrer les dents et les fesses et faire ce qu'il faut bien faire, à la guerre comme à la guerre: une robe dans des rideaux et un passage obligé dans le lit d'hommes qu'elle méprise, parce que dans son monde, il n'y a pas de juste milieu.
Et il en faut, du courage, dans une fiction comme dans la vie, pour braver la morale, agir en faisant fi de toutes les conventions et décider de ne pas mourir. Quand elle revient à Atlanta en pleine reconstruction, elle n'en croit pas ses yeux: «“Ils t'ont brûlée”, pensa-t-elle, “et ils t'ont laissée pour morte. Mais ils ne t'ont pas vaincue. Ils ne pouvaient pas te vaincre. Tu te reconstruiras, aussi grande et aussi insolente qu'autrefois!”» On n'est pas trop sûr de savoir si c'est d'elle dont elle parle, ou bien de la ville.
Alors on peut taxer Autant en emporte le vent de racisme, en confondant fiction et documentaire, en choisissant d'oublier qu'il fut écrit par une femme née trente-cinq ans après le cataclysme qui bouleversa sa famille (son grand-père paternel fut blessé pendant la guerre de Sécession) et l'histoire de sa région, qui en portait encore des stigmates visibles, et brûler l'héritage, mais ce serait cracher sur ce qu'est avant tout le chef-d'œuvre de Margaret Mitchell: un modèle pour des millions de femmes qui à travers la vie de Scarlett ont espéré ou espèreront encore que quelles que soient les circonstances et quelles que soient, parfois, les pauvres armes qu'on leur laisse, demain sera un autre jour.
“Autant en emporte le vent” est probablement le plus grand film de l’histoire du cinéma. Il appartient à la grande tradition des films humanistes dont les héros sont des individus naufragés dans un monde en voie de destruction et qui font survivre une certaine idée de la nature humaine.
La résistance aux coups du destin, le refus d’allégeance au malheur et la fantastique énergie vitale capable de se déployer du fond du désespoir pour nous faire renaître de nos cendres.
C’est un film d’amour avec le couple le plus glamour de l’histoire d’Hollywood qui a fait rêver des millions de personnes en leur donnant de la force et de l’espérance. C’est un film d’adulte, précision importante, pour un cinéma aujourd’hui dédié aux adolescents.
L’annulation de la projection de “Autant en emporte le vent” au Grand Rex sur demande de la Warner Bros est une nouvelle illustration du courant de décérébration qui s’est emparé de notre société.
La barque qui circule sur ce fleuve qui accélère son cours depuis une décade s’appelle la nouvelle morale.
Nous nous retrouvons tous, qu’on le veuille ou non, entassés sur ce nouveau véhicule. Le rythme s’accélère et nous n’avons que très peu de moyens de freiner l’évolution exponentielle du phénomène.
“Autant en emporte le vent” est raciste comme “La chevauchée fantastique” l’est. Comme tous les westerns le sont dès qu’ils mettent en scène un sauvage indien massacré par un cow-boy civilisé. Excluons donc les westerns de nos collections cinéma.
Excluons tous les films qui donnent de l’histoire une vision biaisée, intolérante, manichéenne.
Excluons en réalité tous les auteurs qui ont un regard.
Nous sommes dans le monde de la “doxa”, de l’opinion collective qui installe ses œillères mentales, par petites touches quotidiennes dont nous n’avons pas toujours conscience.
Il y a aujourd’hui un axe du bien imposé dans notre culture que vous avez plutôt intérêt à respecter si vous voulez survivre. L’art est aujourd’hui, comme le reste de notre société sous haute surveillance.
Ne prenez pas de liberté avec les grands sujets sacrés et fédérateurs: l’écologie, la famille, le handicap, le multiculturalisme. Vous risquez de graves déconvenues.
Les films sans gluten sont la règle aujourd’hui, dénués de toute molécule allergisante.
La critique s’est médicalisée. On ne critique plus, on aseptise. La plupart des films d’aujourd’hui sont sous antibiotiques pour éviter la virulence. Attention aux résistances…
Excluons! puisque nous sommes aujourd’hui des modèles de perfection morale et que nous avons fait amende honorable de toutes nos erreurs passées. Excluons et voyons ce qui restera de la culture.
“On ne critique plus, on aseptise”
On parle d’un film américain mais il ne faut pas s’arrêter là. Un coup d’œil sur notre patrimoine et nous verrons que les œuvres les plus innocentes sont farcies de sectarisme.
Pourquoi ne pas considérer que la trilogie de Marcel Pagnol, Marius Fanny César, constitue une grave atteinte aux droits des marseillais. Car quel marseillais aujourd’hui peut se reconnaître dans l’image qui lui est donnée de lui-même, de joueur de belote alcoolisé au pastis, tricheur, menteur et totalement centré sur son petit monde, indifférent au sort du moindre quidam né à plus de quarante mètres du vieux port.
Je lis dans Le Parisien (article abonnés, NDLR) du samedi 13 juin 2020 que des soi-disants historiens mettent sur un plan comparable “Autant en emporte le vent” et “Mein Kampf” et jugent nécessaires d’imposer un avertissement préalable au visionnage ou à la lecture.
Comme quoi la connerie est souvent diplômée.
J’y vois deux points à souligner:
Le mépris complet pour l’intelligence moyenne du public qui accéderait à une révélation inespérée grâce à l’avertissement d’une phrase de prévention ouvrant les œuvres sulfureuses.
Faudra-t-il passer toutes les œuvres au tribunal de la nouvelle inquisition ?Pensons aux films qui nous resterons, ceux qui auront le label “bonne moralité”. Les films lèche-culs, bien pensants, bien propres qui s’engraissent des millions d’entrée de spectateurs frileux mais contents d’être rassurés dans les salles sur une société qui leur est montrée comme elle est dans la vie, bien gentille, aimable, ouverte, hospitalière.
Tout cela rappelle quand même une époque particulièrement sombre pour le cinéma et pourrait bien initier un nouveau maccarthysme à la sauce européenne.
Naissance de la nouvelle censure à costume de tolérance et de bonne moralité. Censure propre.
Tiens, pour les historiens révisionnistes d’Hollywood, je rappelle que c’est grâce à “Autant emporte le vent” que le premier oscar pour un acteur noir a été attribué (Hattie mc Daniel) et que Hollywood a commencé à entrouvrir ses portes à la diversité.
Les redresseurs de tort ont donc bien raison d’interdire le visionnage de cette œuvre qui a participé à l’évolution de la société mixte.
Le thème du film était la fin d’une époque.
Il faudra consacrer quelques mètres de pellicule à la fin du cinéma, la fin d’un temps d’expression libre, où l’humanisme de surface ne suffisait pas.
Du conformisme, des leçons de conduite, de la médiocrité, voilà ce qui restera. Autant en emportent les cons.
Sophie Eustache écrit dans la presse professionnelle, syndicale et généraliste. Syndiquée au SNT-CGT, elle a aussi créé l’association "Journalistes debout" en 2016. Elle fait paraître aux éditions Amsterdam "Bâtonner, Comment l’argent détruit le journalisme", réquisitoire contre un "journalisme de marché".
Marianne : Que signifie "bâtonner" ?
Sophie Eustache : Le "bâtonnage" est une pratique journalistique apparue dans les services web quand il a fallu "produire du contenu", c’est-à-dire écrire le plus d’articles possibles, pour contenter les algorithmes. C’est du copier/coller amélioré, souvent de dépêches mais aussi d’articles de journaux. Le temps d’écriture est environ de 30 minutes pour pouvoir publier un article toutes les heures en moyenne. C’est donc du travail qui se fait à la chaîne. La quantité prime la qualité.
En quoi le "deskeur", celui qui "bâtonne" à son bureau, est-il typique du journalisme contemporain ?
Le travail au desk a poussé à bout la logique de concurrence mimétique, bien antérieure à Internet. Grâce aux algorithmes des réseaux sociaux, les audiences sont mesurées bien plus précisément qu’auparavant. On peut même anticiper le nombre de clics que va avoir un article avant de l’écrire ! 64% des informations sur les sites généralistes d’information, d’après l’économiste des médias Julia Cagé, sont du copier/coller.
Internet aurait pu être un outil émancipateur pour les journalistes, mais en réalité, c’est une désillusion
Vous écrivez que Google est devenu le rédacteur en chef, en particulier dans les services web des journaux. Quels furent les dommages d’Internet pour le journalisme ?
Internet aurait pu être un outil émancipateur pour les journalistes, mais en réalité, c’est une désillusion. Des pratiques comme le bâtonnage ont déqualifié le métier. Faire du copier/coller sans avoir le temps de faire des sujets originaux, d’enquêter, d’aller à la source de l’information et de réfléchir à sa propre pratique, ressemble à de l’automatisation du travail. C’est une perte de sens. L’idée qui sous-tend la production de contenus dans les médias privés, c’est d’engranger des revenus publicitaires. Les sujets sont choisis en fonction des potentiels d’audience. Il y a des magazines et des projets éditoriaux qui se créent uniquement parce que les commerciaux ont repéré un marché publicitaire… c’est le cas notamment de certains magazines lifestyle ou santé grand public.
Pourquoi écrivez-vous que les frontières entre journalisme, communication et publicité sont de plus en plus poreuses ?
C’est également lié aux outils marketing. Ils permettent non seulement d’avoir une fine connaissance des audiences mais aussi de collecter des données personnelles pour pouvoir mener des campagnes publicitaires ciblées. En rachetant Doctissimo, TF1 a mis la main sur une immense base de données qu’il peut vendre aux annonceurs. Dans l’entreprise dans laquelle je travaillais, les dossiers qui faisaient la une chaque mois étaient fixés par le service commercial. Il commençait à vendre les encarts publicitaires avant même l’écriture des articles ! Je parle également dans le livre des live media. Des médias, comme la Tribune, sponsorisent des événements dans lesquels leurs clients ont la parole autour de tables rondes animées par des journalistes de la rédaction. Ces derniers doivent poser les questions qui conviennent …
Le temps d’écriture est environ de 30 minutes pour pouvoir publier un article toutes les heures en moyenne. C’est donc du travail qui se fait à la chaîne. La quantité prime la qualité.
Vous évoquez aussi dans votre ouvrage la concentration des médias. Quels intérêts industriels cela cache-t-il ?
La plupart de ceux qui investissent dans les médias ont des activités qui dépendent des commandes ou de la régulation de l’Etat, c’est le cas de l’industrie BTP de Martin Bouygues ou des opérateurs de téléphonie mobile (Xavier Niel, propriétaire du Monde et patron de Free par exemple). Avoir un journal est un outil d’influence, même symbolique, pour peser sur les pouvoirs publics. Patrick Drahi arrive, lui, à faire de l’optimisation fiscale. Comme Libération est déficitaire, en vertu du dispositif du compte consolidé, le résultat total de son groupe baisse ainsi que le montant des impôts à payer. Avec SFR Presse, il fait appliquer la TVA de la presse sur une partie de ses abonnements. Ce qui permet encore d’économiser quelques millions ! Acheter un média permet aussi de tirer sur les concurrents par colonnes ou tribunes interposées.
Diriez-vous que le journaliste est dépossédé de son travail ?
C’est surtout vrai pour le "deskeur" : copier/coller n’a rien d’artisanal ! Dans les services web, la disparition des rubriques a dépossédé les journalistes de leur expertise. Avec la crise sanitaire actuelle, on s’aperçoit que les rédactions manquent cruellement de journalistes scientifiques. Les pigistes, eux, sont la variable d’ajustement. Ils sont plutôt dépossédés au sens où ils ont peu de contrôle sur leurs moyens d’existence. Avec le coronavirus, c’est encore pire. Beaucoup de pigistes, spécialement dans le domaine du sport et de la culture, se retrouvent sans travail à cause d’entreprises qui leur refusent le chômage partiel. Ils y ont pourtant droit s’ils sont des pigistes réguliers. Ils sont salariés au même titre que les journalistes postés. Pour les pigistes comme pour les deskeurs, les titres sont aussi souvent modifiés sans leur autorisation afin d’être plus racoleurs. Beaucoup de correspondants à l’étranger se plaignent de cette pratique qui les met parfois en danger sur le terrain.
Est-ce qu’on peut résumer les choses ainsi : un journaliste doit choisir entre bien faire son travail et être payé correctement, sauf s’il a beaucoup de "piston" ?
On peut le résumer ainsi, encore que les "pistons" ne soient pas toujours suffisants. Ceux qui ont des ressources financières, je pense notamment aux pigistes qui ont le soutien familial, arrivent encore à pratiquer leur métier plus sereinement. Si on ajoute à cela le coût des écoles de journalisme, on comprend pourquoi il y a une augmentation de la part des personnes issues de la bourgeoisie parmi les journalistes. Cela a une conséquence sur le traitement de l’information, notamment des mouvements sociaux.
Il y a une responsabilité collective, donc aussi des journalistes
Que faudrait-il faire pour donner du temps aux journalistes et les sortir de la précarité ?
Julia Cagé a développé un modèle de société de média à but non lucratif, dans lequel les journaux seraient possédés par une multitude de petits actionnaires. Son principe : mieux vaut mille petits actionnaires qu’un seul ! Le Monde diplomatique a aussi avancé un ‘projet pour une presse libre’ qui consiste à financer l’information sur le modèle de la cotisation, donc à partir de salaire socialisé, ce qui remplacerait les aides à la presse. La presse d’intérêt général pourrait en bénéficier, à condition d’être à but non lucratif et de proscrire la publicité. Un service commun fournirait, lui, les moyens techniques aux journaux (diffusion, imprimerie, recherche et développement). Enfin, on peut citer les propositions du syndicat SNJ-CGT : durcissement des lois anti-concentration des médias, suppression des aides à la presse pour les employeurs qui ne respectent pas le droit du travail (et ils sont nombreux, notamment pour les pigistes !), attribution prioritaire de ces aides pour la presse indépendante, reconnaissance de l’indépendance juridique des rédactions …
Quelle est la part de responsabilité des journalistes eux-mêmes et sont-ils prêts à changer les choses ?
Il y a une responsabilité collective, donc aussi des journalistes. La plupart d’entre eux sont apathiques à cause de la précarité mais aussi parce qu’ils ont tendance à valoriser certaines contraintes, comme l’urgence. Les journalistes sont à peine plus syndiqués que la moyenne nationale car ils sont nombreux à avoir intériorisé le discours anti-syndical que relaient les médias dominants, ce qui n’aide pas non plus à mobiliser. Pour toutes ces raisons, je suis assez pessimiste pour l’avenir proche. Mais il y a bien un moment où il faudra changer radicalement de modèle.
Cette communauté vit en marge du mode sédentaire du reste de l'Irlande où elle subit rejet et discriminations au point que ses membres doivent parfois cacher leur identité.
«Le taux de suicide est important, en grande partie à cause du racisme que nous subissons», constate Sindy Joyce, première doctorante Traveller d'Irlande.
«Dans les années 1960, nous étions perçus comme une communauté sédentaire déviante», raconte Michael McDonnell, un quinquagénaire à la barbe fournie. Membre du Meath Travellers Workshop, il propose à l'ensemble des écolièr·es de l'île des programmes d'enseignement de l'histoire, de la culture et de la langue des Travellers, le shelta. Il fait partie des 0,7% d'Irlandais·es qui appartiennent à la communauté des Travellers («voyageurs» en anglais).
Ce groupe minoritaire a longtemps été oublié des livres d'histoire. La majorité des universitaires affirmaient que leurs particularismes, parmi lesquels le nomadisme, dataient de la famine de 1845 et n'étaient donc pas assez anciens pour être reconnus dans la culture du pays. Il y a soixante ans, «le gouvernement parlait de ré-assimilation, se rappelle Michael McDonnell. Des terrains communaux étaient mis à disposition pour que nous nous sédentarisations».
Michael McDonnell apprend les traditions nomades des Travellers aux enfants de plusieurs écoles irlandaises venus à l'université de Galway accompagnés de leurs professeur·es à l'occasion de l'«Ethnecity Day».
Les Travellers se sont en réalité détaché·es volontairement du reste de la population irlandaise dans les années 1600 pour mener une vie de nomades essentiellement dans les îles britanniques. Le Royal College of Surgeons d'Irlande a prouvé en 2017 l'inexactitude des hypothèses qui assuraient que les Travellers descendaient d'autres populations, comme les Roms ou les gitans.
La même année, l'État les a officiellement reconnus en tant que minorité ethnique, ce qui contribue à leur garantir un «avenir meilleur avec moins de négativité, d'exclusion et de marginalisation», selon le ministre de la Défense de l'époque, Enda Kenny. Le 1er mars 2017 est depuis célébré sous le nom de «l'Ethnicity Day». En cet hiver 2020, l'université de Galway, l'établissement d'étude supérieure qui accueille le plus d'étudiant·es Travellers, a choisi de fêter ce jour de manière retentissante.
Conférences, cours d'histoire et présentation de la culture des Travellers sont au programme. Entouré d'une caravane de voyage en bois multicolore, d'un feu de camp et de bottes de foin, Tom McDonnell martèle l'étain pour le transformer en récipients. Ce métier autrefois courant chez les Travellers –et qui leur a valu le surnom péjoratif de «tinkers» («travailleurs de l'étain»)–, n'est désormais exercé que par deux personnes. L'élevage de chevaux et la main-d'œuvre saisonnière façonnaient également la vie anciennement nomade des Travellers. Désormais, 78,6% d'entre elles et eux habitent la ville.
Tom McDonnell transforme l'étain en tasses, bols ou carafes, un savoir-faire ancestral est intrinsèque à la culture des Travellers.
«Dites-moi, comment surnommez-vous les Travellers?», harangue Michael McDonnell devant une classe de lycéen·nes qui visitent l'exposition. «Allez-y, n'ayez pas peur!», les invite-t-il. «Knackerman» («tueurs d'animaux»), «alcoholics» («alcooliques»), «Pikey» (un terme qui désigne la classe basse d'un pays)... Les insultes fusent de manière embarrassée, sous le regard de la sénatrice indépendante Alice Mary Higgins. «Les Travellers sont perçus par le reste de la population de manière négative», explique-t-elle.
«Nous sommes perçus comme violents, dangereux et alcooliques», décrit Patrick McDonagh, un Traveller de 23 ans qui poursuit des études d'histoire médiévale à l'université de Trinity (Dublin). Ces préjugés sont véhiculés par des émissions de télé-réalité telles que Big Fat Gypsy Weddings et la presse. «Beaucoup de gens n'ont jamais rencontré de Travellers, ni vécu à côté d'eux. Pourtant, ils ne veulent pas de nous comme voisins parce qu'ils regardent les informations à la télévision et elles sont toujours négatives», explique Patrick Reilly, membre de Pavee Point, une association qui défend les droits des gens du voyage en Irlande.
Les Travellers parlent avec un accent particulier qui les distingue du reste de la population, tout comme le font leurs noms de famille. «Avec mon mari, nous cherchions un endroit pour manger et boire à Dublin, mais dès que nous entrions quelque part, l'entrée nous était refusée», se souvient Géraldine McDonnell, une Traveller d'une vingtaine d'années qui lutte contre les discriminations avec Pavee Point. Elle a également dû utiliser un autre patronyme que le sien pour réserver un lotissement de camping: «Ils nous refusaient, car trop de membres de ma famille avaient réservé dans cet endroit.»
Geraldine McDonnell et Patrick Reilly sont membres de Pavee Point, un organisme qui lutte contre les préjugés dont sont victimes les gens du voyage en Irlande.
Ces discriminations incessantes poussent certain·es Travellers à masquer leur identité. «Lors d'un événement, une serveuse me parlait avec ce que l'on pourrait appeler un accent normal de Dublin. Quand son manager est parti, elle s'est mise à me parler avec un accent qui ressemblait au mien. Elle m'a dit: “Écoute, je suis une Traveller et je ne veux pas leur dire.” Elle avait peur. Elle cachait son identité, de peur de perdre son travail», raconte Géraldine McDonnell, révoltée. Sur les 30.000 Travellers qui vivent en Irlande, 80% sont sans emploi.
«Un salon funéraire a refusé de prendre en charge un enfant de 14 ans parce qu'il était Traveller», se remémore Sindy Joyce, première doctorante Traveller d'Irlande. Cette affaire, portée devant le tribunal de l'égalité, a fait grand bruit en 2014. Le funérarium de Michael Ryan a été condamné à verser 6.384 euros à la famille de l'enfant décédé.
Dans la communauté, 82% des Travellers ont connu un suicide dans leur entourage. «Le taux de suicide est important, en grande partie à cause du racisme que nous subissons», constate Sindy Joyce. Alors qu'elle était en première année de licence, le frère de cette imposante trentenaire au regard triste s'est donné la mort. «Quand tu vis une vie comme la nôtre, tu commences à perdre espoir et c'est comme ça que la dépression commence», déclare-t-elle avec fermeté.
Parmi les Travellers, 56% affirment que leurs activités quotidiennes sont restreintes à cause de leur mauvaise santé mentale et physique. «Il est difficile pour un Traveller de trouver un médecin généraliste, explique Caoimhe McCabe, employée de Pavee Point. Ils affirment être complets, mais on ne sait jamais s'ils le sont réellement ou s'il s'agit de discrimination.»
«Les Travellers n'ont pas les moyens financiers d'aller voir un médecin ou de s'inscrire dans une structure pour faire une activité physique», ajoute Tara Curran, employée de la fondation Irish Heart qui met en place des programmes spécifiques pour les aider. Un fort taux d'illettrisme les empêche également d'avoir accès à la carte médicale, car «cela peut être intimidant pour eux de faire les papiers administratifs».
Seulement 8% des Travellers ont étudié jusqu'au «Leaving Certificate Level» –l'équivalent du baccalauréat– contre 73% pour le reste de la population. «Il y a quelques années, les parents ne poussaient pas leurs enfants à poursuivre des études, se souvient Cliona Ward, membre de la communauté du voyage irlandaise. Mais les choses changent!» Même si son fils Tom affirme que «[sa] directrice [le] déteste», elle l'oblige à poursuivre ses études.
«L'école est difficile pour eux, car ils n'ont pas l'habitude de rester assis à écouter un professeur et leurs parents, souvent illettrés, ne peuvent pas les aider à faire leurs devoirs», indique Jason Byrne qui s'occupe de la liaison entre les familles et les professeur·es à l'école Scoil Chroi Iosa de Galway. «Les Travellers ne sont que deux ou trois par école. Ils se sentent incompris et rejetés.»
Le nombre de Travellers poursuivant des études supérieures a augmenté de 88% entre 2011 et 2016. «Il y a dix ans, j'étais le seul de ma communauté sur le campus, témoigne Owen Ward, un Traveller qui a poursuivi une licence au sein de l'université de Galway. Désormais, nous sommes une vingtaine.»
Owen Ward est à l'initiative de l'événement organisé par l'université de Galway pour promouvoir la culture ancestrale des Travellers.
Les modèles d'excellence et d'inspiration issus de la communauté des Travellers se multiplient. En témoigne l'arrivée de Ian McDonagh sur le campus de Galway. Cet étudiant de 17 ans a remporté deux concours scientifiques nationaux. Il est une véritable célébrité auprès des jeunes. À l'image de Francis Barrett, un boxeur professionnel qui a représenté l'Irlande aux Jeux Olympiques de 1996, il montre sous un meilleur jour cette communauté persécutée au sein de son propre pays.