par Mathieu Dalaine
La dernière fois que des coups de feu ont été échangés à la poudrière des Moulins, c’était en août 1944. Des combats avaient fait rage autour du "verrou" de Toulon, dans la vallée du Las. Bilan officiel: 250 morts côté allemand, ainsi que 23 chez les libérateurs. Et un mystère en sus. Combien d’hommes (et de munitions non explosées) avaient aussi été engloutis par l’effondrement soudain de la galerie P4, aux premières heures de la bataille?
L’arrivée d’un nouveau propriétaire sur ce site situé au 245 avenue des Meuniers, sur la route qui mène au Revest, va peut-être permettre d’apporter une réponse à cette énigme historique. Le Club de tir police varois (CTPV) vient en effet d’acquérir l’endroit, jadis appelé "Établissement de Saint-Pierre", pour la modique somme d’un demi-million d’euros. Avec la ferme intention d’y tirer quelques cartouches, mais également de s’intéresser de près aux éboulis les plus intrigants de la ville.
"On était installé depuis trente ans à Lagoubran (1), sur un terrain militaire qui a longtemps abrité une usine de torpilles", explique Gilbert Tort, l’ex-commandant de police qui préside désormais aux destinées de cette structure prisée des forces de l’ordre. "Mais en début d’année, le ministère des Armées nous a informés qu’il comptait résilier notre bail."
La raison invoquée par la Défense – le besoin de récupérer de l’espace en vue du chantier préparatoire à l’accueil du futur porte-avions sur la base navale de Toulon – ne souffrait guère la contestation. Le CTPV s’est mis en quête d’un nouvel écrin pour son millier d’adhérents, civils ou assermentés.
L’entrée de l’ex-établissement Saint-Pierre, dans le quartier des Moulins, va devenir celle du Club de tir police varois dès l’an prochain. (Photo doc. F. M.).
Avec ses trois longs tunnels bétonnés, son terrain vaste (mais inconstructible), sa capacité d’accueil et son accès sécurisé, la poudrière des Moulins cochait pas mal de cases. Le décès du propriétaire de cette friche de sept hectares en fin d’année dernière, et la volonté de ses héritiers de s’en séparer, a permis la transaction.
Si tout se passe bien, après quelques travaux d’aménagement, les fines gâchettes du coin devraient pouvoir dégainer leurs armes au pied du Faron dès l’an prochain. Mais le club a une autre cible en tête.
"On connaît l’histoire de la poudrière, insiste Gilbert Tort. On sait qu’il y a un mystère autour de la galerie effondrée et on aimerait contribuer à le résoudre." L’ancien patron de la Bac nord de Marseille entend ainsi prendre attache avec le consul d’Allemagne et des associations mémorielles outre-Rhin, afin de voir sous quelle mesure une dépollution du site en profondeur, jamais vraiment réalisée jusque-là, serait susceptible d’être entreprise.
"Imaginons que le terrain puisse enfin être dépollué, poursuit Gilbert Tort. Imaginons aussi qu’on retrouve du matériel militaire. On pourrait alors transformer cette poudrière en un lieu de mémoire avec l’installation d’un petit musée, pourquoi pas, en partenariat avec le ministère des Ancien combattants. Mais bon, tout ça, c’est un sujet à long terme…" Et pas franchement la cible la plus facile à atteindre.
Généa50 est une association qui s’adresse à tous les passionnés d’histoire et de généalogie dans la Manche. En 2024, nous avons organisé plusieurs événements sur Fermanville (3 expos, 3 conférences, 1 grande vente de livres). A partir du 14 décembre commence une nouvelle exposition avec une présentation très spéciale de quelques Fermanvillais que vous reconnaîtrez peut être. D’autres manifestations se dérouleront en 2025, venez nous y revoir ou nous découvrir à ces occasions !
Après 5 ans d’existence, l’association continue son développement. Une 15aine de bénévoles, au service de nos presque 300 adhérents et des visiteurs de Fermanville et d’ailleurs, occupent divers missions : gérer notre bibliothèque (2800 ouvrages), relever des chartriers & transcrire des vieux actes, donner des cours de paléographie, développer notre arbre généalogique de la Manche de 1,7 million de personnes liées à la Manche et leurs ancêtres nobles, tenir un forum, un blog et une chaine Youtube… En plus de la publication d’une revue semestrielle, nous lançons une nouvelle activité d’édition inaugurée par « la Rue du Faubourg à Cherbourg ». D’autres livres locaux sont en préparation pour 2025.
À l’heure où l’intelligence artificielle accélère la propagation de fausses images et de photos sorties de leur contexte, apprendre aux élèves à sourcer leurs informations est plus important que jamais. Et les cours d’histoire se doivent d’intégrer aujourd’hui une formation à l’histoire numérique que peuvent faciliter des outils comme le projet VIRAPIC qui aide à repérer des photos virales.
Chaque jour, des images en lien avec des évènements historiques sont mises en ligne sans être référencées – avec leur auteur, leur date, leur localisation, leur lieu de conservation – et encore moins contextualisées par un commentaire historique. C’est le cas, par exemple, de cette photographie, la plus souvent publiée pour représenter les exactions des « mains coupées » dans le Congo de Léopold II, au tournant du XIXe au XXe siècle. En 2024, on la retrouve sur des milliers de pages web sans que l’auteur de cette photographie soit toujours mentionné et sans faire l’objet d’un commentaire historique approprié.
Cette photographie semble illustrer de manière saisissante les exactions commises par les compagnies de caoutchouc au Congo. Mais que peut-on voir de cette photographie sans connaître son histoire ? Le spectateur est ici contraint d’interpréter le message photographique au filtre de ses propres représentations, saisi par le contraste entre les victimes et les Européens habillés de blanc jusqu’au casque colonial, lesquels semblent justifier les châtiments corporels par leur pose hiératique.
En réalité, cette photographie a été prise en 1904 par une missionnaire protestante, Alice Seeley Harris, pour dénoncer ces violences et les deux hommes sur la photographie participent à cet acte de résistance photographique qui contribuera à mobiliser l’opinion publique européenne contre les crimes commis dans l’État indépendant du Congo. L’identité et les intentions du photographe ne sont pas ici un détail : ils rendent compte d’une réalité historique plus complexe, celle d’une « polyphonie morale » des sociétés européennes à la fin du XIXe siècle, divisées sur le bien-fondé et les dérives de la colonisation.
Des exemples comme celui-ci, il en existe des milliers sur le web, les publications et partages d’images générant un brouillard de photographies décontextualisées, rendues virales par les algorithmes des moteurs de recherche et des réseaux sociaux numériques.
Prenons l’exemple de ce tweet d’Eric Ciotti posté le 16 juillet 2024 en commémoration de la rafle du Vel d’Hiv :
Capture d’écran.
La photographie postée n’a pas grand-chose à voir avec les rafles des 16 et 17 juillet 1942 : il s’agit en réalité d’un cliché montrant des Français soupçonnés de collaboration enfermés au Vel d’Hiv après le Libération. Ce compte Twitter n’est pas le seul à reproduire cette erreur ; il faut noter que les algorithmes de Google images ont longtemps placé cette photographie dans les premiers résultats de recherche à la suite des mots clefs « Rafle du Vel d’Hiv ».
La rectification de cette erreur est-elle seulement l’affaire des historiens préoccupés par l’identification des sources ? En réalité, cette erreur participe à la méconnaissance historique de la rafle du Vel d’Hiv. Comme le montre l’historien Laurent Joly, il existe une seule photographie de la rafle, prise le 16 juillet 1942 à des fins de propagande et pourtant jamais publiée dans la presse. Ce détail n’est pas anodin, il révèle que les autorités allemandes ont interdit la publication des photographies de la rafle, alertées par la désapprobation de la population parisienne.
Ces quelques exemples doivent nous alerter sur l’usage illustratif de la photographie encore trop présent dans l’édition scolaire. Faute de place, les manuels se contentent, le plus souvent, d’une simple légende sans commentaire pour éclairer ou confirmer le cours de l’enseignant.
L’usage des photographies par les historiens a pourtant évolué ces dernières années, considérant désormais celle-ci comme de véritables archives auxquelles doivent s’appliquer les règles élémentaires de la critique des sources. Un tel usage gagnerait certainement à être généralisé dans l’enseignement de l’histoire pour sensibiliser les élèves à la critique documentaire – le plus souvent résumée par la méthode SANDI (Source, Auteur, Nature, Date, Intention). Car, si cette méthode est parfois jugée artificielle par les élèves, elle trouve une justification, pour ainsi dire immédiate, dans la critique de l’archive photographique.
En effet, le regard porté par les élèves sur l’image photographique change radicalement une fois connue son histoire.
Cette approche documentaire est d’autant plus nécessaire que les élèves et les étudiants s’informent aujourd’hui de plus en plus sur les réseaux sociaux, des réseaux où les photographies sont relayées par des armées de comptes sans scrupules méthodologiques et parfois orientées par des lectures complotistes du passé.
Il faut encore ajouter une autre donnée pour comprendre l’enjeu pédagogique qui attend les enseignants d’histoire dans les années à venir : d’ici 2026, selon un rapport d’Europol, la majorité du contenu disponible sur le web sera généré par l’IA. Cela impliquera probablement la publication de fausses photographies de plus en plus crédibles et sophistiquées, lesquelles tiendront lieu de preuve à des fictions déguisées en histoire.
La prolifération des IA génératives, l’accélération des échanges de photographies inventées, détournées ou décontextualisées constituent un véritable défi pédagogique. Comment enseigner l’histoire aux élèves sans leur transmettre les outils pour affronter la désinformation historique en ligne ? Comment expliquer aux élèves l’environnement numérique dans lequel ils sont immergés (IA, algorithmes, vitalités des images) sans proposer un cours d’histoire qui soit aussi un cours d’histoire numérique ?
Pour répondre à ces défis, l’Encyclopédie d’histoire numérique de l’Europe (EHNE-Sorbonne Université) et les équipes d’informaticiens du CERES-Sorbonne Université élaborent un nouvel outil qui vise autant un public d’enseignants que d’éditeurs et les journalistes : le projet VIRAPIC, une plate-forme numérique dont l’objectif est de repérer les photographies virales (reproduites en ligne à une très grande échelle et/ou sur un laps de temps réduit) lorsque celles-ci sont inventées, détournées ou décontextualisées des évènements historiques qu’elles prétendent illustrer.
L’objectif est double. Il s’agit d’injecter du contenu historique autour des photographies virales (source, légende, commentaire historiques) et d’analyser les viralités numériques des photographiques (Qui les publie ? Sur quels supports ? Avec quelle temporalité ?). Le projet VIRAPIC aborde surtout le problème de la désinformation historique par une approche pragmatique : lutter contre la viralité de la désinformation par le référencement du travail historien sur les moteurs de recherche.
L’originalité de cet outil tient en effet à la possibilité d’agir directement sur les pratiques des internautes grâce au référencement de l’Encyclopédie EHNE dont les pages web apparaissent dans les premiers résultats des moteurs de recherche. Ainsi, les internautes recherchant des photographies pour illustrer les évènements historiques verront apparaître les pages web EHNE/VIRAPIC dans les premiers résultats de recherche comme Google Images.
En constituant une base de référencement des photographies virales, détournées, décontextualisées ou inventées autour d’évènement historiques, le projet VIRAPIC permettra d’accéder rapidement à un contenu historique solide et critique sur les images que les élèves, enseignants ou éditeurs souhaitent publier en ligne ou utiliser en cours.
Science et Société se nourrissent mutuellement et gagnent à converser. La recherche peut s’appuyer sur la participation des citoyens, améliorer leur quotidien ou bien encore éclairer la décision publique. C’est ce que montrent les articles publiés dans notre série « Science et société, un nouveau dialogue », publiée avec le soutien du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.
La popularité de la généalogie n’est pas un vain mot. Le bâtiment des archives municipales toulonnaises qui disposent de 4,5km linéaires de documents anciens est fréquenté depuis l’an dernier chaque premier mardi du mois par des curieux ou passionnés en quête de leurs origines.
"Cet engouement n’est pas nouveau, mais entre les outils en ligne qui permettent la consultation des registres paroissiaux et d’état civil et les sites spécialisés, de plus en plus de gens se lancent dans ces recherches", constate Anne-Flore Viallet, cheffe de service conservation et valorisation de Toulon.
La numérisation varoise ne remontant pas au-delà de 1920, rien ne vaut toutefois de se frotter aux originaux bien plus anciens.
C’est ainsi que dès 2022 sa directrice, Magali Béranger, initie des ateliers généalogiques. Chaque jeudi entre janvier et avril, une dizaine d’inscrits se retrouvent pour apprendre les méthodes généalogiques et remonter le temps sur la trace de leurs ancêtres.
"La formation limitée à dix personnes est étalée sur une douzaine de séances gratuites. La prochaine en 2025 est déjà complète", note Anne-Flore Viallet. D’où la création des ateliers du mardi pour offrir des portes d’entrées supplémentaires dans les couloirs du temps avec l’archiviste chevronné Frédéric Giraldi. Compter le 7 janvier 2025 pour les prochaines places libres.
"Les gens viennent pour construire leur propre arbre ou aller plus loin s’ils l’ont débuté. Nous avons des habitués. Ils remontent sur trois-quatre générations, voire davantage! Nous leur fournissons aussi des pistes vers d’autres services comme les archives départementales qui ont aussi leurs ateliers thématiques (1), les archives nationales d’Outre-mer si un parent éloigné est passé par le bagne, le Service hstorique de la Défense, etc.", liste Anne-Flore dont les registres de baptêmes, mariages et sépultures peuvent remonter jusqu’au XVIe siècle.
"Il est également intéressant du point de vue de la culture générale de voir comment les histoires personnelles se croisent avec la grande Histoire", poursuit la cheffe de service qui vibre au rythme des découvertes d’autrui parfois bien insolites
"Mon ancêtre est le colonel Arthur Du Ferron, commandeur de la Légion d’honneur. Un Breton originaire de Saint-Malo venu passer sa retraite à Toulon. Tout ce qu’on savait, c’est qu’il était décédé quartier du Temple, le 24 avril 1888", raconte Claudine, son unique descendante venue du Vaucluse. Grâce au service des archives, elle a retrouvé sa tombe, envahie par la végétation, au cimetière central de Toulon. Il lui reste désormais à percer l’ultime mystère. Pourquoi son arrière-arrière-grand-père, héros de la campagne du Mexique (1864-1867) a choisi comme dernière demeure la capitale varoise?
La quête généalogique n’est plus l’apanage des aristocrates, elle est désormais une pratique de classe moyenne. Et serait le 3e passe-temps des Français, qui cherchent à découvrir ou retrouver leurs racines, et à transmettre l’histoire familiale.
Publié le 17/11/2024
Une vieille photo jaunie sortie d’un carton du grenier. Une histoire entre la poire et le fromage captée lors d’un repas de famille. L’envie de trouver des cousins éloignés ou la maîtresse de notre enfant qui lui demande de faire son arbre généalogique. La généalogie fait presque partie de notre vie quotidienne. Selon les dernières études, elle serait le 3e passe-temps des Français, après le bricolage et le jardinage. Et nous serions 10 millions à nous y intéresser.
"Se reconnecter aux fils de son histoire est une volonté profonde, intime, que beaucoup d’entre nous manifestent au cours de notre vie, révèle Patrick Cavallo, le président de l’Association de généalogique des Alpes-Maritimes. La quête généalogique n’est plus l’apanage des aristocrates. Aujourd’hui, c’est une pratique de classe moyenne. On pourrait aussi penser que c’est plutôt un passe-temps pour les retraités, mais ce n’est pas tout à fait juste. Il y a 70% des Français qui se disent intéressés par leurs origines, même si tous ne passent pas le pas des recherches. Cette activité a explosé pendant le confinement où on a pris un peu plus le temps de se recentrer sur nos familles. Et l’âge moyen de ces nouveaux enquêteurs est passé de 70 ans à 48 ans."
Découvrir son arbre généalogique, le visage de ses ancêtres, l’origine de son nom de famille, trouver des cousins éloignés, savoir si nous sommes apparentés à des gens célèbres ou encore déceler des secrets de famille qui peuvent peser lourd, voilà autant de – bonnes – raisons qui poussent à faire des recherches.
Pour nous y aider, il existe de nombreux sites. Filae, Geneanet, MyHeritage, Ancestry proposent gratuitement un premier pas encourageant qui conduit ensuite vers un abonnement payant. "Ils proposent aux généalogistes une expérience-client bien plus qualitative que les formules gratuites, poursuit Patrick Cavallo. Ils simplifient les recherches et fournissent aisément des premiers résultats. Ensuite il y a aussi les associations. La nôtre, l’AGAM, existe sur Nice depuis 1983 et nous aidons nos adhérents dans leur recherche, notamment grâce à notre base de données. Depuis la naissance de l’association, nous avons dépouillé 1,6 million d’actes de l’état civil et de l’Eglise."
Ces dernières années, les tests ADN sont venus chambouler la généalogie traditionnelle.
Ces prélèvements salivaires – qui coûtent entre 80 et 100 euros – sont interdits en France (ils restent accessibles via des laboratoires américains), les contrevenants risquent une amende de 3.750 euros. "Ils déterminent les origines d’une personne en comparant son ADN à celui de populations de référence, décrypte le président de l’AGAM. Ces tests attirent un nouveau public, souvent très jeune, vers une généalogie qui ne se veut plus historique, mais biologique. Mais attention, prévient Patrick Cavallo, cette pratique peut réserver de mauvaises surprises. Apprendre que votre voisin est aussi votre demi-frère a toutes les chances de donner une autre saveur aux dîners de famille!"
A la 3e journée de généalogie, ce samedi, à Castagniers, les bénévoles de l’AGAM révèlent leurs motivations pour enquêter sur le passé filial des gens, dévoiler des secrets, nouer des liens.
Publié le 17/11/2024
Certains prétendent que l’Homme descend du singe. Avec l’Association généalogique des Alpes-Maritimes, il descend plutôt de l’arbre pour puiser dans ses racines profondes et déterrer, parfois, des histoires enfouies, des secrets.
Ce samedi, à Castagniers, l’AGAM animait la 3e Journée portes ouvertes de généalogie, organisée dans la salle polyvalente par l’association Gourmands de Culture à Castagniers avec le soutien du Département.
Que des bénévoles. Qui sont, qui furent ingénieurs, banquiers, enseignants... Passionnés, donc passionnants. Pourquoi il a démarré l’aventure généalogique? Patrick Cavallo, président de l’AGAM, niçois, lève un coin de sa saga familiale: "Tous mes ancêtres avaient un nom finissant soit par « o", soit par "i", sauf une, dénommée Larousse et qui venait du Béarn. Que faisait-elle ici? Je suis allé aux archives départementales de Pau et je l’ai identifiée. Elle s’appelait Larousse Victor et c’est comme cela, que j’ai reconstitué l’histoire de mon arrière-grand-mère, qui travaillait chez un médecin, à Pau, lequel soignait une clientèle d’hivernants anglais. Avec la mode de la French Riviera, le médecin est venu à Nice et mon arrière-grand-mère l’a suivi. Et à Nice, elle a épousé un Suisse italien.... En allant sur le terrain, on fait des rencontres de personnes qui ont connu les anciens, qui montrent des habitations où ils ont vécu, parfois on se crée des amis. La généalogie, c’est aussi des relations humaines. Cette quête m’a plu...»
Quête. Enquête. Assise devant leur écran où défilent actes d’état civil, vieux écrits pas évidents à déchiffrer... Michèle et Annie expliquent comment elles aident les gens à composer leur arbre: "On ne recherche pas n’importe comment. Il faut déjà avoir un maximum de renseignements sur soi-même et ses proches - actes de naissances, de mariages, de décès, testaments, etc. -, tout noter, maîtriser les numérotations spéciales pour faire les arbres. On mène une enquête. Pouvant aboutir à la découverte d’enfants cachés, de non-dits, de secrets de famille. Parfois, on est en panne, alors on reprend des actes, on les scrute et cela peut dessiner d’autres pistes concluantes. C’est comme un puzzle."
De fins limiers. Attirés par les origines lointaines, les authenticités profondes, les rencontres directes, les contrées quelquefois inattendues, que ne facilite pas forcément la société actuelle désincarnée. Des ressentis qui font également vibrer Marc Duchassin. Étonnant personnage. Imprégné de généalogie depuis l’âge de 12 ans grâce à sa grand-mère paternelle obnubilée par son histoire. Avec son projet Augusta06 (2), Marc veut construire et partager un arbre commun pour les Alpes-Maritimes. Un travail de titan commencé il y a une dizaine d’années et comportant à ce jour plus de 500.000 personnes nées, mariées ou décédées dans le 06. Méthodique, calme, Marc est un altruiste: "Ma motivation c’est comment partager cette initiative, comment former un groupe pour que ce projet me survive."
(1) AGAM: agam.06@gmail.com ou www.agam-06.com
Le gouvernement a confirmé dans un décret publié ce vendredi15 novembre, la date butoir pour l'obligation d'équiper les parkings existants d'ombrières à énergie solaire, ranimant la colère de la grande distribution, concernée au premier chef.
Publié le 15/11/2024
La loi sur les énergies renouvelables de 2023 impose aux parkings extérieurs (neufs comme existants) d'installer sur la moitié de leur surface des ombrières photovoltaïques, des infrastructures recouvertes de panneaux solaires permettant à la fois de faire de l'ombre et de produire de l'énergie.
Les gestionnaires ont jusqu'à juillet 2026 pour les plus grands parkings (plus de 10.000 mètres carrés) et juillet 2028 pour ceux de plus petite taille (plus de 1.500 mètres carrés).
Si de nombreuses entreprises et collectivités ont commencé à s'équiper, le secteur de la grande distribution, premier concerné avec ses 21.000 magasins et centres commerciaux, et ses 70 millions de mètres carrés de parkings, avait demandé en avril un report de l'échéance "de deux ans au minimum".
Ce délai n'a pas été accordé, mais le décret publié vendredi au Journal officiel précise que les espaces verts, les zones de stockage ou les espaces logistiques ne sont pas pris en compte dans le calcul de la superficie du parking.
Les allées de circulation rentrent, elles, dans le calcul, contrairement à ce que demandaient les acteurs de la distribution.
Pour la fédération technique de la distribution (Perifem), ce décret sur les parkings existants "réitère les erreurs du précédent décret sur les parkings neufs avec une définition extensive des surfaces concernées", a déclaré à l'AFP son délégué général Franck Charton.
"Ces décisions vont avoir des conséquences importantes en figeant notamment le foncier pour des décennies. Les délais de mise en oeuvre de l'obligation n'ont même pas tenu compte des 18 mois d'attente de parution de ce décret, ni de la création d'une filière française des panneaux photovoltaïques!", a souligné M. Charton. "C'est invraisemblable et cela ne peut rester sans conséquence".
Les parkings sont exemptés s'ils bénéficient de l'ombre d'arbres sur la moitié de leur surface, à raison d'un arbre pour trois emplacements de stationnement.
Le décret exempte aussi les parkings "pour lesquels il est démontré que l'installation de ces dispositifs est impossible en raison du caractère excessif du coût total hors taxe des travaux nécessaires".
La loi prévoit des sanctions allant jusqu'à 40.000 euros par an pour les gestionnaires de parking, jusqu'à la mise en conformité.
"Dur dur de ne pas être écoutés à ce point par les pouvoirs publics!", a protesté sur X Dominique Schelcher, patron de la Coopérative U, quatrième distributeur alimentaire français. "Vivement des mesures de simplification massives en France, comme les pratiquent de nombreux autres pays dans le monde actuellement. Il en va de notre compétitivité et de la force de l'économie française", a-t-il plaidé.
Le prix du Museum of the Year est le plus largement doté du secteur, ce qui en fait depuis 1973 l'un des plus convoités par les institutions culturelles. En juillet 2024, il était décerné au Young V&A (qui reçut un joli chèque de 140.000 euros), un an à peine après sa réouverture. Douze mois qui ont suffi au premier musée de l'histoire à avoir été développé en collaboration avec des enfants pour s'imposer comme un exemple à suivre.
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Tout a commencé il y a une poignée d'années par une question: «Que pensez-vous des musées?» L'agence de conseil britannique Beano Brain a recueilli l'avis un grand nombre d'enfants nés après 2015, à la demande du Victoria and Albert Museum, incontournable institution fondée en 1852 par la reine Victoria. Le verdict est tombé: 44% d'entre eux les jugeaient ennuyeux. Et le vénérable V&A Museum of Childhood, rejeton né en 1872, n'échappait pas à la sévère sentence.
Ce musée de l'enfance, finalement, tombait dans le même écueil que beaucoup d'autres: celui d'«aborder les enfants sous l'angle du déficit», selon la professeure Monica Eileen Patterson, directrice du département d'études curatoriales de l'université Carleton, à Ottawa (Canada). En d'autres termes, nous en avions déjà parlé, les enfants sont pris pour les idiots qu'ils ne sont pas. «Ils sont traités comme des fardeaux qu'il faudrait contrôler, des apprenants qu'il faudrait éduquer, des êtres pleins d'énergie, dotés d'une faible capacité d'attention, qu'il faudrait distraire.»
Sans compter que les activités proposées aux enfants sont rarement développées de leur point de vue, mais selon celui des adultes qui «fixent les règles et le cadre, […] demandent aux enfants d'imiter le travail d'artistes adultes, ou leur parlent […] d'œuvres créées par des adultes». En bref, force est de constater que jusqu'à la naissance du Young V&A, les musées avaient tout faux.
L'heure était grave. Que faire des 5.000 mètres carrés d'exposition du musée, de ses 2.000 œuvres illustrant le monde de l'enfance au fil de sept millénaires? Les cabinets d'architecture choisis pour mener à bien la mission se sont donc installés en résidence dans les murs du V&A Museum of Childhood. Puis ont imaginé un grand laboratoire participatif au sein duquel, dix mois durant, 22.000 enfants sont venus brainstormer avec eux à tour de rôle.
Toutes les propositions des muséographes en herbe ont été considérées avec sérieux. Le «Forum pour enfants» a imposé la nécessité de créer un lieu inclusif (entrée gratuite, ateliers et expositions aménagés pour un accès en fauteuil roulant), plein d'optimisme et de positivité, «tout en tenant compte des complexités des jeunes vies d'aujourd'hui», résume la directrice du Young V&A, Helen Charman.
Les pratiques de cocréation et de co-conception ont permis de «débloquer et exprimer le potentiel créatif» du jeune public, tout en offrant un réétalonnage «du rôle du musée à une époque d'énormes défis mondiaux».
Le musée devait être ludique («le plus joyeux du monde», avaient conclu les jeunes consultants), mais également instructif et responsable. Pour Helen Charman, c'est le rôle des institutions de répondre aux questions que ces changements soulèvent: «Le dynamisme est le sine qua non de la survie –ou de l'insignifiance du risque.»
Le Young V&A affiche fièrement les résultats de sa politique zéro déchet: gravats du chantier, pots de yaourts ou meubles fatigués ont été recyclés puis transformés en tables d'atelier ou en plans de travail. Environ 17 millions d'euros ont été consacrés à la réinvention du musée, qui a duré trois ans.
Le musée dans son jus d'origine s'avérait plutôt austère: enfants et architectes ont donc planché sur les moyens de faire entrer la lumière et la couleur dans le bâtiment historique. Trois nouvelles galeries d'exposition, baptisées Play, Imagine et Design, donnent sur l'atrium central, désormais baigné de lumière naturelle, qui fait office d'immense espace de jeux. Un grand escalier en colimaçon ponctue son extrémité, surmonté d'un énorme globe réfléchissant inspiré des jeux d'illusion d'optique de la collection du V&A.
Le nom de chaque galerie s'affiche en immenses lettres capitales de couleurs vives (choisies par les enfants), chacune s'adressant à une tranche d'âge. Même les tout-petits ont droit à leur espace. Dans la galerie Play, le Mini Museum présente toutes sortes d'objets issus des collections, mais exposés de façon à stimuler les plus jeunes. Vitrines tactiles, objets réfléchissants et à hauteur des regards de visiteurs pas encore en âge de marcher, cadres et structures couverts de textiles doux, etc.
«S'il y a un objet étincelant à l'intérieur de la vitrine, il sera exposé dans un cadre étincelant», explique Helen Charman. «S'il est fait de marbre, alors les enfants pourront sentir la texture du marbre. Il y a aussi un arbre sonore qui donne vie aux objets», diffusant par exemple un bruit de pluie pour animer la reproduction d'une œuvre de David Hockney.
Plutôt qu'une scénographie statique, chaque espace opte pour une approche immersive et interactive, détaillant non seulement l'histoire des objets mais montrant aussi la façon dont ils ont été fabriqués. On trouve en outre trois espaces dédiés aux ateliers, une salle de lecture, une boutique dans le hall et un café.
À l'étage, la galerie Design met en lumière des objets innovants et des études de cas. Une cabane-atelier accueille designers ou artistes en résidence, tandis que l'Open Studio propose des défis de conception aux 11-14 ans: ceux-ci y développent notamment des objets qui sont ensuite fabriqués et vendus au sein de la boutique du musée.
Le «musée le plus joyeux du monde» ne se contente pas d'apporter de la joie à ses visiteurs: il invente de nouvelles façons de les faire participer et de pérenniser leur relation aux lieux et à sa mission. Plus d'exposition ennuyeuse ou de thème mal choisi: les enfants partagent leurs idées, décident des angles, expriment leurs souhaits et craintes.
Enfin écoutés et entendus, ils approuvent le résultat de cette entreprise pas comme les autres: depuis que les oripeaux du Museum of Childhood ont été remisés, le visitorat du Young V&A a triplé.
Le téléphone sonne dans mon bureau. C'est une des réceptionnistes de l'école qui m'explique qu'il y a un visiteur en bas qui a besoin d'accéder au réseau WiFi de l'école. iPad en main, je me rends à l'accueil où je trouve une femme d'une vingtaine d'années, assise avec son MacBook sur les genoux.
Je souris et me présente en m'asseyant à côté d'elle. Elle me tend son MacBook silencieusement et son regard veut tout dire. Répare mon ordi, le geek, et dépêche toi. On me prend assez souvent pour un technicien pour que je reconnaisse l'expression.
Je lui dis : "Je dois faire ça vite, je donne un cours dans 5 minutes."
"Vous enseignez ?"
"C'est mon boulot, oui, je m'occupe du réseau de l'école en plus."
Elle me réévalue instantanément. Au lieu d'être un geek-puceau-tapoteur-de-clavier-associal anonyme, elle me voit maintenant comme un collègue. Pour les gens comme elle, les techniciens sont un mal nécessaire. Elle se contenterait bien de les ignorer et de se foutre d'eux dans leur dos, mais elle sait que quand elle aura un problème avec sa présentation PowerPoint, elle aura besoin d'un technicien, donc elle maintient le niveau de politesse minimal, quand bien même elle considère qu'ils sont trop geek pour interagir avec.
Je regarde le MacBook. À l'époque, je n'avais aucune expérience avec OSX. Comme Jobs n'est pas complètement stupide, le symbole WiFi habituel est bien visible dans le coin supérieur droit de l'écran. Ça m'a pris quelques secondes pour connecter l'ordinateur au réseau.
Je rends le MacBook à la femme qui lance Safari. "l'Internet ne marche pas." dit-elle dédaigneusement.
J'ai entendu cette phrase tellement souvent, par des étudiants ou des profs, que j'ai une réaction toute prête. Normalement, je sors mon téléphone, fais semblant de taper quelques chiffres, et, en le portant à mon oreille, je dis "Oui, passez moi le bureau du président des États-Unis... NON NE ME METTEZ PAS EN ATTENTE, c'est une urgence... Allô, monsieur le président ? J'ai de bien mauvaises nouvelles, j'en ai peur. On vient de m'apprendre que l'Internet ne marche pas."
Je ne pense pas que la jeune femme apprécie le sarcasme, donc j'attrape le MacBook pour paramétrer le proxy. Je n'ai aucune idée de comment ça se règle sous OSX. Le proxy est là pour s'assurer que les étudiants et les enseignants ne puissent pas accéder à du porno sur le réseau de l'école. Ça permet aussi de filtrer la violence, l'extrémisme, les jurons, les réseaux sociaux, l'alcool, la drogue, le hacking, les jeux et le streaming vidéo. Ironiquement, si vous deviez chercher sur Google "paramètres proxy OSX", les premiers résultats seraient tous bloqués parce que "proxy" est un mot filtré.
Je lui demande avec espoir si elle sait où on peut paramétrer le proxy.
Je n'obtiens pas de réponse. J'aurai aussi bien pu lui demander "Pouvez-vous me dire comment réticuler des splines en utilisant un système de décodage hexagonal pour construire un GUI en VisualBasic et traquer une adresse IP ?"
Ça me prend environ 10 secondes de trouver et remplir les paramètres du proxy. Je lui rends son MacBook, et elle ferme puis rouvre Safari au lieu de juste rafraîchir la page. "Merci". Tant de gratitude, ça fait chaud au cœur.
Je suis sur le point de partir quand elle m'arrête. "PowerPoint ne marche pas."
Bon, ça ne vaut sûrement pas un appel au président des États-Unis. Je suis sûr qu'il s'intéresse aux affaires technologiques, mais la disparition du leader mondial de la présentation assistée par ordinateur serait certainement un soulagement pour lui. Au moins, la NSA arrêterait de pondre des diapositives mal foutues.
Je me rassieds et reprends possession du MacBook. Les slides qu'elle regardait contenaient une vidéo Youtube embarquée, et comme je l'ai mentionné, le streaming vidéo est bloqué. J'essaye de lui expliquer, ce à quoi elle rétorque que ça n'a aucune importance, vu que la vidéo est dans son PowerPoint, et qu'elle tourne depuis sa clé USB. Je n'essaye pas d'argumenter, j'ai mieux à faire de mon temps. À la place, je fais comme d'habitude quand j'aide des gens : je fais en sorte que ça marche. Grâce à la connexion 3G de mon iPad, je mets en place un hot-spot et je télécharge la vidéo Youtube en utilisant un site de téléchargement de vidéos populaire, puis j'intègre la vidéo, maintenant présente sur l'ordinateur, dans sa présentation.
Pendant que je travaille sur sa présentation, la femme me demande "Qu'est-ce que vous enseignez ?"
"L'informatique"
"Ah... Je suppose que la plupart des gamins s'y connaissent mieux en informatique que les profs, de nos jours..."
Si vous enseignez l'informatique, c'est une phrase que vous avez entendue un million, un milliard, epsilon zéro fois, aleph fois. Ok, j'exagère un peu, mais vous l'avez sûrement beaucoup entendue. Il y a des variantes de cette phrase, qui vantent toutes les grandes capacités technologiques des gamins d'aujourd'hui. Ma préférée vient des parents : "Oh Kevin aura sûrement de très bonnes notes en informatique, il passe son temps sur l'ordinateur à la maison". On dirait que les parents s'imaginent qu'en passant des heures sur Facebook et Youtube tous les soirs, on peut acquérir, via une sorte d'osmose cybernétique, des connaissances en PHP, HTML, JavaScript et Haskell.
Normalement, quand quelqu'un sort ce genre d'énormité, je me contente d'acquiescer et de sourire. Mais là, impossible de laisser passer. "Non, les gamins ne savent pas utiliser les ordinateurs." (et vous non plus j'aurai pu rajouter).
Elle a l'air surpris par mon démenti de ce qui est généralement considéré comme un truisme. Après tout, les ados ne sont-ils pas des "digital natives" ? Ils ont des ordinateurs portables, et des tablettes, et des consoles, et des smartphones... Ils sont forcément la partie de la population la plus à l'aise avec la technologie ! La cloche sonne et j'ai vraiment un cours à donner, donc je n'ai pas le temps de lui expliquer ma théorie sur le pourquoi de l'incapacité des gamins à utiliser les ordinateurs. Elle lira peut-être mon blog.
En vérité, les gamins ne savent pas utiliser les ordinateurs de manière générale, et il en est de même pour la majorité des adultes que je connais. Il y a très peu d'individus que je considère comme experts en technologie à l'école. Il s'agit en gros des gens qui ont entre 30 et 55 ans et qui ont possédé un ordinateur durant la majeure partie de leur vie d'adultes. Bien sûr, il y a des exceptions parmi les profs et les étudiants. Il y a toujours quelques gamins dans la masse qui se sont frottés à la programmation ou au développement web, ou qui savent démonter un ordinateur, remplacer la carte mère et réinstaller leur système d'exploitation. Il y a souvent quelques profs, souvent de maths ou de sciences, en dehors de la tranche d'âge que j'ai cité qui sont férus d'informatique et qui ne sont battus par leurs ordinateurs portables que parce qu'ils n'ont pas d'accès administrateur, mais ce sont des cas isolés.
Avant de rentrer dans le vif du sujet, je suppose que je devrais définir ce que j’entends par "ne savent pas utiliser un ordinateur". En étant administrateur réseau et prof, je suis souvent en première ligne quand un enseignant ou un élève a des problèmes avec un ordinateur ou autre équipement. Comme mon technicien en chef aime à dire : "Le problème se situe généralement au niveau de l'interface chaise-clavier". Voici quelques exemples des problèmes que je rencontre assez régulièrement.
Un lycéen m'apporte son ordinateur portable et m'explique qu'il est très lent et n'arrête pas de s'éteindre. Le portable crie littéralement, les ventilateurs tournent à fond et il est brûlant. Je lance le gestionnaire de tâches, et je vois que le processeur tourne à 100% alors que le seul programme lancé est µTorrent (qui, au passage, est en train de partager environ 200 fichiers). Je regarde la liste des processus en train de tourner, et j'en trouve plein, qui monopolisent le processeur et la RAM. Je ne peux pas en couper un seul. Je demande "Quel antivirus tu utilises ?" et me fait répondre qu'il n'aime pas utiliser un antivirus parce qu'il a entendu que ça ralentirait son ordinateur. Je lui rend son portable et lui dit qu'il est vérolé. Il me demande quoi faire, je suggère de réinstaller Windows. Il me regarde sans comprendre. Il ne sait pas utiliser un ordinateur
Une gamine lève la main pendant une leçon. "Mon ordinateur ne veut pas démarrer", dit-elle avec l'air désespéré de celle qui a tout tenté. Je m'approche et allume le moniteur, qui laisse apparaître l'écran de connexion de Windows. Elle ne sait pas utiliser un ordinateur.
Une enseignante m'apporte son ordinateur portable de l'école. "Cette saleté ne veut pas se connecter à Internet !" rage-t-elle, comme si c'était ma faute. "J'avais des tonnes de boulot à faire hier soir, et impossible de me connecter. Même mon mari a essayé, et il est doué avec les ordinateurs." Je lui prends l'ordinateur coupable des mains, enclenche le bouton poussoir sur le côté de l'ordinateur qui contrôle le WiFi, et lui rends le portable. Ni elle ni son mari ne savent utiliser un ordinateur.
Un gamin frappe à mon bureau pour se plaindre qu'il ne peut pas se connecter. "Tu as oublié ton mot de passe ?" Il affirme que non. "Tu as quoi comme message d'erreur ?" Il hausse les épaules. Je le regarde taper son nom d'utilisateur et son mot de passe. Un message apparaît, mais le gamin clique sur OK tellement vite que je n'ai rien le temps de lire. Il recommence 3 fois, comme si l'ordinateur allait soudainement changer d'avis et le laisser se connecter. Au 3ème essai j'ai le temps de saisir une partie du message. Je me penche derrière l'ordinateur et rebranche le câble réseau. Il ne sait pas utiliser un ordinateur.
Une prof m'apporte son tout nouvel iPhone, qui remplace le précédent, cassé. Elle a perdu tous ses contacts, ce qui l'ennuie beaucoup. Je lui demande s'il lui est déjà arrivé de connecter son iPhone à son ordinateur, mais elle n'en a aucune idée. Je lui demande d'apporter son ordinateur en plus de l'iPhone. Quand elle s'exécute le lendemain, je restaure son téléphone depuis la sauvegarde qui se trouve sur son ordinateur. Elle retrouve ses contacts et ses photos. Elle est contente. Elle ne sait pas utiliser un ordinateur.
Un prof appelle mon bureau pour se plaindre que son ordinateur "n'a pas d'internet". Je me rend dans sa classe. Il me dit que l'internet était là hier, mais qu'aujourd'hui il a disparu. Son bureau est une magnifique mosaïque d'icônes Microsoft Office en vrac. J'essaye rapidement de lui expliquer qu'il ne faut pas stocker ses fichiers sur le bureau parce qu'ils ne sont pas sauvegardés par le serveur, mais il s'en moque, il veut juste qu'on lui rende son internet. J'ouvre le menu démarrer, je clique sur Internet Explorer, qui se lance avec sa page d'accueil. Il m'explique que l'Internet était sur son bureau, mais que maintenant il n'y est plus. Je ferme IE, survole le bureau et fini par trouver le petit 'e' bleu perdu au milieu des icônes Excel et PowerPoint. Je lui montre. Il me désigne un autre endroit sur l'écran, m'indiquant que c'est là qu'il se trouvait. Je remets l'icône à son ancien emplacement. Il est content. Il ne sait pas utiliser un ordinateur.
Un gamin lève la main. Il me dit qu'il a un virus sur son ordinateur. Je regarde son écran. Dans son navigateur, on peut voir une fenêtre de dialogue de Windows XP l'avertissant que son PC est infecté et lui offrant un assortiment d'outils anti-malware. Sa machine tourne sous Windows 7. Je ferme l'onglet. Il ne sait pas utiliser un ordinateur.
Ne pas savoir utiliser un ordinateur est acceptable si vous avez plus de 25 ans. Certaines personnes en sont même bizarrement fières. Par contre, la croyance populaire comme quoi toute personne de moins de 18 est un magicien de l'informatique est tout simplement fausse. Ils savent utiliser certains logiciels, particulièrement des applications web. Ils savent utiliser Facebook et Twitter. Ils peuvent utiliser YouTube et Pinterest. Ils savent même utiliser Word et PowerPoint et Excel. Par contre, demandez-leur de réinstaller un système d'exploitation et ils sont perdus. Demandez-leur de changer leur disque dur ou leur mémoire vive et ils font une crise d'angoisse. Demandez-leur ce que veut dire https et pourquoi c'est important, et ils vous regarderont comme si vous leur aviez parlé Klingon.
Ils cliquent sur "OK" sans lire les messages des boîtes de dialogue. Ils choisissent des mots de passe comme "azerty1234". Ils éteignent l'ordinateur en appuyant sur le bouton power jusqu'à ce que l'écran devienne noir. Ils quittent une pièce en laissant leurs comptes connectés. Si un programme met du temps à réagir, ils cliquent sur le même bouton jusqu'à le faire crasher.
Comment a-t-on pu en arriver là ? Comment une génération peut-elle avoir accès à autant de technologie et savoir aussi mal s'en servir ?
Les Parents
Je me suis planté, et je suis sûr que c'est également le cas de beaucoup d'entre vous. Quand nous avons acheté une XBox, ça a été Techno-Papa à la rescousse. J'ai joyeusement dépatouillé la jungle de câbles et créé des profils pour tout le monde. Quand le MacBook de mon fils a été infecté par le virus FlashBack, TechnoPapa est venu à sa rescousse. J'ai regardé quelques guides en ligne, puis j'ai maltraité le terminal jusqu'à m'être débarrassé des indésirables. Quand nous avons acheté un Raspberry Pi familial, TechnoPapa est venu à la rescousse. J'ai tout mis en place, paramétré, installé, puis j'ai attendu fièrement, me demandant pourquoi personne ne voulait s'en servir à part moi. Durant toute leur vie, j'ai fait les choses pour eux. J'ai monté le nouveau matériel, installé les nouveaux logiciels, et servi de réparateur à chaque problème. Résultat ? J'ai une famille d’illettrés technologiques.
L'école
Quand il est devenu évident que les ordinateurs allaient avoir de l'importance, le gouvernement du Royaume-Uni a reconnu qu'il pourrait être intéressant d'enseigner l'informatique à l'école. Étant une bande d’illettrés technologiques, les politiciens et leurs conseillers se sont tournés vers l'industrie pour demander ce qu'il fallait inclure à ce nouveau programme. A cette époque, la seule industrie, c'était Microsoft et son monopole. <sarcasme> Microsoft a énormément réfléchi à ce qui devrait être inclus dans le programme, et après mûre réflexion, ils ont indiqué que les étudiants devraient apprendre à utiliser les suites bureautiques. </sarcasme> C'est ainsi que le programme est né. <sarcasme> Naturellement, les écoles ont longtemps cherché quelle suite bureautique utiliser pour l'enseignement, et ont fini par se décider pour Microsoft Office. </sarcasme>. C'est pourquoi, depuis 2000, les écoles offrent des compétences Microsoft à leurs étudiants. (des compétences Adobe ont été introduites un peu plus tard).
Mais le programme n'est pas notre seule erreur. L'infrastructure réseau des écoles du Royaume-Uni est tout autant à blâmer. Nous avons imité les réseaux d'entreprises, empêchant les étudiants et les professeurs d'accéder aux paramètres système, à la ligne de commande, et en réclamant des droits d'administration pour faire à peu près n'importe quoi. Ils sont assis devant un ordinateur à usage général et n'ont pas la possibilité de faire de l'informatique générale. On les laisse accéder à quelques applications, et c'est tout. Les ordinateurs ont accès à Internet à travers des serveurs proxy qui filtrent à peu près tout ce qui est moins mièvre que Wikipédia, et la plupart des écoles ajoutent une couche de filtrage supplémentaire, pour finir avec uniquement une liste de "sites acceptables".
Windows et OSX
Mon premier ordinateur était un ESCOM P100 avec Windows 3.1. Mon deuxième était un Packard Bell avec Windows 95. Mon troisième était un "sur mesure" avec Windows XP. Mon quatrième était un portable Acer avec Windows 7. Maintenant, j'utilise un MacBook Pro avec OSX (ou Ubuntu parfois, en fonction de mon humeur et de mon niveau de paranoïa). Windows 7 a tout changé pour moi. Pour la première fois, j'ai installé un système d'exploitation et je n'ai absolument rien eu à configurer. Même un prof de sport aurait pu y arriver.
Windows 7 (je déteste Windows 8, mais c'est une autre histoire) et Mac OSX sont de très bons systèmes d'exploitation. Ils sont faciles à utiliser, ne demandent presque pas de configuration, incluent ou fournissent un accès facile à tous les pilotes dont on pourrait avoir besoin... en résumé, "ils fonctionnent". C'est fantastique que tout le monde, du plus petit des enfants au plus vieux des grand-parents, puisse maintenant utiliser un ordinateur avec absolument aucune connaissance technique, mais c'est aussi une catastrophe. Avant, ça n'était pas comme ça. Utiliser un système d'exploitation était dur. Quand il y avait un problème, il fallait se remonter les manches et mettre les mains dans le cambouis pour tout réparer. Vous appreniez à gérer les systèmes de fichiers, les clés de registres et les pilotes pour votre matériel. Ça n'est plus le cas.
Je suppose qu'un jour on dira la même chose pour la conduite. Il y aura toujours des geeks des voitures qui construiront des voitures en kit et passeront leurs journées à mesurer leurs compétences de conducteur pendant que nous, nous nous laisserions tranquillement balader par Google dans des petites bulles.
Les téléphones portables
Le mobile a tué la compétence technique. Nous transportons tous des ordinateurs qui prétendent qu'ils sont des téléphones portables ou des tablettes. La majorité des gens ne pensent même par à leur smartphone comme à un ordinateur. C'est un appareil qui permet d'aller rapidement sur Google. C'est un appareil qui nous permet de prendre des photos et de les poster sur Facebook. C'est un appareil qui nous permet de jouer à des jeux et de poster nos scores sur Twitter. C'est un appareil qui bloque complètement ses fichiers système (ou nous les cache). C'est un appareil sur lequel on peut uniquement installer des applications via un store régulé. C'est un appareil dont on ne peut pas modifier ou remplacer le matériel, et qui sera obsolète d'ici un an ou deux. C'est un appareil qui est à peu près aussi proche de l'ordinateur généraliste que ce jouet Fisher Price que j'avais à 3 ans.
Voilà où on en est. Illustrons mon propos avec quelques statistiques. S'il y a 20 ans, 5% d'entre nous avaient un ordinateur chez eux, on pouvait garantir que 95% de ces possesseurs d'ordinateurs étaient des "lettrés informatiques". Maintenant, admettons qu'actuellement 95% d'entre nous possèdent un ordinateur, je suppose que 5% des possesseurs sont des "lettrés informatiques".
C'est effrayant, et je suis sûr que les vraies statistiques sont plus effrayantes encore. C'est quelque chose dont nous devrions tous nous soucier.
Pourquoi ?
La technologie affecte beaucoup plus nos vies qu'auparavant. Nos ordinateurs nous donnent accès à la nourriture que nous mangeons et aux vêtements que nous portons. Nos ordinateurs nous permettent de travailler, de nous sociabiliser et de nous divertir. Nos ordinateurs nous donnent accès à nos banques, nos services. Nos ordinateurs permettent à des criminels de nous atteindre, de nous voler nos données, notre argent, nos identités. Nos ordinateurs sont maintenant utilisés par nos gouvernements pour surveiller nos communications, nos comportements, nos secrets. Cory Doctorow le formule mieux que moi quand il dit :
Il n'y a pas d'avions, juste des ordinateurs qui volent. Il n'y a pas de voitures, juste des ordinateurs dans lesquels on s'assied. Il n'y a pas d'aides auditives, juste des ordinateurs que nous mettons dans nos oreilles.
Le "Summer of Surveillance" m'inquiète.
Le lundi après qu'on ait commencé à parler des révélations de Snowden, je suis allé à l'école et la plupart de mes collègues et étudiants n'avaient pas entendu parler du scandale ou s'ils étaient au courant s'en moquaient. Alors que je m'occupais de supprimer mes comptes en ligne et de sécuriser mes machines, mes amis m'ont traité de paranoïaque, et ont enchaîné les blagues sur les chapeaux en aluminium. Ma famille a haussé les épaules et cité le célèbre "si t'as rien à cacher, t'as rien à craindre". Et là, sorti de nulle part, voilà que Cameron annonce que les FAI vont commencer à filtrer Internet. Ce qui est présenté comme un "filtre à porno" filtrera en réalité bien plus que du porno, selon les recherches de l'Open Rights Group. Comme si ça ne suffisait pas, la conseillère en chef de Cameron sur ce sujet s'est fait hacker son site et a prouvé l'étendue de son illettrisme technique.
C'est aujourd'hui que se créent les politiciens, les fonctionnaires, les officiers de police, les profs, les journalistes et les patrons de demain. Ces gens ne savent pas utiliser les ordinateurs, et pourtant ils vont créer des lois concernant les ordinateurs, faire appliquer des lois concernant les ordinateurs, apprendre aux jeunes à utiliser les ordinateurs, parler des ordinateurs dans les médias et faire du lobbying à propos des ordinateurs. Pensez-vous que cette situation soit acceptable ? David Cameron me dit que le filtrage d'Internet est une bonne chose. William Hague me dit que je n'ai rien à craindre du GCHQ (service de renseignements électronique du gouvernement britannique). J'ai une question pour ces gens :
Sans consulter Wikipédia, sauriez-vous me dire la différence entre Internet, le World Wide Web, un navigateur et un moteur de recherche ?
Si vous n'en êtes pas capable, alors vous n'avez aucun droit de prendre des décisions qui affectent ces technologies. Essayez. Vos amis connaissent la différence ? Et vous ?
Tout arranger
Les parents
Arrêtez de mâcher le travail de vos enfants. Vous passez des heures et des heures à leur apprendre à aller au pot quand ils sont enfants parce que savoir utiliser des toilettes est une compétente indispensable dans la société moderne. Vous devez faire la même chose avec la technologie. Achetez-leur un ordinateur, mais si les choses tournent mal, laissez-les le réparer. Achetez-leur un smartphone, donnez leur 10€ de budget sur la logithèque et laissez-les découvrir pourquoi le système de logithèque fermée est une mauvaise chose. Quand nous apprenons à nos enfants à faire du vélo, à un moment il faut enlever les roulettes. Une idée : quand ils atteignent onze ans, donnez leur un fichier texte avec 10.000 clés WPA2 et dites leur que la vraie est cachée dans le lot. Vous allez voir qu'il ne leur faudra pas longtemps pour découvrir Python ou Bash.
Les écoles
Au Royaume-Uni, on s'approche d'une solution. J'ai une relation amour/haine avec le gouvernement, mais j'aime sincèrement ce qu'il est en train de faire avec l'enseignement de l'informatique. Il faut juste s'assurer que les académies jouent le jeu et ne profitent pas des réformes pour économiser de l'argent.
On pourrait faire plus. On ferait mieux d'apprendre aux gamins à ne pas installer de malware que de bloquer les machines pour que ça soit physiquement impossible. On ferait mieux d'apprendre aux gamins à naviguer de façon sécurisée que de filtrer leur internet. Google et Facebook donnent aux gamins qui trouvent des failles de sécurité dans leurs systèmes de l'argent. Les gamins qui font de même avec les systèmes de leur école sont exclus. Normal ?
Windows et OSX
UTILISEZ LINUX. Ok, c'est pas toujours pratique, mais la plupart des distributions Linux vous apprennent à utiliser un ordinateur. Tout le monde devrait s'y frotter au moins une fois dans sa vie. Si vous n'avez pas l'intention d'utiliser Linux et que vous êtes sous OSX faites un tour dans le terminal, c'est vraiment amusant et vous aurez l'impression d'être un hacker, tout comme avec la ligne de commande ou le PowerShell de Windows.
Les téléphones portables
Question piège. iOS est une cause perdue, à moins de jailbreaker, et Android n'est pas tellement mieux. J'utilise Ubuntu-Touch, et ça a ses avantages. Au moins, vous avez l'impression que votre téléphone vous appartient. Ok, je ne peux pas utiliser la 3G, ça plante quand j'essaye d'appeler et mon téléphone est tellement chaud dans la poche de ma veste qu'il me sert de radiateur d'appoint, mais il y a du potentiel !
Conclusion
Ce n'est pas un nouveau phénomène, c'est déjà arrivé auparavant. Il y a une centaine d'années, si vous étiez assez chanceux pour posséder une voiture, vous saviez probablement comment la réparer. Les gens savaient au moins comment vérifier les niveaux d'huile, changer les pneus ou vérifier le moteur. Pendant la majeure partie de ma vie d'adulte, j'ai possédé une voiture, et elles sont un vrai mystère pour moi. Ce qui fait que je dépends des vendeurs pour me dire quelle voiture acheter, des mécaniciens pour me dire ce qui ne va pas et réparer, et avec les progrès de la technologie, je deviens même dépendant de la navigation par satellite. Je doute que mon fils de 5 ans ait besoin d'apprendre à conduire un jour. Sa voiture le fera pour lui. Quand il aura besoin de la faire réparer, il sera redirigé vers le mécanicien qui aura le plus investi dans la pub en ligne. Quand il aura envie de faire une pause repas, il sera redirigé vers le fast-food qui aura le plus investi dans la pub en ligne. Quand il aura besoin de faire le plein de cristaux de Dilithium, il sera redirigé vers la station service qui aura le plus investi dans la pub en ligne.
Je veux que les gens qui aideront à façonner notre société dans le futur comprennent les technologies qui aideront à façonner notre société dans le futur. Pour que ça arrive, nous devons inverser la tendance qui voit l'augmentation de l’illettrisme technologique. Nous devons agir ensemble, en tant que parents, en tant que profs, en tant que responsables. Construisons une génération de hackers. Qui est avec moi ?
Pascal Grué, président de l’Écomusée de la Vallée du Gapeau, est formel: "Bien sûr, il existe une dépression géologique longue de près de 40 km, tantôt étroite, tantôt évasée, formée par un fleuve côtier appelé Gapeau. Cependant, ce territoire n’a pas d’unité administrative, économique, humaine, historique, culturelle, géologique... Il est donc illusoire d’appréhender cet espace de manière globale: il n’y a pas une vallée du Gapeau, mais des entités, traversées en partie ou en totalité par ce fleuve".
Gapel, Gapellus
Il garde une part de mystère: que signifie son nom? Depuis quand est-il appelé ainsi? Dans son ouvrage La chartreuse de Montrieux, Raymond Boyer évoque les noms médiévaux de Gabellus, Gapel ou Gapellus. Des textes du XVIe siècle parlent de Gapeau. "Une autre interrogation demeure: d’où vient l’eau de sa source officielle? Il s’agit d’une résurgence située sur la commune de Signes, à 315 m d’altitude, en bordure de la D2 et un kilomètre en amont de la source Beaupré."
La Source bleue
"Il naît à Signes au lieu-dit la Source bleue et c’est jusqu’à Belgentier que sa pente est la plus forte, son cours est jalonné de rapides et de chutes. Sa profondeur moyenne est de 30 cm. Puis de Belgentier à la Castille, la pente s’adoucit et la profondeur oscille entre 50 cm et 130 cm, enfin jusqu’à son embouchure, la pente diminue nettement". Cela explique la présence d’eaux saumâtres dans l’estuaire du Gapeau. La largeur moyenne du lit est de 6 m. La région qu’il traverse est marquée par la pauvreté du réseau hydrographique : quelques sources et cours d’eau alimentent ce fleuve, mais leur apport est inégal en raison de l’aridité estivale et de l’irrégularité des pluies.
Modeleur de l’espace
Entre sa source à Signes et son embouchure à Hyères, ce cours d’eau a plus marqué l’histoire des communes qu’il traverse. "Pendant longtemps, il a été au cœur de l’économie locale, employé pour l’irrigation ou comme force motrice. Aujourd’hui, il est surveillé, car il est à l’origine de dramatiques débordements et son débit capricieux engendre méfiance et crainte dès que les précipitations s’accentuent plus que d’ordinaire".
Le Gapeau a vu son environnement changer ces dernières décennies: le caractère rural des espaces qu’il traverse et des populations qui vivent sur ses rives s’estompe au profit de l’agglomération toulonnaise. La population de toutes les communes qu’il traverse croît fortement "Elle a sextuplé par endroits en un siècle. Ce bouleversement s’est accompagné de l’abandon de nombreuses activités agricoles et industrielles, au profit de zones d’activités commerciales situées le long des grands axes de transport".
De telles transformations poussent les spécialistes à s’interroger sur l’avenir et à souhaiter préserver la mémoire du passé ainsi que le patrimoine qui s’y rattache.
Mathieu Dalaine 19 octobre 2024
Au volant de son vieux 4x4 de l’US Army, Denis Le Priol a la banane. "Je suis content, tu peux pas savoir. C’est la première fois que je fais le tour du site avec ma Jeep!"
À 62 ans, cet habitant de Draguignan est le tout nouveau propriétaire du fort du Grand Saint-Antoine, un édifice militaire de 1845 planté dans la pinède, en retrait des premières rampes du mont Faron.
C’est lors d’une vente aux enchères, au printemps dernier, que cet "ancien para", comme il se présente, a sorti le chéquier. Ou plutôt celui de la banque luxembourgeoise qui a accepté de l’aider à régler la somme de 990.000 euros, "sans les frais de notaire", au précédent maître des lieux.
Ce dernier – le milliardaire Christian Latouche – souhaitait se débarrasser rapidement du bien qu’il avait acheté à la Défense en 2015. Le patron de Sud Radio était déçu, dit-on, de ne pas avoir obtenu l’autorisation d’y poser une antenne pour diffuser ses bonnes ondes à Toulon.
"Moi, rien à voir: je suis collectionneur de véhicules militaires", explique Denis Le Priol, longtemps à la tête d’une entreprise florissante de restauration et de distribution de pièces de Jeep.
"Depuis que je suis à la retraite, je cherchais un endroit pour entreposer mes “jouets". J’ai eu un coup de cœur pour ce fort." Le Malouin d’origine possède environ 160 véhicules des armées du siècle dernier, dont il fait régulièrement profiter associations et collectivités avides de reconstitutions historiques.
Mais loin de lui l’idée de vouloir transformer cet ensemble classé de fortifications en entrepôt pour sa panoplie de véhicules d’appui, blindés ou amphibies.
"Je souhaite ouvrir ici un grand musée du matériel militaire, pose Denis Le Priol. Ça devait se faire au Muy, mais ça n’avance pas. Là, c’est parfait: on parle d’un fort construit par les Toulonnais, occupé par les Toulonnais et même libéré par les Toulonnais en 1944".
Des véhicules militaires, des casques… et une piscine
Le Breton connaît déjà son Grand Saint-Antoine sur le bout des doigts, relatant, comme s’il l’avait vécue, la prise du fort aux Allemands en août 1944 par les FFI. "Regardez ces impacts de balle sur les murs! Et ces trous d’obus! Cet endroit est incroyable."
Ici, on retrouve la tourelle d’un radar; là, le socle d’un canon antiaérien. "Je veux le remettre dans l’état exact dans lequel il se trouvait en 1944. Y compris avec sa piscine! Les Allemands l’avaient construite pour apprendre aux soldats à nager."
À ses côtés, Albert Meuvret acquiesce, glisse une précision patrimoniale à l’occasion. L’ancien pompier et historien local, qui militait pour que la Ville se porte acquéreur de ces 7 hectares au-dessus de la rade, a peut-être trouvé en Denis Le Priol l’homme providentiel pour réaliser son rêve de musée du casque à Toulon.
"Il faut juste qu’on se répartisse les lieux…" Et que le duo trouve quelques bonnes âmes pour nettoyer, retaper et faire fonctionner l’endroit (fortdugrandsaintantoine@hotmail.com). Une paille, quoi.
"Je ne suis absolument pas pressé", sourit Denis Le Priol. "Je veux faire les choses bien: expliquer mon projet aux élus, former une équipe de bénévoles, remettre tout ça en état… Mais avant tout, mon objectif est d’ouvrir ce fort le plus rapidement possible aux Toulonnais".
Et, si tout roule, un jour prochain, l’homme sera aux commandes d’un engin un peu particulier pour franchir le vieux pont-levis du Grand Saint-Antoine: un char M4 Sherman de la 2e DB.
Dans la famille Le Priol, la notoriété du fils dépasse aujourd’hui largement celle de son père. Ex-militaire de 30 ans, Loïk Le Priol est mis en cause comme coauteur dans l’assassinat du rugbyman argentin Federico Martín Aramburú, en mars 2022 à Paris.
Si les liens de l’accusé avec l’extrême-droite radicale ne sont plus à démontrer, ceux de Denis Le Priol, aussi évoqués par plusieurs médias, ne sont pas avérés, jure l’intéressé.
"Ce sont des mensonges. Je suis totalement apolitique", balaye-t-il. "Quant à l’histoire de mon fils, ma famille est détruite… Mais je ne suis pas comptable de ses actes."
À noter que Denis Le Priol est par ailleurs gérant du domaine de l’Octopus, à Draguignan, qui a fait parler de lui pour l’accueil de fêtes bruyantes… y compris pendant le confinement de 2020.
Toutefois, c’est surtout pour son rôle à la tête de Jeep Village, la référence commerciale en France de tout ce qui touche au fameux 4x4 américain et à ses équipements, que Denis Le Priol s'est jusqu'alors fait connaître.
À l'occasion de la 16e édition de l'opération nationale de sensibilisation à la pollution lumineuse, le médecin Jean-Louis Dufier appelle à suivre le rythme naturel du soleil pour déterminer les heures de lever et coucher et éviter des maladies graves.
Publié le 12/10/2024
Le samedi 12 octobre a lieu la 16e édition du "Jour de la Nuit", opération nationale de sensibilisation à la pollution lumineuseLa lumière artificielle "peut se révéler une redoutable pollueuse" et provoquer des maladies graves, comme le cancer, particulièrement chez ceux qui ont "un travail de nuit", alerte samedi 12 octobre sur franceinfo Jean-Louis Dufier, ophtalmologue et membre de l’Académie nationale de médecine, coauteur du rapport(Nouvelle fenêtre) "Pollution lumineuse et santé publique", publié par l'Académie de médecine. À l’occasion de la 16e édition de l'opération nationale de sensibilisation à la pollution lumineuse ce samedi, l’ophtalmologue appelle à "vivre exactement selon le rythme veille-sommeil". Selon lui, pour vivre en bonne santé, "il faut rester calé sur le rythme naturel du soleil".
franceinfo : Pourquoi les lumières artificielles sont-elles nocives pour la santé ?
Jean-Louis Duffer : Contrairement aux autres sources de pollution, la lumière est rarement dénoncée, sans doute parce qu'elle est particulièrement insidieuse. Pourtant, cette bienfaisante lumière, qui a d'ailleurs été divinisée par des Égyptiens, peut se révéler une redoutable pollueuse. Quels sont ses méfaits ? La fatigue, des troubles de l'humeur, une diminution de l'attention, de la vigilance qui peut être source d'ailleurs d'accidents de la voie publique, de la somnolence par manque de sommeil, des perturbations du sommeil…
Pourquoi ces lumières dérèglent-elles notre organisme ?
Tout ça vient du fait que, par de mauvais usages, notre exposition à une lumière artificielle jour et nuit, fait qu’en définitive, nos concitoyens manquent de sommeil, et pas seulement les adultes. La lumière a une interaction avec notre rétine. C’est évidemment par la rétine que se fait le phénomène de la vision. On a dans les cellules rétiniennes des moyens de capter la lumière pour justement entraîner la transformation des photons lumineux en électrons qui vont aller tout le long des voies visuelles jusqu'au cortex occipital pour faire ce phénomène de la vision. Non seulement la lumière permet le phénomène de la vision, mais donne au cerveau l'information du jour et de la nuit. Donc un déficit de sommeil va entraîner une dérégulation du cycle veille-sommeil qui est si important.
Ce dérèglement peut entraîner de graves maladies ?
Dans une étude sur 115 000 infirmières américaines qui ont été suivies pendant dix ans, on a montré une augmentation significative de près de 80% de risque relatif de cancer du sein, lorsqu'il existait au moins trois nuits travaillées par semaine pendant 20 ans. Évidemment, les personnes qui ont un travail de nuit sont particulièrement exposées.
Quel conseil donnez-vous aux Français pour se protéger de la lumière artificielle ?
"Nature est un doux guide", disait Ronsard. Il faut vivre exactement selon le rythme veille-sommeil, c'est-à-dire 9 h de sommeil. En gros, suivre l'arrivée de la nuit vers les 20h-21h et se réveiller vers 7h. Il faut rester calé sur le rythme naturel du soleil.
Dans ce nouvel épisode de Complorama, Tristan Mendès France et Rudy Reichstadt explorent la fascination de la complosphère pour les mythes historiques, examinant comment ces récits sont déformés et instrumentalisés à des fins idéologiques.
Publié le 11/10/2024
Pourquoi les grands mythes de notre Histoire passionnent tant les complotistes ? La série À l'aube de notre histoire, qui défend l'existence d'une civilisation technologiquement avancée disparue à la fin de l'ère glaciaire, fait son grand retour sur Netflix pour une deuxième saison, après une première saison critiquée par les archéologues.
"En réalité, les livres et les films de Hancock sont considérés par les scientifiques comme relevant de la pseudoscience", souligne Rudy Reichstadt. La série documentaire alimente un discours anti-science en présentant Hancock comme un lanceur d'alerte face à un establishment scientifique qui cacherait la vérité. "Une partie du succès de sa série, c'est de se positionner comme une sorte de résistant à la pensée unique scientifique", analyse Tristan Mendès France.
Dans la première saison, un épisode était consacré au mythe de l'Atlantide. Graham Hancock, le narrateur de la série, n'affirme pas que l'Atlantide se trouve aux Bahamas, mais il utilise ce mythe pour appuyer sa théorie d'une civilisation avancée disparue lors de la dernière période glaciaire. "L’Atlantide c’est la preuve qu’on peut écrire, produire, rêver de quelque chose qui n’existe pas pendant des siècles littéralement parce que ça hante l’imaginaire occidental à partir de quelque chose qui est une pure une pure fiction", estime Rudy Reichstadt pour qui la complosphère instrumentalise ce mythe pour promouvoir ses propres idées.
La théorie des arbres géants, bien que moins répandue que d'autres mythes, est un exemple intéressant de la façon dont la complosphère s'empare d'observations et les déforme pour les faire correspondre à ses récits. L'idée d'arbres géants ayant existé dans un passé lointain est un phénomène réel sur TikTok et YouTube. Les tenants de cette théorie s'appuient sur des reliefs géologiques, tels que des plateaux ou des montagnes tabulaires, pour affirmer qu'il s'agirait en réalité des souches d'arbres géants. Pour Rudy Reichstadt, la croyance en l'existence d'arbres géants repose sur la paréidolie, une illusion mentale qui nous pousse à percevoir des formes familières dans des éléments aléatoires. En l'occurrence, les personnes qui adhèrent à cette théorie "projettent" l'image d'une souche d'arbre sur des formations géologiques naturelles. Cette théorie, bien que marginale, est révélatrice des mécanismes de la pensée complotiste, qui se nourrit de la fascination pour les mystères, les civilisations perdues et la défiance envers la science établie.
Les pyramides occupent une place prépondérante dans l'univers complotiste, comme le démontre l'analyse des propos de Jacques Grimault et du rappeur Gims. "On ne mesure peut-être pas bien la centralité des pyramides dans l'imaginaire complotiste international. C'est absolument dingue de voir à quel point on retrouve ces narratifs dans à peu près toute la complosphère internationale", souligne Tristan Mendès France. Le rappeur Gims, reprenant des thèses afrocentristes, affirmait que les pyramides étaient des centrales électriques(Nouvelle fenêtre) construites par une civilisation africaine avancée, dont l'existence serait cachée par les historiens.
L'influence de figures comme Maître Gims, qui diffusent ces théories à des millions d'abonnés, est préoccupante. En effet, "tout ça pourrait sembler assez anodin. (...) En fait, si on tire le fil de ce que ça implique, ça veut dire qu’on nous aurait menti sur l'origine des pyramides, que les livres scolaires ont relayé ce mensonge, que le ministre de l'éducation nationale a couvert ce mensonge et donc les gouvernements, le gouvernement couvre ce mensonge et tous les gouvernements du monde", explique Tristan Mendès France.
"Le problème, c'est que ça alimente ou ça contribue à alimenter une confusion entre la réalité et la fiction, qui pour conséquence très concrète d'abaisser le seuil d'acceptation de n'importe quelle nouvelle théorie du complot. Et puis ça nourrit au passage une défiance à l'égard des scientifiques, des institutions, une remise en cause de la parole des experts", conclut Rudy Reichstadt.
Le musée des Amis du Vieux Toulon retrace l’évolution des transports en commun dans la métropole. Des documents historiques et des maquettes sont à découvrir jusqu’au 11 janvier.
Publié le 08/10/2024 par Amandine Roussel
Il est décidément dans toutes les têtes. Alors qu’il ne disparaît jamais vraiment du débat politique (au sujet de sa sempiternelle rivalité avec le superbus), le tramway fait aujourd’hui l’objet d’une exposition.
Loin des polémiques. Tout simplement parce qu’il fait partie de l’histoire des transports collectifs de la ville. Et c’est ce qu’ont voulu montrer les Amis du Vieux Toulon pour leur événement trimestriel. Dans les locaux du cours Lafayette, le musée retrace l’histoire des déplacements dans la métropole.
Toulon a tout connu
Premier constat, question variété des transports collectifs, Toulon est servi.
Du tramway au trolley-bus en passant par les navettes maritimes, les bus, pour se déplacer, au fil du temps, il y a eu l’embarras du choix. Mais la grande originalité de la ville reste son téléphérique urbain mis en service en 1959 pour rallier les hauteurs du Faron.
Les nostalgiques devraient largement trouver leur compte dans cette exposition. Tout commence sur l’eau avec une ligne maritime entre Toulon et La Seyne en 1836. Un vapeur à aubes relie alors les deux villes.
Il faut attendre 1887, et l’initiative de Michel Pacha, pour transporter les Toulonnais vers les Sablettes et Tamaris.
Concernant les transports terrestres, ce sont les tramways hippomobiles qui ouvrent le bal entre 1886 et 1897. Au plus haut, le réseau comprend 49 voitures, 105 chevaux et 28 cochers.
Ils sont remplacés par le tramway électrique qui sévit entre 1897 et 1955. Pendant son âge d’or, (entre 1927 et 1930), neuf lignes sont exploitées et près de 20.000 passagers par an transportés.
L’exposition fait la part belle aux documents historiques principalement issus des collections des Amis du Vieux Toulon. Photographies d’époque, dessins, anciens tickets sont mis en valeur. Deux maquettes d’anciens tramways ainsi qu’un composteur d’époque font figure de pièces maîtresses.
Différents articles de journaux livrent également de belles anecdotes. À l’image du Petit Var datant du 9 août 1897. Le journaliste relate une panne de tramway sous la porte d’Italie, les passagers restant bloqués plusieurs heures. La cause? "A l’usine du quartier Brunet, l’énergie des dynamos avait été coupée car on pensait toutes les voitures rentrées aux dépôts." Quelques jours après, c’est une collision entre une charrette et un tramway qui a fait les gros titres. L’âne refusant d’avancer, l’accident était inévitable…
Entre Toulon et les transports, décidément c’est toute une histoire.
Musée des Amis du Vieux Toulon, 91 cours Lafayette. Ouvert du lundi au samedi de 14h à 18h.
Puce électronique, nouvelle taxe annuelle et pénalités en fonction du niveau d’ordures : la gestion des déchets va radicalement changer avec l'arrivée de nouvelles poubelles connectées chez de nombreux Français. Voici ce que vous devez savoir.
La gestion des déchets ménagers en France va changer ! Et ces modifications vont directement impacter les foyers. Selon le site du gouvernement, d'ici 2025, 25 millions de Français seront visés par une nouvelle initiative visant à diminuer la production de déchets domestiques : l'installation de puces électroniques sur leurs poubelles. Ce système, associé à une taxe incitative et à des pénalités, a pour objectif de sensibiliser les citoyens à la gestion de leurs déchets et à les inciter à adopter des comportements plus respectueux de l'environnement. Mais comment cela va-t-il fonctionner ?
Des poubelles à puce électronique pour 25 millions de Français en 2025
Ces initiatives ne sont pas nouvelles, elles font partie des objectifs ambitieux de la loi de Transition énergétique pour la croissance verte de 2015. Le texte prévoit d'équiper, d'ici 2025 (soit dans 5 mois), 25 millions de personnes de nouveaux conteneurs à puce électronique RFID (Radio Frequency Identification), autrement dit, de capteurs.
En 2021, 6,5 millions de foyers possédaient déjà ces poubelles, qui permettent de suivre et d'analyser la fréquence de leur sortie. À chaque collecte, la puce est scannée par les capteurs des camions de ramassage, ce qui permet de calculer le nombre de collectes effectuées et, si nécessaire, d'appliquer une taxe pour excès (au-delà de 18 collectes annuelles, selon La Dépêche). Des poubelles "espionnes", donc, pour mieux sanctionner ceux qui produisent trop de déchets ; ce n'est pas un scénario de Black Mirror, mais bien la réalité
Toutefois, cette tarification initiative n’a pas (que) pour vocation de nous ruiner : la mesure vise avant tout à réduire les déchets à l’échelle nationale, pour préserver l’environnement mais aussi le budget des collectivités. Le principe de la tarification incitative repose finalement sur un constat simple : plus un ménage produit de déchets, plus il doit payer. En France, les contribuables s’acquittent déjà annuellement de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères (TEOM) et la redevance d'enlèvement des ordures ménagères (REOM).
Pour les ménages concernés par la tarification incitative, ces deux impôts comportent donc une part variable, liée au volume ou au nombre d’enlèvements de déchets. Pour un bac individuel de 120 litres, chaque collecte supplémentaire au-delà de 18 par an pourrait coûter environ 1,20 € pour un bac individuel de 120 litres, et deux fois plus pour une poubelle "familiale" de 240 litres. Et si la part fixe, elle, est revue à la baisse (100€ au lieu de 186€), la facture peut vite grimper puisque 18 sorties par an correspondent à un ramassage de vos poubelles... Toutes les trois semaines seulement.
En 2021, la France a dépensé 19,6 milliards d’euros pour la gestion des déchets ménagers. Or, les premiers résultats de la tarification incitative montrent une réduction de 30 % des déchets dans les communes où elle a été mise en place, grâce à une optimisation des fréquences de collecte.
Qui seront les prochains Français concernés par ces conteneurs à puce qui menacent de grever notre budget ? Il n’existe pour l’heure pas de liste "officielle" à consulter. Pour savoir si vous êtes de la partie, renseignez-vous auprès de votre mairie. Mais autant commencer à réduire vos déchets dès maintenant pour s’entraîner et limiter de futures pénalités. Voici quelques bons réflexes, très simples, à adopter avant 2025 :
Non seulement vous diminuerez vos déchets, et donc, le risque de voir une lourde pénalité vous tomber dessus à la fin de l’année, mais surtout, vous adoptez un mode de vie plus responsable, bien plus doux pour la planète.
La peau est le plus grand organe du corps humain. Elle constitue non seulement la première ligne de défense contre les facteurs de stress externes tels que toxines environnementales, agents pathogènes et polluants, mais elle peut aussi révéler beaucoup de choses sur notre santé physique.
Des études ont montré que l’intestin et la peau communiquent en permanence par l’intermédiaire de ce qu’on appelle l’ « axe intestin-peau ». Cela signifie que les démangeaisons, les rougeurs, les peaux bosselées ou écailleuses peuvent être liées à ce qui se passe dans l’intestin.
De plus en plus de données cliniques établissent un lien entre des changements dans la composition du microbiome intestinal et le développement de diverses maladies de la peau.
Le microbiome intestinal humain est constitué d’une population de micro-organismes, collectivement appelés « microbiote », qui vivent dans le tractus gastro-intestinal. Le microbiome a de nombreuses fonctions, telles que la protection contre les infections, l’entraînement du système immunitaire, la synthèse de vitamines et la digestion de substances naturelles telles que les hydrates de carbone.
Divers facteurs influencent la composition, la richesse et le travail du microbiote intestinal, notamment le stress, l’alimentation, la consommation d’alcool, l’exercice physique et la prise d’antibiotiques.
Cependant, lorsque l’équilibre complexe entre le microbiote bénéfique et le microbiote nuisible est modifié — on parle alors de « dysbiose » —, la barrière intestinale peut devenir perméable. On parle alors de syndrome de perméabilité intestinale, une condition dans laquelle l’intestin, de plus en plus fuyant, permet aux toxines microbiennes, aux antigènes alimentaires (minuscules particules de nourriture) et aux mauvaises bactéries de pénétrer dans la circulation sanguine.
Ce phénomène peut engendrer des modifications dans la réponse du système immunitaire et le développement de maladies inflammatoires de la peau telles que dermatite atopique, psoriasis, rosacée et acné.
La dermatite atopique, ou eczéma est une maladie inflammatoire chronique qui touche principalement les enfants de cinq ans et moins. Des études ont démontré que le microbiome intestinal des personnes souffrant d’eczéma contient moins de Bacteroidetes et de Bifidobacterium, des bactéries qui protègent l’intestin contre la colonisation par des agents pathogènes, que la moyenne des gens.
On a également constaté que le nombre de bactéries intestinales produisant du butyrate — un acide gras à chaîne courte qui contribue à l’intégrité et à la fonction de la barrière épithéliale de l’intestin — est faible chez les nourrissons atteints d’eczéma. Ces acides gras ont aussi des effets anti-inflammatoires et agissent comme des immunomodulateurs en aidant à réguler la réponse immunitaire.
De récentes études sur le microbiome montrent clairement que les micro-organismes présents dans l’intestin jouent un rôle clé dans la réponse immunitaire, le métabolisme et la physiologie. Des chercheurs ont examiné plusieurs facteurs susceptibles d’influencer l’équilibre du microbiote, ainsi que les moyens de rétablir la santé intestinale en cas de dysbiose.
Le développement du microbiome intestinal et du système immunitaire est une étape cruciale de la vie des nourrissons et des jeunes enfants. Étant donné que 80 % des cellules immunitaires humaines se trouvent dans le tissu lymphoïde autour du tractus digestif, l’intestin peut être considéré comme le centre du système immunitaire.
La colonisation du microbiome intestinal par des micro-organismes commence dès la naissance. Les bébés nés par voie vaginale sont d’abord exposés aux micro-organismes présents dans le système génito-urinaire de leur mère. Le microbiome maternel constitue la première source d’Escherichia coli, de Bifidobacterium et de Bacteroidetes pour le tractus intestinal du nourrisson. En outre, le lait maternel représente également une source de divers micro-organismes, tels que Streptococcus et Lactobacillus.
Les antibiotiques sont des médicaments qui aident notre corps à lutter contre les infections en tuant les bactéries et en ralentissant leur croissance. Ils sont souvent nécessaires et peuvent sauver des vies. Cependant, les traitements antibiotiques ne ciblent pas uniquement les bactéries responsables de la maladie, mais également les bactéries bénéfiques présentes dans l’intestin.
Le microbiome peut mettre plus de deux ans à se rétablir après avoir été exposé à des antibiotiques. Dans certains cas, il ne retrouvera jamais sa diversité bactérienne normale. Cette constatation a été rapportée pour des antibiotiques administrés par voie orale et intraveineuse. Il est donc important de prendre ces médicaments de manière appropriée et uniquement lorsque nécessaire. Ce point s’avère particulièrement vrai dans le domaine de la dermatologie, où des affections cutanées telles que l’eczéma peuvent être initialement confondues avec une infection et traitées inutilement avec des antibiotiques.
Le microbiome intestinal peut être renforcé par la prise de probiotiques et de prébiotiques, ce qui peut contribuer au traitement des affections cutanées telles que l’eczéma.
Les probiotiques sont des organismes vivants bons pour la santé. Ils agissent en se liant de manière compétitive aux cellules de l’épithélium intestinal, qui forme la paroi de l’intestin grêle et du gros intestin. Ils participent ainsi à la lutte contre l’invasion de l’organisme par des agents pathogènes. Cette liaison compétitive va de pair avec la production de bactériocines, une protéine de type antibiotique produite par les organismes probiotiques. Les bactériocines inhibent encore davantage le développement des agents pathogènes.
Les prébiotiques sont des substances alimentaires qui ne sont ni digérées ni absorbées dans le tractus gastro-intestinal. Comme les probiotiques, les prébiotiques contribuent à renforcer la barrière intestinale en favorisant la production d’acides gras à chaîne courte et en améliorant la réponse immunitaire de l’organisme.
Si les probiotiques et les prébiotiques peuvent être utilisés pour atteindre un équilibre sain du microbiote en l’absence de maladie, il est beaucoup plus difficile de rétablir cet équilibre pendant ou après une maladie. La prise de probiotiques et de prébiotiques peut constituer une intervention complémentaire au traitement de personnes souffrant d’affections telles que l’eczéma
Pour finir, examinons l’incidence de l’alimentation sur le microbiome intestinal.
Des recherches ont montré que le gluten peut être à l’origine de différents problèmes de santé, notamment d’une dysbiose intestinale. Ses effets négatifs sont particulièrement présents chez les gens qui souffrent d’hypersensibilité au gluten ou de la maladie cœliaque.
La sensibilité au gluten et la perméabilité intestinale font partie d’une boucle de rétroaction positive, les deux se renforçant mutuellement. Cela signifie que lorsque des personnes qui souffrent d’hypersensibilité au gluten ou de maladie cœliaque consomment du gluten, elles risquent d’endommager leur barrière intestinale et de rendre l’intestin de plus en plus perméable, ou « fuyant ». Des particules étrangères peuvent alors s’échapper de l’intestin et passer dans la circulation sanguine, ce qui met le système immunitaire en état d’alerte et provoque des vagues d’inflammation dans tout l’organisme.
Ces réactions peuvent engendrer des affections cutanées telles que l’eczéma. Par ailleurs, un intestin perméable peut entraîner une sensibilité accrue au gluten, renforçant ainsi le déclenchement initial du syndrome de l’intestin perméable et nuisant davantage à la barrière intestinale.
Des études ont révélé que les aliments riches en sucres ajoutés, le gluten, l’alcool et les légumes de la famille des solanacées, comme les pommes de terre et les poivrons, peuvent modifier la composition du microbiote intestinal. Ainsi, une consommation excessive de sucre peut entraîner une prolifération d’E. coli dans les intestins, ce qui affecte négativement le fonctionnement du microbiome. Ces aliments peuvent irriter la muqueuse intestinale et provoquer une dysbiose, appauvrissant la diversité microbienne et augmentant l’inflammation.
En revanche, la consommation d’aliments riches en fibres contribue à rétablir l’équilibre du microbiote intestinal, à soutenir la croissance de bactéries bénéfiques et à réduire le nombre de molécules de signalisation (cytokines) qui favorisent l’inflammation. Ces aliments comprennent les fruits (p. ex. framboises, poires, bananes), les glucides complexes (p. ex. riz brun, pain complet et légumineuses) et les légumes (p. ex. brocolis, pois verts et choux de Bruxelles). Les aliments fermentés, comme le kombucha, améliorent également la diversité bactérienne dans l’intestin.
Sachant que l’on constate de plus en plus de liens entre les maladies inflammatoires de la peau et la dysbiose du microbiome intestinal, il est important de prendre soin de sa santé intestinale. Bien que nous ne puissions pas toujours contrôler certains éléments comme la colonisation du microbiome intestinal au début de notre vie et la prise d’antibiotiques, nous pouvons néanmoins renforcer notre intestin en faisant attention à notre alimentation et en utilisant des probiotiques et des prébiotiques.
Au Brésil, votre nom usuel n’est pas forcément celui qui est inscrit sur votre carte d’identité. En la matière, on adore raccourcir, simplifier, inventer, choisir.
“Quel est ton nom ?” C’est toujours la première question que l’on vous pose au Brésil lors d’un premier contact.
Attention au piège : au Brésil, le nom c’est le prénom, le plus utilisé dans la vie courante et même professionnelle. Peu de formalisme. Mais c’est plus subtil : parfois, en cas de prénom commun comme Antonio ou Maria ou pour d’autres raisons, on utilisera le sobrenome, le nom de famille. Il n’y a pas vraiment de règle, juste de l’habitude et de la praticité. Une autre pratique courante au Brésil est l’utilisation d’un surnom ou apelido. Qui s’intéresse un tant soit peu au futebol le sait bien : beaucoup de joueurs brésiliens sont connus par leur surnom, comme le “roi Pelé”. Mais cela peut aussi s’appliquer à un président de la République : Luiz Inácio da Silva est devenu Lula pour tous et quasi officiellement ! On aime bien aussi abréger les prénoms trop longs : un diminutif est plus chaleureux, plus intime. Fernando devient Nando ; Rosangela, Rô ; José, Zé ; Francesca, Chica ; Raimundo, Rai ; Juliana, Ju…
Des noms de famille au choix
Par contre, pour les noms de famille, c’est une histoire plus compliquée. En fait, on a l’impression que chacun fait un peu ce qu’il veut : tout commence par le choix du ou des parents à la naissance de l’enfant. Lequel peut recevoir un seul nom de famille… ou alors beaucoup plus ! Un exemple : pour l’état civil brésilien, il s’appelle Oscar Ribeiro de Almeida Niemeyer Soares Filho ; pour le monde entier, son nom est célèbre et se résume simplement à Oscar Niemeyer. Mais le nom de Niemeyer est celui de sa grand-mère maternelle d’ascendance allemande, pas celui de ses parents ! Au Brésil, on choisit son nom.
On connaît rarement le nom officiel et complet des gens hors d’un contexte administratif. Chaque fois que j’en ai l’occasion, comme avec mes étudiants, c’est une invitation à un véritable voyage dans l’immigration brésilienne des siècles derniers. Bien sûr les noms d’origine portugaise prédominent mais, en particulier dans le sud du pays, ils cohabitent avec plein d’autres origines. Vous pourriez bien tomber sur un Gilberto Soares Manzini Neuman Yamazaki ! Mais un de ces noms pourrait tout aussi bien être espagnol, polonais ou… français ! Le grand brassage.
Il y a d’autres cas de figure. À un collègue dont le nom de famille est Amado, je demande si sa famille est d’ascendance portugaise, espagnole ou italienne. Il s’en amuse : “Non, aucune des trois ! Mon grand-père est originaire du Liban. Il s’appelait Habib mais arrivé ici au Brésil, il a absolument voulu “portuguiser” son nom : Habib est logiquement devenu Amado !” On peut comprendre ce grand-père : les Brésiliens ont souvent bien du mal avec tous ces noms étrangers difficilement prononçables. C’est ce qui m’est arrivé lors de mon premier voyage au Brésil. J’ai dû donner mon nom à une agence de voyages pour l’émission d’un billet de bus. Bêtement j’ai donné mon nom de famille. Erreur fatale : Pouillaude est tout simplement incompréhensible et imprononçable pour un Brésilien. L’employée bahianaise l’écrivit difficilement après que je l’avais épelé bien lentement. Puis elle me regarda avec un grand sourire et me dit : “Oh, mon amour ! Si tu veux vivre dans ce pays, je te donne un bon conseil : change de nom ! ”
Il y a dix ans, presque jour pour jour (le 15 septembre 2014), Netflix débarquait en France. Ce jour-là, sans qu'on en eut forcément conscience sur le moment, l'exercice qui consistait à ouvrir un livre pour passer une soirée en sa compagnie devenait une pratique désuète, bientôt obsolète. Je ne dis pas qu'en 2014 la France comptait autant d'habitants que de lecteurs, mais au moins existait-il encore une frange de sa population qui s'adonnait régulièrement au plaisir de lire des livres autres que des romances à visées commerciales.
Dix ans plus tard, cette population a largement disparu. Rares sont désormais les individus qui occupent leurs heures de loisir à dévorer un roman, préférant s'adonner au plaisir de consommer, à toute heure de la journée, un flux de séries présent en abondance sur de multiples plateformes de streaming. D'une certaine manière, Netflix et consorts ont donné le coup de grâce à une pratique qui était de toute manière condamnée à disparaître.
Il n'est nul besoin d'être visionnaire pour constater que nous sommes passés, en l'espace de deux décennies, d'une civilisation du verbe à celle de l'image et du bruit, du tapage incessant. L'apparition des réseaux sociaux a capté l'essentiel de nos capacités réflexives, transformant nos cerveaux en une vaste terre brûlée où la finesse de la pensée a été remplacée par la brutalité de slogans qui ne cherchent plus à asseoir un raisonnement, mais à manifester une opinion réduite à sa plus simple expression.
Les écrans sont devenus nos nouveaux évangiles, nos téléphones portables, nos auxiliaires de vies. Nous vivons saturés d'images, de faits divers, d'anecdotes qui vont et viennent à la vitesse de la lumière au point où notre capacité à fixer notre attention ne dépasse plus que quelques minutes, voire même une poignée de secondes, le temps de s'intéresser à une quelconque problématique, avant de s'interrompre pour répondre à un message WhatsApp ou visionner en urgence absolue une vidéo sur l'accouplement de deux pandas dont les ébats feront le tour du monde avant de laisser la place à un homme capable de décortiquer un homard à l'aide de sa barbe.
Netflix n'a fait qu'accentuer ce dérèglement culturel en proposant pour un prix dérisoire une flopée de séries, certaines remarquables, mais dans l'immense majorité parfaitement insignifiantes et suffisamment élaborées pour que le cerveau captif en redemande soir après soir. Si l'on considère que le but ultime de chaque individu est de trouver un moyen de s'évader de lui-même, Netflix a apporté de quoi remplir ce besoin existentiel par la profusion d'une offre qui ne connaît pas de limites.
Netflix procure chaque jour la dose suffisante de divertissement pour permettre à chacun de prendre congé de lui-même sans réclamer autre chose qu'un canapé et une capacité d'attention minimale. Le problème étant qu'à force de répéter cet exercice, le cerveau a perdu tout contact avec la notion même d'effort. À force de s'absenter de nous-mêmes, nous sommes devenus des sortes de parangons du vide, d'individus saoulés de récits écrits à la va-vite et filmés pareillement, dont le rythme effréné de productions annihile toute sorte d'esprit critique.
Si bien que désormais la lecture d'un roman, d'un roman qui ne soit pas le pendant d'une série estampillée Netflix où l'écriture serait devenue comme une sorte de supplétif à l'image, une écriture bon marché et sans aspérités, demande non seulement du temps mais aussi des efforts que nous ne sommes simplement plus capables de fournir.
Le cerveau est un muscle. Si vous l'habituez à gober des images ou des intrigues sans jamais le perturber dans sa manière d'être, si vous répondez très exactement à ce à quoi il aspire, un simple et pur désir d'évasion, face à la complexité d'une phrase qui prendrait le temps de s'écrire et jouerait sur plusieurs registres lexicaux, il devient aussi désemparé qu'un poulet face à un décapsuleur.
Ce n'est pas que les gens lisent moins, c'est qu'ils ne savent plus lire. Que leur capacité de concentration a diminué en des proportions si drastiques que la lecture qui nécessite une attention soutenue et un certain goût pour l'effort, se heurte aux contingences d'un cerveau asséché par l'absorption à haute dose de produits culturels néfastes à sa productivité.
Ce serait comme manger tous les jours de la pizza. À la longue, votre capacité à savourer des plats un brin plus élaborés aura disparu. L'idée même de goût n'existera plus. Vous serez devenus un estomac à pizza et à rien d'autre. Netflix, c'est le Pizza Hut de la culture. Un truc ni bon ni mauvais, juste pratique pour n'avoir ni à cuisiner ni à penser. Pour beaucoup, une certaine idée du bonheur contemporain.
Des haies l’on connaît souvent les nombreux bienfaits pour la biodiversité comme pour une agriculture durable. On sait aussi qu’elles peuvent être l’objet de tensions entre propriétaires voisins, entre agriculteurs et décideurs publics. Le sociologue Léo Magnin nous propose désormais de découvrir « La vie sociale des haies ». Il démontre au passage comment cet objet d’étude est propice à l’examen d’un processus balbutiant et semé de contradictions : l’écologisation des mœurs.
Dans cet extrait, il analyse l’évolution des haies au prisme de leurs fonctions économiques.
Dans les sociétés essentiellement agricoles du Moyen Âge, les arbres sont une richesse : Norbert Elias dresse le parallèle entre, d’un côté, les prisonniers tués et, de l’autre, les arbres, les puits et les champs détruits pour affaiblir l’adversaire. On se souvient que la haie est, avec le mouvement des enclosures, un investissement qui contribue à matérialiser les bornes de la propriété privée lucrative. Dans son Théâtre d’agriculture et mesnage des champs, Olivier de Serres (1539‐1619), agronome avant la lettre, louait aussi les haies, meilleures cloisons que les murailles, fossés et palissades, parce qu’elles sont infranchissables :
« Tous‐jours les Haies sont de grand service, defendans par leurs piquerons, le passage à gens & à bestes : d’autant qu’à travers ne peut‐on passer, ne par dessus aucunement monter. »
Or cette fonction de préserver les cultures, vignes et jardins du dégât « des bestes & des larrons » n’est pas consubstantielle à la haie mais le résultat d’un travail spécifique, au sujet duquel Olivier de Serres donne de précieux conseils : préférer l’aubépine aux ronces, apporter du fumier à la haie pour la fortifier, tailler ses rejets pour conserver sa vigueur, les entortiller pour ne laisser aucun passage aux bêtes nuisibles (« poulailles » comprises) ou encore rogner sa hauteur chaque année. Il ne suffit donc pas de planter une haie : elle doit être continuellement édifiée.
« Édifier » une haie ? À partir des années 1980, des ethnologues des techniques se sont penchés sur les travaux dont les haies étaient encore l’objet au début du XXe siècle. Ils rappellent la distinction entre haie vive et haie sèche, la seconde étant aujourd’hui tombée en désuétude. Composée de branches mortes, cette dernière était facilement déplaçable, mais requérait un travail régulier de remplacement des bois dévorés par l’eau, le soleil et les insectes. Quant à la haie vive, composée d’arbres et d’arbustes vivants, elle était aussi édifiée, pour reprendre le terme de [l’ethnoécologue] Patrice Notteghem. Il faut boucher les « musses », ouvertures où se glissent les petits animaux, par des portions de haie sèche, mais aussi contraindre les végétaux à pousser à l’horizontale. C’est tout le but du plessage (ou plissage), cet art d’avant le barbelé par lequel une haie habilement tressée devient une barrière infranchissable : « La haie plessée s’apparente donc à une vannerie vive. » De tous les travaux disponibles, ceux de Christian Hongrois sont sur ce point les plus précis et paradoxalement les plus ignorés. L’ethnologue a détaillé avec rigueur la nature des travaux de plessage en Vendée : de multiples dessins et photographies étayent son propos. Signe des temps, son ouvrage de 1997, jusqu’ici disponible dans une seule bibliothèque universitaire, a fait l’objet d’une nouvelle édition enrichie et actualisée
Si la haie peut devenir une « cage » efficace à condition d’être conduite, elle est aussi une infrastructure de production végétale. Car s’il faut parler d’édification plutôt que de plantation, il faut aussi préférer le terme d’exploitation à celui d’entretien. C’est le cas des arbres d’émonde, élagués de différentes manières, dont le bois est diversement utilisé. La taille fréquente est révélatrice d’un rapport social : le petit branchage est laissé aux fermiers, alors que les troncs et le bois noble reviennent aux propriétaires terriens, d’après un usage formalisé au XIXe et au début du XXe siècle, puis abandonné dans les années 1950. Entretenir les haies est la préoccupation de l’agriculteur contemporain qui ne les exploite plus. En miroir, les laisser pousser pour qu’elles accueillent un riche écosystème est l’idéal du naturaliste. En revanche, pour le paysan de la fin du XIXe siècle, la haie est avant tout une culture qu’on récolte. Prenant l’exemple de l’aubépine, Bernadette Lizet montre que l’arbuste était « devenu si rare à l’état sauvage dans un milieu soumis à une exploitation intensive de toutes ses ressources qu’il a fallu, dans un passé récent, organiser une expédition coûteuse pour s’en procurer ». Elle a en effet découvert qu’en 1880 un groupe de villageois de l’Ain avait organisé un voyage de cinquante kilomètres vers la pépinière de la ville voisine afin d’obtenir le précieux végétal, alors culture symbole de la modernité.
Le bois des haies est utile pour se chauffer. Les branches, une fois mises en fagots, alimentent les fours à pain et servent, par exemple, à cuire certains fromages. De plus, la cuisson n’était pas réservée aux mets destinés à l’alimentation humaine : les denrées données aux cochons, aux poules et aux autres animaux de la basse‐cour étaient systématiquement cuites. D’autres ressources sont puisées dans la haie : les feuilles du frêne sont un fourrage délicieux pour les vaches. Les mûrons sont l’ingrédient de base de la confiture et les noisettes de l’huile, sans compter la récolte des noix, nèfles, prunelles et châtaignes. Les bois durs sont utilisés pour la construction de bâtiments et la fabrication d’outils : balais, jougs, aiguillons de bouvier, charpentes, échelles, barrières, piquets, etc. L’écrivain Jean‐Loup Trassard rapporte que les haies fournissaient aussi des jouets pour les enfants : la « canne‐pétouère », sorte de sarbacane faite d’une branche de sureau évidée, ou les toupies cloutées. Quant à la clématite et à l’osier, leurs branches souples sont les matières premières des liens servant à « plisser » les haies et à tenir les fagots, mais aussi de la vannerie : paniers, ruches, meubles. Alice de Vinck rappelle que les fagots étaient indispensables pour cuire la poterie. Christian Hongrois rapporte les usages médicaux et traditionnels des plantes : l’aubépine contre les verrues, le sureau contre les maux de dents, les feuilles de chêne contre la diarrhée, etc.
Au cours du XXe siècle, l’évolution des techniques et des circuits de commercialisation frappe peu à peu de caducité les services indispensables que les haies rendaient à l’économie domestique des ménages ruraux. Le barbelé, cette « ronce artificielle », remplace les haies plessées. Avec le fil électrique, la haie achève de perdre sa fonction historique de clôture. L’arrivée et la généralisation des énergies fossiles et de l’électricité relativisent aussi le poids du bois dans la consommation énergétique des foyers. Le pain n’est plus fait à la maison mais peut s’acheter à la boulangerie, la poterie recule face aux ustensiles manufacturés disponibles en magasin : puisque la cuisson du pain et de la poterie est devenue superflue, les fagots s’effacent. Les scieries, puis les enseignes de bricolage fournissent les manches, échelles, planches, lambourdes et chevrons qu’on trouvait dans les arbres. Ce qu’il reste de vannerie s’avoue vaincu face au formica triomphant. L’amélioration de la production du fourrage fait oublier les feuilles jusqu’ici offertes au bétail. La nouveauté des produits vendus à l’épicerie du village, puis au supermarché du bourg, attire davantage que les longues récoltes de baies et fruits secs. La pharmacopée moderne supplante la pharmacopée traditionnelle, qui ne subsiste qu’à l’état de souvenir. Même la « canne‐pétouère » et la toupie cloutée se retirent devant leurs émules de plastique qui ont les faveurs des enfants.
À bien y réfléchir, les haies ont donc été plantées et édifiées pour des raisons économiques, avant d’être marginalisées et détruites pour de nouvelles raisons économiques. Dans l’intervalle d’une transformation au long cours, l’économie se modifie dans l’espace : l’allongement des chaînes de commercialisation a court‐circuité le lien territorial entre la haie et le foyer agricole. La perte de fonction des haies peut se lire comme la conséquence de la rétrogradation de l’autonomie locale au profit d’une plus grande interdépendance matérielle entre les groupes sociaux urbains et ruraux. L’économie s’est aussi transformée dans son rapport au temps : le travail agricole est pris dans un engrenage entre mécanisation et exode rural. Moins il y a de bras pour les travaux des champs, plus il y a de machines ; et réciproquement. Le temps dévolu à l’entretien des haies diminue d’autant plus que les exploitations s’agrandissent, ce qui augmente la quantité de haies par exploitant bien que le bocage régresse.
Nous voici en mesure de comprendre pourquoi Julien Gracq écrivait dès 1934 que le bocage est « une forme autrefois rationnelle d’exploitation de la terre », « une forme de vie économique aujourd’hui fossile » qui « mourra d’une transformation sociale ». La grande variété des produits récoltés fait dire à Patrice Notteghem que les haies paysannes étaient « un véritable système agro‐forestier » et Bernadette Lizet qualifie la haie de « culture intensive » :
« Embroussaillées, à demi “séchées”, les haies relictuelles d’aujourd’hui portent encore les traces fossiles d’une exploitation méthodique. Elles renvoient à un temps du bocage fonctionnel, une période d’hyper‐domesticité du milieu et d’extrême degré de maîtrise du « sauvage », dans laquelle la conduite soignée de la haie entre en résonance avec les autres aspects de l’agrosystème. »
Les haies sont devenues une culture fossilisée parce que les rapports économiques ont fondamentalement changé. Ils sont passés de l’exploitation d’une ressource en vue de sa récolte à l’entretien d’une survivance désaffectée. Auparavant source de services et produits pour les ménages ruraux, la haie est devenue un coût dans l’économie des exploitations contemporaines spécialisées. Une recherche récente estime même que l’entretien d’un kilomètre de haies représente une dépense annuelle de 450 euros. Il est alors légitime de se demander pourquoi les haies, richesses faites charges, n’ont pas totalement disparu de l’espace agricole. Après tout, voilà bientôt un siècle que Julien Gracq annonçait leur fin. Là encore, l’attention à l’économie des exploitations agricoles est féconde : si les haies n’ont pas davantage disparu, c’est probablement aussi parce que les détruire coûte cher. Un dessouchage exige des ressources financières et matérielles, ce qui constitue un investissement qui, à terme, ne sera peut‐être pas gagnant dans la trésorerie de l’exploitant.
Ce constat ne doit pas inviter au pessimisme, mais à interroger la tendance qui, en sciences sociales, promeut l’agentivité des « non‐humains », leur capacité à interférer dans le cours de l’action. Cette agentivité n’est‐elle pas proportionnelle à l’incapacité économique de certains groupes sociaux ? En suivant les péripéties de la vie économique des haies, il apparaît que les objets et les choses en général n’ont pas été ignorés par les sciences sociales, comme l’affirmait Bruno Latour, mais étudiés de très près par l’ethnologie des techniques, attentive à l’économie des fermes. Pourtant, cette anthropologie de l’environnement a été marginalisée par l’anthropologie de la nature de Philippe Descola, plus centrée sur les représentations que sur les pratiques. L’histoire économique des haies confirme l’intérêt de ces travaux ethnologiques éclipsés par d’autres traditions de recherche qui, si elles sont importantes, cultivent une rhétorique de la rupture qui néglige l’apport d’études existantes.
Que reste-t-il du mythique quotidien d'après-guerre ? Presque rien : un nom et un site web, sans journalistes. Après plusieurs mois de procédure, France-Soir a perdu mi-août son statut de service de presse en ligne, sur décision du tribunal administratif de Paris. S'il continue d'exister, il doit se passer de certains avantages fiscaux et d'aides potentielles du Fonds stratégique pour le développement de la presse (FSDP). France-Soir a annoncé sur son site faire appel de cette décision, jeudi 22 août, tout en dénonçant une "censure politique".
Dans son avis, la commission mixte paritaire des publications et agences de presse (CPPAP) a estimé que le titre ne présentait pas le "caractère d'intérêt général" requis pour ce statut. France-Soir est d'ailleurs identifié comme "participant depuis 2020 de la complosphère covido-sceptique francophone", selon le site spécialisé Conspiracy Watch. Comment cette publication mythique et reconnue, dont le tirage atteignait le million d'exemplaires dans les années 1950, a pu en arriver là ? Franceinfo retrace la lente et inexorable chute du titre de presse.
France-Soir naît en 1944, "l'année zéro de la presse papier telle qu'on la connaît aujourd'hui", estime auprès de franceinfo l'historien Alexis Lévrier, spécialiste de l'histoire du journalisme. Le quotidien constitue la synthèse de deux titres : Défense de la France, un journal clandestin de la Résistance, et Paris-Soir, l'un des quotidiens phares de la presse populaire des années 1930. Pierre Lazareff, ex-directeur de la rédaction de Paris-Soir, prend la tête du quotidien et met en œuvre son savoir-faire.
"C'est un journal qui couvre tous les sujets politiques et les faits divers, qui s'adresse à toutes les classes de la population, contrairement au Monde ou au Figaro", détaille le maître de conférences à l'université de Reims. "On mise sur le terrain, la photographie, et l'hyper-immédiateté. On peut avoir six à sept éditions par jour, les colporteurs vont sur le terrain pour vendre au plus près du lecteur". En clair, France-Soir a inventé l'information en continu. Au sommet de sa gloire, la rédaction emploie 400 journalistes, dont les plus grandes plumes, comme Joseph Kessel, Henri Troyat, Georges Simenon ou Françoise Giroud.
Le quotidien, qui appartient alors à Hachette, tire à plus d'un million d'exemplaires par jour en 1953 et s'y tient pendant treize ans, relève France Culture. Pourtant, les signaux du déclin sont déjà là. "Pierre Lazareff, c'est un génie rattrapé par l'évolution technique et les pratiques culturelles. Il n'y pouvait rien, tranche Alexis Lévrier. L'âge d'or de la presse écrite a déjà disparu : c'était lors de la Belle Epoque [1871-1914]. Il a réussi à le faire revivre un peu dans les années 1950-1960 avec France-Soir."
Le modèle qui a fait le succès de France-Soir va aussi le condamner. "A l'époque, les revenus de la presse écrite reposent sur la vente en kiosque. A cause de la baisse des ventes, l'argent ne rentre plus, et faire de grands reportages, avec Albert Camus ou Jean-Paul Sartre, ça coûte cher", analyse Adrien-Guillaume Padovan, journaliste et auteur d'un mémoire (PDF) sur le quotidien. Autre écueil selon le journaliste : le manque d'identité éditoriale de la publication. "Axer sa ligne sur les faits divers ne crée pas un attachement des lecteurs au journal", estime-t-il.
A partir de la fin des années 1960, le journal amorce une lente perte d'influence, sous l'effet cumulé de la concurrence de la télévision, de la radio, puis plus tard, comme nombre d'autres journaux, d'internet. "La télévision a la capacité de toucher les gens, et l'accélération de l'information qu'elle permet condamne le modèle de Lazareff, basé sur l'instantanéité", explique Alexis Lévrier. Visionnaire jusqu'au bout, Pierre Lazareff lance en 1959 l'émission pionnière des magazines d'information, Cinq colonnes à la une. "Il s'investit là-dedans en pensant que ça va sauver son journal, avance Adrien-Guillaume Padovan. Il crée en fait France-Soir pour la télévision."
L'innovant patron de presse meurt en 1972, et avec son décès, émergent des problèmes de gestion interne. "France-Soir, c'était Pierre Lazareff. Et Pierre Lazareff, c'était France-Soir. C'est lui qui avait les idées et les impulsions. A partir du moment où la direction du journal meurt, c'est la fin", juge le journaliste. A cette époque, les tirages se maintiennent encore à environ 600 000 exemplaires quotidiens.
Rachats, plans sociaux et déboires financiers
Des employés et journalistes de "France-Soir" manifestent à l'appel des syndicats, le 10 novembre 2011 à Paris. (JACQUES DEMARTHON / AFP)
Robert Hersant rachète France-Soir en 1976. Le magnat de la presse vient déjà de s'offrir Le Figaro. Sa soif de conquête lui vaut le surnom de "Papivore", dévoreur de papier, comme le retrace France Inter. Il met en place un plan social et revend le siège historique, rue Réaumur, en plein cœur de Paris. Le quotidien est finalement cédé en 1999, trois ans après la mort de l'homme d'affaires, qui "n'a pas réussi à moderniser" le titre, selon Alexis Lévrier.
En parallèle, son concurrent, Le Parisien (créé en 1944), et son édition nationale, Aujourd'hui en France (1994), s'imposent sur le marché, se positionnant eux aussi sur le créneau "populaire". "Le quotidien est plus adapté que France-Soir, il propose des thèmes de la vie quotidienne comme le tiercé ou le sport", analyse l'historien. "Les chaînes d'information en continu lui ont ensuite porté le coup de grâce", ajoute-t-il.
Alexandre Pougatchev, fils d'un oligarque russe proche du Kremlin, rachète le titre en 2009. Entre Robert Hersant et lui, pas moins de huit présidents se sont succédé en dix ans. Les tentatives pour transformer le journal en tabloïd font un flop et font fuir une grande partie des journalistes. Le journal ne tire plus qu'à un peu plus de 20 000 exemplaires par jour. Le plan de relance du jeune milliardaire comprend une nouvelle maquette, de nouvelles signatures, un fort budget publicitaire et la baisse du prix de vente. Rien n'y fait : deux ans plus tard, France-Soir disparaît des kiosques, remplacé par une édition numérique gratuite, sur fond de forte contestation. Sur 127 emplois, 89 sont supprimés. France-Soir est placé en liquidation judiciaire en 2012
Racheté par un nouveau propriétaire, la société Cards Off SA, le titre de presse devient un temps un magazine sur tablette en 2013, mêlant information et vente en ligne. Trois ans plus tard, son président, Xavier Azalbert, devient directeur de publication du site. Les quatre seuls journalistes de la rédaction se mettent en grève en 2019, dénonçant de fortes dégradations des conditions de travail et redoutant le mélange des genres entre journalisme et communication. Ils sont licenciés pour motif économique, tandis que le site continue de produire du contenu.
Pendant la pandémie, le site de France-Soir prend un nouveau tournant, se faisant écho de la désinformation et de théories complotistes sur le Covid-19. Xavier Azalbert intervient même dans le documentaire conspirationniste Hold-up, ou encore lors d'une conférence pseudo-scientifique en 2023. "Les pires adversaires de la presse se nourrissent de l'héritage de la presse. Xavier Azalbert profite de l'image de marque de France-Soir pour mieux la trahir. C'est aussi ce que fait Vincent Bolloré avec le JDD", analyse Alexis Lévrier. En 2021, le chanteur Francis Lalanne choisit France-Soir pour publier une tribune appelant l'armée à "mettre l'Etat hors d'état de nuire" et à "destituer" Emmanuel Macron. Une enquête est alors ouverte. Préoccupée, la ministre de la Culture de l'époque, Roselyne Bachelot, demande un réexamen du statut du média en ligne, qui perd une première fois son agrément fin 2022, avant de le récupérer début 2023.
Aujourd'hui, cet agrément est de nouveau menacé, et avec lui, un taux réduit de TVA et des aides financières. "Ils vont peut-être compenser cette perte par une ligne encore plus complotiste pour satisfaire leurs donateurs, anticipe Alexis Lévrier. Ceux qui vont payer sont les plus radicalisés, hostiles à la démocratie, favorables à la Russie." France-Soir s'est déjà vu priver du service de publicités de Google, après la diffusion d'un reportage de "Complément d'enquête" en 2021. Mais la désinformation est une manne financière : selon L'Express, le site a récolté plus de 500 000 euros de dons défiscalisables entre 2020 et 2021. "La triste histoire de France-Soir raconte la chute progressive de la presse papier en France, que l'on constate tous les jours, en version plus accélérée", résume l'historien.