Historiquement, le phénomène des chambrées (« cambradas » en occitan provençal) puis des cercles s’est étendu à l’ensemble du bassin méditerranéen. On le retrouve aussi dans les Landes et à Paris. Dans le Var, il a été présent dans de nombreuses communes (comme tout près de chez moi, à La Cadière-d’Azur et à La Valette). En 2016, le réseau intercommunal « Pays d’Art et d’Histoire de la Provence Verte » a publié une excellente brochure sur le patrimoine républicain présent sur son territoire (39 communes du nord-ouest du Var). La première partie de la brochure est consacrée aux mairies, écoles, campaniles, monuments aux morts, lavoirs, bains publics, maisons du peuple, foyers municipaux, coopératives vinicoles et cercles. La seconde partie (de la page 102 à la page 157) revient sur la question des cercles en les étudiant de manière plus approfondie et en les inventoriant de manière précise. Lien pour télécharger l’intégralité de la brochure au format PDF : www.la-provence-verte.net/accueil/documentation/pah-republique.pdf
Extraits de la brochure :
En Provence, le cercle prend ses racines dans plusieurs formes de sociabilités : la confrérie de pénitents, la loge maçonnique, la corporation de métiers, la société de secours mutuel, le cercle bourgeois (similaire au club britannique), la chambrée (pendant populaire du cercle bourgeois), les clubs révolutionnaires et les sociétés secrètes. Le cercle est une assemblée de personnes partageant des valeurs ou des loisirs communs, se réunissant pour discuter, jouer ou boire un verre. Il recouvre trois principales fonctions : ludique, politique et économique. Cette pratique, très ancienne, existe déjà sous l’Antiquité, où les hommes se rassemblent dans des « collegia ». Chaque cercle possède une identité singulière. Le sentiment d’appartenance à la communauté est renforcé par le devoir d’entraide et de solidarité qui soude les membres. Le groupe est à la fois interne au village et autonome. Il a sa propre histoire, ses règles, ses fêtes, certains ont même leur monnaie.
De la chambrée au cercle – Dans le département du Var, les chambrées se multiplient entre 1830-1848. Il en existe en moyenne six par communes, parfois dix. Leur succès est tel que dans certains villages, l’ensemble de la population masculine majeure adhère à l’une de ces sociétés. Ces réunions constituent des réseaux intéressants pour la propagation des idées révolutionnaires et républicaines. Des émissaires venus des grandes villes comme Marseille, Toulon, Draguignan, assistent aux réunions et proposent la lecture et le commentaire des journaux. Dans la première moitié du XIXe siècle, les chambrées se réunissent chez des particuliers, plutôt à l’étage, à l’abri des regards. Suite à l’insurrection varoise de 1851, le Second Empire s’efforce de les interdire. N’y parvenant pas, il tente alors de les contrôler en leur imposant des règles. C’est ainsi que le lieu et la fréquence des assemblées ainsi que la liste des participants doivent être désormais déclarés en Préfecture. Progressivement, ces mesures conduisent à une sédentarisation qui amène à confondre l‘assemblée avec le bâtiment qui l’accueille. La chambrée, réunion informelle et privée, disparaît au profit d’une forme plus institutionnelle : le cercle.
Sous la Troisième République – Pendant cette période, le cercle participe activement à la vie de la cité. Il a désormais pignon sur rue et s’installe là où se joue la sociabilité dans le village, comme le cours ou la place principale. Parallèlement, le nombre de cercles diminue mais la fréquentation par établissement augmente (elle peut parfois être multipliée par 20 !) de sorte que le nombre d’adhérents par commune reste constant. Vers 1900, il ne subsiste souvent que deux cercles par commune, un blanc (de tradition catholique et conservatrice) et un rouge (de tradition anticléricale et progressiste)*. Le cercle est à la fois un tremplin pour la mairie et un foyer de l’opposition. Un cursus honorum se met en place : il débute par la présidence de la coopérative, se poursuit par celle du cercle et aboutit au mandat de maire.
Déclin et renouveau – À partir des années 1910, les créations de cercles diminuent fortement. Ce recul se confirme tout au long du XXe siècle et enregistre deux pics à chaque guerre mondiale. Sous l’Occupation, les cercles, à nouveau soupçonnés d’être des foyers révolutionnaires, sont fermés. La plupart ne rouvrent pas après la Libération. Depuis quelques années, le nombre d’adhérents semble s’être stabilisé. À l’heure actuelle, huit cercles sont encore en activité sur le territoire. La plupart ont perdu leur fonction politique au profit d’une dimension ludique : lotos, pétanques et jeux de cartes continuent d’attirer une population en attente de divertissement et de lien social.