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États-Unis : une censure conservatrice "sans précédent" prive les écoles de milliers de livres

Tue 25 Feb 2025 - 15:20

Julianne Moore s'est dite "choquée". Alors qu'elle venait de publier son tout premier livre pour enfants, racontant l'histoire de "Freckleface Strawberry", une enfant constellée de petites taches de rousseurs, l'actrice américaine a vu son œuvre – semi-autobiographique – interdite par l'administration Trump dans les écoles gérées par le ministère de la Défense (représentant plus de 20 000 élèves sur le territoire des États-Unis). Écoles dans lesquelles l'actrice, fille de militaire, a elle-même été scolarisée.

"Je n'aurais jamais cru voir cela dans un pays où la liberté d'expression est un droit constitutionnel", a-t-elle réagi, atterrée, dimanche 16 février sur Instagram.

Les interdictions de livres ont pourtant bel et bien augmenté ces dernières années aux États-Unis, coïncidant avec la montée en puissance du camp conservateur, puis le retour au pouvoir de Donald Trump. Les œuvres visées sont principalement des livres jeunesse, sensibilisant au racisme, aux inégalités de genre et à l'histoire, et dont les auteurs sont des personnes racisées, femmes ou membres de la communauté LGBTQ+.

"C'est vraiment depuis 2021 – donc depuis la défaite de Donald Trump en 2020 – qu'il y a eu cette résurgence", affirme Esther Cyna, historienne spécialiste des questions de racisme, de l'histoire politique et de l’éducation aux États-Unis. Elle explique que les conservateurs se sont mobilisés à l'échelle locale après avoir vu leur candidat se faire battre dans la course à la Maison Blanche. "Cela a accéléré le mouvement qui, aujourd'hui, est sans précédent."

Inquiète, l'une des plus grandes organisations à but non lucratif des États-Unis dédiées à la protection de la liberté d'expression dans la littérature, PEN America, a dénoncé ce déluge d'interdictions, lui trouvant de "dangereuses" ressemblances avec "les régimes autoritaires de l'histoire."

Plus de 10 000 œuvres interdites en 2023-2024

"Le phénomène de censure a toujours existé, souvent dans des moments de pouvoir conservateur, mais cette fois, c'est inédit en termes de volume et de rapidité", analyse Esther Cyna. "C'est aussi sans précédent par rapport à l'emprise que ça a sur les discussions locales, et sur la couverture médiatique".

Selon l'historienne, il existe trois niveaux de censure : à l'échelle locale, dans un district scolaire qui a décidé de faire circuler une liste de livres auxquels les parents se sont opposés ; à l'échelle des États, où le gouverneur décide de bannir certains œuvres, comme l'Utah, l'Oklahoma ou encore l'Arizona ; et au niveau fédéral, où la situation est "plus compliquée, parce qu'il n'y a pas vraiment d'écoles fédérales, sauf celles dont on parle par exemple dans le cas de Julianne Moore".

Au cours de l'année scolaire 2023-2024, PEN America a recensé un total de 10 046 titres interdits, dont plus de 4 000 ont été retirés des bibliothèques scolaires. Parmi les livres les plus censurés figure "L'Œil le plus bleu" de Toni Morrison, prix Nobel de Littérature. Également retirés des étagères de certaines bibliothèques publiques ou scolaires, des classiques tels que "Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur", d'Harper Lee, "Le Meilleur des mondes", d'Aldous Huxley, "Maus", d'Art Spiegelman, ou encore " Gender Queer", de Maia Kobabe.

Parmi les œuvres censurées, 57 % incluaient des "thèmes ou représentations liés au sexe" ; plus de 30 % incluaient des représentations d'agressions ou de violences sexuelles, et plus de 5 % étaient axées sur la puberté, l'éducation sexuelle ou la santé sexuelle.

"Il y a eu des censures de manuels scolaires dès le début du XXe siècle. Aujourd'hui, on voit beaucoup de censure autour d'œuvres de littérature, avec toujours le même argument selon lequel 'c'est inapproprié' et 'ça pervertit la jeunesse'", poursuit Esther Cyna.

Dans le sillage de la publication par PEN America de ses statistiques sur l'année scolaire 2023-2024, "la plus marquée par les censures" littéraires, l'autrice américaine Jodi Picoult a publié une vidéo Instagram fin octobre, à la veille de la présidentielle américaine, expliquant pourquoi son livre "Nineteen Minutes", était "le livre le plus interdit du pays l'année dernière".

Son œuvre raconte l'histoire d'une fusillade dans une école, mais Jodi Picoult affirme que la raison de sa censure se situe ailleurs. La décision serait "liée à une seule page, qui décrit un viol et qui utilise des mots anatomiquement corrects pour le corps humain", explique l'autrice diplômée de Princeton et de Harvard, déplorant que l'étiquette d'œuvre "pornographique" ait été collée à son livre par les censeurs.

Bien d'autres titres, parfois très populaires, ont été visés par cette interdiction au motif qu'ils contenaient du contenu "pornographique", à l'instar de "La servante écarlate" de Margaret Atwood, ou encore de la saga "Twilight" de Stephanie Meyer.

"Nier l'existence de certaines personnes"

En ce qui concerne le livre de Julianne Moore, s'il ne traite pas de sujets explicitement politiques ou polémiques, l'administration Trump semble l'avoir ciblé dans le cadre d'une politique plus large de censure.

"Le livre parle de l'acceptation de soi, avec un message de diversité, et a dû simplement être identifié comme ayant un message progressiste", suppose Esther Cyna. "Tout ce qui tourne autour de la diversité fait désormais l'objet d'une surveillance accrue. De plus, l'héroïne est une femme, cela a donc pu être vu comme un peu féministe."

La décision s'inscrit donc dans une vague plus générale de restrictions à l'encontre des livres abordant des thèmes perçus par certains mouvements conservateurs comme une forme de "propagande woke".

Par ailleurs, le fait que Julianne Moore, engagée politiquement en faveur des droits LGBTQ+ et du contrôle des armes à feu, se soit à plusieurs reprises exprimée publiquement contre les politiques et les actions de Donald Trump, pourrait ne pas avoir joué en sa faveur.

Selon Esther Cyna, s'il est correct de faire le parallèle avec d'autres vagues de censure qui visaient déjà à "faire taire les idées politiques dissidentes" – dans les années 1950, par exemple, le maccarthysme cherchait à limiter la diffusion du communisme en visant de nombreux créateurs et leurs œuvres –, le mouvement massif d'interdictions à l'œuvre aujourd'hui aux États-Unis se distingue en allant globalement plus loin encore : "Là, on voit que c'est une attaque directe qui vise à nier l'existence, l'identité de certaines personnes", affirme l'historienne.

Selon le recensement de PEN America pour 2023-2024, les États républicains enregistrent sans surprise un nombre plus élevé d’interdictions de livres. La Floride du gouverneur républicain Ron DeSantis est de loin l'État ayant enregistré le plus grand nombre d’interdictions, avec plus de 4 500 cas d’interdictions dans 33 districts scolaires. L'État se distingue en la matière en raison d'un activisme local particulièrement efficace, facilité par des lois récentes.

Parmi elles, le House Bill 1069, adopté sous l'impulsion de Ron DeSantis, permet aux parents de contester des livres qu'ils jugent inappropriés, entraînant leur retrait immédiat des bibliothèques scolaires et des salles de classe.

Évoquant ces "lois visant à faciliter l'interdiction des livres" dans certains États, Jodi Picoult dénonçait plus largement dans sa vidéo le "Blueprint Project 2025" – une initiative menée par Heritage Foundation, groupe de réflexion conservateur américain – dont l'un des objectifs était de "faire de même au niveau national".

"Le projet 2025 – dont Trump a essayé dans un premier temps de se distancer – articule la vision ultraconservatrice et extrémiste du parti républicain", explique Esther Cyna. "On y trouve ce qui est en train de se faire aujourd'hui, c'est-à-dire un démantèlement complet de ce qu'eux appellent 'diversité, équité et inclusion', mais qui en fait désigne les avancées du mouvement pour les droits civiques."

Face à ces "canulars", point de garde-fous ?

"Sous prétexte de protéger les enfants et de garantir une prétendue 'neutralité idéologique', ils [l'administration Trump et les États républicains] veulent interdire des livres, bannir des sujets considérés comme trop 'polémiques' et limiter les discussions sur des enjeux sociaux et historiques", s'alarmait le 22 janvier Shophika Vaithyanathasarma, spécialiste des sujets éducation pour le Journal de Montréal.

"Ces politiques transformeront les écoles et les campus en lieux de contrôle idéologique, où enseignants et élèves s’autocensureront par peur de représailles, voire de poursuites judiciaires", poursuit-elle, ajoutant que trois États américains ont "déjà voté des lois criminalisant certains libraires qui refusent de retirer des livres de leur rayons".

Fin janvier, l’administration Trump a demandé au ministère de l’Éducation de mettre fin à ses enquêtes sur les interdictions de livres, les qualifiant de "canulars". Une décision qui a renforcé la colère des groupes de défense des droits et des libertés civiles.

Dans la foulée, le Bureau des droits civils du ministère a dit avoir rejeté 11 plaintes liées à des interdictions de livres et annoncé qu'il n'emploierait plus de "coordinateur des interdictions de livres" pour enquêter sur les districts scolaires locaux et les parents. Dans son communiqué de presse, celui-ci justifie ces interdictions par le fait que les districts scolaires et les parents ont "mis en place des processus de bon sens pour évaluer et supprimer les documents inappropriés à l’âge des élèves".

Autant de décisions qui font craindre une absence totale de garde-fous. Mais sur ce point, Esther Cyna prône la nuance, au moins pour ce qui est de l'échelle locale. "Les parents d'élèves des districts scolaires, s'ils ne sont pas d'accord avec la censure, peuvent voter pour d'autres représentants", dit-elle, admettant que les choses sont plus compliquées au niveau des États et à l'échelle fédérale.

"Avant les élections de mi-mandat, en 2026, a priori rien ne va bouger", affirme l'historienne, qui précise que le parti républicain concentre pour l'instant tous les pouvoirs. "Le président, en revanche, est là pour quatre ans. Donc pour ce qui est des écoles militaires et du livre de Julianne Moore, ça ne va pas changer."

America censure lire
https://www.france24.com/fr/am%C3%A9riques/20250219-etats-unis-censure-conservatrice-prive-ecoles-milliers-de-livres

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