Pascal Grué, président de l’Écomusée de la Vallée du Gapeau, est formel: "Bien sûr, il existe une dépression géologique longue de près de 40 km, tantôt étroite, tantôt évasée, formée par un fleuve côtier appelé Gapeau. Cependant, ce territoire n’a pas d’unité administrative, économique, humaine, historique, culturelle, géologique... Il est donc illusoire d’appréhender cet espace de manière globale: il n’y a pas une vallée du Gapeau, mais des entités, traversées en partie ou en totalité par ce fleuve".
Gapel, Gapellus
Il garde une part de mystère: que signifie son nom? Depuis quand est-il appelé ainsi? Dans son ouvrage La chartreuse de Montrieux, Raymond Boyer évoque les noms médiévaux de Gabellus, Gapel ou Gapellus. Des textes du XVIe siècle parlent de Gapeau. "Une autre interrogation demeure: d’où vient l’eau de sa source officielle? Il s’agit d’une résurgence située sur la commune de Signes, à 315 m d’altitude, en bordure de la D2 et un kilomètre en amont de la source Beaupré."
La Source bleue
"Il naît à Signes au lieu-dit la Source bleue et c’est jusqu’à Belgentier que sa pente est la plus forte, son cours est jalonné de rapides et de chutes. Sa profondeur moyenne est de 30 cm. Puis de Belgentier à la Castille, la pente s’adoucit et la profondeur oscille entre 50 cm et 130 cm, enfin jusqu’à son embouchure, la pente diminue nettement". Cela explique la présence d’eaux saumâtres dans l’estuaire du Gapeau. La largeur moyenne du lit est de 6 m. La région qu’il traverse est marquée par la pauvreté du réseau hydrographique : quelques sources et cours d’eau alimentent ce fleuve, mais leur apport est inégal en raison de l’aridité estivale et de l’irrégularité des pluies.
Modeleur de l’espace
Entre sa source à Signes et son embouchure à Hyères, ce cours d’eau a plus marqué l’histoire des communes qu’il traverse. "Pendant longtemps, il a été au cœur de l’économie locale, employé pour l’irrigation ou comme force motrice. Aujourd’hui, il est surveillé, car il est à l’origine de dramatiques débordements et son débit capricieux engendre méfiance et crainte dès que les précipitations s’accentuent plus que d’ordinaire".
Le Gapeau a vu son environnement changer ces dernières décennies: le caractère rural des espaces qu’il traverse et des populations qui vivent sur ses rives s’estompe au profit de l’agglomération toulonnaise. La population de toutes les communes qu’il traverse croît fortement "Elle a sextuplé par endroits en un siècle. Ce bouleversement s’est accompagné de l’abandon de nombreuses activités agricoles et industrielles, au profit de zones d’activités commerciales situées le long des grands axes de transport".
De telles transformations poussent les spécialistes à s’interroger sur l’avenir et à souhaiter préserver la mémoire du passé ainsi que le patrimoine qui s’y rattache.
Mathieu Dalaine 19 octobre 2024
Au volant de son vieux 4x4 de l’US Army, Denis Le Priol a la banane. "Je suis content, tu peux pas savoir. C’est la première fois que je fais le tour du site avec ma Jeep!"
À 62 ans, cet habitant de Draguignan est le tout nouveau propriétaire du fort du Grand Saint-Antoine, un édifice militaire de 1845 planté dans la pinède, en retrait des premières rampes du mont Faron.
C’est lors d’une vente aux enchères, au printemps dernier, que cet "ancien para", comme il se présente, a sorti le chéquier. Ou plutôt celui de la banque luxembourgeoise qui a accepté de l’aider à régler la somme de 990.000 euros, "sans les frais de notaire", au précédent maître des lieux.
Ce dernier – le milliardaire Christian Latouche – souhaitait se débarrasser rapidement du bien qu’il avait acheté à la Défense en 2015. Le patron de Sud Radio était déçu, dit-on, de ne pas avoir obtenu l’autorisation d’y poser une antenne pour diffuser ses bonnes ondes à Toulon.
"Moi, rien à voir: je suis collectionneur de véhicules militaires", explique Denis Le Priol, longtemps à la tête d’une entreprise florissante de restauration et de distribution de pièces de Jeep.
"Depuis que je suis à la retraite, je cherchais un endroit pour entreposer mes “jouets". J’ai eu un coup de cœur pour ce fort." Le Malouin d’origine possède environ 160 véhicules des armées du siècle dernier, dont il fait régulièrement profiter associations et collectivités avides de reconstitutions historiques.
Mais loin de lui l’idée de vouloir transformer cet ensemble classé de fortifications en entrepôt pour sa panoplie de véhicules d’appui, blindés ou amphibies.
"Je souhaite ouvrir ici un grand musée du matériel militaire, pose Denis Le Priol. Ça devait se faire au Muy, mais ça n’avance pas. Là, c’est parfait: on parle d’un fort construit par les Toulonnais, occupé par les Toulonnais et même libéré par les Toulonnais en 1944".
Des véhicules militaires, des casques… et une piscine
Le Breton connaît déjà son Grand Saint-Antoine sur le bout des doigts, relatant, comme s’il l’avait vécue, la prise du fort aux Allemands en août 1944 par les FFI. "Regardez ces impacts de balle sur les murs! Et ces trous d’obus! Cet endroit est incroyable."
Ici, on retrouve la tourelle d’un radar; là, le socle d’un canon antiaérien. "Je veux le remettre dans l’état exact dans lequel il se trouvait en 1944. Y compris avec sa piscine! Les Allemands l’avaient construite pour apprendre aux soldats à nager."
À ses côtés, Albert Meuvret acquiesce, glisse une précision patrimoniale à l’occasion. L’ancien pompier et historien local, qui militait pour que la Ville se porte acquéreur de ces 7 hectares au-dessus de la rade, a peut-être trouvé en Denis Le Priol l’homme providentiel pour réaliser son rêve de musée du casque à Toulon.
"Il faut juste qu’on se répartisse les lieux…" Et que le duo trouve quelques bonnes âmes pour nettoyer, retaper et faire fonctionner l’endroit (fortdugrandsaintantoine@hotmail.com). Une paille, quoi.
"Je ne suis absolument pas pressé", sourit Denis Le Priol. "Je veux faire les choses bien: expliquer mon projet aux élus, former une équipe de bénévoles, remettre tout ça en état… Mais avant tout, mon objectif est d’ouvrir ce fort le plus rapidement possible aux Toulonnais".
Et, si tout roule, un jour prochain, l’homme sera aux commandes d’un engin un peu particulier pour franchir le vieux pont-levis du Grand Saint-Antoine: un char M4 Sherman de la 2e DB.
Dans la famille Le Priol, la notoriété du fils dépasse aujourd’hui largement celle de son père. Ex-militaire de 30 ans, Loïk Le Priol est mis en cause comme coauteur dans l’assassinat du rugbyman argentin Federico Martín Aramburú, en mars 2022 à Paris.
Si les liens de l’accusé avec l’extrême-droite radicale ne sont plus à démontrer, ceux de Denis Le Priol, aussi évoqués par plusieurs médias, ne sont pas avérés, jure l’intéressé.
"Ce sont des mensonges. Je suis totalement apolitique", balaye-t-il. "Quant à l’histoire de mon fils, ma famille est détruite… Mais je ne suis pas comptable de ses actes."
À noter que Denis Le Priol est par ailleurs gérant du domaine de l’Octopus, à Draguignan, qui a fait parler de lui pour l’accueil de fêtes bruyantes… y compris pendant le confinement de 2020.
Toutefois, c’est surtout pour son rôle à la tête de Jeep Village, la référence commerciale en France de tout ce qui touche au fameux 4x4 américain et à ses équipements, que Denis Le Priol s'est jusqu'alors fait connaître.
À l'occasion de la 16e édition de l'opération nationale de sensibilisation à la pollution lumineuse, le médecin Jean-Louis Dufier appelle à suivre le rythme naturel du soleil pour déterminer les heures de lever et coucher et éviter des maladies graves.
Publié le 12/10/2024
Le samedi 12 octobre a lieu la 16e édition du "Jour de la Nuit", opération nationale de sensibilisation à la pollution lumineuseLa lumière artificielle "peut se révéler une redoutable pollueuse" et provoquer des maladies graves, comme le cancer, particulièrement chez ceux qui ont "un travail de nuit", alerte samedi 12 octobre sur franceinfo Jean-Louis Dufier, ophtalmologue et membre de l’Académie nationale de médecine, coauteur du rapport(Nouvelle fenêtre) "Pollution lumineuse et santé publique", publié par l'Académie de médecine. À l’occasion de la 16e édition de l'opération nationale de sensibilisation à la pollution lumineuse ce samedi, l’ophtalmologue appelle à "vivre exactement selon le rythme veille-sommeil". Selon lui, pour vivre en bonne santé, "il faut rester calé sur le rythme naturel du soleil".
franceinfo : Pourquoi les lumières artificielles sont-elles nocives pour la santé ?
Jean-Louis Duffer : Contrairement aux autres sources de pollution, la lumière est rarement dénoncée, sans doute parce qu'elle est particulièrement insidieuse. Pourtant, cette bienfaisante lumière, qui a d'ailleurs été divinisée par des Égyptiens, peut se révéler une redoutable pollueuse. Quels sont ses méfaits ? La fatigue, des troubles de l'humeur, une diminution de l'attention, de la vigilance qui peut être source d'ailleurs d'accidents de la voie publique, de la somnolence par manque de sommeil, des perturbations du sommeil…
Pourquoi ces lumières dérèglent-elles notre organisme ?
Tout ça vient du fait que, par de mauvais usages, notre exposition à une lumière artificielle jour et nuit, fait qu’en définitive, nos concitoyens manquent de sommeil, et pas seulement les adultes. La lumière a une interaction avec notre rétine. C’est évidemment par la rétine que se fait le phénomène de la vision. On a dans les cellules rétiniennes des moyens de capter la lumière pour justement entraîner la transformation des photons lumineux en électrons qui vont aller tout le long des voies visuelles jusqu'au cortex occipital pour faire ce phénomène de la vision. Non seulement la lumière permet le phénomène de la vision, mais donne au cerveau l'information du jour et de la nuit. Donc un déficit de sommeil va entraîner une dérégulation du cycle veille-sommeil qui est si important.
Ce dérèglement peut entraîner de graves maladies ?
Dans une étude sur 115 000 infirmières américaines qui ont été suivies pendant dix ans, on a montré une augmentation significative de près de 80% de risque relatif de cancer du sein, lorsqu'il existait au moins trois nuits travaillées par semaine pendant 20 ans. Évidemment, les personnes qui ont un travail de nuit sont particulièrement exposées.
Quel conseil donnez-vous aux Français pour se protéger de la lumière artificielle ?
"Nature est un doux guide", disait Ronsard. Il faut vivre exactement selon le rythme veille-sommeil, c'est-à-dire 9 h de sommeil. En gros, suivre l'arrivée de la nuit vers les 20h-21h et se réveiller vers 7h. Il faut rester calé sur le rythme naturel du soleil.
Dans ce nouvel épisode de Complorama, Tristan Mendès France et Rudy Reichstadt explorent la fascination de la complosphère pour les mythes historiques, examinant comment ces récits sont déformés et instrumentalisés à des fins idéologiques.
Publié le 11/10/2024
Pourquoi les grands mythes de notre Histoire passionnent tant les complotistes ? La série À l'aube de notre histoire, qui défend l'existence d'une civilisation technologiquement avancée disparue à la fin de l'ère glaciaire, fait son grand retour sur Netflix pour une deuxième saison, après une première saison critiquée par les archéologues.
"En réalité, les livres et les films de Hancock sont considérés par les scientifiques comme relevant de la pseudoscience", souligne Rudy Reichstadt. La série documentaire alimente un discours anti-science en présentant Hancock comme un lanceur d'alerte face à un establishment scientifique qui cacherait la vérité. "Une partie du succès de sa série, c'est de se positionner comme une sorte de résistant à la pensée unique scientifique", analyse Tristan Mendès France.
Dans la première saison, un épisode était consacré au mythe de l'Atlantide. Graham Hancock, le narrateur de la série, n'affirme pas que l'Atlantide se trouve aux Bahamas, mais il utilise ce mythe pour appuyer sa théorie d'une civilisation avancée disparue lors de la dernière période glaciaire. "L’Atlantide c’est la preuve qu’on peut écrire, produire, rêver de quelque chose qui n’existe pas pendant des siècles littéralement parce que ça hante l’imaginaire occidental à partir de quelque chose qui est une pure une pure fiction", estime Rudy Reichstadt pour qui la complosphère instrumentalise ce mythe pour promouvoir ses propres idées.
La théorie des arbres géants, bien que moins répandue que d'autres mythes, est un exemple intéressant de la façon dont la complosphère s'empare d'observations et les déforme pour les faire correspondre à ses récits. L'idée d'arbres géants ayant existé dans un passé lointain est un phénomène réel sur TikTok et YouTube. Les tenants de cette théorie s'appuient sur des reliefs géologiques, tels que des plateaux ou des montagnes tabulaires, pour affirmer qu'il s'agirait en réalité des souches d'arbres géants. Pour Rudy Reichstadt, la croyance en l'existence d'arbres géants repose sur la paréidolie, une illusion mentale qui nous pousse à percevoir des formes familières dans des éléments aléatoires. En l'occurrence, les personnes qui adhèrent à cette théorie "projettent" l'image d'une souche d'arbre sur des formations géologiques naturelles. Cette théorie, bien que marginale, est révélatrice des mécanismes de la pensée complotiste, qui se nourrit de la fascination pour les mystères, les civilisations perdues et la défiance envers la science établie.
Les pyramides occupent une place prépondérante dans l'univers complotiste, comme le démontre l'analyse des propos de Jacques Grimault et du rappeur Gims. "On ne mesure peut-être pas bien la centralité des pyramides dans l'imaginaire complotiste international. C'est absolument dingue de voir à quel point on retrouve ces narratifs dans à peu près toute la complosphère internationale", souligne Tristan Mendès France. Le rappeur Gims, reprenant des thèses afrocentristes, affirmait que les pyramides étaient des centrales électriques(Nouvelle fenêtre) construites par une civilisation africaine avancée, dont l'existence serait cachée par les historiens.
L'influence de figures comme Maître Gims, qui diffusent ces théories à des millions d'abonnés, est préoccupante. En effet, "tout ça pourrait sembler assez anodin. (...) En fait, si on tire le fil de ce que ça implique, ça veut dire qu’on nous aurait menti sur l'origine des pyramides, que les livres scolaires ont relayé ce mensonge, que le ministre de l'éducation nationale a couvert ce mensonge et donc les gouvernements, le gouvernement couvre ce mensonge et tous les gouvernements du monde", explique Tristan Mendès France.
"Le problème, c'est que ça alimente ou ça contribue à alimenter une confusion entre la réalité et la fiction, qui pour conséquence très concrète d'abaisser le seuil d'acceptation de n'importe quelle nouvelle théorie du complot. Et puis ça nourrit au passage une défiance à l'égard des scientifiques, des institutions, une remise en cause de la parole des experts", conclut Rudy Reichstadt.
Le musée des Amis du Vieux Toulon retrace l’évolution des transports en commun dans la métropole. Des documents historiques et des maquettes sont à découvrir jusqu’au 11 janvier.
Publié le 08/10/2024 par Amandine Roussel
Il est décidément dans toutes les têtes. Alors qu’il ne disparaît jamais vraiment du débat politique (au sujet de sa sempiternelle rivalité avec le superbus), le tramway fait aujourd’hui l’objet d’une exposition.
Loin des polémiques. Tout simplement parce qu’il fait partie de l’histoire des transports collectifs de la ville. Et c’est ce qu’ont voulu montrer les Amis du Vieux Toulon pour leur événement trimestriel. Dans les locaux du cours Lafayette, le musée retrace l’histoire des déplacements dans la métropole.
Toulon a tout connu
Premier constat, question variété des transports collectifs, Toulon est servi.
Du tramway au trolley-bus en passant par les navettes maritimes, les bus, pour se déplacer, au fil du temps, il y a eu l’embarras du choix. Mais la grande originalité de la ville reste son téléphérique urbain mis en service en 1959 pour rallier les hauteurs du Faron.
Les nostalgiques devraient largement trouver leur compte dans cette exposition. Tout commence sur l’eau avec une ligne maritime entre Toulon et La Seyne en 1836. Un vapeur à aubes relie alors les deux villes.
Il faut attendre 1887, et l’initiative de Michel Pacha, pour transporter les Toulonnais vers les Sablettes et Tamaris.
Concernant les transports terrestres, ce sont les tramways hippomobiles qui ouvrent le bal entre 1886 et 1897. Au plus haut, le réseau comprend 49 voitures, 105 chevaux et 28 cochers.
Ils sont remplacés par le tramway électrique qui sévit entre 1897 et 1955. Pendant son âge d’or, (entre 1927 et 1930), neuf lignes sont exploitées et près de 20.000 passagers par an transportés.
L’exposition fait la part belle aux documents historiques principalement issus des collections des Amis du Vieux Toulon. Photographies d’époque, dessins, anciens tickets sont mis en valeur. Deux maquettes d’anciens tramways ainsi qu’un composteur d’époque font figure de pièces maîtresses.
Différents articles de journaux livrent également de belles anecdotes. À l’image du Petit Var datant du 9 août 1897. Le journaliste relate une panne de tramway sous la porte d’Italie, les passagers restant bloqués plusieurs heures. La cause? "A l’usine du quartier Brunet, l’énergie des dynamos avait été coupée car on pensait toutes les voitures rentrées aux dépôts." Quelques jours après, c’est une collision entre une charrette et un tramway qui a fait les gros titres. L’âne refusant d’avancer, l’accident était inévitable…
Entre Toulon et les transports, décidément c’est toute une histoire.
Musée des Amis du Vieux Toulon, 91 cours Lafayette. Ouvert du lundi au samedi de 14h à 18h.
Puce électronique, nouvelle taxe annuelle et pénalités en fonction du niveau d’ordures : la gestion des déchets va radicalement changer avec l'arrivée de nouvelles poubelles connectées chez de nombreux Français. Voici ce que vous devez savoir.
La gestion des déchets ménagers en France va changer ! Et ces modifications vont directement impacter les foyers. Selon le site du gouvernement, d'ici 2025, 25 millions de Français seront visés par une nouvelle initiative visant à diminuer la production de déchets domestiques : l'installation de puces électroniques sur leurs poubelles. Ce système, associé à une taxe incitative et à des pénalités, a pour objectif de sensibiliser les citoyens à la gestion de leurs déchets et à les inciter à adopter des comportements plus respectueux de l'environnement. Mais comment cela va-t-il fonctionner ?
Des poubelles à puce électronique pour 25 millions de Français en 2025
Ces initiatives ne sont pas nouvelles, elles font partie des objectifs ambitieux de la loi de Transition énergétique pour la croissance verte de 2015. Le texte prévoit d'équiper, d'ici 2025 (soit dans 5 mois), 25 millions de personnes de nouveaux conteneurs à puce électronique RFID (Radio Frequency Identification), autrement dit, de capteurs.
En 2021, 6,5 millions de foyers possédaient déjà ces poubelles, qui permettent de suivre et d'analyser la fréquence de leur sortie. À chaque collecte, la puce est scannée par les capteurs des camions de ramassage, ce qui permet de calculer le nombre de collectes effectuées et, si nécessaire, d'appliquer une taxe pour excès (au-delà de 18 collectes annuelles, selon La Dépêche). Des poubelles "espionnes", donc, pour mieux sanctionner ceux qui produisent trop de déchets ; ce n'est pas un scénario de Black Mirror, mais bien la réalité
Toutefois, cette tarification initiative n’a pas (que) pour vocation de nous ruiner : la mesure vise avant tout à réduire les déchets à l’échelle nationale, pour préserver l’environnement mais aussi le budget des collectivités. Le principe de la tarification incitative repose finalement sur un constat simple : plus un ménage produit de déchets, plus il doit payer. En France, les contribuables s’acquittent déjà annuellement de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères (TEOM) et la redevance d'enlèvement des ordures ménagères (REOM).
Pour les ménages concernés par la tarification incitative, ces deux impôts comportent donc une part variable, liée au volume ou au nombre d’enlèvements de déchets. Pour un bac individuel de 120 litres, chaque collecte supplémentaire au-delà de 18 par an pourrait coûter environ 1,20 € pour un bac individuel de 120 litres, et deux fois plus pour une poubelle "familiale" de 240 litres. Et si la part fixe, elle, est revue à la baisse (100€ au lieu de 186€), la facture peut vite grimper puisque 18 sorties par an correspondent à un ramassage de vos poubelles... Toutes les trois semaines seulement.
En 2021, la France a dépensé 19,6 milliards d’euros pour la gestion des déchets ménagers. Or, les premiers résultats de la tarification incitative montrent une réduction de 30 % des déchets dans les communes où elle a été mise en place, grâce à une optimisation des fréquences de collecte.
Qui seront les prochains Français concernés par ces conteneurs à puce qui menacent de grever notre budget ? Il n’existe pour l’heure pas de liste "officielle" à consulter. Pour savoir si vous êtes de la partie, renseignez-vous auprès de votre mairie. Mais autant commencer à réduire vos déchets dès maintenant pour s’entraîner et limiter de futures pénalités. Voici quelques bons réflexes, très simples, à adopter avant 2025 :
Non seulement vous diminuerez vos déchets, et donc, le risque de voir une lourde pénalité vous tomber dessus à la fin de l’année, mais surtout, vous adoptez un mode de vie plus responsable, bien plus doux pour la planète.
La peau est le plus grand organe du corps humain. Elle constitue non seulement la première ligne de défense contre les facteurs de stress externes tels que toxines environnementales, agents pathogènes et polluants, mais elle peut aussi révéler beaucoup de choses sur notre santé physique.
Des études ont montré que l’intestin et la peau communiquent en permanence par l’intermédiaire de ce qu’on appelle l’ « axe intestin-peau ». Cela signifie que les démangeaisons, les rougeurs, les peaux bosselées ou écailleuses peuvent être liées à ce qui se passe dans l’intestin.
De plus en plus de données cliniques établissent un lien entre des changements dans la composition du microbiome intestinal et le développement de diverses maladies de la peau.
Le microbiome intestinal humain est constitué d’une population de micro-organismes, collectivement appelés « microbiote », qui vivent dans le tractus gastro-intestinal. Le microbiome a de nombreuses fonctions, telles que la protection contre les infections, l’entraînement du système immunitaire, la synthèse de vitamines et la digestion de substances naturelles telles que les hydrates de carbone.
Divers facteurs influencent la composition, la richesse et le travail du microbiote intestinal, notamment le stress, l’alimentation, la consommation d’alcool, l’exercice physique et la prise d’antibiotiques.
Cependant, lorsque l’équilibre complexe entre le microbiote bénéfique et le microbiote nuisible est modifié — on parle alors de « dysbiose » —, la barrière intestinale peut devenir perméable. On parle alors de syndrome de perméabilité intestinale, une condition dans laquelle l’intestin, de plus en plus fuyant, permet aux toxines microbiennes, aux antigènes alimentaires (minuscules particules de nourriture) et aux mauvaises bactéries de pénétrer dans la circulation sanguine.
Ce phénomène peut engendrer des modifications dans la réponse du système immunitaire et le développement de maladies inflammatoires de la peau telles que dermatite atopique, psoriasis, rosacée et acné.
La dermatite atopique, ou eczéma est une maladie inflammatoire chronique qui touche principalement les enfants de cinq ans et moins. Des études ont démontré que le microbiome intestinal des personnes souffrant d’eczéma contient moins de Bacteroidetes et de Bifidobacterium, des bactéries qui protègent l’intestin contre la colonisation par des agents pathogènes, que la moyenne des gens.
On a également constaté que le nombre de bactéries intestinales produisant du butyrate — un acide gras à chaîne courte qui contribue à l’intégrité et à la fonction de la barrière épithéliale de l’intestin — est faible chez les nourrissons atteints d’eczéma. Ces acides gras ont aussi des effets anti-inflammatoires et agissent comme des immunomodulateurs en aidant à réguler la réponse immunitaire.
De récentes études sur le microbiome montrent clairement que les micro-organismes présents dans l’intestin jouent un rôle clé dans la réponse immunitaire, le métabolisme et la physiologie. Des chercheurs ont examiné plusieurs facteurs susceptibles d’influencer l’équilibre du microbiote, ainsi que les moyens de rétablir la santé intestinale en cas de dysbiose.
Le développement du microbiome intestinal et du système immunitaire est une étape cruciale de la vie des nourrissons et des jeunes enfants. Étant donné que 80 % des cellules immunitaires humaines se trouvent dans le tissu lymphoïde autour du tractus digestif, l’intestin peut être considéré comme le centre du système immunitaire.
La colonisation du microbiome intestinal par des micro-organismes commence dès la naissance. Les bébés nés par voie vaginale sont d’abord exposés aux micro-organismes présents dans le système génito-urinaire de leur mère. Le microbiome maternel constitue la première source d’Escherichia coli, de Bifidobacterium et de Bacteroidetes pour le tractus intestinal du nourrisson. En outre, le lait maternel représente également une source de divers micro-organismes, tels que Streptococcus et Lactobacillus.
Les antibiotiques sont des médicaments qui aident notre corps à lutter contre les infections en tuant les bactéries et en ralentissant leur croissance. Ils sont souvent nécessaires et peuvent sauver des vies. Cependant, les traitements antibiotiques ne ciblent pas uniquement les bactéries responsables de la maladie, mais également les bactéries bénéfiques présentes dans l’intestin.
Le microbiome peut mettre plus de deux ans à se rétablir après avoir été exposé à des antibiotiques. Dans certains cas, il ne retrouvera jamais sa diversité bactérienne normale. Cette constatation a été rapportée pour des antibiotiques administrés par voie orale et intraveineuse. Il est donc important de prendre ces médicaments de manière appropriée et uniquement lorsque nécessaire. Ce point s’avère particulièrement vrai dans le domaine de la dermatologie, où des affections cutanées telles que l’eczéma peuvent être initialement confondues avec une infection et traitées inutilement avec des antibiotiques.
Le microbiome intestinal peut être renforcé par la prise de probiotiques et de prébiotiques, ce qui peut contribuer au traitement des affections cutanées telles que l’eczéma.
Les probiotiques sont des organismes vivants bons pour la santé. Ils agissent en se liant de manière compétitive aux cellules de l’épithélium intestinal, qui forme la paroi de l’intestin grêle et du gros intestin. Ils participent ainsi à la lutte contre l’invasion de l’organisme par des agents pathogènes. Cette liaison compétitive va de pair avec la production de bactériocines, une protéine de type antibiotique produite par les organismes probiotiques. Les bactériocines inhibent encore davantage le développement des agents pathogènes.
Les prébiotiques sont des substances alimentaires qui ne sont ni digérées ni absorbées dans le tractus gastro-intestinal. Comme les probiotiques, les prébiotiques contribuent à renforcer la barrière intestinale en favorisant la production d’acides gras à chaîne courte et en améliorant la réponse immunitaire de l’organisme.
Si les probiotiques et les prébiotiques peuvent être utilisés pour atteindre un équilibre sain du microbiote en l’absence de maladie, il est beaucoup plus difficile de rétablir cet équilibre pendant ou après une maladie. La prise de probiotiques et de prébiotiques peut constituer une intervention complémentaire au traitement de personnes souffrant d’affections telles que l’eczéma
Pour finir, examinons l’incidence de l’alimentation sur le microbiome intestinal.
Des recherches ont montré que le gluten peut être à l’origine de différents problèmes de santé, notamment d’une dysbiose intestinale. Ses effets négatifs sont particulièrement présents chez les gens qui souffrent d’hypersensibilité au gluten ou de la maladie cœliaque.
La sensibilité au gluten et la perméabilité intestinale font partie d’une boucle de rétroaction positive, les deux se renforçant mutuellement. Cela signifie que lorsque des personnes qui souffrent d’hypersensibilité au gluten ou de maladie cœliaque consomment du gluten, elles risquent d’endommager leur barrière intestinale et de rendre l’intestin de plus en plus perméable, ou « fuyant ». Des particules étrangères peuvent alors s’échapper de l’intestin et passer dans la circulation sanguine, ce qui met le système immunitaire en état d’alerte et provoque des vagues d’inflammation dans tout l’organisme.
Ces réactions peuvent engendrer des affections cutanées telles que l’eczéma. Par ailleurs, un intestin perméable peut entraîner une sensibilité accrue au gluten, renforçant ainsi le déclenchement initial du syndrome de l’intestin perméable et nuisant davantage à la barrière intestinale.
Des études ont révélé que les aliments riches en sucres ajoutés, le gluten, l’alcool et les légumes de la famille des solanacées, comme les pommes de terre et les poivrons, peuvent modifier la composition du microbiote intestinal. Ainsi, une consommation excessive de sucre peut entraîner une prolifération d’E. coli dans les intestins, ce qui affecte négativement le fonctionnement du microbiome. Ces aliments peuvent irriter la muqueuse intestinale et provoquer une dysbiose, appauvrissant la diversité microbienne et augmentant l’inflammation.
En revanche, la consommation d’aliments riches en fibres contribue à rétablir l’équilibre du microbiote intestinal, à soutenir la croissance de bactéries bénéfiques et à réduire le nombre de molécules de signalisation (cytokines) qui favorisent l’inflammation. Ces aliments comprennent les fruits (p. ex. framboises, poires, bananes), les glucides complexes (p. ex. riz brun, pain complet et légumineuses) et les légumes (p. ex. brocolis, pois verts et choux de Bruxelles). Les aliments fermentés, comme le kombucha, améliorent également la diversité bactérienne dans l’intestin.
Sachant que l’on constate de plus en plus de liens entre les maladies inflammatoires de la peau et la dysbiose du microbiome intestinal, il est important de prendre soin de sa santé intestinale. Bien que nous ne puissions pas toujours contrôler certains éléments comme la colonisation du microbiome intestinal au début de notre vie et la prise d’antibiotiques, nous pouvons néanmoins renforcer notre intestin en faisant attention à notre alimentation et en utilisant des probiotiques et des prébiotiques.
Au Brésil, votre nom usuel n’est pas forcément celui qui est inscrit sur votre carte d’identité. En la matière, on adore raccourcir, simplifier, inventer, choisir.
“Quel est ton nom ?” C’est toujours la première question que l’on vous pose au Brésil lors d’un premier contact.
Attention au piège : au Brésil, le nom c’est le prénom, le plus utilisé dans la vie courante et même professionnelle. Peu de formalisme. Mais c’est plus subtil : parfois, en cas de prénom commun comme Antonio ou Maria ou pour d’autres raisons, on utilisera le sobrenome, le nom de famille. Il n’y a pas vraiment de règle, juste de l’habitude et de la praticité. Une autre pratique courante au Brésil est l’utilisation d’un surnom ou apelido. Qui s’intéresse un tant soit peu au futebol le sait bien : beaucoup de joueurs brésiliens sont connus par leur surnom, comme le “roi Pelé”. Mais cela peut aussi s’appliquer à un président de la République : Luiz Inácio da Silva est devenu Lula pour tous et quasi officiellement ! On aime bien aussi abréger les prénoms trop longs : un diminutif est plus chaleureux, plus intime. Fernando devient Nando ; Rosangela, Rô ; José, Zé ; Francesca, Chica ; Raimundo, Rai ; Juliana, Ju…
Des noms de famille au choix
Par contre, pour les noms de famille, c’est une histoire plus compliquée. En fait, on a l’impression que chacun fait un peu ce qu’il veut : tout commence par le choix du ou des parents à la naissance de l’enfant. Lequel peut recevoir un seul nom de famille… ou alors beaucoup plus ! Un exemple : pour l’état civil brésilien, il s’appelle Oscar Ribeiro de Almeida Niemeyer Soares Filho ; pour le monde entier, son nom est célèbre et se résume simplement à Oscar Niemeyer. Mais le nom de Niemeyer est celui de sa grand-mère maternelle d’ascendance allemande, pas celui de ses parents ! Au Brésil, on choisit son nom.
On connaît rarement le nom officiel et complet des gens hors d’un contexte administratif. Chaque fois que j’en ai l’occasion, comme avec mes étudiants, c’est une invitation à un véritable voyage dans l’immigration brésilienne des siècles derniers. Bien sûr les noms d’origine portugaise prédominent mais, en particulier dans le sud du pays, ils cohabitent avec plein d’autres origines. Vous pourriez bien tomber sur un Gilberto Soares Manzini Neuman Yamazaki ! Mais un de ces noms pourrait tout aussi bien être espagnol, polonais ou… français ! Le grand brassage.
Il y a d’autres cas de figure. À un collègue dont le nom de famille est Amado, je demande si sa famille est d’ascendance portugaise, espagnole ou italienne. Il s’en amuse : “Non, aucune des trois ! Mon grand-père est originaire du Liban. Il s’appelait Habib mais arrivé ici au Brésil, il a absolument voulu “portuguiser” son nom : Habib est logiquement devenu Amado !” On peut comprendre ce grand-père : les Brésiliens ont souvent bien du mal avec tous ces noms étrangers difficilement prononçables. C’est ce qui m’est arrivé lors de mon premier voyage au Brésil. J’ai dû donner mon nom à une agence de voyages pour l’émission d’un billet de bus. Bêtement j’ai donné mon nom de famille. Erreur fatale : Pouillaude est tout simplement incompréhensible et imprononçable pour un Brésilien. L’employée bahianaise l’écrivit difficilement après que je l’avais épelé bien lentement. Puis elle me regarda avec un grand sourire et me dit : “Oh, mon amour ! Si tu veux vivre dans ce pays, je te donne un bon conseil : change de nom ! ”
Il y a dix ans, presque jour pour jour (le 15 septembre 2014), Netflix débarquait en France. Ce jour-là, sans qu'on en eut forcément conscience sur le moment, l'exercice qui consistait à ouvrir un livre pour passer une soirée en sa compagnie devenait une pratique désuète, bientôt obsolète. Je ne dis pas qu'en 2014 la France comptait autant d'habitants que de lecteurs, mais au moins existait-il encore une frange de sa population qui s'adonnait régulièrement au plaisir de lire des livres autres que des romances à visées commerciales.
Dix ans plus tard, cette population a largement disparu. Rares sont désormais les individus qui occupent leurs heures de loisir à dévorer un roman, préférant s'adonner au plaisir de consommer, à toute heure de la journée, un flux de séries présent en abondance sur de multiples plateformes de streaming. D'une certaine manière, Netflix et consorts ont donné le coup de grâce à une pratique qui était de toute manière condamnée à disparaître.
Il n'est nul besoin d'être visionnaire pour constater que nous sommes passés, en l'espace de deux décennies, d'une civilisation du verbe à celle de l'image et du bruit, du tapage incessant. L'apparition des réseaux sociaux a capté l'essentiel de nos capacités réflexives, transformant nos cerveaux en une vaste terre brûlée où la finesse de la pensée a été remplacée par la brutalité de slogans qui ne cherchent plus à asseoir un raisonnement, mais à manifester une opinion réduite à sa plus simple expression.
Les écrans sont devenus nos nouveaux évangiles, nos téléphones portables, nos auxiliaires de vies. Nous vivons saturés d'images, de faits divers, d'anecdotes qui vont et viennent à la vitesse de la lumière au point où notre capacité à fixer notre attention ne dépasse plus que quelques minutes, voire même une poignée de secondes, le temps de s'intéresser à une quelconque problématique, avant de s'interrompre pour répondre à un message WhatsApp ou visionner en urgence absolue une vidéo sur l'accouplement de deux pandas dont les ébats feront le tour du monde avant de laisser la place à un homme capable de décortiquer un homard à l'aide de sa barbe.
Netflix n'a fait qu'accentuer ce dérèglement culturel en proposant pour un prix dérisoire une flopée de séries, certaines remarquables, mais dans l'immense majorité parfaitement insignifiantes et suffisamment élaborées pour que le cerveau captif en redemande soir après soir. Si l'on considère que le but ultime de chaque individu est de trouver un moyen de s'évader de lui-même, Netflix a apporté de quoi remplir ce besoin existentiel par la profusion d'une offre qui ne connaît pas de limites.
Netflix procure chaque jour la dose suffisante de divertissement pour permettre à chacun de prendre congé de lui-même sans réclamer autre chose qu'un canapé et une capacité d'attention minimale. Le problème étant qu'à force de répéter cet exercice, le cerveau a perdu tout contact avec la notion même d'effort. À force de s'absenter de nous-mêmes, nous sommes devenus des sortes de parangons du vide, d'individus saoulés de récits écrits à la va-vite et filmés pareillement, dont le rythme effréné de productions annihile toute sorte d'esprit critique.
Si bien que désormais la lecture d'un roman, d'un roman qui ne soit pas le pendant d'une série estampillée Netflix où l'écriture serait devenue comme une sorte de supplétif à l'image, une écriture bon marché et sans aspérités, demande non seulement du temps mais aussi des efforts que nous ne sommes simplement plus capables de fournir.
Le cerveau est un muscle. Si vous l'habituez à gober des images ou des intrigues sans jamais le perturber dans sa manière d'être, si vous répondez très exactement à ce à quoi il aspire, un simple et pur désir d'évasion, face à la complexité d'une phrase qui prendrait le temps de s'écrire et jouerait sur plusieurs registres lexicaux, il devient aussi désemparé qu'un poulet face à un décapsuleur.
Ce n'est pas que les gens lisent moins, c'est qu'ils ne savent plus lire. Que leur capacité de concentration a diminué en des proportions si drastiques que la lecture qui nécessite une attention soutenue et un certain goût pour l'effort, se heurte aux contingences d'un cerveau asséché par l'absorption à haute dose de produits culturels néfastes à sa productivité.
Ce serait comme manger tous les jours de la pizza. À la longue, votre capacité à savourer des plats un brin plus élaborés aura disparu. L'idée même de goût n'existera plus. Vous serez devenus un estomac à pizza et à rien d'autre. Netflix, c'est le Pizza Hut de la culture. Un truc ni bon ni mauvais, juste pratique pour n'avoir ni à cuisiner ni à penser. Pour beaucoup, une certaine idée du bonheur contemporain.
Des haies l’on connaît souvent les nombreux bienfaits pour la biodiversité comme pour une agriculture durable. On sait aussi qu’elles peuvent être l’objet de tensions entre propriétaires voisins, entre agriculteurs et décideurs publics. Le sociologue Léo Magnin nous propose désormais de découvrir « La vie sociale des haies ». Il démontre au passage comment cet objet d’étude est propice à l’examen d’un processus balbutiant et semé de contradictions : l’écologisation des mœurs.
Dans cet extrait, il analyse l’évolution des haies au prisme de leurs fonctions économiques.
Dans les sociétés essentiellement agricoles du Moyen Âge, les arbres sont une richesse : Norbert Elias dresse le parallèle entre, d’un côté, les prisonniers tués et, de l’autre, les arbres, les puits et les champs détruits pour affaiblir l’adversaire. On se souvient que la haie est, avec le mouvement des enclosures, un investissement qui contribue à matérialiser les bornes de la propriété privée lucrative. Dans son Théâtre d’agriculture et mesnage des champs, Olivier de Serres (1539‐1619), agronome avant la lettre, louait aussi les haies, meilleures cloisons que les murailles, fossés et palissades, parce qu’elles sont infranchissables :
« Tous‐jours les Haies sont de grand service, defendans par leurs piquerons, le passage à gens & à bestes : d’autant qu’à travers ne peut‐on passer, ne par dessus aucunement monter. »
Or cette fonction de préserver les cultures, vignes et jardins du dégât « des bestes & des larrons » n’est pas consubstantielle à la haie mais le résultat d’un travail spécifique, au sujet duquel Olivier de Serres donne de précieux conseils : préférer l’aubépine aux ronces, apporter du fumier à la haie pour la fortifier, tailler ses rejets pour conserver sa vigueur, les entortiller pour ne laisser aucun passage aux bêtes nuisibles (« poulailles » comprises) ou encore rogner sa hauteur chaque année. Il ne suffit donc pas de planter une haie : elle doit être continuellement édifiée.
« Édifier » une haie ? À partir des années 1980, des ethnologues des techniques se sont penchés sur les travaux dont les haies étaient encore l’objet au début du XXe siècle. Ils rappellent la distinction entre haie vive et haie sèche, la seconde étant aujourd’hui tombée en désuétude. Composée de branches mortes, cette dernière était facilement déplaçable, mais requérait un travail régulier de remplacement des bois dévorés par l’eau, le soleil et les insectes. Quant à la haie vive, composée d’arbres et d’arbustes vivants, elle était aussi édifiée, pour reprendre le terme de [l’ethnoécologue] Patrice Notteghem. Il faut boucher les « musses », ouvertures où se glissent les petits animaux, par des portions de haie sèche, mais aussi contraindre les végétaux à pousser à l’horizontale. C’est tout le but du plessage (ou plissage), cet art d’avant le barbelé par lequel une haie habilement tressée devient une barrière infranchissable : « La haie plessée s’apparente donc à une vannerie vive. » De tous les travaux disponibles, ceux de Christian Hongrois sont sur ce point les plus précis et paradoxalement les plus ignorés. L’ethnologue a détaillé avec rigueur la nature des travaux de plessage en Vendée : de multiples dessins et photographies étayent son propos. Signe des temps, son ouvrage de 1997, jusqu’ici disponible dans une seule bibliothèque universitaire, a fait l’objet d’une nouvelle édition enrichie et actualisée
Si la haie peut devenir une « cage » efficace à condition d’être conduite, elle est aussi une infrastructure de production végétale. Car s’il faut parler d’édification plutôt que de plantation, il faut aussi préférer le terme d’exploitation à celui d’entretien. C’est le cas des arbres d’émonde, élagués de différentes manières, dont le bois est diversement utilisé. La taille fréquente est révélatrice d’un rapport social : le petit branchage est laissé aux fermiers, alors que les troncs et le bois noble reviennent aux propriétaires terriens, d’après un usage formalisé au XIXe et au début du XXe siècle, puis abandonné dans les années 1950. Entretenir les haies est la préoccupation de l’agriculteur contemporain qui ne les exploite plus. En miroir, les laisser pousser pour qu’elles accueillent un riche écosystème est l’idéal du naturaliste. En revanche, pour le paysan de la fin du XIXe siècle, la haie est avant tout une culture qu’on récolte. Prenant l’exemple de l’aubépine, Bernadette Lizet montre que l’arbuste était « devenu si rare à l’état sauvage dans un milieu soumis à une exploitation intensive de toutes ses ressources qu’il a fallu, dans un passé récent, organiser une expédition coûteuse pour s’en procurer ». Elle a en effet découvert qu’en 1880 un groupe de villageois de l’Ain avait organisé un voyage de cinquante kilomètres vers la pépinière de la ville voisine afin d’obtenir le précieux végétal, alors culture symbole de la modernité.
Le bois des haies est utile pour se chauffer. Les branches, une fois mises en fagots, alimentent les fours à pain et servent, par exemple, à cuire certains fromages. De plus, la cuisson n’était pas réservée aux mets destinés à l’alimentation humaine : les denrées données aux cochons, aux poules et aux autres animaux de la basse‐cour étaient systématiquement cuites. D’autres ressources sont puisées dans la haie : les feuilles du frêne sont un fourrage délicieux pour les vaches. Les mûrons sont l’ingrédient de base de la confiture et les noisettes de l’huile, sans compter la récolte des noix, nèfles, prunelles et châtaignes. Les bois durs sont utilisés pour la construction de bâtiments et la fabrication d’outils : balais, jougs, aiguillons de bouvier, charpentes, échelles, barrières, piquets, etc. L’écrivain Jean‐Loup Trassard rapporte que les haies fournissaient aussi des jouets pour les enfants : la « canne‐pétouère », sorte de sarbacane faite d’une branche de sureau évidée, ou les toupies cloutées. Quant à la clématite et à l’osier, leurs branches souples sont les matières premières des liens servant à « plisser » les haies et à tenir les fagots, mais aussi de la vannerie : paniers, ruches, meubles. Alice de Vinck rappelle que les fagots étaient indispensables pour cuire la poterie. Christian Hongrois rapporte les usages médicaux et traditionnels des plantes : l’aubépine contre les verrues, le sureau contre les maux de dents, les feuilles de chêne contre la diarrhée, etc.
Au cours du XXe siècle, l’évolution des techniques et des circuits de commercialisation frappe peu à peu de caducité les services indispensables que les haies rendaient à l’économie domestique des ménages ruraux. Le barbelé, cette « ronce artificielle », remplace les haies plessées. Avec le fil électrique, la haie achève de perdre sa fonction historique de clôture. L’arrivée et la généralisation des énergies fossiles et de l’électricité relativisent aussi le poids du bois dans la consommation énergétique des foyers. Le pain n’est plus fait à la maison mais peut s’acheter à la boulangerie, la poterie recule face aux ustensiles manufacturés disponibles en magasin : puisque la cuisson du pain et de la poterie est devenue superflue, les fagots s’effacent. Les scieries, puis les enseignes de bricolage fournissent les manches, échelles, planches, lambourdes et chevrons qu’on trouvait dans les arbres. Ce qu’il reste de vannerie s’avoue vaincu face au formica triomphant. L’amélioration de la production du fourrage fait oublier les feuilles jusqu’ici offertes au bétail. La nouveauté des produits vendus à l’épicerie du village, puis au supermarché du bourg, attire davantage que les longues récoltes de baies et fruits secs. La pharmacopée moderne supplante la pharmacopée traditionnelle, qui ne subsiste qu’à l’état de souvenir. Même la « canne‐pétouère » et la toupie cloutée se retirent devant leurs émules de plastique qui ont les faveurs des enfants.
À bien y réfléchir, les haies ont donc été plantées et édifiées pour des raisons économiques, avant d’être marginalisées et détruites pour de nouvelles raisons économiques. Dans l’intervalle d’une transformation au long cours, l’économie se modifie dans l’espace : l’allongement des chaînes de commercialisation a court‐circuité le lien territorial entre la haie et le foyer agricole. La perte de fonction des haies peut se lire comme la conséquence de la rétrogradation de l’autonomie locale au profit d’une plus grande interdépendance matérielle entre les groupes sociaux urbains et ruraux. L’économie s’est aussi transformée dans son rapport au temps : le travail agricole est pris dans un engrenage entre mécanisation et exode rural. Moins il y a de bras pour les travaux des champs, plus il y a de machines ; et réciproquement. Le temps dévolu à l’entretien des haies diminue d’autant plus que les exploitations s’agrandissent, ce qui augmente la quantité de haies par exploitant bien que le bocage régresse.
Nous voici en mesure de comprendre pourquoi Julien Gracq écrivait dès 1934 que le bocage est « une forme autrefois rationnelle d’exploitation de la terre », « une forme de vie économique aujourd’hui fossile » qui « mourra d’une transformation sociale ». La grande variété des produits récoltés fait dire à Patrice Notteghem que les haies paysannes étaient « un véritable système agro‐forestier » et Bernadette Lizet qualifie la haie de « culture intensive » :
« Embroussaillées, à demi “séchées”, les haies relictuelles d’aujourd’hui portent encore les traces fossiles d’une exploitation méthodique. Elles renvoient à un temps du bocage fonctionnel, une période d’hyper‐domesticité du milieu et d’extrême degré de maîtrise du « sauvage », dans laquelle la conduite soignée de la haie entre en résonance avec les autres aspects de l’agrosystème. »
Les haies sont devenues une culture fossilisée parce que les rapports économiques ont fondamentalement changé. Ils sont passés de l’exploitation d’une ressource en vue de sa récolte à l’entretien d’une survivance désaffectée. Auparavant source de services et produits pour les ménages ruraux, la haie est devenue un coût dans l’économie des exploitations contemporaines spécialisées. Une recherche récente estime même que l’entretien d’un kilomètre de haies représente une dépense annuelle de 450 euros. Il est alors légitime de se demander pourquoi les haies, richesses faites charges, n’ont pas totalement disparu de l’espace agricole. Après tout, voilà bientôt un siècle que Julien Gracq annonçait leur fin. Là encore, l’attention à l’économie des exploitations agricoles est féconde : si les haies n’ont pas davantage disparu, c’est probablement aussi parce que les détruire coûte cher. Un dessouchage exige des ressources financières et matérielles, ce qui constitue un investissement qui, à terme, ne sera peut‐être pas gagnant dans la trésorerie de l’exploitant.
Ce constat ne doit pas inviter au pessimisme, mais à interroger la tendance qui, en sciences sociales, promeut l’agentivité des « non‐humains », leur capacité à interférer dans le cours de l’action. Cette agentivité n’est‐elle pas proportionnelle à l’incapacité économique de certains groupes sociaux ? En suivant les péripéties de la vie économique des haies, il apparaît que les objets et les choses en général n’ont pas été ignorés par les sciences sociales, comme l’affirmait Bruno Latour, mais étudiés de très près par l’ethnologie des techniques, attentive à l’économie des fermes. Pourtant, cette anthropologie de l’environnement a été marginalisée par l’anthropologie de la nature de Philippe Descola, plus centrée sur les représentations que sur les pratiques. L’histoire économique des haies confirme l’intérêt de ces travaux ethnologiques éclipsés par d’autres traditions de recherche qui, si elles sont importantes, cultivent une rhétorique de la rupture qui néglige l’apport d’études existantes.
Que reste-t-il du mythique quotidien d'après-guerre ? Presque rien : un nom et un site web, sans journalistes. Après plusieurs mois de procédure, France-Soir a perdu mi-août son statut de service de presse en ligne, sur décision du tribunal administratif de Paris. S'il continue d'exister, il doit se passer de certains avantages fiscaux et d'aides potentielles du Fonds stratégique pour le développement de la presse (FSDP). France-Soir a annoncé sur son site faire appel de cette décision, jeudi 22 août, tout en dénonçant une "censure politique".
Dans son avis, la commission mixte paritaire des publications et agences de presse (CPPAP) a estimé que le titre ne présentait pas le "caractère d'intérêt général" requis pour ce statut. France-Soir est d'ailleurs identifié comme "participant depuis 2020 de la complosphère covido-sceptique francophone", selon le site spécialisé Conspiracy Watch. Comment cette publication mythique et reconnue, dont le tirage atteignait le million d'exemplaires dans les années 1950, a pu en arriver là ? Franceinfo retrace la lente et inexorable chute du titre de presse.
France-Soir naît en 1944, "l'année zéro de la presse papier telle qu'on la connaît aujourd'hui", estime auprès de franceinfo l'historien Alexis Lévrier, spécialiste de l'histoire du journalisme. Le quotidien constitue la synthèse de deux titres : Défense de la France, un journal clandestin de la Résistance, et Paris-Soir, l'un des quotidiens phares de la presse populaire des années 1930. Pierre Lazareff, ex-directeur de la rédaction de Paris-Soir, prend la tête du quotidien et met en œuvre son savoir-faire.
"C'est un journal qui couvre tous les sujets politiques et les faits divers, qui s'adresse à toutes les classes de la population, contrairement au Monde ou au Figaro", détaille le maître de conférences à l'université de Reims. "On mise sur le terrain, la photographie, et l'hyper-immédiateté. On peut avoir six à sept éditions par jour, les colporteurs vont sur le terrain pour vendre au plus près du lecteur". En clair, France-Soir a inventé l'information en continu. Au sommet de sa gloire, la rédaction emploie 400 journalistes, dont les plus grandes plumes, comme Joseph Kessel, Henri Troyat, Georges Simenon ou Françoise Giroud.
Le quotidien, qui appartient alors à Hachette, tire à plus d'un million d'exemplaires par jour en 1953 et s'y tient pendant treize ans, relève France Culture. Pourtant, les signaux du déclin sont déjà là. "Pierre Lazareff, c'est un génie rattrapé par l'évolution technique et les pratiques culturelles. Il n'y pouvait rien, tranche Alexis Lévrier. L'âge d'or de la presse écrite a déjà disparu : c'était lors de la Belle Epoque [1871-1914]. Il a réussi à le faire revivre un peu dans les années 1950-1960 avec France-Soir."
Le modèle qui a fait le succès de France-Soir va aussi le condamner. "A l'époque, les revenus de la presse écrite reposent sur la vente en kiosque. A cause de la baisse des ventes, l'argent ne rentre plus, et faire de grands reportages, avec Albert Camus ou Jean-Paul Sartre, ça coûte cher", analyse Adrien-Guillaume Padovan, journaliste et auteur d'un mémoire (PDF) sur le quotidien. Autre écueil selon le journaliste : le manque d'identité éditoriale de la publication. "Axer sa ligne sur les faits divers ne crée pas un attachement des lecteurs au journal", estime-t-il.
A partir de la fin des années 1960, le journal amorce une lente perte d'influence, sous l'effet cumulé de la concurrence de la télévision, de la radio, puis plus tard, comme nombre d'autres journaux, d'internet. "La télévision a la capacité de toucher les gens, et l'accélération de l'information qu'elle permet condamne le modèle de Lazareff, basé sur l'instantanéité", explique Alexis Lévrier. Visionnaire jusqu'au bout, Pierre Lazareff lance en 1959 l'émission pionnière des magazines d'information, Cinq colonnes à la une. "Il s'investit là-dedans en pensant que ça va sauver son journal, avance Adrien-Guillaume Padovan. Il crée en fait France-Soir pour la télévision."
L'innovant patron de presse meurt en 1972, et avec son décès, émergent des problèmes de gestion interne. "France-Soir, c'était Pierre Lazareff. Et Pierre Lazareff, c'était France-Soir. C'est lui qui avait les idées et les impulsions. A partir du moment où la direction du journal meurt, c'est la fin", juge le journaliste. A cette époque, les tirages se maintiennent encore à environ 600 000 exemplaires quotidiens.
Rachats, plans sociaux et déboires financiers
Des employés et journalistes de "France-Soir" manifestent à l'appel des syndicats, le 10 novembre 2011 à Paris. (JACQUES DEMARTHON / AFP)
Robert Hersant rachète France-Soir en 1976. Le magnat de la presse vient déjà de s'offrir Le Figaro. Sa soif de conquête lui vaut le surnom de "Papivore", dévoreur de papier, comme le retrace France Inter. Il met en place un plan social et revend le siège historique, rue Réaumur, en plein cœur de Paris. Le quotidien est finalement cédé en 1999, trois ans après la mort de l'homme d'affaires, qui "n'a pas réussi à moderniser" le titre, selon Alexis Lévrier.
En parallèle, son concurrent, Le Parisien (créé en 1944), et son édition nationale, Aujourd'hui en France (1994), s'imposent sur le marché, se positionnant eux aussi sur le créneau "populaire". "Le quotidien est plus adapté que France-Soir, il propose des thèmes de la vie quotidienne comme le tiercé ou le sport", analyse l'historien. "Les chaînes d'information en continu lui ont ensuite porté le coup de grâce", ajoute-t-il.
Alexandre Pougatchev, fils d'un oligarque russe proche du Kremlin, rachète le titre en 2009. Entre Robert Hersant et lui, pas moins de huit présidents se sont succédé en dix ans. Les tentatives pour transformer le journal en tabloïd font un flop et font fuir une grande partie des journalistes. Le journal ne tire plus qu'à un peu plus de 20 000 exemplaires par jour. Le plan de relance du jeune milliardaire comprend une nouvelle maquette, de nouvelles signatures, un fort budget publicitaire et la baisse du prix de vente. Rien n'y fait : deux ans plus tard, France-Soir disparaît des kiosques, remplacé par une édition numérique gratuite, sur fond de forte contestation. Sur 127 emplois, 89 sont supprimés. France-Soir est placé en liquidation judiciaire en 2012
Racheté par un nouveau propriétaire, la société Cards Off SA, le titre de presse devient un temps un magazine sur tablette en 2013, mêlant information et vente en ligne. Trois ans plus tard, son président, Xavier Azalbert, devient directeur de publication du site. Les quatre seuls journalistes de la rédaction se mettent en grève en 2019, dénonçant de fortes dégradations des conditions de travail et redoutant le mélange des genres entre journalisme et communication. Ils sont licenciés pour motif économique, tandis que le site continue de produire du contenu.
Pendant la pandémie, le site de France-Soir prend un nouveau tournant, se faisant écho de la désinformation et de théories complotistes sur le Covid-19. Xavier Azalbert intervient même dans le documentaire conspirationniste Hold-up, ou encore lors d'une conférence pseudo-scientifique en 2023. "Les pires adversaires de la presse se nourrissent de l'héritage de la presse. Xavier Azalbert profite de l'image de marque de France-Soir pour mieux la trahir. C'est aussi ce que fait Vincent Bolloré avec le JDD", analyse Alexis Lévrier. En 2021, le chanteur Francis Lalanne choisit France-Soir pour publier une tribune appelant l'armée à "mettre l'Etat hors d'état de nuire" et à "destituer" Emmanuel Macron. Une enquête est alors ouverte. Préoccupée, la ministre de la Culture de l'époque, Roselyne Bachelot, demande un réexamen du statut du média en ligne, qui perd une première fois son agrément fin 2022, avant de le récupérer début 2023.
Aujourd'hui, cet agrément est de nouveau menacé, et avec lui, un taux réduit de TVA et des aides financières. "Ils vont peut-être compenser cette perte par une ligne encore plus complotiste pour satisfaire leurs donateurs, anticipe Alexis Lévrier. Ceux qui vont payer sont les plus radicalisés, hostiles à la démocratie, favorables à la Russie." France-Soir s'est déjà vu priver du service de publicités de Google, après la diffusion d'un reportage de "Complément d'enquête" en 2021. Mais la désinformation est une manne financière : selon L'Express, le site a récolté plus de 500 000 euros de dons défiscalisables entre 2020 et 2021. "La triste histoire de France-Soir raconte la chute progressive de la presse papier en France, que l'on constate tous les jours, en version plus accélérée", résume l'historien.
L'édifice, datant probablement du XVe siècle est dans un état critique et pouvant mettre en danger les promeneurs. Problème : l'ouvrage se situe dans un domaine privé.
Peu visible depuis la route D77 qui mène vers Laillé, en bordure de la Seiche et jouxtant le nouveau pont, la dernière arche de l'ancien pont Saint-Armel semble en grand danger d'effondrement.
Benoît Champenois est un habitué des promenades en bordure de Seiche. C'est en marchant, dans le parc de l'An 2000 qu'il a découvert, un jour, une borne qui expliquait la légende de l'ouvrage, libéré par le jeune moine Armel, de la tyrannie d'un dragon qui en empêchait le passage.
Dès lors, après avoir localisé l'ouvrage car « il est peu visible de la route et envahi par la végétation », notre promeneur a pris l'habitude d'y faire une petite halte.
« Dès le mois d'août, j'ai constaté une fissure importante qui s'était créée et je me suis aperçu, fin novembre, photos à l'appui, que la situation empirait de façon inquiétante. » Dès lors, Benoît Champenois pense qu'il serait souhaitable d'alerter la commune sur les menaces qui pèsent sur cet élément de son patrimoine.
Cependant, il s'avère, après consultation du cadastre, que l'édifice, datant probablement du XVe siècle, ne se trouve pas sur le territoire communal mais fait partie de la même parcelle privée que le manoir Saint-Armel.
Les services techniques ne sont donc pas habilités à intervenir mais Auguste Louapre, le maire, fait jouer le principe de précaution. Il avertit par courrier, mi-décembre, le propriétaire en lui signifiant que « la fragilité de l'arche et les menaces d'effondrement qu'il représente, peuvent mettre en danger les promeneurs fréquentant les rives de la Seiche ». Il enjoint donc ce dernier de constater au plus vite l'état de l'ouvrage et de le tenir au courant des mesures qu'il compte prendre pour éviter tout accident.
Contacté par téléphone, Patrick Cadel, le propriétaire des lieux, reconnaît qu'il n'était pas au fait de l'état de la construction, qui est à l'extrême bordure sud-ouest de son domaine. En déplacement professionnel à l'étranger pour une longue durée, il admet n'avoir pas encore pu répondre au courrier du maire. « Je ne vais pas pouvoir constater, de visu, avant plusieurs semaines, l'état de dégradation de l'arche, reconnaît-il. Mais je m'engage à diligenter, au plus vite, une personne qui le fera à ma place et pourra prendre les mesures destinées à sécuriser l'endroit ».
Dans ce même temps, Benoît Champenois, soucieux de préserver ce vestige, a pris soin de contacter l'Udap (Union départementale de l'architecture et du patrimoine) afin de la mettre au courant de la situation et lui demander les mesures qui pourraient être prises afin d'éviter la disparition, qui lui semble inéluctable dans la situation actuelle, de cette arche de pont pour laquelle il s'est pris d'intérêt.
par Monique Durand - 9 août 2014
Nous venons tous, plus ou moins, d’une lignée d’océan, de mer et d’eaux vives. Notre collaboratrice Monique Durand nous présente cet été une série d’articles où se mêlent petite et grande histoire dans les vents de l’Atlantique. Trajectoires de femmes et d’hommes qui nous ont précédés, illustres inconnus pour la plupart, creusant jusqu’à nous leur sillon dans la chair du temps.
Ils arrivaient enfin quelque part. Sur ce petit fragment de France détaché de la Bretagne appelé Belle-Île-en-Mer. Après des années d’errance, ils abordaient une nouvelle vie sur la grève de Palais, porte d’entrée de Belle-Île. Ils pouvaient enfin poser leurs enfants et leurs bagages.
Au cours des années qui suivirent le Grand Dérangement de 1755, des milliers d’Acadiens furent dispersés dans les ports anglais et français. Ils furent nombreux aussi à croupir dans les prisons britanniques — Southampton, Bristol, Liverpool — jusqu’à la signature du Traité de Paris, en février 1763. Par ce traité, la France cédait à l’Angleterre, entre autres, toutes ses possessions du Canada, sauf Saint-Pierre-et-Miquelon, et lui rendait Minorque en échange de Belle-Île-en-Mer, que les Anglais occupaient depuis deux ans. L’île bretonne, à 15 kilomètres au large de Quiberon, était convoitée pour son climat tempéré, l’abondance de ses ressources en eau douce et sa position hautement stratégique, au carrefour des routes maritimes qui allaient de la Manche jusqu’à l’Espagne.
Rien ne prédestinait l’Acadie et Belle-Île-en-Mer à voir leurs destins liés. Après le Traité de Paris, Louis XV négocie le rapatriement des Acadiens prisonniers en Angleterre, « ces Français fidèles à leur roi et à leur religion », écrit feu Jean-Marie Fonteneau, spécialiste de Belle-Île. Puis il lance une sorte d’appel d’offres auprès de tous les intendants de France : 3 500 Acadiens se trouvent à la disposition de ceux qui pourraient les accueillir et leur fournir des terres.
Plus de vingt offres d’accueil furent proposées et c’est Belle-Île-en-Mer qui remporta la mise. Pillée et dévastée par les occupants anglais, elle avait besoin de main-d’oeuvre pour la remettre sur pied et cultiver les terres abandonnées. C’est ainsi que 78 familles, des Leblanc, des Granger, des Thomas, des Mélanson, au total 363 Acadiens, dont 211 enfants, s’établirent sur l’île perdue dans l’Atlantique, après que trois de leurs représentants s’y soient rendus pour examiner les lieux.
Il y eut d’abord de longs mois d’attente à Morlaix et à Saint-Malo, le temps de régler les modalités d’installation et l’épineux problème de la distribution des terres. Ils arrivèrent enfin, en quatre groupes, à l’automne 1765. Le dernier groupe toucha terre à Belle-Île le 30 octobre par une retentissante tempête sur la mer. Ballottés dans l’écume, à travers la pluie et le grain, les exilés virent bientôt apparaître la formidable citadelle de Vauban qui, des siècles après sa construction, mange encore tout entier le paysage quand les voyageurs d’aujourd’hui arrivent sur l’île. Peut-être les Acadiens furent-ils un tant soit peu rassurés d’imaginer leur nouvelle vie sous la protection d’une telle forteresse ?
Mais tout n’était pas gagné. Il leur faudrait encore affronter les natifs de Belle-Île, qui allaient leur tenir rigueur de ce que le Roi de France les prenait sous son aile et leur fournissait animaux, instruments aratoires et solde. Un boeuf, un cheval, une charrette et trois faucilles furent distribués à chaque famille. Quelques Bellilois « de souche » seront même déplacés pour céder des terres aux Acadiens. En plus, ces derniers parlaient français, alors que les Bellilois, eux, parlaient breton. L’accueil réservé aux émigrés fut pour le moins mitigé.
Les familles acadiennes avaient demandé d’être regroupées dans un seul village. Elles voulaient enfin pouvoir se serrer les unes contre les autres, dans une proximité qu’elles n’avaient plus connue depuis de longues années. Mais ce fut peine perdue. Leurs terres seront réparties entre une quarantaine de villages « afin que tous les habitants ne fassent qu’un seul esprit et qu’un même peuple », écrit le gouverneur de l’île, le baron de Warren. Ces « honnêtes gens », les qualifia-t-il, acceptèrent de bon gré. Tout était mieux que l’errance et la prison.
Ils travaillèrent comme des forcenés, de l’aurore jusqu’à la nuit, pour construire leurs maisons et cultiver les terres souvent les plus ingrates de l’île. Plusieurs demeures qu’ils ont construites existent toujours à Belle-Île-en-Mer. On peut voir, apposée sur certaines d’entre elles, un petit écriteau marqué « 1766 », ces quatre chiffres, plus évocateurs et plus émouvants que n’importe quelle autre trace de leur installation sur l’île.
Les nouveaux venus s’engageaient à rester à Belle-Île au moins dix ans, jusqu’au 1er janvier 1776. Après cette décennie belliloise, plusieurs remirent le cap sur l’Amérique et tout particulièrement sur la Louisiane. Mais certains firent souche sur une île qui était un peu devenue la leur. Ils avaient été reconnus propriétaires de leur parcelle et avaient acquis un état civil français.
Aujourd’hui encore, Belle-Île-en-Mer respire littéralement l’Acadie. Et quand on aborde ce paradis aux paysages contrastés de landes rases et de falaises, un long et lent parfum d’histoire monte jusqu’à vous. Il y a le « Quai de l’Acadie », où les traversiers venus du continent déversent touristes, villégiateurs et gens du cru. Il y a les maisons, les villages qui portent le sceau des Acadiens. Des monuments, des croix de chemin à leur mémoire. Des échanges, des colloques. Mais là où l’Acadie est la plus présente, c’est au fond des êtres. Le tiers des 5 000 habitants de Belle-Île serait d’origine acadienne. Christine Thomas, serveuse au restaurant L’Odyssée, s’anime quand elle parle de ses racines acadiennes en servant l’agneau et les Saint-Jacques de Belle-Île aux clients attablés. Danielle Blancaneaux, née Mélanson, retraitée de l’enseignement, raconte, encore émue, cette procession du 28 juillet 2005 pour marquer le 250e anniversaire de la Déportation de 1755. À 17 h 55 précises retentirent les cloches de Bangor, le village où s’étaient établis les Granger. Hommes, femmes et enfants entonnèrent l’Ave Maris Stella, au milieu des vallons dorés cheminant vers la mer.
Maryvonne Le Gac est propriétaire d’une mercerie à Palais, À la Providence, sise dans une maison construite entre 1650 et 1700. « Avant l’arrivée des Acadiens », dit-elle. Maryvonne a fait de la perpétuation des racines acadiennes de Belle-Île le centre de sa vie. Elle passe des heures à rassembler des souvenirs, créer des contacts, organiser anniversaires et commémorations. « Ce qu’il y a d’acadien en moi ? » Elle fait une pause. « D’abord la simplicité des rapports avec les autres, des rapports sans filtres, sans couches de vernis. » Comme si ces rapports échappaient aux codes sociaux, si puissants en France. « C’est en nous », souffle-t-elle.
Le poissonnier de Palais, Herlé Lanco, né Granger par sa mère, se souvient d’une vieille amie de la famille qui portait encore des robes acadiennes. Il se souvient aussi qu’il ne faisait pas bon se dire Acadien en ces temps-là.
« Quand j’étais gamin, les gens étaient discrets sur le sujet. Aujourd’hui, on a enfin le droit d’en parler. » Mû par une sorte d’appel, il est allé en voyage de noces à Richibouctou, au Nouveau-Brunswick. « Le principal, résume-t-il, c’est de savoir qu’on vient de là. »
Mais certains jours de vague à l’âme, assis devant la mer, Herlé voudrait prendre le large. « Quand ça ne va pas, c’est à l’Acadie que je pense, c’est là-bas que j’aurais envie d’être. » Puis, comme un cri du coeur, il lâche en plaisantant : « Si y avait pas eu ces putains d’Anglais ! »
Lors d’une visite impromptue au Festival du livre de Paris le 12 avril 2024, le président de la République Emmanuel Macron a évoqué une spécificité française : le prix unique sur le livre neuf, en vigueur depuis la loi Lang de juillet 1981. Pour défendre cette exception culturelle qui a protégé les libraires autant face à la grande distribution que devant les assauts du commerce en ligne, il a suggéré qu’il faudrait envisager une contribution prélevée sur les ventes de livres d’occasion.
La polémique qui a suivi a mis en lumière la seconde main et la variété de ses pratiques. Partant d’un questionnement sur la valeur et le sens des circulations du livre rendue possible par ses multiples modes de diffusion, Olivier Bessard-Banquy, professeur de lettres à l’université Bordeaux-Montaigne, a constaté que la plupart des analyses économiques ou sociologiques n’envisagent le livre qu’en tant que produit neuf. Or, bien que rarement mentionné dans le débat public, le marché du livre usagé est d’ores et déjà considérable, atteignant presque 900 millions d’euros en 2020, contre 4,3 milliards pour le neuf.
Les livres de seconde main ont toujours donné lieu à négoce : l’occasion est née avec le neuf, dès la naissance de l’imprimerie. Pour autant, le commerce électronique a récemment donné une nouvelle ampleur à ce marché, désormais accessible à tous, partout, tout le temps. Ce qui était marginal constitue depuis les années 2010 une menace pour l’édition : bien souvent, pour obtenir un livre, la nouveauté ne constitue seulement qu’une option parmi d’autres.
Comme objet matériel et symbolique, le livre connaît de multiples destins : affiché sur les rayons en nouveauté de la rentrée littéraire, il peut rejoindre les étagères d’une bibliothèque soigneusement entretenue autant qu’être abandonné au hasard des rues. Parfois sur un banc, parfois dans les boîtes à livres que l’on retrouve dorénavant en de nombreux endroits.
Mais si ce dispositif s’appuie sur des idéaux et des normes informelles, il pourrait bien, comme le suggère une expérience que nous avons menée, dériver vers une logique plus marchande, qui sévit déjà ailleurs dans l’univers de la seconde main.
Les boîtes à livres sont des bibliothèques ouvertes, mises à disposition dans des lieux publics, accessibles sans contraintes et de façon gratuite, et permettant de déposer ou de prendre des livres (ou, parfois, des revues, voire des DVD). Les premières apparaissent en Autriche, puis aux États-Unis dans les années 1990 ; on en dénombre aujourd’hui des dizaines de milliers à travers le monde.
Ce système repose sur plusieurs principes qui, cumulés, renvoient à la logique du don et du contre-don, mise en évidence au début du XXe siècle par le sociologue Marcel Mauss. Le dépôt et le prélèvement sont anonymes, sans obligation et déconnectés l’un de l’autre : rien n’empêche un individu de déposer des livres sans en prendre, ou un autre d’emporter une partie ou la totalité d’une boîte à livres sans rien déposer. Par nature, il n’existe pas de système de contrôle, d’enregistrement ou de surveillance des contributions et des retraits, aussi bien en termes de quantité que de qualité des livres ou d’identité de l’usager.
Les boîtes à livres créent un échange déconnecté de toute nécessité pratique. On ne vient jamais y chercher un livre précis. L’ensemble du processus n’est adossé à aucune contrainte formelle ou légale comme dans une bibliothèque municipale où il existe des conditions d’inscription et des règles pour emprunter. Tout repose sur le volontariat.
Tout cela ne signifie pas qu’il n’y ait aucune norme dans les échanges. On constate en effet que les utilisateurs des boîtes à livres déposent autant qu’ils prennent, et ce, de façon proportionnée : personne n’emporte tous les livres en bloc. Prendre est socialement corrélé à déposer, le contre-don est lié au don : chaque usager a assimilé cette discipline qui est pourtant inexprimée.
L’attente implicite des individus qui utilisent les boîtes à livres est qu’elles ne soient pas vides (on apporte un livre en échange de celui que l’on prélève), ni ne débordent (on ne déverse pas des livres obsolètes, abimés, destinés au recyclage). Ainsi, comme dans le modèle de Marcel Mauss, bien qu’apparemment volontaires, le don et le contre-don répondent en fait à des obligations sociales très précises.
Les connexions avec cette théorie sont renforcées par la valeur symbolique des objets concernés. Dans la boîte à livres, l’échange n’est pas que matériel ; chacun apporte un livre qu’il recommande en quelque sorte aux autres. Le dépôt est à la fois une prescription et une projection de l’image que l’on souhaite donner de soi-même si le tout reste anonyme.
Au-delà de leur utilité matérielle, somme toute modeste, les boîtes à livres sont donc un véritable réceptacle de valeur symbolique et sociale. Bien plus, par exemple, que le dépôt des livres dans un point de collecte associatif ou un centre de recyclage car, dans ces deux cas, le donateur ne constate pas la réception de son don : dans la boîte à livres, le cycle don/contre-don se mesure visuellement, il suffit de passer sur place pour voir que le livre déposé a été pris ou, parfois, qu’il réapparaît après lecture.
Certaines boîtes sont créées par des associations, d’autres par des particuliers, d’autres encore par des entreprises (commerces, hôtels, résidences sénior…) ou des municipalités : la commune de Maisons-Alfort (Val-de-Marne) a, par exemple, installé dans chaque quartier de la ville une boîte à livres de grande contenance, très visible et habilement protégée des intempéries. Particulièrement appréciées des habitants, elles sont le lieu de notre expérience.
Car une question se pose autour de cet objet iconoclaste : son mécanisme de don/contre-don peut-il résister à la logique de marché qui contamine le secteur ?
L’essor des plates-formes de reventes de livres d’occasion entraîne en effet des comportements qui peuvent parasiter la logique altruiste des boîtes à livres. Les livres d’occasion ont désormais une valeur économique, déterminée par l’offre et le demande et se traduisant formellement par les prix d’achat et de vente sur des sites comme Gibert, Momox, Leboncoin, La bourse aux livres ou Ebay et Amazon. Dès lors, des individus vont fréquenter les lieux de revente de livres (comme les vide-greniers) pour y acheter à très bas prix des livres dont ils savent que la revente sera fructueuse (ils exploitent les codes-barres ou le numéro ISBN pour obtenir l’information en temps réel). Il n’est plus utile de s’intéresser au contenu du livre, ni même de savoir lire ou de parler français ; la conversation avec le vendeur, l’interaction sociale deviennent superflues.
Les boîtes à livres résistent-elles ? Ont-elles été contaminées par ces dérives ? Pour notre expérience, 1 200 livres d’occasion relevant de la catégorie des romans policiers, en poche et en grand format, ont été discrètement marqués puis déposés dans six boîtes à livres de la ville de Maisons-Alfort, choisies pour leur proximité de nombreux lieux de revente de livres d’occasion (dans le Sud-Est parisien).
L’observation des lieux après remplissage a montré quelques passants, simples curieux ou habitués, piochant un ou deux titres parmi ces nombreuses « nouveautés ». Mais, très vite, des individus équipés de sacs ont pris la quasi-intégralité du contenu des boîtes à livres. Celles-ci ont alors été remplies à nouveau par nos soins d’un nombre identique de livres. En tout, 2 500 thrillers et polars ont ainsi été disséminés dans la ville. Le même phénomène s’est reproduit : dès le lendemain, elles étaient vides. Dans les semaines qui ont suivi, la fréquentation des boutiques de livres d’occasion qui procèdent à de l’achat immédiat et implantées à proximité (XIIe et XIIIe arrondissements de Paris) ont permis de voir réapparaître plusieurs dizaines d’exemplaires des livres que nous avions marqués.
Des boîtes à livres sont ainsi pillées pour en revendre les meilleures pièces, soit à des boutiques, soit aux sites et plates-formes en ligne. Tout le principe du don et du contre-don s’effondre, malmené par un usage strictement utilitaire et mercantile. Quelle conséquence cela a-t-il sur le contenu ? Seuls des livres sans intérêt ou abîmés s’y trouvent, les usagers n’y dénichent plus de « contre-don » de qualité, qui justifieraient de déposer leurs propres livres. Le modèle perd toute légitimité du fait de la loi de Gresham, selon laquelle « la mauvaise monnaie chasse la bonne ». La fréquentation s’étiole, les boîtes périclitent.
Cette dérive du don vers le marché est-elle spécifique au livre de seconde main ? Dans leur rapport pour l’Ademe intitulé « Objets d’occasion : surconsommation ou sobriété ? », Lucie Brice Mansencal, Valérie Guillard et Charlotte Millot constatent que certains utilisateurs des plates-formes de vente de produits d’occasion comme Vinted ou Leboncoin se professionnalisent. Le recours à l’occasion n’est plus motivé par la conjugaison de la quête de lien social et de solidarité, comme dans les vide-greniers ou les braderies associatives de type Emmaüs, mais par la volonté d’acheter de façon efficace économiquement, voire de réaliser des profits.
La conséquence est la baisse de la qualité des dons faits au bénéfice des plus démunis et la quête exclusive de contrepartie financière. Alors que le marché de l’occasion était historiquement fortement marqué par des logiques de troc ou d’échanges, la dimension symbolique que l’on pouvait y trouver s’efface, remplacée par un utilitarisme froid.
Espace jusqu’alors protégé, fragment d’utopie bienveillante dans la ville, la boîte à livres n’échappe pas à ces détournements intéressés, heureusement encore marginaux.
L’événement était hautement symbolique et montrait avec éclat que la mémoire acadienne de Belle-Ile-en-Mer est bien vivante. Le 11 juin 2016, Belle-Ile-en-Mer commémorait le 250ème anniversaire de l’installation de 78 familles de réfugiés acadiens (363 personnes) réparties dans 40 villages des quatre paroisses de Le Palais, Bangor, Locmaria et Sauzon.
En présence d’une importante délégation canadienne, le maire de Palais et président de la communauté des quatre communes de Belle-Ile-en-Mer soulignait le caractère indispensable du jumelage de l’île depuis 2003 avec la ville de Pubnico (Nouvelle-Ecosse). Pubnico (anciennement Pobomcoup) est considéré comme le plus ancien village acadien, fondé en 1653, et même le plus ancien village du Canada encore occupé par les descendants de son fondateur, le baron Philippe Mius d’Entremont. Aujourd’hui, ce lien fort est précieux pour Belle-Ile-en-Mer qui, loin d’être une île-musée, constitue le plus grand fief acadien de France. Pour le comprendre, revenons à novembre 1765…
Les familles acadiennes étaient toutes arrivées au port de Palais, en provenance surtout de Morlaix mais également de Saint-Malo. La plupart d’entre elles avaient été exilées et assignées à résidence dans des ports anglais jusqu’en 1763. Que venaient-elles faire à Belle-Ile-en-Mer, cette île bretonne d’environ 5000 habitants tout juste reprise aux Anglais mais à reconstruire entièrement ? Les États de Bretagne avaient proposé un afféagement général de l’île, c’est-à-dire une redistribution des terres aux paysans bellilois afin qu’ils en deviennent propriétaires. Ils espéraient sans doute, en offrant aussi des terres aux Acadiens, réputés plus industrieux, opérer une saine émulation rurale. Cette expérience fut elle un succès ? Si de nombreux Bellilois revendiquent aujourd’hui leur ascendance acadienne, c’est que l’intégration sociale et économique de leurs ancêtres fut plutôt réussie. Des données factuelles et numériques récemment collectées (Jean-Paul Moreau, 2014) sont très éclairantes à cet égard…
Les deux premières décennies (1765-1785) furent marquées par deux dates clés. A partir du 1er janvier 1776, les Afféagistes furent autorisés à vendre leurs terres et en 1785 certains Acadiens émigrèrent en Louisiane. Dans cette période, le principal moteur de l’intégration sociale – le mariage – joua massivement son rôle puisque près de 90% des mariages concernant un Acadien ou une Acadienne étaient mixtes ! Après 1785, seulement 25% des familles pionnières étaient restées définitivement dans l’île. Parmi les autres, 30% avaient émigré en Louisiane et 45% quitté aussi l’île mais en restant dans les ports bretons. Certes, dans la première décennie, plusieurs départs étaient manifestement liés à des motifs économiques, mais dans la seconde, les familles partantes avaient pu vendre ou affermer leurs concessions dans de bonnes conditions, parfois même à… d’autres Acadiens restés sur l’île.
Voici les principales familles acadiennes pionnières de Belle-Ile-en-Mer en novembre 1765 (200 sur 363) : Leblanc, Granger, Trahan, Terriot, Daigre.
par Mathieu Dalaine
Un sinistre portail d’entrée et un imposant mur d’enceinte garni de barbelés. Depuis la D46, en contrebas du Faron, on ne devine presque rien de l’ancienne poudrière du quartier des Moulins.
L’"établissement de Saint-Pierre", de son vrai nom, est un endroit interdit et mystérieux. Une nécropole, disent certains, où les curieux sont priés de passer leur chemin.
Ici pourtant, au 245 avenue des Meuniers, figure l’un des hauts lieux de la libération de Toulon. Du 21 au 22 août 1944, de violents combats opposèrent des centaines d’Allemands retranchés et surarmés au bataillon de choc et au troisième régiment de tirailleurs algériens (3e RTA) venus du Revest.
"C’était le verrou de la ville. De Lattre de Tassigny a comparé ça à Douaumont. Quand les Français sont parvenus à le faire sauter, la voie était libre", pose Philippe Maurel.
Cet hydrospéléologue est un passionné d’histoire locale. Dans un documentaire qu’il vient d’achever (lire par ailleurs), il rappelle cet épisode de la Seconde Guerre mondiale. Il revient aussi longuement sur les secrets que renferme encore aujourd’hui la fameuse "P4", quatrième poudrière construite dans la vallée du Las au milieu du XIXe siècle.
"La bataille fit rage pendant deux jours", raconte le réalisateur. "Le 21 août, les échanges de tirs provoquèrent l’explosion d’une des quatre galeries de la poudrière, qui s’effondra sur elle-même. Certains estiment que deux cents Allemands furent alors ensevelis, avec les munitions en quantités considérables qu’ils stockaient là."
Dans son film, le Revestois fait témoigner plusieurs protagonistes de l’époque, tous décédés aujourd’hui. Roger Rebout, ancien sergent du 3e RTA, évoque carrément "huit cents Allemands, des munitions, des chars" qui auraient été enterrés à l’intérieur du tunnel. D’autres, seulement une poignée. Toujours d’après Roger Rebout, c’est une grenade lancée par les Français qui aurait provoqué une réaction en chaîne, entraînant l’explosion du site tout autour. Là encore, une hypothèse parmi d’autres.
"J’ai vu la colline qui tremblait", se souvient Jacques Colin, alors adolescent vivant au Collet Saint-Pierre. "La fumée s’est élevée de partout; l’explosion a fait sauter les pierres." Andrès Cortès, vétéran du bataillon de choc, soupire. "Cet endroit, c’est comme une tombe." Après la prise totale de cette forteresse, le 22 août 1944 à 22h45, et la fin de combats particulièrement meurtriers, 250 cadavres ennemis jonchaient le sol. Des morceaux de sous-marins de poche allemands en cours d’assemblage furent aussi découverts.
Mais après la libération, les entrailles de la "P4" n’ont jamais réellement été sondées. "Condamnée, elle n’a pas fait l’objet de la moindre exploration. Trop dangereux", résume l’ancien maire François Trucy dans son ouvrage Naguère. Pire: des immeubles ont été progressivement construits sur la colline au-dessus.
L’unique dépollution du site, propriété de la Marine pendant des décennies, a été réalisée à la "poêle à frire" sur seulement 50cm, comme l’attestent des documents de 1988 que nous avons pu consulter. Aujourd’hui encore, on ne sait rien de ce qui se cache sous l’épaisse couche de blocs rocheux laissés en l’état depuis 1944. L’historien Jean-Marie Guillon, interviewé par Philippe Maurel, acquiesce, pointant "les interrogations, les rumeurs."
En 2014, le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian évoquait à son tour le sujet. Répondant à la députée toulonnaise Geneviève Levy, désireuse d’en faire un lieu de mémoire collective, il avait ses mots: "La réalisation de travaux de déblaiement pour accéder [aux] dépouilles comporterait des risques considérables et aurait, de surcroît, un coût financier extrêmement important. C’est la raison pour laquelle aucune initiative n’a été prise pour exhumer les corps."
La même année, l’État décidait de vendre aux enchères la friche de 7 hectares à un certain Jan Cornelis Hendrik Van Schaik, domicilié en Belgique. Celui-ci n’a pas souhaité rendre publiques les raisons pour lesquelles il avait acheté cette parcelle, pourtant largement inconstructible. Sa première action fut de sécuriser le terrain pour éviter les intrusions. "A-t-il acquis les lieux pour faire ses propres recherches dans les décombres?", s’interroge Philippe Maurel.
Il est probable que nous ne le sachions jamais: l’homme est décédé l’an dernier.
En août1944, les combats sur l’avenue du XV-Corps, au Pont-du-Las, furent acharnés. Photo William E. Bonnard - US Nara.
Avec L’autre Débarquement réalisé par Christian Philibert (2014), Les Drailles de la liberté est l’un des rares documentaires à s’intéresser à la libération de Toulon. Aux manettes : l’hydrospéléologue et féru d’histoire locale Philippe Maurel.
"L’idée, c’était de raconter le parcours des libérateurs, arrivés de Siou-Blanc, puis passés par Le Revest avant de reprendre la ville aux Allemands".
Pour ce faire, Philippe Maurel s’est appuyé sur Dardennes 44, un de ses précédents films, et a notamment réutilisé les témoignages de combattants de l’époque, tous disparus aujourd’hui, enregistrés au début des années 2000. "Certains sont très forts, comme celui d’Andrès Cortès, un ancien du bataillon de choc."
Quelques "VIP" font aussi des interventions remarquées, tels le neuropsychiatre Boris Cyrulnik ou l’historien Jean-Marie Guillon.
Les bombardements de 44, la pénurie pendant la guerre, le sabordage ou le Débarquement sont aussi abordés. Mais c’est bien la bataille de Toulon qui intéresse l’auteur, de la poudrière des Moulins… au Pont-du-Las "J’ai découvert que dans ce quartier, les combats furent terribles. Jean-Marie Guillon évoque un crime de guerre commis par l’armée allemande, avec sept membres du bataillon de choc et un habitant fusillés sur le trottoir. Une plaque leur rend hommage sur l’avenue du XVe-Corps."
Mais, pour Philippe Maurel, le principal enseignement du film se rapporte peut-être à l’identité des héros qui ont libéré Toulon.
"Pour l’essentiel, c’était les coloniaux. Il suffit de voir, place Louis-Charry, les noms à consonance nord-africaine de ceux qui sont tombés lors des combats de la poudrière. En ces temps troublés, il n’est pas inutile de le rappeler…"
Savoir + Projection du film Les Drailles de la liberté jeudi 27 juin à 14 h 30, à la salle Franck-Arnal, rue Vincent-Scotto à la Rode. Entrée gratuite. Événement organisé par le mémorial du Débarquement et de la Libération du Faron.
Dans L'Odyssée, la fameuse épopée grecque antique attribuée à Homère, la mer est un élément central. Tantôt peuplée de monstres, tantôt signe d'apaisement et de protection, elle est décrite par le protagoniste Ulysse sous toutes ses formes –ou presque. Étrangement, le livre ne fait mention d'aucune couleur bleue, laquelle devait pourtant être omniprésente, que ce soit dans la mer ou le ciel. L'érudit britannique William Gladstone, qui s'est intéressé à ce fait étonnant en 1850, fut l'un des premiers à notifier l'absence de la couleur bleue dans les œuvres anciennes.
Les documents historiques rédigés dans diverses langues, du grec à l’hébreu ancien, ne font aucune référence explicite au bleu, alors qu'on y trouve en revanche des termes pour d'autres teintes comme le noir et le rouge. Durant l'Antiquité, les Grecs ne voyaient-ils pas le bleu? Dans l'ouvrage The Language of color, on peut lire que des chercheurs ont également notifié un profond manque de «bleuté» dans les récits chinois et islandais, mais également dans les premières versions de la Bible.
Une première explication se trouve dans la langue. Les Grecs n'avaient peut-être tout simplement pas de mots pour cette couleur, et n'avaient donc pas la possibilité de la décrire. En grec, l'adjectif «kyaneos» qualifie aussi bien le bleu des yeux que le noir des vêtements de deuil. Dans les sociétés anciennes, on ne nomme la couleur qu'au travers des métaphores: le ciel est blanc, rouge ou noir, selon la façon dont il agit sur la vie des êtres humains.
Selon le philosophe allemand Lazarus Geiger, il existe une hiérarchie linguistique des couleurs. À travers l'étude de textes anciens et modernes, il a remarqué que les termes décrivant le blanc et le noir apparaissent plus fréquemment que ceux qui désignent les autres couleurs. Cela s'expliquerait par le fait que ces deux notions sont plus intelligibles –elles sont suivies de près par le rouge, couleur du sang, qui occupe une place particulière dans nos vies.
Bleu Klein, bleu turquoise, bleu azur… La couleur bleue est partout, tout le temps. Dans son podcast Culture Bleu, la conférencière, rédactrice et ingénieure pédagogique Delphine Peresan Roudil analyse les différents bleus, leur histoire et leur place dans la société. Abordant le sujet sous de nombreux angles, du fromage en passant par les différentes teintes de la couleur, aucun épisode ne fait pour le moment mention du bleu dans la nature. Et c'est normal.
Peu de plantes ou d'animaux sont vraiment bleus. Même le paon, s'il semble arborer la couleur, ne possède en réalité aucun pigment de bleu: son aura bleutée est seulement due à la façon dont la lumière se reflète dans ses plumes. Il en va de même pour le ciel, qui n'est en réalité pas vraiment bleu, même si nos yeux le perçoivent comme tel. Cette théorie expliquerait l'absence de description de la couleur du ciel, qui tient également au fait que pour les Grecs, du fait de son omniprésence, le bleu n'était pas intéressant, voire presque invisible à leurs yeux.
100 ans: c'est la durée de vie théorique d'un pont, selon le rapport d'information du Sénat présenté par la Commission de l'aménagement du territoire et de développement durable. Mais attention: «seuls les ponts construits depuis le début des années 2000 et répondant à des normes européennes» peuvent prétendre atteindre cet objectif. Cela constitue un problème pour les ouvrages français, dont un quart ont été construits dans les années 1950 et 1960. Pour ces ouvrages qui arrivent en fin de vie, le point de rupture s'approche à mesure que le réchauffement climatique s'accentue.
Ce dernier «devrait accélérer de 31% le délai d'endommagement des structures des ponts et réduire leur durée de vie de quinze ans», peut-on lire dans un article publié par Science Direct sur l'impact du changement climatique sur les structures des ponts. La détérioration des matériaux, exacerbée par la chaleur, réduit la résistance des composants structurels. À mesure que les phénomènes météorologiques s'intensifient, les ponts sont davantage exposés à l'érosion due aux importants débits d'eau qui s'écoulent en dessous. De cette manière, ces ouvrages essentiels à la circulation routière et ferroviaire sont confrontés à d'importants risques de sécurité.
La France compterait entre 200.000 et 250.000 ponts routiers, dont près de 15% seraient en «mauvais état structurel», toujours selon le rapport d'information sénatorial. Pour faire prendre conscience des risques encourus et à venir, (la plateforme InfraClimat](https://infraclimat.com/), qui permet de visualiser l'impact du changement climatique sur les infrastructures, a été lancée par la Fédération Nationale des Travaux Publics (FNTP). Avant tout destinée aux élus et aux collectivités françaises, elle est librement consultable sur internet: ses résultats sont inquiétants.
Par la sélection de plusieurs critères tels que l'infrastructure concernée, la région choisie ainsi que l'aléa climatique projeté parmi la sécheresse, les inondations, la chaleur extrême ou encore la submersion marine, une carte se dessine sous nos yeux. Elle permet de «comprendre la nature des vulnérabilités auxquelles sont exposées [les infrastructures]», lit-on sur le site. En analysant la région de la Métropole Aix-Marseille-Provence d'ici à 2030, InfraClimat indique que 2.550 ponts sont par exemple exposés aux conséquences de la sécheresse.
Celle-ci implique une fragilisation totale ou partielle des ponts en raison d'«un rétrécissement du matériau suite à la perte de l'eau qui le compose. Par exemple, en période de sécheresse, des fissurations de la couche de roulement du tablier peuvent apparaître. L'augmentation excessive des dilatations d'ouvrage peut également engendrer une rupture des joints de dilatation qui n'ont pas été prévus initialement pour les encaisser.»
Le site propose malgré tout des solutions pour empêcher la catastrophe. En haut des recommandations, il préconise la tournée d'inspections spécialisées ainsi que la mise en place d'actions de rénovation et de maintenance des infrastructures. Des mesures d'autant plus urgentes face au retard accumulé de 89 millions d'euros dans l'entretien et la réparation des ouvrages d'art.
D'ici 2100, si aucune mesure n'est prise contre l'augmentation de la température, la France devra débourser près de 260 milliards d'euros pour contrer les effets du changement climatique, indique un rapport de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME).
Il faut oublier la représentation de Rome que l'on peut voir dans des films comme Gladiator. Celle de la série HBO Rome est beaucoup plus pertinente: rues étroites, saleté, etc. Rome était un cloaque, où les habitants s'entassaient dans des insulae, bâtiments en grande partie construits en bois et donc très inflammables.
Plus vous étiez pauvre, plus vous viviez haut dans les insulae. Évidemment, en cas d'incendie, c'était un peu la cata: vous mouriez. Certains s'étaient même enrichis grâce aux feux. Si vous voulez un vrai incendiaire, pensez à Crassus plus qu'à Néron: il semble qu'il faisait brûler les demeures pour les racheter à bas prix, et qu'il les louait ensuite avec des loyers prohibitifs.
Pour lutter contre le feu dans cette cité de 800.000 habitants, il y avait les vigiles urbani, souvent recrutés parmi les esclaves publics (esclaves appartenant à la cité et non à des particuliers), puis chez les affranchis. Au nombre de 7.000, divisés en sept cohortes de 1.000 hommes, leur rôle était moins de lutter contre les incendies que de vérifier que les habitations aient de quoi empêcher les départs de feu. C'était un métier risqué, mais gratifiant: au bout de six ans, un vigile devenait citoyen, ce qui lui permettait d'intégrer d'autres postes plus intéressants. Reste que les incendies étaient récurrents à Rome.
Mais revenons à cette nuit du 19 juillet 64, ou le douzième jour avant les calendes d'août de l'année DCCCXVII de la fondation de la ville. La nuit est chaude en ce mois de juillet, mais le vent ne permet pas de rafraîchir l'air vicié. C'est le sirocco, un vent chaud et sec qui souffle souvent en juillet à Rome. Les chariots parcourent la ville, étant interdits de le faire en journée. Rome est tout le temps active, le silence est un luxe que ne peuvent se permettre que les riches, avec leurs domus isolées sur le Palatin.
Le dirigeant, l'Imperator Nero Claudius Caesar Augustus Germanicus, dit Néron pour la postérité, n'est pas à Rome. La chaleur l'a poussé à se rapprocher du bord de la mer, dans sa ville natale d'Antium, à une heure.
On ne sait pas ce qui a déclenché l'incendie. On sait où il a débuté: dans des boutiques où des biens inflammables étaient entreposés, dans la région du Cirque Maxime qui bordait le Palatin et le Cælius. Le vent a vite fait d'étendre les flammes sur tout le pourtour du Cirque, puis dans les quartiers alentours, où les insulae s'entassaient, bordées par des rues où deux hommes ne pouvaient se croiser. Aucun temple, aucune zone n'arrête le feu. Puis c'est le Palatin qui est touché, et le Cælius. La population s'enfuit dans les zones dégagées, dans les champs alentour, dans les parcs.
Le feu dure six jours, avant de se calmer, puis de reprendre pour trois jours. Les deux tiers de la ville sont ravagés. Seuls quatre des quatorze districts urbains sont épargnés. C'est ce que nous relatent les auteurs anciens. Une cinquantaine de demeures luxueuses sont également détruites, dont une partie du palais de Néron.
Trois auteurs relatent l'incendie de Rome: Tacite, Suétone et Dion Cassius. Suétone et Dion Cassius accusent Néron de l'incendie, alors que Tacite le sous-entend sans jamais le dire.
Pourtant, les actions de Néron lors de ces événements sont toutes logiques et efficaces. Dès qu'il apprend la nouvelle de l'incendie, dans la nuit, Néron revient à Rome. Il fait distribuer des vivres, il ouvre ses propres jardins aux réfugiés. Sur ses deniers personnels, il organise la récupération des corps et l'enlèvement des débris.
Durant l'incendie même, il ordonne la destruction de maisons –non pas par plaisir, mais par une technique de «coupe-feu» bien connue. Sa reconstruction de Rome créera de plus grandes rues, des bâtiments de briques et non de bois, tout cela conçu pour limiter les dégâts des incendies.
Néron se comporte mieux que beaucoup d'autres monarques dans des circonstances identiques. En aucun cas il ne joue de la lyre en rimant sur la chute de Troie. Il s'agit d'une rumeur relatée par Suétone et Dion Cassius, mais qui ne cadre pas avec les actions de Néron relatées par Tacite.
Haï par les riches
Pourquoi est-il accusé de cet incendie, alors qu'il a agi avec responsabilité? Néron était très populaire parmi le peuple de Rome. Ce n'était pas le monstre que les images d'Épinal nous montrent. Au contraire, même s'il était considéré comme un peu original –avec son dégoût des courses et de la gladiature et son amour de la musique et du chant–, il était adoré par le peuple. Il avait même passé certaines lois que l'on pourrait juger humanistes, comme l'arrêt de la torture systématique de tous les esclaves d'un homme libre assassiné.
En revanche, les riches le détestaient. Avant l'incendie, c'était juste un mépris, une défiance. Mais après, cela devint de la haine et les conspirations se multiplièrent. Car pour rebâtir Rome, il fallut augmenter les taxes dans les provinces. Or, les riches Romains, avec leurs vastes propriétés accaparées sur le domaine public, furent les premiers touchés.
Néron a agi comme un homme d'État responsable: il n'a pas mutualisé les pertes.
De même, la dévaluation du denier décidée par Néron les toucha durement (tout en favorisant les marchands). Néron voulait que les taxes soient payées avec les anciens deniers, et non les nouveaux. Et qui avaient les anciens deniers? Bingo: les riches.
Le fait de ne donner aucun «as» pour reconstruire les riches demeures, mais de consacrer l'argent de l'État soit aux quartiers populaires, soit à sa Domus aurea, n'a pas dû aider à le faire aimer chez les élites. En gros, Néron a agi comme un homme d'État responsable: il n'a pas mutualisé les pertes. Les riches avaient les moyens de reconstruire, pas les pauvres. Donc il a aidé les pauvres.
Dion Cassius écrit 150 ans après les événements, et son ouvrage traitant de Néron est incomplet. Suétone est plus proche, mais… Tenez, parlons un peu de Suétone. Il naît en 69. Suétone, c'est un peu le Stéphane Bern de l'histoire antique. Les récits de boudoir l'intéressent plus que de relater l'histoire. Il avait accès aux archives impériales, mais elles sont bien peu présentes dans son œuvre. Sa Vie des douze Césars est à la fois une usine à ragots et une tentative de pourlécher avec humilité l'anus des Antonins, les empereurs régnants, qui avaient tout intérêt à faire détester Néron et les Julio-Claudiens.
Attention, je ne dis pas que tout Suétone est à jeter. On peut comprendre et découvrir les mœurs ou les interdits de l'époque par son œuvre, bien plus qu'en lisant d'autres auteurs plus factuels. Vingt ans après la mort de Néron, des imposteurs continuaient de s'attribuer son identité, pour rallier le peuple de Rome.
Savez-vous que 38 % des pages internet qui existaient en 2013 sont désormais inaccessibles ? Cela représente plus de 250 millions de sites qui ont disparu dans les méandres du web ! Ce phénomène, appelé "dégradation numérique", touche tous les types de sites, des sites gouvernementaux aux réseaux sociaux, en passant par les sites de particuliers. Dans cet article, nous allons explorer les raisons de cette disparition massive de sites web et les conséquences que cela peut avoir pour les individus, les entreprises et les gouvernements. Prêt à plonger dans les profondeurs du web ?
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Salut tout le monde ! Aujourd'hui, je vais vous parler d'un phénomène qui touche le monde numérique et qui est loin d'être drôle : la "dégradation numérique". Selon une étude réalisée par le Pew Research Center, 38 % des pages internet qui existaient en 2013 sont désormais inaccessibles. Oui, vous avez bien lu, plus de 250 millions de sites ont disparu dans les méandres du web !
Mais avant de rentrer dans le vif du sujet, laissez-moi vous donner quelques chiffres pour vous faire comprendre l'ampleur du phénomène. Selon les données du Real Time Statistics Project, le nombre de sites Internet en ligne a été multiplié par dix entre 2008 et 2017, passant de 172 millions à plus d’1,7 milliard. Et oui, en à peine 10 ans, le nombre de sites a explosé !
Mais alors, comment expliquer la disparition de tous ces sites ? Les raisons sont multiples et variées. Tout d'abord, les sites gouvernementaux sont concernés par ce phénomène. En effet, la plupart d'entre eux ont migré vers des adresses sécurisées "https", ont été transformés en documents "statiques" (comme des PDF) ou redirigent désormais vers une nouvelle adresse. Et oui, même les gouvernements ne sont pas à l'abri de la "dégradation numérique" !
Mais ce phénomène ne touche pas que les sites gouvernementaux, les particuliers sont également concernés. En effet, la maintenance d'un site génère des frais qui sont généralement compensés par le trafic. Mais lorsqu'une page cesse d'être visitée, elle perd la raison de son existence et finit par disparaître. Et oui, sur le web, il faut savoir se renouveler pour ne pas sombrer dans l'oubli ! (et là, je sais de quoi je parle !)
Mais le phénomène de la "dégradation numérique" ne s'arrête pas là. Selon une étude du Pew Research Center, 21 % des pages officielles comportent au moins un lien inaccessible. Et oui, même les pages officielles ne sont pas à l'abri des liens morts !
Mais ce n'est pas tout, les réseaux sociaux sont également concernés par ce phénomène. En effet, près d'un cinquième (18 %) des tweets publiés dans le cadre de l’étude du Pew ont disparu en à peine quelques mois. Et oui, même sur les réseaux sociaux, il faut savoir être réactif pour ne pas disparaître !
Enfin, dernier exemple et non des moindres, Wikipedia. Selon une étude, plus de la moitié (54 %) des références renvoient vers des pages qui n’existent désormais plus. Et oui, même la célèbre encyclopédie en ligne n'est pas à l'abri de la "dégradation numérique" !
Alors, que faire pour lutter contre ce phénomène ? Tout d'abord, il est important de bien référencer ses pages et de vérifier régulièrement les liens pour éviter les liens morts. Ensuite, il est important de mettre à jour régulièrement son site pour maintenir l'intérêt des visiteurs. Enfin, il est important de sauvegarder régulièrement son site pour éviter de tout perdre en cas de problème.
Voilà, vous savez tout sur la "dégradation numérique". Alors, n'oubliez pas de bien entretenir votre site et de sauvegarder régulièrement vos données pour éviter de disparaître dans les méandres du web !
Sources multiples :
Pew Research
Real Time Statistics Project
Le Grand Continent
Publié le 31 Mai 2024 par Technifree